CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PAU (2e ch. sect. 1), 21 septembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA PAU (2e ch. sect. 1), 21 septembre 2023
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 22/00928
Décision : 23/3067
Date : 21/09/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/04/2022
Numéro de la décision : 3067
Référence bibliographique : 6390 (obligation essentielle, assurance exploitation), 6151 (1171 C. civ., application dans le temps)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10501

CA PAU (2e ch. sect. 1), 21 septembre 2023 : RG n° 22/00928 ; arrêt n° 23/3067 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le contrat d'assurance souscrit le 22 avril 2014, qui garantit l'activité de restaurant exploité par la société Selt, a fait l'objet de reconductions tacites annuelles qui ont successivement donné naissance à un nouveau contrat dont les effets sont régis par la loi en vigueur à la date de chaque reconduction. »

2/ « Cela posé, il résulte de ces termes clairs et univoques du contrat d'assurance liant les parties que la garantie perte d'exploitation litigieuse a pour objet d'assurer le risque de fermeture administrative en cas de survenance de certains événements propres aux aléas inhérents à l'activité de l'établissement assuré, en l'espèce l'exploitation d'un restaurant.

Et, parce qu'ils ne sont pas propres aux aléas de l'activité assurée, la clause précise expressément que le suicide et l'assassinat doivent se produire dans l'établissement assuré, de sorte que, dans tous les cas, la clause postule l'existence d'un lien de causalité entre l'activité assurée et la survenance de l'événement en considération duquel l'établissement a fait l'objet de la fermeture administrative.

Ainsi, en cas de maladies et infections contagieuses, le risque est réalisé lorsque la fermeture administrative est motivée par la survenance de maladies ou infections contagieuses en relation avec l'activité de l'établissement assuré.

Dès lors, les mesures administratives de lutte contre la propagation du virus covid-19, générales et impersonnelles, édictant une interdiction de recevoir du public frappant indistinctement les établissements réputés non essentiels à la Nation, et non à raison d'un lien de causalité entre leur activité et le virus covid-19, ne peuvent être regardées comme la réalisation du risque de fermeture administrative assuré par le contrat souscrit par la société Selt.

Par conséquent, ce seul motif suffit à infirmer le jugement entrepris et à débouter la société Selt de sa demande d'indemnisation. »

3/ « Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances que les clauses d'exclusion qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. Et, une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

En l'espèce, la garantie souscrite couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie ou pandémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'un assassinat ou suicide dans l'établissement, de maladies, infections contagieuses, intoxications alimentaires, présence d'animaux ou insectes nuisibles et insuffisance sanitaire, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Et, contrairement à ce que soutient l'intimée, la clause d'exclusion en cas de fermeture administrative prise en raison de risques de contamination d'épidémie ou de pandémie, notions médicales répondant à des définitions précises visant la propagation d'une maladie infectieuse à une population d'un territoire, et ne laissant place à aucune interprétation au regard de l'infection au covid-19 dont le caractère pandémique a fait l'objet d'un consensus international, laisse intacte la couverture du risque de fermeture de l'établissement en cas de survenance d'infections contagieuses nées de l'activité de l'établissement assuré ne présentant pas le caractère d'une pandémie ou d'une épidémie. Par conséquent, la clause d'exclusion litigieuse ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, non plus à celles de l'article 1170 du code civil.

Et, la proposition d'avenant prévoyant une nouvelle rédaction de la clause d'exclusion, n'a aucune incidence sur l'appréciation juridique du litige, l'assureur étant en droit de faire évoluer sa politique et sa pratique de souscription et d'acceptation du risque. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00928. Arrêt n° 23/3067. N° Portalis DBVV-V-B7G-IFKZ. Nature affaire : Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages

ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 12 juin 2023, devant : Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, Madame Joëlle GUIROY, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

 

APPELANTE :

Société AXERIA IARD

société anonyme à conseil d'administration, immatriculée au RCS de Lyon sous le n° XXX, prise en la personne de ses représentants légaux, [Adresse 2], Localité 3], Représentée par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU, Assistée de Maître Matthieu PATRIMONIO (SCP RAFFIN & Associés), inscrite au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SARL SELT

immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU, Assistée de la SELAS MAIR BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE

 

sur appel de la décision en date du 14 FEVRIER 2022 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES :

La société à responsabilité limitée Selt exploite un fonds de commerce de bar, brasserie, café, restaurant à [Localité 4].

Par contrat en date du 22 avril 2014, elle a souscrit auprès de la société Axeria iard une assurance multirisque professionnelle, dénommée « Flexipro », reconductible annuellement, garantissant notamment les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture de l'établissement assuré sur décision administrative en cas de maladies, infections contagieuses.

