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CA CHAMBÉRY (2e ch.), 23 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (2e ch.), 23 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), 2e ch.
Demande : 21/02133
Date : 23/11/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/10/2021
Référence bibliographique : 9742 (prêt en francs suisses)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10543

CA CHAMBÉRY (2e ch.), 23 novembre 2023 : RG n° 21/02133

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il résulte de ce texte que la juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles d'un recours juridictionnel, ce qui est le cas de la cour d'appel, n'a jamais l'obligation de poser la question préjudicielle. Par ailleurs, pour dire s'il y a lieu à question préjudicielle, le juge doit d'abord apprécier si les dispositions communautaires, dont l'application est en cause devant lui, nécessitent une interprétation ou, le cas échéant, une appréciation de validité. […]

En l'espèce, il s'agit, selon l'appelante, d'interpréter les dispositions de la directive 93/13 qui définissent les clauses abusives, au regard des clauses figurant dans les contrats de prêt litigieux relatives au risque de change et en considération de la situation particulière de la SCI Le Moulin, dont les associés percevaient leurs revenus en devises à la souscription des contrats.

Or la CJUE a rendu une décision en date du 10 juin 2021, dans les affaires C-776/19 à C-782/19, aux termes de laquelle elle a notamment dit pour droit que : […] Ainsi, la décision précitée ne prend en compte que la seule situation des emprunteurs qui doivent rembourser en euros un prêt souscrit en devises. Or la situation des associés de la SCI Le Moulin n'est pas celle-ci, puisque les prêts souscrits en CHF sont remboursables dans la même devise, M. X. et Mme Y. percevant alors l'un et l'autre leurs revenus en francs suisses. Le risque de change qui pèse sur la SCI Le Moulin ne peut donc pas s'apprécier dans les mêmes conditions que dans les affaires ayant donné lieu à la décision précitée.

Par ailleurs, par un arrêt rendu le 1er mars 2023 (Civ. 1, n° 21-20.260), publié au bulletin, la Cour de cassation a d'ores et déjà envisagé le cas de figure tel qu'il se présente aujourd'hui au regard du caractère prétendument abusif de clauses similaires à celles ici contestées, de sorte qu'il n'apparaît pas nécessaire de saisir la CJUE des questions proposées. La demande en ce sens sera donc rejetée. »

2/ « En l'espèce, les prêts consentis par le Crédit agricole l'ont été en devises (francs suisses) et sont remboursables en francs suisses. Le risque de change supporté par les emprunteurs résulte de ce que l'acquisition étant faite en France, le capital et les échéances trimestrielles sont convertis en euros lors du déblocage des fonds pour l'acquisition (pour les deux premiers), puis pour la réalisation de travaux (pour le troisième), mais également, tout au long de la vie des contrats, pour le suivi du remboursement des prêts. Mais le capital remboursé en CHF diminue à proportion des échéances payées telles que déterminées lors de la conclusion des contrats. Il convient de rappeler que l'objet de l'opération était l'acquisition, par l'intermédiaire de la SCI Le Moulin, de la résidence principale de M. X. et de Mme Y. »

3/ « Ainsi, le remboursement des prêts en francs suisses n'est pas effectué en euros, mais bien en francs suisses. Or il y a lieu de relever que la SCI Le Moulin n'avait, en l'espèce, pas besoin d'acquérir de devises pour procéder au remboursement des prêts, puisque M. X. et Mme Y., seuls associés de la société emprunteuse, percevaient l'intégralité de leurs revenus d'activité en francs suisses à la date de souscription, de sorte que le risque de change est en réalité inexistant à cette date. En leur qualité de travailleurs frontaliers, M. X. et Mme Y. ont en outre une parfaite connaissance des incidences, positives ou négatives selon les cas, de la fluctuation du taux de change, dont, au demeurant, ils ont également bénéficié les premières années des prêts comme percevant leurs revenus en francs suisses. Ils en ont été très clairement informés par la notice rappelée ci-dessus.

Les stipulations critiquées, rédigées en des termes clairs et compréhensibles tant sur le plan formel que grammatical pour un consommateur normalement avisé, s'avèrent parfaitement intelligibles quant aux conséquences économiques relatives au risque de change et plus spécialement pour une société emprunteuse dont les deux associés, qui assurent le remboursement des prêts, bénéficient de la qualité de travailleurs frontaliers. La SCI, par l'intermédiaire de ses deux associés M. X. et Mme Y., est donc notoirement avertie de l'évolution dans le temps de la parité euros / CHF puis de l'ampleur et de la portée de ces clauses quant au risque de change.

La SCI expose que la mutation de ses associés en France en 2013 a eu un effet très préjudiciable qu'elle ne pouvait prévoir au vu des termes des contrats et des informations fournies. Toutefois, le caractère abusif des clauses s'apprécie au regard de la situation au jour de la conclusion du contrat, de sorte qu'il n'y a lieu en l'espèce de prendre en considération que la situation de la SCI telle qu'elle a été présentée en 2009, c'est-à-dire celle d'associés ayant un emploi stable en Suisse. En effet, il convient de souligner que la SCI ne démontre pas que la situation d'emploi de M. X. et Mme Y. en Suisse présentait, en 2009, un quelconque caractère de précarité. En effet, il résulte des pièces produites aux débats que ceux-ci ont souhaité acquérir une résidence principale à proximité de la Suisse dès leur prise de fonction le 1er novembre 2009, démontrant une volonté de stabilité. Ils travaillent tous les deux pour la société Procter & Gamble, qui était leur employeur avant leur affectation en Suisse (depuis 1998 pour M. X., 2000 pour Mme Y.), et l'est encore restée lorsqu'ils ont rejoint des postes en France métropolitaine en 2013, puis ailleurs en Europe les années suivantes. La fiche de synthèse établie le 8 octobre 2009 (pièce n° 5 du Crédit agricole), dont le contenu n'est pas contesté par l'appelante, fait état d'une seule mutation de la région parisienne vers la Suisse en 2009, de sorte que la banque n'était pas spécialement alertée sur une éventuelle mutation des consorts X./Y. pouvant intervenir à brève échéance.

