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CA LYON (3e ch. A), 9 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 9 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch.
Demande : 20/03238
Date : 9/11/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 24/06/2020
Référence bibliographique : 6152 (articulation 1171 et L. 442-6)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10538

CA LYON (3e ch. A), 9 novembre 2023 : RG n° 20/03238 

Publication : Judilibre

 

Extraits : « Selon l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 ancien du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

En conséquence, l'article 1171 du code civil, interprété à la lumière de ces travaux, s'applique aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en l'espèce).

L'article 442-6, I, 2° (ancien) dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; »

Ce texte s'applique donc dans les relations entre partenaires commerciaux, ce qui est précisément le cas en l'espèce. En effet, le contrat litigieux est un contrat de fabrication de produits cosmétiques conclu entre deux commerçants, qui avait pour vocation à s'appliquer dans la durée, plusieurs commandes ayant d'ailleurs été successivement passées par la société SV Corporation, et qui se trouvait être le support de l'activité de distribution de la société SV Corporation. Dès lors, le déséquilibre significatif invoqué par la société SV Corporation entre dans le champ d'application de l'article L. 442-6, 2° ancien du code de commerce, ce qui l'exclut du champ d'application de l'article 1171 du code civil.

Or, la société SV Corporation indique n'agir que sur le fondement de l'article 1171 du code civil et non sur l'article L. 442-6 ancien du code de commerce qu'elle exclut expressément, la cour d'appel de Lyon n'ayant pas pouvoir de statuer sur ce second fondement.

Il en résulte que la demande de nullité des conditions générales de vente pour déséquilibre significatif est mal fondée et doit donc être rejetée.  »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03238. N° Portalis DBVX-V-B7E-NAGF. Décision du Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE du 21 février 2020 : RG n° 2019009822.

 

APPELANTE :

SASU SV CORPORATION

au capital de XXX euros, immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es-qualité audit siège, [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Marie-Josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768, postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Marc OSSOGO, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SARL LABORATOIRES FP COSMETICS

au capital de XXX euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOURG EN BRESSE sous le numéro YYY, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 1], Représentée par Maître Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, avocat au barreau de LYON, toque : 772

 

Date de clôture de l'instruction : 27 mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 septembre 2023

Date de mise à disposition : 9 novembre 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Aurore JULLIEN, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère - Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Laboratoires FP Cosmetics exerce une activité de fabrication et de distribution de produits cosmétiques. La société SV Corporation est spécialisée dans la vente de produits capillaires.

En 2018, la société SV Corporation s'est rapprochée de la société Laboratoires FP Cosmetics pour la fabrication de plusieurs produits. Le 27 mars 2018, la société SV Corporation a signé un document dénommé « Conditions générales de vente FP Cosmetics / Hairbeautyland » visant à fixer le cadre des relations entre les parties. Plusieurs commandes ont été passées dans ce cadre.

Le 25 juillet 2018, la société SV Corporation a passé une commande n° CP449 auprès de la société Laboratoires FP Cosmetics pour un montant de 67.500 euros HT soit 81.000 euros TTC.

Par e-mail du 23 novembre 2018, la société SV Corporation a annulé sa commande n° CP449.

Par e-mail du 26 novembre 2018, la société Laboratoires FP Cosmetics a pris acte de la rupture des relations contractuelles et, le 21 décembre suivant, a émis une facture d'un montant de 40.500 euros TTC correspondant à la moitié du prix de la commande annulée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mars 2018, la société SV Corporation s'est opposée au paiement de cette somme au motif que la société Laboratoires FP Cosmetics avait accepté sans réserve l'annulation de cette commande.

Par courrier du 11 avril 2018, la société Laboratoires FP Cosmetics a maintenu ses demandes et mis en demeure la société SV Corporation de lui payer la somme de 40.500 euros TTC.

Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, par acte du 10 mai 2019, la société Laboratoires FP Cosmetics a assigné en référé la société SV Corporation, devant le président du tribunal de commerce de Créteil, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 40.500 euros HT et 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal de commerce de Créteil a décliné sa compétence, en raison de contestations sérieuses.

Par acte d'huissier du 29 octobre 2019, la société Laboratoires FP Cosmetics a assigné la société SV Corporation devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse aux fins d'obtenir notamment la somme de 40.500 euros TTC en application des conditions générales de vente.