Suivant exploit du 16 mars 2021, la société Selt a fait assigner la société Axeria iard par devant le tribunal de commerce de Tarbes en indemnisation, sur le fondement de la garantie précitée, de ses pertes d'exploitation consécutives aux mesures réglementaires de lutte contre la propagation du Covid-19 qui, selon la requérante, l'ont contrainte à fermer son établissement.

Par jugement du 14 février 2022, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

- prononcé la nullité de la clause d'exclusion de sa garantie de perte d'exploitation en cas d'épidémie prévue au contrat Flexipro [souscrit par la société Selt]

- ordonné l'application de la garantie perte d'exploitation prévue au contrat Flexipro [souscrit par la société Selt]

- condamné la société Axeria iard à payer à la société Selt la somme de 40.000 euros à titre de provision sur la perte d'exploitation sur la période de fermeture administrative depuis le 16 mars 2020

- avant dire droit, ordonné une expertise confiée à M. H., avec pour mission d'évaluer les pertes d'exploitation durant la période de garantie contractuelle selon les conditions et limites du contrat en tenant compte de contexte Covid

- condamné la société Axeria iard à payer à la société Selt la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties de leurs autres demandes

- réservé les dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 1er avril 2022, la société Axeria iard a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 mai 2023.

* * *

Vu les dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023 par la société Axeria iard qui a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- débouter la société Selt de ses demandes

- condamner la société Selt à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- à titre infiniment subsidiaire, si la garantie est mobilisable, débouter la société Selt de sa demande de provision.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023 par la société Selt qui a demandé à la cour, au visa des articles L. 113-1 du code des assurances, 1110 et suivants, 1162 et suivants, 1170 et 1171 du code civil, ensemble les articles 1190 et 1191, de :

- confirmer le jugement entrepris

- subsidiairement, juger que la société Axeria iard doit sa garantie à raison de son manquement manifeste à l'obligation d'information et de conseil et l'y condamner

- condamner la société Axeria iard à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation de sa perte d'exploitation à hauteur de 40.000 euros

- ordonner une mesure d'expertise confiée à un expert chargé de calculer la perte d'exploitation subie par la société Selt

- débouter la société Axeria iard de ses demandes

- ajoutant au jugement entrepris, condamner la société Axeria iard à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Observations liminaires

Le contrat d'assurance souscrit le 22 avril 2014, qui garantit l'activité de restaurant exploité par la société Selt, a fait l'objet de reconductions tacites annuelles qui ont successivement donné naissance à un nouveau contrat dont les effets sont régis par la loi en vigueur à la date de chaque reconduction.

Cet établissement relève de la catégorie « N » visant les restaurants et les débits de boisson qui ont fait l'objet de l'interdiction de recevoir du public à compter du 15 mars 2020 jusqu'au 15 avril 2020, résultant de l'arrêté du 14 mars 2020 du ministère des solidarités et de la santé et des solidarités, interdiction prorogée jusqu'au 2 juin 2020 en application des décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020, n° 2020-477 du 25 avril 2020 et n° 2020-548 du 11 mai 2020.

Outre ces mesures administratives, la société Selt vise également le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 relatif aux mesures générales pour faire face à la recrudescence de l'épidémie dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ayant entraîné une limitation de l'accueil du public dans les restaurants et les débits de boissons.

Selon la société Selt, ces mesures administratives, mais aussi celles ayant limité les déplacements des populations sur le territoire national, qui ont conduit à l'annulation des pèlerinages lourdais, l'ont contrainte à fermer son établissement, lui causant des pertes d'exploitation devant être prises en charge par l'assureur au titre de la garantie souscrite.

 

Sur les conditions de la garantie perte d'exploitation :

Aux termes de ses conditions générales et de ses conditions particulières, le contrat d'assurance souscrit par la société Selt garantit la fermeture de l'établissement sur décision administrative dans les seuls cas suivants :

- assassinat ou suicide dans l'établissement

- maladies, infections contagieuses

- intoxications alimentaires

- présence d'animaux ou insectes nuisibles

- insuffisance sanitaire

L'appelante fait grief au jugement d'avoir jugé que les conditions de la garantie étaient réunies en présence de mesures administratives qui ont fait disparaître la clientèle lourdaise essentiellement composée de pèlerins et, de ce fait, contraint la société Selt à fermer son établissement alors que :

- aucune des mesures administratives visées par la société Selt n'a ordonné la fermeture des établissements exploitant un restaurant mais seulement une interdiction de recevoir du public, les exploitants et le personnel pouvant toujours accéder à l'établissement pour y travailler et exercer l'activité de vente à emporter qui était autorisée

- la décision de fermeture de l'établissement est donc un choix de gestion de la société Selt et non une prescription d'une autorité administrative au sens de la clause garantissant les pertes d'exploitation pour fermeture sur décision administrative, laquelle a été dénaturée par les premiers juges qui ont privilégié une analyse économique étrangère à la clause

- le contrat garantit exclusivement une fermeture imposée de façon individuelle à l'établissement assuré et non l'hypothèse de fermetures collectives, de sorte que la fermeture doit être spécifique à l'établissement assuré et, en outre, la fermeture doit être totale, ces deux conditions n'étant pas réunies en l'espèce

- la garantie ne joue donc que lorsque l'établissement a fait l'objet d'une mesure individuelle de fermeture pour l'une des causes expressément visées par la police qui l'affectent personnellement à l'exclusion des mesures gouvernementales généralisées se traduisant par une fermeture collective constitutive d'un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé.

En réplique, l'intimée fait valoir que :

- les clauses claires de la clause rendent la garantie applicable à toute décision administrative qui a conduit à la fermeture, totale ou partielle, individuelle ou collective, de l'établissement dès lors que la réception du public était interdite par une décision administrative et que le public ne pouvait plus voyager à [Localité 4] en raison de restrictions nationales et internationales résultant de décisions administratives

- la relation de cause à effet entre la décision administrative et la fermeture de l'établissement est évident dans la jurisprudence comme dans l'esprit du gouvernement puisque le préambule de l'arrêté du 14 mars 2020 dispose « considérant que l'observation des règles de distanciation sociale étant particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public, il y a lieu de fermer ceux qui ne sont pas indispensables à la vie de la Nation [...] ; il en va de même des commerces à l'exception de ceux présentant un caractère indispensable »

- l'intimée déduit de ce qui précède que c'est cette relation de cause à effet qui est visée au contrat avec les termes « la fermeture de l'établissement sur décision administrative »

- par ailleurs, l'activité de vente à emporter n'était pas exploitable puisque cette activité n'avait jamais été exercée, qu'elle n'était pas prévue au bail et qu'elle est étrangère à toute son organisation économique et sociale

Cela posé, il résulte de ces termes clairs et univoques du contrat d'assurance liant les parties que la garantie perte d'exploitation litigieuse a pour objet d'assurer le risque de fermeture administrative en cas de survenance de certains événements propres aux aléas inhérents à l'activité de l'établissement assuré, en l'espèce l'exploitation d'un restaurant.

Et, parce qu'ils ne sont pas propres aux aléas de l'activité assurée, la clause précise expressément que le suicide et l'assassinat doivent se produire dans l'établissement assuré, de sorte que, dans tous les cas, la clause postule l'existence d'un lien de causalité entre l'activité assurée et la survenance de l'événement en considération duquel l'établissement a fait l'objet de la fermeture administrative.

Ainsi, en cas de maladies et infections contagieuses, le risque est réalisé lorsque la fermeture administrative est motivée par la survenance de maladies ou infections contagieuses en relation avec l'activité de l'établissement assuré.

Dès lors, les mesures administratives de lutte contre la propagation du virus covid-19, générales et impersonnelles, édictant une interdiction de recevoir du public frappant indistinctement les établissements réputés non essentiels à la Nation, et non à raison d'un lien de causalité entre leur activité et le virus covid-19, ne peuvent être regardées comme la réalisation du risque de fermeture administrative assuré par le contrat souscrit par la société Selt.

Par conséquent, ce seul motif suffit à infirmer le jugement entrepris et à débouter la société Selt de sa demande d'indemnisation.

 

Sur la clause d'exclusion de garantie :

Le contrat d'assurance stipule expressément, en caractères gras et apparents, que ne sont pas garanties les pertes d'exploitation résultant d'une mesure administrative ou judiciaire prise en raison de risques de contamination d'épidémie ou de pandémie.

L'appelante fait également grief au jugement d'avoir annulé la clause au motif que ses termes étaient imprécis, ne permettant pas à la société Selt de comprendre que la garantie ne jouerait pas en cas d'épidémie sur la fermeture touchant plusieurs établissements alors que la clause est claire, dénuée d'équivoque, l'épidémie s'entendant comme « le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse dans une population » (Larousse) ou comme « la brusque augmentation du nombre de cas d'une maladie normalement enregistrée dans une communauté, dans une zone géographique ou pendant une saison donnée (OMS), tandis que la pandémie est définie comme une « épidémie étendue à toute la population d'un continent, voire au monde entier » (Larousse).

Selon l'intimée, la clause d'exclusion litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances qui exige que la clause d'exclusion doit se référer à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées exclusives de toute interprétation de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, rappelant que, dans le doute, la convention doit être interprétée en faveur de l'assuré, en application des articles 1190 et 1191 du code civil, tandis que la clause qui vide l'obligation essentielle du débiteur de sa substance ou celle qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, en application de l'article 1170 du code civil, en ce que :

- le contrat ne définit pas les notions de contamination, épidémie, pandémie, maladie ou infection contagieuse

- la clause d'exclusion vide de son contenu la garantie accordée et revient à ne jamais garantir le risque « infection contagieuse » puisque celle-ci ne peut, par définition, être circonscrite aux limites de l'établissement assuré

- l'assureur a reconnu que la clause litigieuse n'était pas conforme aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances puisqu'elle a proposé une modification du contrat par voie d'avenant insérant une nouvelle rédaction de la clause d'exclusion.

[*]

Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances que les clauses d'exclusion qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Et, une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

En l'espèce, la garantie souscrite couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie ou pandémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'un assassinat ou suicide dans l'établissement, de maladies, infections contagieuses, intoxications alimentaires, présence d'animaux ou insectes nuisibles et insuffisance sanitaire, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Et, contrairement à ce que soutient l'intimée, la clause d'exclusion en cas de fermeture administrative prise en raison de risques de contamination d'épidémie ou de pandémie, notions médicales répondant à des définitions précises visant la propagation d'une maladie infectieuse à une population d'un territoire, et ne laissant place à aucune interprétation au regard de l'infection au covid-19 dont le caractère pandémique a fait l'objet d'un consensus international, laisse intacte la couverture du risque de fermeture de l'établissement en cas de survenance d'infections contagieuses nées de l'activité de l'établissement assuré ne présentant pas le caractère d'une pandémie ou d'une épidémie.

Par conséquent, la clause d'exclusion litigieuse ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, non plus à celles de l'article 1170 du code civil.

Et, la proposition d'avenant prévoyant une nouvelle rédaction de la clause d'exclusion, n'a aucune incidence sur l'appréciation juridique du litige, l'assureur étant en droit de faire évoluer sa politique et sa pratique de souscription et d'acceptation du risque.

Il s'ensuit que le jugement doit également être infirmé en ce qu'il a annulé la clause d'exclusion litigieuse.

Et, outre l'absence de réunions des conditions d'application de la garantie pertes d'exploitation, il résulte de la clause d'exclusion invoquée par l'assureur que les mesures administratives prises pour lutter contre la propagation du Covid-19, sont exclues de la garantie, ce qui constitue un second moyen de rejet de la demande d'indemnisation formée par la société Selt.

 

Sur la responsabilité contractuelle de l'assureur :

La société Selt fait valoir que l'assureur est débiteur à l'égard de l'assuré d'une obligation générale d'information et de conseil qui doit le conduire à éclairer l'assuré sur les termes de la garantie proposée et à s'assurer de la conformité du contrat proposé au risque à couvrir.

L'intimée en déduit que, « le défaut de conseil de la société Axeria iard du fait de l'interprétation des clauses du contrat » engage sa responsabilité contractuelle à hauteur du dommage.

Mais, d'une part, le moyen manque en fait dès lors qu'il a été jugé que le contrat ne nécessitait pas d'interprétation.

D'autre part, en l'espèce, le contrat a été souscrit par l'intermédiaire d'un courtier, lequel est tenu à l'égard de son mandant d'une obligation d'information et de conseil et doit être à cet égard pour son interlocuteur un guide sûr et un conseiller expérimenté, ainsi que cela résulte de l'article L. 511-1, I, II, III, du code des assurances.

La mesure de ce devoir doit conduire son débiteur à conseiller des garanties adéquates à la situation personnelle et aux besoins de l'assuré, et à attirer ainsi son attention sur des absences, limitations ou exclusions de garantie de la police au regard des informations qui ont été communiquées par ce dernier dans le cadre de l'opération d'assurance envisagée et des objectifs poursuivis.

La société Selt n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de l'assureur pour défaut de conseil sur l'adéquation des garanties souscrites à la situation de l'assurée.

La demande d'indemnisation de ce chef de préjudice sera donc rejetée.

La société Selt sera condamnée aux dépens et à payer à la société Axeria iard une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Selt de sa demande d'annulation de la clause d'exclusion de la garantie pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative ou judiciaire à raison de risques de contamination d'épidémie ou de pandémie,

DÉBOUTE la société Selt de sa demande d'indemnisation de ses pertes d'exploitation fondée sur la garantie pertes d'exploitation du contrat d'assurance liant les parties,

DÉBOUTE la société Selt de sa demande d'indemnisation de son préjudice fondée sur la responsabilité contractuelle de la société Axeria iard,

CONDAMNE la société Selt aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société Selt à payer à la société Axeria iard une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière,                                     Le Président,