Il sera encore ajouté que, depuis la loi du 26 juillet 2013, le code de la consommation, aujourd'hui dans son article L. 313-64, prévoit que les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise étrangère à l'Union européenne remboursables en monnaie nationale que s'ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt, excepté si le risque de change n'est pas supporté par l'emprunteur. Cette évolution protectrice à l'égard des emprunteurs prévoit donc expressément la situation dans laquelle se trouve la SCI pour permettre, dans ce cas, la souscription de prêts en devises faisant supporter le risque de change à l'emprunteur.

Il résulte de ce qui précède que les clauses critiquées ne sauraient être déclarées abusives et non écrites, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI Le Moulin à ce titre. »

4/ « M. X. et Mme Y. ont également pris connaissance de la notice de présentation des conditions et modalités de variation du taux d'intérêt annexée aux prêts, ainsi que du document d'information contenant des simulations de variation du taux d'intérêt proposant plusieurs hypothèses. Ces documents sont d'une parfaite clarté et permettaient à la SCI Le Moulin de comprendre les modalités de variation du taux d'intérêt, lesquelles dépendent d'un indice objectif, indépendant de l'activité du prêteur, et susceptible de varier à la hausse comme à la baisse, au détriment comme à l'avantage de l'emprunteur. Ainsi il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'information délivrée et la rédaction des clauses précitées sont donc de nature à écarter le caractère abusif allégué et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. »

5/ « Il est de jurisprudence constante que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. Le délai de prescription de l'action fondée sur le dol, court du jour où il a été découvert.

En l'espèce, la SCI soutient que la banque a manqué à ses obligations en lui conseillant un prêt en devises, dont elle n'a découvert les conséquences qu'à l'occasion de la mutation des consorts X./Y. en 2013 et que la revente du bien a été envisagée, mais s'est révélée impossible compte tenu de la dévaluation de l'euro par rapport au franc suisse. Les courriers échangés par les parties en 2014, révèlent qu'en effet, ce n'est qu'à compter de 2013 et de leur mutation en France que les associés de la SCI ont appréhendé l'ensemble des conséquences du risque de change pesant sur eux en exécution des contrats, dès lors qu'ils envisageaient un remboursement anticipé des prêts et ont cessé, au moins temporairement, d'être rémunérés en francs suisses. Dans la mesure où le dol invoqué repose sur la dissimulation prétendue d'informations par la banque relatives au risque de change lui-même, c'est cette même date qui doit être prise comme point de départ de la prescription.

L'action de la SCI Le Moulin a été engagée par assignation délivrée le 17 février 2017, soit moins de cinq ans après la découverte du dommage. »

6/ « En l'espèce, il résulte des éléments développés ci-dessus que La SCI Le Moulin a été parfaitement informée, dès la souscription des contrats, sur le fonctionnement des prêts en devises et l'existence d'un risque de change, étant rappelé que M. X. et Mme Y. étant rémunérés en Suisse, les prêts en francs suisses ne comportaient alors aucun véritable risque de change.

C'est en vain que la SCI Le Moulin soutient que le Crédit agricole aurait eu des informations sur la politique de la Banque nationale suisse qu'il n'aurait pas transmises à l'emprunteur, alors qu'en 2009 la Banque nationale Suisse poursuivait sa politique visant à éviter un décrochage de l'euro par rapport au CHF (lequel s'appréciait néanmoins constamment par rapport à l'euro depuis 2008, au vu et au su de tous), sans que rien ne permette de dire que le Crédit agricole pouvait anticiper le changement de politique monétaire intervenu en 2011, puis en 2015 seulement, à la suite duquel l'euro s'est considérablement dévalorisé par rapport au franc suisse. »

7/ « Or en l'espèce la SCI Le Moulin ne démontre pas que le Crédit agricole lui aurait dissimulé, à la date de la conclusion des contrats de prêt, des informations essentielles sur l'évolution probable du risque de change entre le CHF et l'euro, alors, d'une part, que les informations diffusées par la Banque nationale suisse sont publiques, et que, d'autre part, il n'est aucunement démontré qu'en novembre 2009, ou même en mai 2010, le Crédit agricole pouvait anticiper les changements de politique de la Banque nationale Suisse et leurs conséquences sur le risque de change. En tout état de cause, à la date de conclusion des contrats, la SCI Le Moulin disposait des informations nécessaires pour contracter en connaissance de cause, sans qu'il soit démontré de manœuvre dolosive commise par la banque. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02133. N° Portalis DBVY-V-B7F-G2WF. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 9 septembre 2021 : R.G. n° 17/00337.

 

Appelante :

SCI LE MOULIN

dont le siège social est sis [Adresse 2] - prise en la personne de son représentant légal, Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBÉRY et la SELARL CONSTANTIN-VALLET, avocat plaidant au barreau de PARIS

 

Intimée :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE

dont le siège social est sis [Adresse 1] - prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Hélène ROTHERA, avocat au barreau d'ANNECY

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 12 septembre 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par : - Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, - Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, - Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI Le Moulin a été constituée en juillet 2005 par M. X. et Mme Y. Pour l'acquisition d'une maison ancienne à usage d'habitation à [Localité 3] et la réalisation de travaux, la SCI Le Moulin a souscrit trois emprunts immobiliers auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (le Crédit agricole) :

- par acte authentique du 16 novembre 2009, un prêt n° 23XX83 de la contre-valeur en francs suisses (CHF) de la somme de 370.000 euros (soit 559.995,07 CHF), remboursable en 300 mois par échéances trimestrielles au taux révisable du franc suisse à trois mois majoré de 2,01points, soit un taux initial de 2,2768 %,

- par le même acte du 16 novembre 2009, un prêt n° 23YY84 de la contre-valeur en CHF de la somme de 300.000 euros (soit 454.050,06 CHF), remboursable en 300 mois par échéances trimestrielles au taux fixe de 3,05 %,

- puis, selon offre acceptée le 18 mai 2010, un prêt n° 29ZZ32 de la contre-valeur en CHF de la somme de 178.000 euros (soit 255 572,41 CHF), remboursable en 300 mois par échéances trimestrielles, au taux révisable du franc suisse à trois mois majoré de 2,15 points, soit un taux initial de 2,3925 %.

