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CASS. CIV. 2e, 12 octobre 2023

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 12 octobre 2023
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 22-13759
Décision : 23-1000
Date : 12/10/2023
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 1000
Référence bibliographique : 7289 (droit commun, cause, assurance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10497

CASS. CIV. 2e, 12 octobre 2023 : pourvoi n° 22-13759 ; arrêt n° 1000 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 113-1 du code des assurances : 7. Selon le premier de ces textes, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. 8. Il résulte du second que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

9. Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (Civ. 2e, 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés ; Civ. 2e, 19 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.516, publié au Bulletin).

10. Il en résulte que la validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : K 22-13.759. Arrêt n° 1000 FS-B.

DEMANDEUR à la cassation : Société Axa France IARD

DÉFENDEUR à la cassation : Société Le Chavot

Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président). Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-13.759 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Le Chavot, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Chavot, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 26 janvier 2022) et les productions, la société Le Chavot, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 16 juillet 2016 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnel » incluant une garantie « protection financière ».

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, et à la suite encore du décret du 29 octobre 2020, édictant cette même interdiction du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, la société Le Chavot a effectué une déclaration de sinistre, au titre de ces deux périodes de fermeture, auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Le Chavot a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches :

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite et inopposable à la société Le Chavot la clause d'exclusion de garantie et de le condamner à payer à cette dernière la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité définitive qui sera évaluée par un expert, alors « qu'en déclarant la clause d'exclusion litigieuse non écrite et inopposable à l'assuré sur le fondement de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 113-1 du code des assurances :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. Selon le premier de ces textes, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

8. Il résulte du second que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

9. Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (Civ. 2e, 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés ; Civ. 2e, 19 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.516, publié au Bulletin).

10. Il en résulte que la validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

11. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie et condamner l'assureur à payer une provision, l'arrêt retient, d'abord, que cette clause est formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, et qu'elle ne peut être réputée non écrite ou inopposable à ce titre.

12. Il énonce, ensuite, qu'il se déduit de l'article 1131 du code civil, qu'est réputée non écrite la clause limitative de réparation, ou de garantie, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.

13. L'arrêt retient enfin, d'une part, que l'obligation essentielle contractée par l'assuré était une garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, d'autre part, que la clause litigieuse, en réduisant la garantie au cas infinitésimal d'une fermeture administrative pour épidémie imposée au seul assuré pour tout le département, la vide de sa substance.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

14. En statuant ainsi, après avoir jugé que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, le premier texte susvisé.

 

Portée et conséquences de la cassation :

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt réputant non écrite la clause d'exclusion de garantie et la déclarant inopposable à la société Le Chavot entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Condamne la société Le Chavot aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois.