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CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 2 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 2 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 1 ch. 10
Demande : 23/08170
Décision : 23/572
Date : 2/11/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/05/2023
Numéro de la décision : 572
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10507

CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 2 novembre 2023 : RG n° 23/08170 ; arrêt n° 572 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il est constant que les indemnités de résiliation contestées constituent des clauses pénales, lesquelles peuvent être réduites par le juge si elles sont manifestement excessives en application de l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil.

Une clause abusive est celle qui, dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les indemnités de résiliation, d'un montant de 31.619,72 euros et 1.279,76 euros en l'espèce, correspondent à 7 % du montant des sommes dues en capital et intérêts échus, conformément aux dispositions du code de la consommation. Elles ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux contrats puisqu'elles ne sont dues qu'en cas de défaillance des emprunteurs, sont proportionnées au montant des sommes dues et sont conformes à la loi.

Par ailleurs, la clause pénale vise à indemniser le créancier du préjudice qu'il subit du fait de la défaillance de son débiteur.

S'agissant du premier prêt de 600.000 euros, contrairement à ce que Mme Y. soutient, il ne s'agit pas d'indemniser seulement la période entre le moment où le paiement aurait dû intervenir (quinze jours après la déchéance du terme ou huit jours après le commandement de payer) et celui où il va intervenir (deux mois après l'adjudication). Sur cette période, le préjudice de la banque est effectivement indemnisé par les intérêts de retard. Comme l'a très justement relevé le premier juge, ce contrat de crédit, d'une durée de vingt ans, a cessé d'être remboursé au bout de huit ans. L'indemnité tend donc à compenser en partie les intérêts contractuels que la banque ne percevra pas pendant la durée contractuelle du prêt restant, soit pendant environ 12 ans. Or le taux d'intérêt étant assez faible (2,95 % l'an), les intérêts de retard, courant entre la déchéance du terme et le paiement intervenant après la vente du bien, ne suffiront pas à indemniser le créancier de la défaillance des emprunteurs, contrairement à ce que soutient Mme Y.

En outre, les débiteurs n'expliquent pas en quoi l'indemnité (1.279,76 euros) du second prêt, dont le taux intérêt de 2,05 % l'an, serait manifestement excessive.

C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a rejeté la demande de réduction des indemnités de résiliation. Le jugement sera confirmé sur le montant de la créance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 2 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/08170. Arrêt n° 572 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSA5. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 avril 2023 - Juge de l'exécution de CRETEIL RG n° 22/00067.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

[Adresse 2], [Localité 8], Représentée par Maître Grégoire AZZARO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0865

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

[Adresse 1], [Localité 8], Représenté par Maître Stéphane BROQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0023, Plaidant par Maître Jérôme BOURSICAN de l'AARPI CABINET BOURSICAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R181

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE

[Adresse 4], [Localité 7], Représentée par Maître Olivier BOHBOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 342

SA CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 5], [Localité 6], Représentée par Maître Florence CHOPIN de la SCP LANGLAIS CHOPIN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 189

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte Pruvost, président et Madame Catherine Lefort, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Bénédicte Pruvost, président, Madame Catherine Lefort, conseiller, Monsieur Raphaël Trarieux, conseiller.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Catherine LEFORT, conseillière, pour le président empéché et par Mme Isabelle-Fleur SODIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 5 février 2022, publié le 1er mars 2022 au service de la publicité foncière de [Localité 9] 2, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie (ci-après la CRCAM) a entrepris la saisie d'une maison appartenant en indivision à M. Y. et Mme X. épouse Y., située [Adresse 3] et [Adresse 2] à [Localité 8] (94), et ce en vertu de deux actes notariés de prêt du 12 décembre 2013 et du 18 décembre 2014.

Par actes d'huissier en date du 5 février 2022, la CRCAM a fait assigner M. et Mme Y. à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil. Le CIC, créancier inscrit, a également été assigné.

Par jugement d'orientation en date du 20 avril 2023, le juge de l'exécution a :

- débouté M. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes,

- ordonné la vente forcée des biens visés au commandement,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur le montant de la mise à prix,

- fixé la créance de la CRCAM à la somme de 517.373,54 euros arrêtée au 14 novembre 2022,

- fixé le lieu et la date de l'audience d'adjudication,

- autorisé et organisé les visites des biens et aménagé la publicité,

- condamné Mme X. épouse Y. à payer à la CRCAM la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront compris dans les frais soumis à taxe.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré notamment que :

- M. et Mme Y., mariés sous le régime de séparation de biens et co-indivisaires du bien immobilier saisi, s'étaient engagés solidairement à l'égard de la CRCAM, de sorte qu'en application de la jurisprudence, au visa des articles 815-17, 1200 ancien, 2092 et 2093 [du code civil], la banque n'était pas tenue de provoquer le partage du bien indivis saisi ;

- s'agissant d'une dette solidaire engageant les deux époux et M. Y. n'ayant pas été déclaré en situation de surendettement, la procédure de saisie immobilière ne pouvait être suspendue à son égard, de sorte que Mme Y. devait être déboutée de sa demande de suspension de la procédure du fait de sa situation de surendettement ;

- la clause d'indemnité contractuelle de résiliation ne pouvait être qualifiée de clause abusive puisqu'elle était instituée par la loi ; le montant de 31.619,72 euros n'était pas manifestement excessif compte tenu de la défaillance des débiteurs dans la huitième année du contrat de prêt qui devait s'exécuter sur vingt ans et neuf mois et de l'importance des sommes dues ; Mme X. ne démontrait pas en quoi l'indemnité de résiliation de 1.279,76 euros pour le second prêt serait manifestement excessive ;

- les débiteurs ne justifiaient d'aucune démarche de mise en vente de l'immeuble, et la seule production par Mme Y. d'une estimation du bien du 30 juillet 2022, alors que le divorce était très conflictuel, ne lui permettait pas de s'assurer que la vente amiable pourrait être conclue dans des conditions satisfaisantes.

Mme X. épouse Y. a fait appel de cette décision par déclaration du 10 mai 2023, puis a, par actes de commissaire de justice des 30 et 31 mai 2023, déposés au greffe par le Rpva le 2 juin 2023, fait assigner à jour fixe la CRCAM, le CIC et M. Y. devant la cour d'appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance du 25 mai 2023.

[*]

Par conclusions du 30 septembre 2023, Mme X. épouse Y. demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement d'orientation,

Statuant à nouveau,

A titre principal, au visa de l'article 815-17 du code civil,

- débouter la CRCAM de sa demande de vente forcée,

A titre subsidiaire, au visa de l'article L. 722-2 du code de la consommation,

- ordonner la suspension de la saisie publiée le 1er mars 2022, volume 2022 S n°XX et YY,

- dire que la décision à intervenir sera mentionnée en marge de la saisie,

A titre infiniment subsidiaire, au visa de l'article 1231-5 du code civil,

- fixer à 1 % des sommes dues l'indemnité d'exigibilité anticipée, soit 4.517,10 euros pour le prêt de 600.000 euros et 182,82 euros pour le prêt de 100.000 euros,

- autoriser la vente amiable des biens saisis moyennant le prix plancher de 1.000.000 euros,

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel,

- débouter la CRCAM et le CIC de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir à titre principal que les époux Y. sont mariés sous le régime de séparation de biens et sont donc propriétaires indivis des biens immobiliers saisis ; et qu'en vertu de l'article 815-17 du code civil, seuls peuvent saisir les biens indivis ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, ce qui n'est pas le cas de la CRCAM, qui a financé l'acquisition des biens, et qui aurait donc dû préalablement provoquer le partage, peu important que le prêt concerne les deux époux.

A titre subsidiaire, elle explique que son époux ayant fait appel et refusé d'exécuter l'ordonnance de non-conciliation du 16 janvier 2020 qui mettait à sa charge temporairement le remboursement des crédits, elle a dû saisir la commission de surendettement, qui a déclaré son dossier recevable le 19 juillet 2022 ; que sa bonne foi a été reconnue par le juge des contentieux de la protection qui a débouté la CRCAM de sa contestation par jugement du 20 janvier 2023 ; qu'autoriser ce dernier à poursuivre la vente forcée du logement familial reviendrait à anéantir les dispositions protectrices de la procédure de surendettement.

Plus subsidiairement, elle sollicite la modération de la clause pénale en application de l'article 1231-5 du code civil et l'autorisation de vendre les biens saisis à l'amiable puisqu'elle produit une offre d'achat à hauteur de 1.850.000 euros et que la vente par adjudication serait particulièrement violente pour sa fille mineure et elle.

[*]

Par conclusions du 7 septembre 2023, la CRCAM Brie Picardie demande à la cour de :

- débouter Mme X. épouse Y. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Mme X. épouse Y. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Elle soutient que les époux Y. étant co-indivisaires et co-débiteurs solidaires, elle n'était pas tenue de provoquer le partage des biens indivis saisis.

Elle ajoute qu'il résulte de la jurisprudence et des articles 815-17, 1200 ancien, 2092 et 2093 du code civil que dès lors qu'elle est créancière de l'indivision, la situation de surendettement de l'un des co-indivisaires, codébiteur solidaire, ne fait pas obstacle à la poursuite de la saisie immobilière.

Elle fait valoir en outre que l'indemnité forfaitaire de recouvrement est parfaitement adaptée et proportionnée, compte tenu du déséquilibre de l'opération financière causé par la défaillance des emprunteurs dès la huitième année, et conforme aux dispositions du code de la consommation, et que l'appelante n'explique pas en quoi elle serait manifestement excessive, ce qui ne se caractérise pas par la bonne foi ni la situation personnelle de la débitrice ni les moyens financiers du créancier.

Elle s'oppose à la vente amiable en ce que l'appelante est de mauvaise foi et querelleuse, que les débiteurs n'ont justifié d'aucune démarche de mise en vente du bien alors que le divorce est très conflictuel, ce qui ne permet pas au juge de s'assurer que la vente aura lieu dans des conditions satisfaisantes.

[*]

Par conclusions du 29 septembre 2023, la SA Banque CIC demande de à la cour de :

- déclarer Mme X. épouse Y. mal fondée en son appel et la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Mme X. épouse Y. à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle indique avoir déclaré sa créance pour la somme de 59.124,65 euros.

Elle approuve la motivation du jugement sur l'indivision et soutient que M. et Mme Y. s'étant engagés solidairement, le créancier poursuivant n'était pas tenu de provoquer le partage du bien indivis.

Elle fait valoir également que s'agissant d'une dette solidaire, la procédure de saisie immobilière ne peut être suspendue à l'égard de M. Y. qui n'est pas en situation de surendettement.

Enfin, elle s'oppose à la vente amiable, faute pour l'appelante de justifier de démarches sérieuses.

[*]

Par conclusions du 2 octobre 2023, M. Y. demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la CRCAM à la somme de 517.373,54 euros arrêtée au 14 novembre 2022,

Statuant à nouveau,

- fixer la créance de la CRCAM à la somme de 517.373,54 euros arrêtée au 14 novembre 2022, diminuée de l'indemnité de résiliation fixée à 1 euro symbolique pour chacun des prêts, en raison de son caractère abusif et excessif,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner Mme X. à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il expose qu'il a toujours voulu vendre le bien, ayant même tenté, en vain, d'obtenir l'autorisation judiciaire de le vendre sur le fondement de l'article 217 du code civil, que les époux sont dans une situation extrêmement conflictuelle empêchant toute possibilité de vente amiable qui impliquerait qu'ils se mettent d'accord sur le prix et les modalités, ce qui n'est pas le cas, et que depuis le jugement ordonnant à juste titre la vente forcée, la situation ne cesse de s'envenimer.

Il estime que l'indemnité de résiliation doit être qualifiée de clause abusive puisqu'elle expose l'emprunteur à une aggravation des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l'économie du contrat qui désavantage l'emprunteur de manière disproportionnée. Il ajoute que l'indemnité de résiliation est manifestement excessive et doit être réduite.

Il approuve la motivation du jugement sur les autres points. Il soutient que le créancier n'était pas tenu de provoquer le partage puisqu'ils sont co-indivisaires et codébiteurs solidaires ; que Mme X. a délibérément choisi de ne pas produire devant le premier juge l'offre d'achat dont elle disposait ; qu'elle a déposé un dossier de surendettement uniquement pour faire échec à la procédure de saisie immobilière, en mentant dans ses déclarations à la commission, et cette saisine frauduleuse constitue une tentative d'escroquerie au jugement ; qu'elle est irrecevable à demander la suspension de la procédure de saisie immobilière à raison de son seul surendettement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'indivision et le partage :

L'article 815-17 du code civil dispose :

« Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.

Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis. »

En outre, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il résulte des articles 815-17, 1200 ancien, 2092 (devenu 2284) et 2093 (devenu 2285) du code civil que si le créancier a tous les coïndivisaires comme codébiteurs solidaires, il n'est pas tenu de provoquer le partage du bien indivis sur lequel s'exerce la poursuite, de sorte que la banque, qui a financé l'acquisition du bien, est fondée à poursuivre la saisie immobilière (Cass. civ. 1ère 6 novembre 2001, n° 98-20.518).

Il est constant que les époux Y. sont mariés sous le régime de la séparation de biens et que le bien immobilier, objet de la présente procédure de saisie immobilière, est un bien acquis par les deux époux en indivision pendant le mariage.

Or il ressort des actes notariés de prêt des 12 décembre 2013 et 18 décembre 2014 que M. et Mme Y. ont contracté ensemble un prêt pour acquérir ce bien et un second pour y faire des travaux, et se sont engagés solidairement à chaque fois.

Dès lors, ils sont à la fois coindivisaires et co-emprunteurs solidaires. Il en résulte que les dispositions de l'article 815-17 alinéas 2 et 3 invoquées par Mme Y. ne sont pas applicables en l'espèce puisque la CRCAM n'est pas créancier d'un seul indivisaire mais créancier des deux, ce qui lui permet de poursuivre les deux co-emprunteurs sur la totalité du bien indivis.

C'est en vain que la débitrice fait valoir que le prêteur, ayant permis l'acquisition du bien et non sa conservation ou sa gestion, ne peut saisir le bien. En effet, au regard de la jurisprudence précitée, chaque indivisaire étant tenu de la totalité de la dette, le créancier n'a pas à diviser ses poursuites et se trouve donc dans la même situation qu'un créancier de l'indivision de l'article 815-17 alinéa 1er du code civil.

C'est donc à bon droit, et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu que la CRCAM n'était pas tenue de provoquer le partage et a rejeté la contestation de Mme Y.

 

Sur la suspension de la procédure :

C'est par des motifs parfaitement exacts que la cour adopte que le premier juge a considéré que la dette dont le recouvrement est poursuivi étant une dette solidaire qui engage les biens acquis par des débiteurs coïndivisaires, la procédure de saisie immobilière ne pouvait pas être suspendue à l'égard de M. Y., qui n'a pas lui-même été déclaré en situation de surendettement.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière.

 

Sur les indemnités de résiliation :

Il est constant que les indemnités de résiliation contestées constituent des clauses pénales, lesquelles peuvent être réduites par le juge si elles sont manifestement excessives en application de l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil.

Une clause abusive est celle qui, dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les indemnités de résiliation, d'un montant de 31.619,72 euros et 1.279,76 euros en l'espèce, correspondent à 7 % du montant des sommes dues en capital et intérêts échus, conformément aux dispositions du code de la consommation. Elles ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux contrats puisqu'elles ne sont dues qu'en cas de défaillance des emprunteurs, sont proportionnées au montant des sommes dues et sont conformes à la loi.

Par ailleurs, la clause pénale vise à indemniser le créancier du préjudice qu'il subit du fait de la défaillance de son débiteur.

S'agissant du premier prêt de 600.000 euros, contrairement à ce que Mme Y. soutient, il ne s'agit pas d'indemniser seulement la période entre le moment où le paiement aurait dû intervenir (quinze jours après la déchéance du terme ou huit jours après le commandement de payer) et celui où il va intervenir (deux mois après l'adjudication). Sur cette période, le préjudice de la banque est effectivement indemnisé par les intérêts de retard. Comme l'a très justement relevé le premier juge, ce contrat de crédit, d'une durée de vingt ans, a cessé d'être remboursé au bout de huit ans. L'indemnité tend donc à compenser en partie les intérêts contractuels que la banque ne percevra pas pendant la durée contractuelle du prêt restant, soit pendant environ 12 ans. Or le taux d'intérêt étant assez faible (2,95 % l'an), les intérêts de retard, courant entre la déchéance du terme et le paiement intervenant après la vente du bien, ne suffiront pas à indemniser le créancier de la défaillance des emprunteurs, contrairement à ce que soutient Mme Y.

En outre, les débiteurs n'expliquent pas en quoi l'indemnité (1.279,76 euros) du second prêt, dont le taux intérêt de 2,05 % l'an, serait manifestement excessive.

C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a rejeté la demande de réduction des indemnités de résiliation. Le jugement sera confirmé sur le montant de la créance.

 

Sur la vente amiable :

Aux termes de l'article R.322-15 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, lorsqu'il autorise la vente amiable, le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

Il est constant que malgré les procédures engagées, ni M. Y. ni son épouse n'ont été autorisés, par le juge aux affaires familiales, à conclure l'un sans l'autre la vente immobilière.

Dès lors, la cour ne peut autoriser Mme Y. à vendre le bien à l'amiable alors qu'elle est la seule à formuler cette demande devant la cour.

Au surplus, elle produit une offre d'achat, à un prix (1.850.000 euros) très supérieur à la valeur du bien (entre 1.500.000 et 1.600.000 euros selon l'estimation par agence immobilière du 30 juillet 2012 qu'elle verse au débat et l'évaluation faite par l'expert immobilier mandaté par le créancier poursuivant le 17 octobre 2022), et dont la durée de validité a expiré le 5 mai 2023, mais elle ne justifie d'aucun mandat de vente (ni prorogation de l'offre), ce qui fait douter de son intention réelle de vendre, sachant qu'elle y était précédemment opposée. Le divorce très conflictuel entre les époux Y., l'absence de communication et les changements de positionnement de l'un et de l'autre quant à la vente du bien apparaissent en tout état de cause faire obstacle à ce que la vente amiable puisse avoir lieu dans des conditions satisfaisantes.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a orienté la procédure en vente forcée.

 

Sur les demandes accessoires :

Au vu de l'issue du litige, il convient de confirmer les dispositions accessoires du jugement.

Succombant en son appel, Mme Y. sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros à chacun des créanciers en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à chaque époux la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d'orientation rendu le 20 avril 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme X. épouse Y. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme X. épouse Y. à payer à la Banque CIC la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. Y. et Mme X. épouse Y. de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme X. épouse Y. aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier,                                        Le président,