Par jugement réputé contradictoire du 21 février 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

- écarté des débats les conclusions et pièces de la société SV Corporation en application des dispositions des articles 446-1 et 860-1 du code de procédure civile,

- condamné la société SV Corporation à payer à la société Laboratoires FP Cosmetics les sommes suivantes :

* 40.500 euros TTC au titre de l'article 8 des conditions générales de vente signées entre les parties le 25 juillet 2018,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société SV Corporation aux entiers dépens.

La société SV Corporation a interjeté appel par acte du 24 juin 2020. Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 septembre 2020, cette déclaration d'appel a été déclarée recevable.

Par ordonnance du 7 août 2020, le premier président de la cour d'appel de Lyon a arrêté l'exécution provisoire du jugement attaqué.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 février 2021, fondées sur les articles 16 et 700 du code de procédure civile, l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, les articles L. 441-6 et L. 442-6 anciens du code de commerce, les articles 1171 et 1231-5 du code civil et les articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, la société SV Corporation demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et conclusions et l'y déclarer bien-fondé,

- constater le non-respect du contradictoire par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse,

- constater le caractère illicite des conditions générales de vente,

- constater les manquements de la société Laboratoires FP Cosmetics ainsi que ses préjudices résultant de ces manquements,

- constater à titre subsidiaire le caractère manifestement excessif de la clause pénale prévue à l'article 8 des conditions générales de vente,

en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- juger que les conditions générales de vente sont nulles et de nul effet,

- juger à titre subsidiaire que la clause pénale prévue à l'article 8 des conditions générales est manifestement excessive et la réduire à 0 euro,

- condamner à titre reconventionnel la société Laboratoires FP Cosmetics au paiement de la somme de 25.000 euros au titre des dommages-intérêts,

- condamner la société Laboratoires FP Cosmetics au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 mai 2021, la société Laboratoires FP Cosmetics demande à la cour de, confirmant le jugement déféré,

- condamner la société SV Corporation à lui payer une somme de 40.500 euros TTC,

- condamner la société SV Corporation à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SV Corporation aux entiers dépens de première et d'appel avec droit de recouvrement.

[*]

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2021, les débats étant fixés au 20 septembre 2023.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture a été révoquée afin de permettre la régularisation de la situation de l'appelante. L'affaire a été clôturée de nouveau le 11 septembre suivant, sans nouvelles conclusions des parties.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la violation du principe de la contradiction par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse :

La société SV Corporation demande à la cour de « constater le non-respect du contradictoire par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse ».

Toutefois, elle n'en tire aucune conséquence juridique. En particulier, dans le dispositif de ses conclusions, elle ne sollicite pas l'annulation du jugement.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande de 'constater', laquelle constitue un moyen et non une prétention.

 

Sur le caractère illicite des conditions générales de vente :

La société SV Corporation fait valoir que :

- le contenu peu détaillé des conditions générales de vente, l'absence de mention du barème des prix unitaires, la possibilité pour l'intimée de modifier unilatéralement les prix et de rallonger les délais de livraison, sans négociation possible, la différence considérable entre le délai accordé à l'appelante pour annuler sa commande et les délais de livraison une fois la commande validée constituent autant d'éléments permettant de soutenir qu'il a existé un déséquilibre significatif dans les relations commerciales entre les parties, ne laissant aucune marge de manœuvre à l'appelante ;

- les conditions générales de vente ne peuvent pas être qualifiée de contrat-cadre ;

- si elle fait référence à l'article L. 442-6 ancien du code de commerce, elle ne fait aucune demande sur ce fondement, de sorte que l'incompétence de la cour d'appel de Lyon est indifférente ;

- le caractère illicite des conditions générales de vente se fonde sur la violation par l'intimée des articles L. 441-6 ancien du code de commerce et L. 111-1 du code de la consommation, conséquence d'un déséquilibre significatif au sens de l'article 1171 du code civil ; par conséquent, le contrat encourt la nullité ;

La société Laboratoires FP Cosmetics fait valoir que :

- le document intitulé « Conditions générales de vente FP COSMETICS / HAIRBEAUTYLAND » en date du 27 mars 2018 constitue un contrat-cadre fixant les règles prévalant dans les relations commerciales entre les parties, pour des commandes devant être effectuées ultérieurement au coup par coup ;

- concernant le caractère illicite des conditions générales de vente qui entraîneraient un déséquilibre significatif dans les relations commerciales entre les parties, il apparaît que les textes invoqués par la société SV Corporation ne sont pas applicables à la situation ; la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître de l'application des dispositions de l'article L. 442-6 ancien du code de commerce.