Par acte d'huissier en date du 17 février 2017, la SCI Le Moulin a fait assigner le Crédit agricole devant le tribunal judiciaire d'Annecy en nullité des clauses de remboursement en devises suisses, inopposabilité des clauses selon elles abusives et dommages et intérêts pour manquements aux devoirs d'information et de mise en garde de la banque.

Le Crédit agricole a comparu et s'est opposé aux prétentions formées à son encontre en invoquant principalement la prescription des actions de la SCI Le Moulin et, sur le fond, l'absence de clause abusive et de faute de la banque.

Par jugement contradictoire rendu le 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin d'annulation des clauses des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32 de remboursement des échéances trimestrielles en francs suisses,

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin en annulation ou dommages et intérêts pour pratiques commerciales trompeuses relatives au taux effectif global des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32,

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin en dommages et intérêts pour manquements de la banque à son obligation d'information et de mise en garde ou sur le fondement d'un dol par réticence,

- débouté la SCI Le Moulin de ses demandes aux fins de juger abusives les clauses des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32 relatives au risque de change et les clauses des prêts n° 23XX83 et 29ZZ32 relatives aux taux d'intérêts révisables,

- débouté la SCI Le Moulin de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- débouté la SCI Le Moulin de ses autres demandes de dommages et intérêts et par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Le Moulin à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Le Moulin aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Hélène Rothera, avocate,

- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 28 octobre 2021, la SCI Le Moulin a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Par conclusions notifiées 22 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SCI Le Moulin demande en dernier lieu à la cour de :

Vu la directive 93/13 et la jurisprudence de la CJUE ; Vu l'article 267 du TFUE,

Vu les articles L. 120-1 et suivants, L. 212-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles 1116, 1134, 1135, 1147 et suivants et 1382 du code civil,

Vu les articles 700 et 696 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal d'Annecy du 9 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

- débouter le Crédit Agricole des Savoie de l'ensemble de ses demandes,

- juger que l'ensemble des demandes de la SCI Le Moulin sont recevables et non prescrites,

I - à titre principal - La demande de renvoi préjudiciel à la CJUE :

- renvoyer à la CJUE les questions suivantes ou toutes autres questions supplémentaires que la cour de céans estimerait utiles à la résolution du litige :

* la directive 93/13 doit-elle être interprétée en ce sens que lorsqu'une banque commercialise un contrat de prêt en devise étrangère ou indexé sur une devise étrangère à un emprunteur qui dispose au moment de l'octroi de revenus dans cette devise étrangère, n'impose pas à la banque de rédiger de manière claire et intelligible les clauses relatives au risque de change ?

* la directive 93/13 doit-elle être interprétée en ce sens qu'une banque qui commercialise un prêt en devise étrangère à un consommateur percevant, au moment de l'octroi du prêt, ses revenus dans la devise étrangère, mais dont le patrimoine et la résidence est situé dans un état membre dans lequel une autre monnaie à cours légal, est tenue de rédiger les clauses contractuelles relatives au risques de change afin d'informer l'emprunteur de l'existence et de l'importance du risque de change tout au long du contrat en cas de perte de ses revenus dans la devise étrangère au cours de l'exécution du prêt ?

et dans l'attente des réponses de la CJUE, ordonner un sursis à statuer dans la présente procédure,

II - à titre subsidiaire - Sur le caractère abusif des clauses litigieuses :

- juger que la banque, en violation des règles de transparences fixées par la CJUE, en stipulant les clauses intitulées « Conditions de remboursement », « Remboursement » et « Disposition particulière relative au risque de change », « désignation du crédit », « conditions de remboursement », et « taux du prêt » :

* n'a pas clairement informé l'emprunteur qu'il s'expose à un « risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer »,

* n'a pas exposé à l'emprunteur les « possibles variations des taux de change »,

* n'a pas fourni à l'emprunteur les informations traitant « au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie nationale »,

* n'a pas exposé à l'emprunteur les « risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères »,

- juger que l'ensemble des clauses litigieuses des trois prêts, par lesquelles la SCI Le Moulin supporte seule l'intégralité du risque de change, sont abusives,

- juger que les clauses des contrats litigieux relatives à la variation du taux d'intérêt ne sont pas transparentes,

- juger que les clauses des contrats litigieux relatives à la variation du taux d'intérêt sont abusives,

- réputer non écrites l'ensemble des clauses de remboursement, de risque de change et d'intérêt variable des trois contrats litigieux,

En conséquence à titre principal sur les clauses abusives :

- juger que les clauses litigieuses relèvent de l'objet principal du contrat et, partant, que le maintien des contrats est juridiquement impossible,

- anéantir rétroactivement les contrats litigieux et ordonner en conséquence les restitutions réciproques afin de replacer les parties dans l'état dans lequel elles auraient été sans la conclusion des prêts litigieux,

- condamner la banque à communiquer à la SCI Le Moulin un tableau récapitulatif des versements intervenus entre les parties au titre des trois prêts litigieux depuis leur conclusion,

- fixer à deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le délai dans lequel le Crédit agricole des Savoie devra exécuter la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

En conséquence à titre subsidiaire sur les clauses abusives :

- écarter l'application des clauses réputées non écrites,

- requalifier le contrat n°.000023XX83 en contrat de crédit immobilier en euros, de 370.000 euros, remboursable en euros,

- requalifier le contrat n°.000023YY84 en contrat de crédit immobilier en euros, de 300.000 euros, remboursable en euros,

- requalifier le contrat n°.000029ZZ32 en contrat de crédit immobilier en euros, de 1780.000 euros remboursables en euros,

- condamner la banque à calculer les montants trop perçus résultant de la différence de cours de change entre celui en vigueur lors de l'octroi de chaque prêt et celui en vigueur lors du paiement de chaque échéance,

- condamner la banque à restituer les montants trop perçus résultant de la différence de cours de change entre celui en vigueur lors de l'octroi de chaque prêt et celui en vigueur lors du paiement de chaque échéance,

- condamner la banque à communiquer à la SCI Le Moulin un tableau d'amortissement pour chaque prêt, en euros, correspondant aux sommes dues par la SCI Le Moulin pour l'exécution du prêt au cours de change en vigueur lors de l'octroi de chaque prêt,

- fixer à deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le délai dans lequel le Crédit agricole des Savoie devra exécuter la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

III - à titre infiniment subsidiaire, sur la responsabilité de la banque :

- juger que le Crédit agricole des Savoie a manqué à son obligation d'information et de mise en garde sur les risques économiques des contrats litigieux,

- juger que les contrats litigieux sont des contrats qui par nature comportent un risque économique résultant du risque de change,

- juger que l'appelante est non avertie concernant les risques induits par les contrats litigieux,

- condamner en conséquence le Crédit agricole des Savoie à réparer le préjudice subi par la SCI Le Moulin,

- juger que le Crédit agricole des Savoie a commis des manquements dans le cadre de la demande de conversion de ses prêts en euros par la SCI Le Moulin,

- condamner en conséquence le Crédit agricole des Savoie à réparer le préjudice subi par la SCI Le Moulin et qui résulte de ce manquement,

- juger que la SCI Le Moulin a subi un préjudice financier résultant de la perte de chance de se soustraire au risque de change en procédant au rachat des crédits litigieux,

- juger que la SCI Le Moulin a subi un préjudice financier résultant de la réalisation du risque de change évalué à 93.354 euros concernant le prêt n°.0000023XX83,

- juger que la SCI Le Moulin a subi un préjudice financier résultant de la réalisation du risque de change évalué à 87.063 euros concernant le prêt n°.0000023YY84,

- juger que la SCI Le Moulin a subi un préjudice financier résultant de la réalisation du risque de change évalué à 20.096 euros concernant le prêt n°.000029ZZ32,

- condamner en conséquence le Crédit Agricole des Savoie à réparer ce préjudice et à payer à la SCI Le Moulin la somme de 200.513 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices financiers,

- consolider le montant de ces préjudices évolutifs et donc du montant de la condamnation au jour de son arrêt,

- juger que le Crédit Agricole des Savoie a commis un dol par réticence à l'égard de la l'appelante,

- condamner en conséquence le Crédit agricole des Savoie à réparer le préjudice subi par l'appelante à hauteur de 20.000 euros,

IV - en tout état de cause,

- juger que la SCI Le Moulin et partant M. X. et Mme Y. subissent un préjudice moral de vivre dans l'angoisse d'une dette à l'évolution défavorable sans limites, dire et juger que la SCI Le Moulin a subi un préjudice moral du fait de l'angoisse qui doit être évalué à hauteur de 25.000 euros,

- condamner en conséquence le Crédit agricole des Savoie à réparer ce préjudice moral en versant à la SCI Le Moulin la somme de 25.000 euros,

- juger que la condamnation à venir produira des intérêts moratoires au taux légal à la date de la signification de la présente assignation suivant les dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil et que les intérêts ainsi produits seront capitalisés de plein droit,

- condamner la banque à payer à la SCI Le Moulin la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la banque aux entiers dépens de première instance et d'appel, au titre de l'article 696 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions notifiées 24 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie demande en dernier lieu à la cour de :

A titre principal,

* voir confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy le 9 septembre 2021 en ce qu'il a :

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin d'annulation des clauses des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32 de remboursement des échéances trimestrielles en francs suisses,

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin en annulation ou dommages et intérêts pour pratiques commerciales trompeuses relatives au taux effectif global des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32,

- déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin en dommages et intérêts pour manquements de la banque à son obligation d'information et de mise en garde ou sur le fondement d'un dol par réticence,

- débouté la SCI Le Moulin de ses demandes aux fins de juger abusives les clauses des prêts n° 23XX83, 23YY84 et 29ZZ32 relatives au risque de change et les clauses des prêts n° 23XX83 et 29ZZ32 relatives aux taux d'intérêts révisables,

- débouté la SCI Le Moulin de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- débouté la SCI Le Moulin de ses autres demandes de dommages et intérêts et par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Le Moulin à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Le Moulin aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Hélène Rothera,

- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.

* rejeter la demande de saisine de la CJUE,

Y ajoutant en cause d'appel,

- voir condamner SCI Le Moulin au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que seule la perte de chance de ne pas contracter dans de meilleures conditions ou de s'être abstenu de contracter peut être retenue au titre du préjudice,

- dire et juger que la SCI Le Moulin ne justifie cependant d'aucun préjudice de ce chef,

- rejeter l'intégralité de ses demandes et toutes autres demandes,

En tout état de cause,

- voir condamner la SCI Le Moulin au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens en sus de la somme allouée en première instance.

[*]

L'affaire a été clôturée à la date du 28 août 2023 et renvoyée à l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 9 novembre 2023, prorogée à ce jour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur les questions préjudicielles :

La SCI sollicite à titre principal que la cour interroge la CJUE sur l'interprétation de la directive 93/13 du 05 avril 1993, dans les conditions rappelées ci-dessus, en faisant valoir qu'au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Civ. 1 1er mars 2023, n° 21-20.260), il convient de vérifier si les clauses relatives au risque de change peuvent être qualifiées d'abusives lorsque l'emprunteur perçoit ses revenus dans la devise du prêt au moment de sa souscription.

Le Crédit agricole s'oppose à une telle saisine en soulignant que cette demande survient six ans après l'introduction de l'instance par la SCI Le Moulin, et que les questions suggérées ne sont pas pertinentes.

Sur ce,

En application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, « la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités,

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institution, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »

Il résulte de ce texte que la juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles d'un recours juridictionnel, ce qui est le cas de la cour d'appel, n'a jamais l'obligation de poser la question préjudicielle.

Par ailleurs, pour dire s'il y a lieu à question préjudicielle, le juge doit d'abord apprécier si les dispositions communautaires, dont l'application est en cause devant lui, nécessitent une interprétation ou, le cas échéant, une appréciation de validité.

Si tel est le cas, le juge n'est alors pas tenu de poser la question préjudicielle qui lui est demandée s'il estime pouvoir procéder lui-même à l'interprétation ou à l'appréciation de la validité des dispositions en cause. Dans ce dernier cas, le juge n'est tenu de saisir la Cour d'une question préjudicielle que dans l'hypothèse où il considère que les dispositions en cause sont susceptibles d'invalidité.

En l'espèce, il s'agit, selon l'appelante, d'interpréter les dispositions de la directive 93/13 qui définissent les clauses abusives, au regard des clauses figurant dans les contrats de prêt litigieux relatives au risque de change et en considération de la situation particulière de la SCI Le Moulin, dont les associés percevaient leurs revenus en devises à la souscription des contrats.

Or la CJUE a rendu une décision en date du 10 juin 2021, dans les affaires C-776/19 à C-782/19, aux termes de laquelle elle a notamment dit pour droit que :

« 2) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses du contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur relèvent de cette disposition dans le cas où ces clauses fixent un élément essentiel caractérisant ledit contrat.

3) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

4) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce que la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle, au sens de l'article 4, paragraphe 2, de cette directive, incombe au consommateur.

5) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses. »

Ainsi, la décision précitée ne prend en compte que la seule situation des emprunteurs qui doivent rembourser en euros un prêt souscrit en devises. Or la situation des associés de la SCI Le Moulin n'est pas celle-ci, puisque les prêts souscrits en CHF sont remboursables dans la même devise, M. X. et Mme Y. percevant alors l'un et l'autre leurs revenus en francs suisses. Le risque de change qui pèse sur la SCI Le Moulin ne peut donc pas s'apprécier dans les mêmes conditions que dans les affaires ayant donné lieu à la décision précitée.

Par ailleurs, par un arrêt rendu le 1er mars 2023 (Civ. 1, n° 21-20.260), publié au bulletin, la Cour de cassation a d'ores et déjà envisagé le cas de figure tel qu'il se présente aujourd'hui au regard du caractère prétendument abusif de clauses similaires à celles ici contestées, de sorte qu'il n'apparaît pas nécessaire de saisir la CJUE des questions proposées.

La demande en ce sens sera donc rejetée.

 

Sur le caractère abusif des clauses relatives au risque de change :

L'action tendant à faire déclarer abusives certaines clauses du contrat n'est pas soumise à prescription, au demeurant, aucune prescription n'est invoquée de ce chef par le Crédit agricole, de sorte qu'il n'y a pas lieu de répondre aux développements de l'appelante sur ce point.

La SCI le Moulin soutient que les clauses litigieuses ne sont pas claires dans la mesure où elles ne la mettent pas en mesure de connaître la possibilité de hausse ou de baisse de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté ni de connaître les conséquences économiques d'une telle clause sur leurs obligations financières. Elle invoque l'absence d'information personnalisée sur les risques encourus dans le cadre d'un prêt en devises, et explique que, s'agissant d'un prêt en francs suisses pour un bien acheté en France, le prêt n'est plus en rapport avec le bien financé en raison de la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Elle considère que les clauses litigieuses ne sont ni claires ni compréhensibles et qu'elles entraînent un déséquilibre significatif à son préjudice dans la mesure où la banque dispose, à la différence de l'emprunteur, de moyens lui permettant d'absorber le risque en question.

Le Crédit agricole soutient pour sa part que le risque de change n'existait pas au moment de la souscription des prêts, puisque les deux associés de la SCI Le Moulin, qui supportent le remboursement des prêts, percevaient leurs revenus en CHF.

Sur ce,

En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la signature des contrats (devenu l'article L.212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les alinéas 5 à 7 de cet article disposent que, sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 (anciens) du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En l'espèce, les prêts consentis par le Crédit agricole l'ont été en devises (francs suisses) et sont remboursables en francs suisses. Le risque de change supporté par les emprunteurs résulte de ce que l'acquisition étant faite en France, le capital et les échéances trimestrielles sont convertis en euros lors du déblocage des fonds pour l'acquisition (pour les deux premiers), puis pour la réalisation de travaux (pour le troisième), mais également, tout au long de la vie des contrats, pour le suivi du remboursement des prêts. Mais le capital remboursé en CHF diminue à proportion des échéances payées telles que déterminées lors de la conclusion des contrats.

Il convient de rappeler que l'objet de l'opération était l'acquisition, par l'intermédiaire de la SCI Le Moulin, de la résidence principale de M. X. et de Mme Y.

Les clauses dont l'appelante soutient qu'elles sont abusives au sens du texte précité, qui figurent dans chacun des trois contrats litigieux, sont les suivantes :

La clause « remboursement » stipule :

« Les remboursements s'effectueront dans la devise figurant dans l'offre :

- Par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l'emprunteur. L'approvisionnement du compte en devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date d'échéance.

- Ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l'emprunteur. Il supportera donc intégralement en cas d'achat de devises au comptant ou à terme, le risque de change.

Si le compte en euros n'est pas suffisamment approvisionné pour permettre l'achat des devises, le prêteur transformera le montant de l'échéance en euros au cours du jour de l'échéance.

Cette créance en euros produira un intérêt de retard au taux contractuel majoré de trois points, jusqu'à complet remboursement. »

La clause « disposition particulière relative au risque de change » stipule :

« Il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes et qu'en conséquence, le présent prêt ne pourra faire l'objet d'une couverture du risque de change par achat à terme par l'emprunteur, du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l'autorise. Il reconnaît à cet égard avoir été informé par le prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt notamment par la notice d'information sur le prêt en devises, ci-annexée ».

Ces clauses doivent être appréciées en se référant à toutes les circonstances qui entourent leur conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 précitées.

Par ailleurs, la notice d'information relative aux prêts en devises, annexée aux offres de prêt (pièces n° 3 et 4 des appelants), précise :

« L'emprunteur de devises bénéficie d'un taux d'intérêts, fixé pour une période définie, qui n'est pas lié au marché financier français. Ce taux peut donc paraître particulièrement favorable selon la devise choisie, par rapport au taux des prêts en euros.

Mais attention, le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt. Selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit.

Nous pensons qu'il est important pour l'emprunteur de garder ces éléments à l'esprit pendant toute la durée du prêt et l'invitons à contacter son agence habituelle s'il devait estimer qu'une couverture de risque de change (par achat à terme) pourrait être opportune.

La couverture à terme est un moyen d'éliminer totalement le risque de change. Elle n'est toutefois possible que dans la mesure où la réglementation des changes en vigueur l'autorise. Les conditions et les modalités de réalisation de cette opération seront examinées sur demande de l'emprunteur. »

Ainsi, le remboursement des prêts en francs suisses n'est pas effectué en euros, mais bien en francs suisses. Or il y a lieu de relever que la SCI Le Moulin n'avait, en l'espèce, pas besoin d'acquérir de devises pour procéder au remboursement des prêts, puisque M. X. et Mme Y., seuls associés de la société emprunteuse, percevaient l'intégralité de leurs revenus d'activité en francs suisses à la date de souscription, de sorte que le risque de change est en réalité inexistant à cette date.

En leur qualité de travailleurs frontaliers, M. X. et Mme Y. ont en outre une parfaite connaissance des incidences, positives ou négatives selon les cas, de la fluctuation du taux de change, dont, au demeurant, ils ont également bénéficié les premières années des prêts comme percevant leur revenus en francs suisses. Ils en ont été très clairement informés par la notice rappelée ci-dessus.

Les stipulations critiquées, rédigées en des termes clairs et compréhensibles tant sur le plan formel que grammatical pour un consommateur normalement avisé, s'avèrent parfaitement intelligibles quant aux conséquences économiques relatives au risque de change et plus spécialement pour une société emprunteuse dont les deux associés, qui assurent le remboursement des prêts, bénéficient de la qualité de travailleurs frontaliers. La SCI, par l'intermédiaire de ses deux associés M. X. et Mme Y., est donc notoirement avertie de l'évolution dans le temps de la parité euros / CHF puis de l'ampleur et de la portée de ces clauses quant au risque de change.

La SCI expose que la mutation de ses associés en France en 2013 a eu un effet très préjudiciable qu'elle ne pouvait prévoir au vu des termes des contrats et des informations fournies.

Toutefois, le caractère abusif des clauses s'apprécie au regard de la situation au jour de la conclusion du contrat, de sorte qu'il n'y a lieu en l'espèce de prendre en considération que la situation de la SCI telle qu'elle a été présentée en 2009, c'est-à-dire celle d'associés ayant un emploi stable en Suisse.

En effet, il convient de souligner que la SCI ne démontre pas que la situation d'emploi de M. X. et Mme Y. en Suisse présentait, en 2009, un quelconque caractère de précarité. En effet, il résulte des pièces produites aux débats que ceux-ci ont souhaité acquérir une résidence principale à proximité de la Suisse dès leur prise de fonction le 1er novembre 2009, démontrant une volonté de stabilité. Ils travaillent tous les deux pour la société Procter & Gamble, qui était leur employeur avant leur affectation en Suisse (depuis 1998 pour M. X., 2000 pour Mme Y.), et l'est encore restée lorsqu'ils ont rejoint des postes en France métropolitaine en 2013, puis ailleurs en Europe les années suivantes. La fiche de synthèse établie le 8 octobre 2009 (pièce n° 5 du Crédit agricole), dont le contenu n'est pas contesté par l'appelante, fait état d'une seule mutation de la région parisienne vers la Suisse en 2009, de sorte que la banque n'était pas spécialement alertée sur une éventuelle mutation des consorts X./Y. pouvant intervenir à brève échéance.

Il sera encore ajouté que, depuis la loi du 26 juillet 2013, le code de la consommation, aujourd'hui dans son article L. 313-64, prévoit que les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise étrangère à l'Union européenne remboursables en monnaie nationale que s'ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt, excepté si le risque de change n'est pas supporté par l'emprunteur. Cette évolution protectrice à l'égard des emprunteurs prévoit donc expressément la situation dans laquelle se trouve la SCI pour permettre, dans ce cas, la souscription de prêts en devises faisant supporter le risque de change à l'emprunteur.

Il résulte de ce qui précède que les clauses critiquées ne sauraient être déclarées abusives et non écrites, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI Le Moulin à ce titre.

 

Sur le caractère abusif des clauses relatives au taux d'intérêt variable :

La SCI soutient que la clause prévoyant un taux d'intérêt variable dans deux des trois prêts est abusive en ce que le Crédit agricole ne lui aurait jamais fourni une quelconque information préalable sur les éléments permettant le calcul du taux d'intérêt.

Le Crédit agricole soutient que la clause est parfaitement claire et que le taux de variation est déterminable.

Sur ce,

La clause d'intérêts litigieuse, identique dans les deux prêts concernés, est la suivante (exemple pris pour les chiffres dans le prêt du 18 mai 2010) :

« le taux d'intérêt du prêt sera révisable : il sera celui du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge.

Le taux du CHF est de 0,2425 % au 28/4/2010. La marge est de 2,1500 points.

Echéance fixe de principe : la contre-valeur en CHF (franc suisse) de la somme de 2.371,37 EUR (euros) soit 3.404,81 CHF. »

Il est également prévu dans la clause « taux du prêt » :

« Le taux est celui de la devise sur le marché des changes à [Localité 4], majoré d'une marge. Ce taux est révisable à chaque échéance en fonction des conditions du moment. »

Et la clause « révision du taux » :

« Il est expressément stipulé que la révision du taux à la hausse est plafonnée de sorte que le taux d'intérêt applicable ne dépassera jamais le taux d'intérêt plafond. Le taux d'intérêt annuel plafond est égal au taux d'intérêt annuel initial majoré de 1,0000 points. »

M. X. et Mme Y. ont également pris connaissance de la notice de présentation des conditions et modalités de variation du taux d'intérêt annexée aux prêts, ainsi que du document d'information contenant des simulations de variation du taux d'intérêt proposant plusieurs hypothèses. Ces documents sont d'une parfaite clarté et permettaient à la SCI Le Moulin de comprendre les modalités de variation du taux d'intérêt, lesquelles dépendent d'un indice objectif, indépendant de l'activité du prêteur, et susceptible de varier à la hausse comme à la baisse, au détriment comme à l'avantage de l'emprunteur.

Ainsi il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'information délivrée et la rédaction des clauses précitées sont donc de nature à écarter le caractère abusif allégué et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts de la SCI Le Moulin :

Sur la prescription :

La SCI fait grief au jugement déféré d'avoir jugé prescrites ses demandes de dommages et intérêts fondées sur le non-respect par la banque de son obligation d'information, son devoir de mise en garde et sur le dol.

Le Crédit agricole soutient que la prescription de l'action court à compter de l'octroi des crédits, ou à tout le moins à compter du déblocage des fonds, et qu'elle est donc prescrite.

Sur ce,

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est de jurisprudence constante que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Le délai de prescription de l'action fondée sur le dol, court du jour où il a été découvert.

En l'espèce, la SCI soutient que la banque a manqué à ses obligations en lui conseillant un prêt en devises, dont elle n'a découvert les conséquences qu'à l'occasion de la mutation des consorts X./Y. en 2013 et que la revente du bien a été envisagée, mais s'est révélée impossible compte tenu de la dévaluation de l'euro par rapport au franc suisse.

Les courriers échangés par les parties en 2014, révèlent qu'en effet, ce n'est qu'à compter de 2013 et de leur mutation en France que les associés de la SCI ont appréhendé l'ensemble des conséquences du risque de change pesant sur eux en exécution des contrats, dès lors qu'ils envisageaient un remboursement anticipé des prêts et ont cessé, au moins temporairement, d'être rémunérés en francs suisses. Dans la mesure où le dol invoqué repose sur la dissimulation prétendue d'informations par la banque relatives au risque de change lui-même, c'est cette même date qui doit être prise comme point de départ de la prescription.

L'action de la SCI Le Moulin a été engagée par assignation délivrée le 17 février 2017, soit moins de cinq ans après la découverte du dommage.

C'est donc à tort que le tribunal a jugé prescrite l'action en responsabilité contre la banque sur le fondement du manquement à l'obligation d'information et au devoir de mise en garde, ainsi que sur celui du dol.

 

Sur le devoir de conseil, d'information et de mise en garde :

Sur le fond, la SCI Le Moulin soutient qu'elle n'a pas été suffisamment informée par le Crédit agricole quant au risque de change et que la banque n'a pas respecté à son égard son devoir de conseil et de mise en garde.

Le Crédit agricole soutient pour sa part avoir entièrement rempli ses obligations, et qu'il ne peut s'immiscer dans les décisions de ses clients.

Sur ce,

Le banquier dispensateur de crédit n'est pas débiteur d'un devoir de conseil général à l'égard de son client en vertu du principe de non-ingérence, et n'est susceptible d'engager sa responsabilité que dans le cas où il lui a fourni un conseil inadapté à une situation dont il a connaissance. Dans ce cas, la preuve du caractère inadapté du conseil incombe à l'emprunteur. Par ailleurs, le banquier est tenu à l'égard de l'emprunteur, d'une obligation d'information, et à l'égard de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde lorsque l'octroi du prêt fait naître un risque d'endettement excessif au regard de ses capacités financières.

En l'espèce, il résulte des éléments développés ci-dessus que La SCI Le Moulin a été parfaitement informée, dès la souscription des contrats, sur le fonctionnement des prêts en devises et l'existence d'un risque de change, étant rappelé que M. X. et Mme Y. étant rémunérés en Suisse, les prêts en francs suisses ne comportaient alors aucun véritable risque de change.

C'est en vain que la SCI Le Moulin soutient que le Crédit agricole aurait eu des informations sur la politique de la Banque nationale suisse qu'il n'aurait pas transmises à l'emprunteur, alors qu'en 2009 la Banque nationale Suisse poursuivait sa politique visant à éviter un décrochage de l'euro par rapport au CHF (lequel s'appréciait néanmoins constamment par rapport à l'euro depuis 2008, au vu et au su de tous), sans que rien ne permette de dire que le Crédit agricole pouvait anticiper le changement de politique monétaire intervenu en 2011, puis en 2015 seulement, à la suite duquel l'euro s'est considérablement dévalorisé par rapport au franc suisse.

En outre, il résulte de la fiche de synthèse du 8 octobre 2009, dont le contenu n'est pas contesté par la SCI Le Moulin, que M. X. et Mme Y. percevaient alors d'importants revenus en francs suisses (170.000 CHF nets par an pour M. X. et 150.000 CHF nets par an pour Mme Y.), il est mentionné un seul emprunt à la charge de M. X. d'un montant mensuel de 542 euros, tandis que la SCI disposait de cinq biens immobiliers mis en location d'une valeur globale alors estimée à plus d'un million d'euros, pour un solde d'emprunts de 476.000 euros, les charges d'emprunt de la SCI étant entièrement couvertes par les loyers produits par les baux.

Ainsi, il n'est aucunement démontré par la SCI Le Moulin un quelconque risque d'endettement excessif au regard des capacités financières de ses associés, dont la résidence principale était acquise par l'opération litigieuse. Au demeurant, près de 14 ans après la souscription des prêts, aucun incident de paiement n'a été à ce jour enregistré et les prêts sont régulièrement remboursés par la SCI Le Moulin.

Dans ces conditions, aucun devoir de mise en garde n'était donc à la charge de la banque, et les informations délivrées par la banque lors de l'octroi des prêts étaient suffisantes pour permettre à l'emprunteur d'apprécier les risques encourus, mis en balance avec l'intérêt évident qu'il y avait alors d'emprunter en francs suisses afin de bénéficier de taux d'intérêts très attractifs.

Les demandes de dommages et intérêts de la SCI Le Moulin seront donc rejetées.

 

Sur le dol :

La SCI soutient que la banque aurait commis un dol par omission en lui dissimulant des informations délivrées par la BNS, et que le prêteur savait que le franc suisse ne pouvait qu'augmenter par rapport à l'euro.

Le Crédit agricole conteste toute rétention d'informations, rappelant que les bulletins publiés par la Banque nationale suisse sont libres d'accès.

Sur ce,

En application de l'article 1116 ancien du code civil, applicable en l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un dol de rapporter la preuve des manœuvres alléguées ayant vicié son consentement.

Or en l'espèce la SCI Le Moulin ne démontre pas que le Crédit agricole lui aurait dissimulé, à la date de la conclusion des contrats de prêt, des informations essentielles sur l'évolution probable du risque de change entre le CHF et l'euro, alors, d'une part, que les informations diffusées par la Banque nationale suisse sont publiques, et que, d'autre part, il n'est aucunement démontré qu'en novembre 2009, ou même en mai 2010, le Crédit agricole pouvait anticiper les changements de politique de la Banque nationale Suisse et leurs conséquences sur le risque de change.

En tout état de cause, à la date de conclusion des contrats, la SCI Le Moulin disposait des informations nécessaires pour contracter en connaissance de cause, sans qu'il soit démontré de manœuvre dolosive commise par la banque.

La demande de dommages et intérêts fondée sur le dol sera donc également rejetée.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts pour perte de chance de sortir du risque de change :

La SCI Le Moulin soutient que le Crédit agricole a commis une faute en répondant tardivement à sa demande lorsqu'elle a souhaité s'extraire du risque de change en 2014, lui faisant perdre une chance de le faire avant le 15 janvier 2015, date à laquelle le risque s'est considérablement accru en raison des décisions de la Banque nationale Suisse.

Le Crédit agricole soutient que la formulation est inexacte, la SCI Le Moulin ayant souhaité rembourser ses prêts par anticipation, ce qui l'a exposée à un risque de change dont elle était parfaitement informée. La banque souligne avoir répondu à la demande le 17 novembre 2014, soit près de deux mois avant le changement de politique monétaire de la BNS, proposition à laquelle la SCI Le Moulin n'a pas donné suite.

Sur ce,

En application de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal, après avoir procédé à une analyse complète des pièces produites, a retenu que c'est le 1er octobre 2014 que la SCI Le Moulin a sollicité le Crédit agricole en vue de convertir éventuellement les trois prêts en francs suisses en un seul prêt en euros à taux fixe. Or une simulation des sommes dues a été adressée par la banque dès le 17 novembre 2014, contenant toutes les informations utiles et nécessaires sur le montant à emprunter, de sorte que la SCI Le Moulin était en mesure de contacter un autre établissement bancaire pour qu'une proposition lui soit faite. Puis, par courrier électronique du 18 décembre 2014, une proposition de prêt d'un montant de 902.000 euros a été faite par le Crédit agricole, à laquelle la SCI Le Moulin n'a pas répondu, sans faute de la part de la banque (messagerie dédiée aux clients non consultée par la SCI Le Moulin).

Aussi, aucune faute de la banque n'est démontrée, de sorte que le jugement déféré sera encore confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte de chance.

 

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral :

La SCI Le Moulin soutient qu'elle subit un préjudice moral du fait de l'angoisse de voir sa dette évoluer défavorablement et sans limites.

Sur ce,

Il appartient à la SCI Le Moulin de rapporter la preuve de la faute qu'elle allègue et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Or les développements précédents excluent toute faute commise par la banque dans l'existence du risque de change, de sorte qu'elle ne peut qu'être déboutée de sa demande. Il sera ajouté que les prêts étant toujours en cours de remboursement, leur amortissement se poursuit en CHF sans modification des sommes dues en francs suisses (sauf jeu des taux d'intérêts variables), de sorte qu'il n'y a pas d'augmentation du capital dû dans la devise de souscription des prêts.

 

Sur les demandes accessoires :

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Le Moulin, qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et supportera les entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy le 9 septembre 2021, sauf en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de la SCI Le Moulin en dommages et intérêts pour manquements de la banque à son obligation d'information et de mise en garde ou sur le fondement d'un dol par réticence,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déclare recevables les demandes de la SCI Le Moulin en dommages et intérêts pour manquements de la banque à son obligation d'information et de mise en garde ou sur le fondement d'un dol par réticence,

Sur le fond, déboute la SCI Le Moulin de ces demandes,

Y ajoutant,

Déboute la SCI Le Moulin de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Déboute la SCI Le Moulin de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Le Moulin à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne la SCI Le Moulin aux entiers dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 23 novembre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière                                                 La Présidente