Sur ce,

Selon l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 ancien du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

En conséquence, l'article 1171 du code civil, interprété à la lumière de ces travaux, s'applique aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en l'espèce).

L'article 442-6, I, 2° (ancien) dispose :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; »

Ce texte s'applique donc dans les relations entre partenaires commerciaux, ce qui est précisément le cas en l'espèce. En effet, le contrat litigieux est un contrat de fabrication de produits cosmétiques conclu entre deux commerçants, qui avait pour vocation à s'appliquer dans la durée, plusieurs commandes ayant d'ailleurs été successivement passées par la société SV Corporation, et qui se trouvait être le support de l'activité de distribution de la société SV Corporation.

Dès lors, le déséquilibre significatif invoqué par la société SV Corporation entre dans le champ d'application de l'article L. 442-6, 2° ancien du code de commerce, ce qui l'exclut du champ d'application de l'article 1171 du code civil.

Or, la société SV Corporation indique n'agir que sur le fondement de l'article 1171 du code civil et non sur l'article L. 442-6 ancien du code de commerce qu'elle exclut expressément, la cour d'appel de Lyon n'ayant pas pouvoir de statuer sur ce second fondement.

Il en résulte que la demande de nullité des conditions générales de vente pour déséquilibre significatif est mal fondée et doit donc être rejetée.

 

Sur l'application de la clause pénale :

La société SV Corporation fait valoir que :

- si par extraordinaire, l'article 8 des conditions générales de vente devait s'appliquer, alors il convient d'apprécier le caractère manifestement excessif de l'indemnité qui en est issue, s'élevant à 50 % du prix de la commande en cas d'annulation ; elle doit être réduite à 0 euro ;

- l'intimée n'a eu à supporter aucun frais relativement à cette commande ;

- il apparaissait que la commande serait livrée par l'intimée en retard, ce qui n'était pas acceptable ;

- l'intimée n'a versé aucun document comptable tendant à justifier sa demande concernant le paiement de l'indemnité de 40.500 euros ; l'exécution de l'obligation par l'intimée n'est pas démontrée, de sorte que sa demande en paiement doit être écartée ;

- l'intimée a pris acte et donc accepté l'annulation de la commande ;

- ce n'est qu'après cette acceptation que l'intimée a invoqué l'acquisition de matières premières pour cette commande ; la pièce n°13 produite par l'intimée doit être écartée, car s'agissant d'un inventaire daté du 18 janvier 2019, il ne permet pas de déduire la date d'acquisition des matières premières ; aucune facture les concernant n'est produite.

La société Laboratoire FP Cosmetics fait valoir que :

- l'appelante ne conteste pas avoir annulé la commande du 25 juillet 2018 dont le montant était de 81.000 euros ; que par application de l'article 8 du contrat-cadre, il lui est donc bien dû par l'appelante la somme de 50 % du montant de la commande, soit 40.500 euros TTC ;

- certes, une clause pénale peut être réduite par le juge lorsqu'elle est manifestement excessive, mais contrairement à ce qu'indique la société SV Corporation, elle avait bel et bien commencé à commander auprès de ses fournisseurs les produits nécessaires à l'exécution de la commande ; son préjudice réside dans l'absence de réalisation de la vente convenue; la pénalité de 50 % s'entend au regard de sa perte de marge brute bénéficiaire, à laquelle s'ajoute le temps perdu par son personnel et l'importance de la commande au regard de son chiffre d'affaires, de sorte que le montant de la clause pénale n'est pas manifestement excessif,

- elle n'a jamais renoncé à l'application de la clause pénale ; l'acceptation de l'annulation ne vaut pas renonciation à la clause pénale ; la renégociation à un droit ne peut être admise qu'en cas d'absence d'ambiguïté, absente du mail produit ;

Sur ce,

L'article 1231-5 du code civil dispose :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »

Il est de jurisprudence constante que la clause pénale, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution, de sorte que le créancier n'a pas à justifier d'un préjudice.

En l'espèce, l'article 8 des conditions générales de vente dispose qu’« en cas d'annulation de commande après acceptation, 50 % du montant sera refacturé’.

Dès lors, la somme de 40.500 euros correspondant à la moitié du montant de la commande du 25 juillet 2018 annulée est due, sauf pour la société SV Corporation à démontrer le caractère manifestement excessif de cette indemnité ou que l'annulation est due à un manquement de la société Laboratoire FP Cosmetics. Le fait que cette dernière ait pris acte de l'annulation n'est aucunement de nature à écarter l'application de cette clause.

 

- Les manquements invoqués

Sur le retard de livraison invoqué par la société SV Corporation, il résulte des échanges d'e-mails entre les parties que la société Laboratoire FP Cosmetics a été confrontée à des retards ou indisponibilités de certains produits chez ses propres fournisseurs, ce dont elle a informé la société SV Corporation, et que cette dernière était livrée de l'essentiel de sa commande dans un délai bien inférieur à celui de six à huit semaines prévu dans les conditions de vente.

Ainsi notamment, dans un e-mail du 3 juillet 2018, la société SV Corporation indiquait avoir été livrée le 13 mai 2018 de sa commande du 25 avril 2018, soit un délai très inférieur à celui prévu aux conditions de vente. Elle ajoutait que « les choses bougent extrêmement vite » et qu'elle craignait « que le délai de 6 semaines d'attente entre les commandes ne soit pas jouable pour les quantités demandées par [ses] clients ». Il ressort de ces échanges de courriels, que la société SV Corporation, d'abord très satisfaite des produits fabriqués par la société Laboratoire FP Cosmetics et de sa réactivité (courriels des 23 février, 24 avril, 9 mai 2018, 12 juin, 20 juin 2018 notamment), a dû faire face à un écoulement très rapide de ses produits.

Quant aux deux commandes incomplètes invoquées par la société SV Corporation, elles résultent de l'absence de disponibilité d'une référence de packaging chez le fournisseur de la société Laboratoire FP Cosmetics.

S'agissant des erreurs d'étiquetage, il s'avère que l'erreur commise par la société Laboratoire FP Cosmetics consiste à avoir écrit Aloe Bardensis au lieu de Aloe Barbadensis dans la liste INCI des ingrédients. Il s'agit toutefois d'une simple erreur d'orthographe qui ne saurait générer un « risque sanitaire non négligeable », comme le soutient la société SV Corporation, laquelle ne prétend pas qu'il se serait agi d'un autre ingrédient que l'aloe vera.

Quant à l'erreur d'étiquetage pour la protéine de soie, il résulte du courriel de la société Laboratoire FP Cosmetics en date du 23 novembre 2018 que ces étiquettes étaient créées par la société SV Corporation en collaboration avec son service marketing, ce que ne conteste pas cette dernière. L'erreur n'est donc pas imputable à l'intimée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun des manquements de la société Laboratoire FP Cosmetics allégués par la société SV Corporation dans ses conclusions n'est caractérisé.

 

- le caractère manifestement excessif de la clause

En l'espèce, la société SV Corporation a annulé, le 22 novembre 2018, une commande dont la livraison était prévue pour décembre 2018, s'agissant de produits cosmétiques spécialement fabriqués pour elle.

La société SV Corporation a supposé que la commande de décembre ne serait pas livrée dans les délais et soutient que la société Laboratoire FP Cosmetics n'avait pas encore commandé les matières premières, ce que conteste cette dernière.

Dès lors au vu de ces éléments, la clause pénale, qui constitue une évaluation conventionnelle anticipée du préjudice futur, en ce qu'elle prévoie le paiement de la moitié de la commande, n'apparaît pas manifestement excessive. Il n'y a donc pas lieu de la réduire.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SV Corporation à payer à la société Laboratoire FP Cosmetics la somme de 40.500 euros TTC.

 

Sur la demande de dommages-intérêts de la société SV Corporation :

La société SV Corporation ne développe aucun moyen au soutien de sa demande de dommages-intérêts.

Aucun manquement de la société Laboratoire FP Cosmetics n'ayant été retenu, cette demande ne saurait prospérer.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société SV Corporation succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance. Elle sera également condamnée à payer à la société Laboratoire FP Cosmetics la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande à ce titre étant rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement,

Rejette la demande de la société SV Corporation tendant à l'annulation des conditions générales de vente, fondée sur l'article 1171 du code civil ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société SV Corporation ;

Condamne la société SV Corporation aux dépens d'appel ;

Condamne la société SV Corporation à payer à la société Laboratoire FP Cosmetics la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE