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CA RIOM (ch. com.), 22 novembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (ch. com.), 22 novembre 2023
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), ch. com.
Demande : 22/00744
Décision : 22/504
Date : 22/11/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 12/04/2022
Numéro de la décision : 504
Référence bibliographique : 5830 (crédit, application conventionnelle)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10607

CA RIOM (ch. com.), 22 novembre 2023 : RG n° 22/00744 ; arrêt n° 504

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il convient cependant d'examiner les faits reprochés par les appelants à la banque, et qui peuvent caractériser les fautes qu'ils lui reprochent, notamment au soutien de leur demande subsidiaire de garantie.

Le dol se définit comme le résultat de manœuvres provoquées par l'une des parties au contrat, et sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ; le prêt lui-même a été conclu entre les parties suivantes : la société Money Bank d'une part, M. et Mme X. d'autre part ; ceux-ci ne reprochent pas à la banque prêteuse d'avoir commis elle-même des manœuvres, mais d'avoir par négligence permis aux manœuvres d'autres personnes (les sociétés Apollonia et FRI, ou des collaborateurs de ces sociétés) de les inciter eux-mêmes à contracter.

Cependant, l'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention ne peut entraîner la nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur la substance même de ce contrat (Cass. civ. 1ère, 3 juillet 1996, pourvoi n° 94-15.729). L'erreur ou la faute reprochée par M. et Mme X. à la société Money Bank porte non pas sur l'objet même du prêt, mais sur les circonstances dans lesquelles prêteur et acquéreurs ont été mis en relation : par l'entremise de deux intermédiaires, au lieu d'un seul comme prévu par la loi.

Cette seule faute reprochée à la banque, qui ne saurait constituer une manœuvre de sa part et qui ne porte pas sur l'objet de la convention du prêt, ne pouvait fonder la demande d'annulation du prêt pour dol. »

2/ « L'article L. 121-22 du code de la consommation, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à -28 les ventes et les autres contrats qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Les parties s'opposent sur l'application de cet article, M. et Mme X. affirmant que l'acquisition en cause ne se rattachait pas à l'exercice d'une activité professionnelle, ce que conteste la société Money Bank.

Cependant, rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement le contrat qu'elles concluent à certaines dispositions du code de la consommation, qui leur sont alors impérativement applicables (Cass. civ. 1ère, 23 mars 1999, pourvoi n° 97-11.525). Tel est le cas du contrat de prêt en cause, conclu à la suite d'une offre qui vise expressément les articles L. 312-7 et -8 du code de la consommation (page 1), qui cite les articles L. 312-4, -5 et -10 du même code (page 6), et dont le dossier de présentation vise les articles L. 312-1 et suivants du même code (pièce n°2 de la société Money Bank). Il convient de faire application de ces dispositions, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le prêt en cause relevait de l'exercice d'une activité professionnelle, au sens de l'article L. 122-22 du code de la consommation. »

3/ « La circonstance que deux sociétés (Apollonia et FRI) se soient entremises entre les emprunteurs et la banque, au mépris de l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, ne constitue pas en elle-même une infraction aux règles de forme applicables à la conclusion du contrat de prêt. M. et Mme X. ne sont pas fondés à contester la régularité de la procédure de conclusion du contrat, au regard des articles L. 312-7 à -10 du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00744. Arrêt n° 504. N° Portalis DBVU-V-B7G-FZIU. Sur APPEL d'une décision rendue le 22 mars 2023 par le Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY (RG 10/00927).

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

 

ENTRE :

APPELANTS :

M. X.

[Adresse 8], [Localité 2], Représentants : Maître Isabelle MOULINOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître Caroline CERVEAU-COLLIARD de la SELARL C3LEX, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

Mme Y. épouse X.

[Adresse 8], [Localité 2], Représentants : Maître Isabelle MOULINOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître Caroline CERVEAU-COLLIARD de la SELARL C3LEX, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

 

ET :

INTIMÉES :

COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

Entreprise régie par le Code des Assurances, Société Anonyme à Conseil d'Administration au capital de XXX €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre (92) sous le numéro YYY, dont le siège social est [Adresse 6], représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié es qualité audit siège, ladite société COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS étant la nouvelle dénomination de la société COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES venant aux droits et actions de la société SACCEF par suite de sa fusion par absorption, [Adresse 6], [Adresse 6], [Localité 3], Représentants : Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître Frédéric ALLEAUME de la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

SA MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la Société GE MONEY BANK

Société anonyme immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° WWW, [Adresse 1], [Localité 4], Représentants : Maître Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître François VERRIELE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

 

DÉBATS : A l'audience publique du 4 octobre 2023 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 22 novembre 2023.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 22 novembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Suivant un acte authentique reçu le 10 août 2007 par Maître Z. notaire à [Localité 9], M. X. et Mme Y. épouse X. ont fait l'acquisition en l'état futur d'achèvement, de la SARL [Adresse 5], du lot de copropriété n°11 et des meubles le garnissant, dans le bâtiment B d'un immeuble dénommé [Adresse 5] à [Localité 7] (Charente-Maritime). Le prix, fixé à 307.338 euros, a été payé au moyen d'un emprunt que M. et Mme X. avaient contracté auprès de la société GE Money Bank, pour la somme de 307.338 euros, suivant une offre de prêt à taux variable, acceptée par les emprunteurs le 29 juin 2007. Le remboursement du prêt était garanti par le cautionnement donné le 9 mai 2007 par la société SACCEF.

M. et Mme X. ont cessé en 2010 de payer les échéances de l'emprunt ; la société GE Money Bank a provoqué la déchéance du terme, et a mis en œuvre le cautionnement. La société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (CEGC), venant aux droits et obligations de la société SACCEF, a versé à la société prêteuse, le 28 juin 2010, les sommes restant dues au titre du prêt en cause, puis a fait assigner M. et Mme X., le 31 août 2010, devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, pour obtenir paiement des sommes qu'elle avait versées à la société GE Money Bank.

M. et Mme X. ont eux-mêmes fait assigner devant le même tribunal, le 30 novembre 2010, la société GE Money Bank devenue la société My Money Bank (ci-après : la société Money Bank), pour qu'elle soit condamnée le cas échéant à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre eux. L'instance en garantie a été jointe à l'instance initiale, suivant ordonnance du juge de la mise en état du 29 novembre 2011.

Le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, suivant jugement du 22 mars 2022, a :

- débouté M. et Mme X. de leur demande d'annulation du prêt pour dol,

- jugé irrecevable, du fait de la prescription, la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels et de restitution des éventuels trop perçus, formée par M. et Mme X.,

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la CEGC la somme totale de 313.786,82 euros au titre de la quittance subrogative du 28 juin 2010, outre intérêts au taux conventionnel de 4,25 % à compter du 31 août 2010 et jusqu'à parfait paiement, le tout en deniers et quittances valables,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M. et Mme X. de leur demande de garantie formée à l'encontre de la société Money Bank, et de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- condamné solidairement M. et Mme X. aux dépens, et au paiement d'une somme de 5.000 euros à chacune des sociétés CEGC et Money Bank.

M. et Mme X., suivant une déclaration reçue au greffe de la cour le 12 avril 2022, ont interjeté appel de ce jugement, dans toutes ses dispositions.

Les appelants exposent qu'ils sont victimes, ainsi que plusieurs centaines d'autres personnes, des agissements frauduleux de la société Apollonia, gestionnaire de patrimoine et agent immobilier, faits commis avec la complicité de notaires et d'une société intermédiaire dénommée FRI ; que les faits ont donné lieu à une instruction, et à la mise en examen de plusieurs personnes, y compris de notaires ; que le juge d'instruction a ordonné le 25 février 2022 le renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille de plusieurs personnes mises en examen, ordonnance qui décrit les procédés employés par la société Apollonia, pour porter atteinte au droit de réflexion des acquéreurs.

M. et Mme X. demandent à la cour de réformer le jugement, et de débouter la société CEGC de toutes ses demandes. Ils invoquent l'article 2308 du code civil, qui dispose que, lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'a point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. M. et Mme X. reprochent à la société CEGC d'avoir payé la société Money Bank sans les en avoir avertis, alors qu'ils avaient eux-mêmes alerté la banque prêteuse le 12 janvier 2010, en l'informant de l'instruction en cours, et de leur situation financière catastrophique, à la suite d'autres emprunts qu'ils avaient contractés avant celui en cause. Ils lui reprochent aussi, d'autre part, d'avoir accordé son cautionnement au vu du dossier incomplet que lui avait transmis la banque, et qui ne reflétait pas leur situation réelle ; et d'avoir donné ce cautionnement sans prendre garde au nombre anormalement élevé de garanties demandées par la société Money Bank, pour des opérations réalisées par l'intermédiaire de la société FRI.

M. et Mme X. concluent d'autre part à l'annulation de l'acte de prêt, pour dol. Ils reprochent à la société Money Bank d'avoir méconnu gravement ses devoirs de vigilance, d'information et de conseil, faute qui peut être qualifiée de dolosive au sens de l'article 1116 du code civil : la banque était elle-même pleinement informée dès l'année 2006 du contexte délictueux dans lequel agissait la société FRI, elle ne pouvait ignorer le rôle de la société Apollonia, et elle est responsable de la société intermédiaire à qui elle a donné mandat, lequel ne pouvait contractuellement être transféré à une société tierce.

À titre subsidiaire, pour le cas où la cour ferait droit en son principe à la demande en paiement de la société CEGC, M. et Mme X. lui demandent de limiter leur condamnation à la somme de 292 361,23 euros, somme indiquée sur la quittance subrogative, déduction faite de versements d'un montant total de 13 718,59 euros, qu'ils ont déjà effectués. Ils concluent à l'annulation des intérêts contractuels, au motif que la banque prêteuse n'a pas respecté les dispositions des articles L. 312-7 et -10 du code de la consommation relatifs à la procédure d'offre et d'acceptation des prêts immobiliers, et qu'elle a mentionné un taux effectif global erroné, faute d'avoir pris en compte les frais d'intermédiaire.

M. et Mme X. recherchent d'autre part la responsabilité de la société Money Bank, pour avoir manqué à ses obligations : celle de les informer des risques que comportait l'opération, vu les problèmes qui s'étaient déjà posés pour d'autres prêts accordés par l'entremise de la société Apollonia ; et l'obligation de conseil et de mise en garde qui incombait à la banque, enfin son obligation de vigilance et de prudence, alors qu'ils étaient des clients non avertis en matière d'investissements. Ils demandent que, pour le cas où ils seraient condamnés à paiement à la société CEGC, la société Money Bank soit elle-même condamnée à les garantir de cette condamnation. Ils demandent enfin la condamnation «'solidaire'» des sociétés CEGC et Money Bank à leur verser une somme de 25.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

[*]

La société CEGC demande principalement à la cour de confirmer le jugement, sauf sur le montant de la condamnation principale de M. et Mme X., qu'elle demande à voir réduire à 306.079,82 euros, avec intérêts au taux légal. Cette société déclare fonder son action sur le recours personnel prévu à l'article 2305 du code civil, pour la caution qui a payé au lieu et place du débiteur. Elle expose que la somme dont elle demande paiement est celle-là même qu'elle a payée en sa qualité de caution, et que dans l'exercice de son action subrogatoire, elle peut certes se voir opposer des moyens de défense inhérents à la dette, mais en aucun cas des moyens tirés du contrat original - le prêt -, puisque son recours se fonde non pas sur ce contrat mais sur le paiement qu'elle a opéré. La société CEGC soutient que les griefs de M. et Mme X. contre la banque prêteuse, tirés de manquements de celle-ci à ses obligations, ne sauraient affecter son droit à recours, non plus qu'une éventuelle irrégularité formelle de l'acte ou de la procédure de prêt. Elle soulève néanmoins la prescription de l'action de M. et Mme X. en annulation de l'acte de prêt, au visa de l'article 1304 du code civil ; elle conteste d'autre part l'application du code de la consommation, et conteste au surplus toute infraction aux dispositions de ce code, invoquées par les appelants.

La société CEGC se défend par ailleurs des fautes que lui reprochent M. et Mme X. : il lui était impossible de déceler une augmentation prétendument anormale du nombre des dossiers de la société Money Bank en lien avec la société Apollonia, ce nombre étant resté infime, au regard de l'ensemble des cautionnements qu'elle a consentis pendant la période considérée ; elle a décidé d'accorder sa garantie pour le prêt de M. et Mme X., au terme d'une procédure d'instruction, sur la base des informations transmises par la banque, et qui provenaient pour certaines des emprunteurs eux-mêmes. La société CEGC souligne que M. et Mme X. ont passé sous silence divers emprunts qu'ils avaient précédemment contractés, dans le même objectif d'investissement immobilier, et qu'ils lui ont ainsi caché leur situation réelle. La société CEGC conteste l'application de l'article 2308 du code civil, demandée par les appelants : elle souligne que cet article ne sanctionne le paiement fait par la caution que lorsque celle-ci a payé sans être poursuivie par le créancier, alors qu'elle a payé la dette de M. et Mme X. sur réclamation de la banque prêteuse ; qu'au surplus les emprunteurs ne précisent pas le moyen qu'ils auraient pu invoquer, à la date du paiement, pour faire déclarer leur dette éteinte.

La société CEGC demande enfin, pour le cas où la cour viendrait à considérer qu'elle a perdu son recours à cause d'une faute de la société Money Bank, de condamner celle-ci à lui payer la somme dont elle poursuit le recouvrement.

[*]

La société Money Bank conclut elle aussi à la confirmation du jugement. Elle expose qu'elle a été mise en relation avec M. et Mme X. par la société FRI intermédiaire en opérations de banque, et qu'elle a donné son accord à leur demande de prêt sur la foi des déclarations des emprunteurs, dont la situation déclarée leur permettait de payer les mensualités prévues ; qu'elle n'a elle-même jamais eu aucun rapport avec la société Apollonia, et qu'elle a rompu ses relations avec la société FRI en avril 2008, lorsqu'elle a appris qu'elle lui avait transmis des dossiers de demandes de prêt instruits par la société Apollonia, dont les agissements ont fait l'objet d'une instruction préparatoire.

La société Money Bank conteste l'application du code de la consommation, affirme que le prêt a été consenti régulièrement, et qu'elle ignorait alors les agissements de la société Apollonia, ainsi qu'il ressort notamment de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction de Marseille, et de l'arrêt prononcé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur appel contre cette ordonnance. Elle détaille les diligences qu'elle a réalisées avant d'accorder le prêt en cause, et se défend d'avoir commis de faute, que ce soit lors de l'envoi de l'offre de prêt, ou dans la rédaction même de cette offre ; elle fait valoir que M. et Mme X. ne justifient pas de l'inexactitude du taux effectif global, dont l'indication est conforme au code de la consommation. La société Money Bank se défend d'un quelconque manquement à ses devoirs de mise en garde et de vigilance, exposant que les emprunteurs lui ont dissimulé la réalité de leur endettement. Elle souligne que, s'agissant d'apporter son concours à une opération qui lui était étrangère, elle n'avait pas à donner de conseils aux emprunteurs sur l'opportunité de l'opération, qu'elle ne saurait répondre des fautes commises le cas échéant par l'entreprise intermédiaire la société FRI, et elle souligne que ni la société Money Bank elle-même, ni aucun de ses salariés n'ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel.

[*]

Il est référé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées les 12 et 19 septembre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Le contrat de cautionnement est l'accessoire du prêt, et ne pouvant exister que sur une obligation valable (article 2289 ancien du code civil), il convient d'examiner en premier lieu la demande d'annulation du prêt, qui, s'il y était fait droit, entraînerait l'annulation du cautionnement.

 

Sur la demande d'annulation du prêt :

M. et Mme X. fondent leur demande d'annulation sur le dol ; il est rappelé que, selon l'article 1116 ancien du code civil alors en vigueur, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Les appelants font état d'une faute dolosive de la société Money Bank, liée à l'absence de contrôle interne : ils exposent que cette société a conclu avec la société FRI (French Riviera Invest) une convention d'intermédiaire en opérations de banque, que la société Apollonia a elle-même pris attache avec la société FRI pour obtenir des prêts par la banque, qu'ils ont été eux-mêmes les victimes de la société Apollonia qui les a conduit à souscrire deux emprunts auprès de la société Money Bank, que celle-ci n'aurait pas dû leur accorder ces deux prêts, et qu'elle ne l'a fait qu'au vu du dossier tronqué que lui a présenté Apollonia via FRI.

Ils affirment que la société Money Bank savait nécessairement que FRI n'était qu'un intermédiaire entre elle-même et Apollonia, alors qu'une telle situation est interdite par l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, selon lequel l'activité d'intermédiaire en opérations de banque ne peut s'exercer qu'entre deux personnes, dont l'une au moins est un établissement de crédit ou un établissement de paiement. Ils citent des extraits du témoignage de Mme [A] [N], cadre de la société Money Bank, qui tend à établir que cette société a eu connaissance, en juin ou juillet 2006, du rôle joué par la société Apollonia, comme «'apporteur d'affaires'» pour la société FRI, et au travers de celle-ci pour la société Money Bank.

M. et Mme X. n'apportent cependant aucune réponse, à la prescription soulevée par la société CEGC à l'encontre de leur demande d'annulation du contrat ; comme le fait valoir cette société, l'action en annulation d'un contrat se prescrit par cinq conformément à l'article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Dans le cas particulier, M. et Mme X. avaient connaissance des manœuvres dont ils font état, au plus tard à la date ils ont déposé une plainte collective auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille, le 10 avril 2008 (cf. l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi prononcée par le juge d'instruction, page 76). Ils ont présenté leur demande d'annulation du prêt au cours de la présente instance, devant le tribunal et pendant l'année 2021, selon l'affirmation de la société CEGC, que M. et Mme X. ne contestent pas : à cette date, la prescription était déjà acquise depuis le 18 juin 2013 minuit. Au surplus, une exception de nullité n'est pas recevable à l'encontre d'un acte ayant reçu exécution (Cass. civ. 1ère, 1er décembre 1998, pourvoi n° 96-17.761) ; or M. et Mme X. ont payé une partie des échéances de l'emprunt en cause, y compris lors de l'année 2009, après le dépôt de leur plainte. Leur demande d'annulation du prêt est donc prescrite et irrecevable ; le jugement, les ayant déboutés de cette demande, sera réformé sur ce point vu l'évolution du litige.

Il convient cependant d'examiner les faits reprochés par les appelants à la banque, et qui peuvent caractériser les fautes qu'ils lui reprochent, notamment au soutien de leur demande subsidiaire de garantie.

Le dol se définit comme le résultat de manœuvres provoquées par l'une des parties au contrat, et sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ; le prêt lui-même a été conclu entre les parties suivantes : la société Money Bank d'une part, M. et Mme X. d'autre part ; ceux-ci ne reprochent pas à la banque prêteuse d'avoir commis elle-même des manœuvres, mais d'avoir par négligence permis aux manœuvres d'autres personnes (les sociétés Apollonia et FRI, ou des collaborateurs de ces sociétés) de les inciter eux-mêmes à contracter.

Cependant, l'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention ne peut entraîner la nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur la substance même de ce contrat (Cass. civ. 1ère, 3 juillet 1996, pourvoi n° 94-15.729). L'erreur ou la faute reprochée par M. et Mme X. à la société Money Bank porte non pas sur l'objet même du prêt, mais sur les circonstances dans lesquelles prêteur et acquéreurs ont été mis en relation : par l'entremise de deux intermédiaires, au lieu d'un seul comme prévu par la loi.

Cette seule faute reprochée à la banque, qui ne saurait constituer une manœuvre de sa part et qui ne porte pas sur l'objet de la convention du prêt, ne pouvait fonder la demande d'annulation du prêt pour dol.

Au surplus, à supposer même que la faute reprochée à la banque prêteuse soit assimilée à des manœuvres, l'action en annulation n'aurait pu prospérer qu'à charge pour M. et Mme X. de prouver que, sans ces fautes ou manœuvres, ils n'auraient pas contracté le prêt en cause ; or M. et Mme X., s'ils affirment qu'ils avaient déjà, avant l'acquisition du bien de [Localité 7], acquis de cinq autres biens en l'espace de cinq années, pour une valeur totale de 1.007.443 euros, et qu'ils se trouvent désormais dans une situation financière très grave, ne prétendent pas que l'opération en cause, et plus précisément le prêt de 307.388 euros que leur a consenti en juin 2007 la société Money Bank, et qui seul pourrait être reproché à celle-ci, ait été par lui-même contraire à leurs intérêts : ils ne produisent aucun justificatif à cet égard, tel que la déclaration de leurs revenus fonciers ; dans une lettre qu'ils ont adressée le 12 janvier 2010 à la société Money Bank, et qu'ils produisent en copie (pièce n°12), M. et Mme X. ont certes fait état de leur situation financière qu'ils qualifiaient de catastrophique, mais ils ont proposé à la banque prêteuse de payer les mensualités «'au moyen des loyers [qu'ils] perçoivent effectivement'», ce qui tend à prouver que le bien en cause leur procure des revenus, pouvant couvrir le montant des échéances de l'emprunt y afférent.

La demande d'annulation du prêt, d'ailleurs irrecevable, n'est donc pas fondée.

 

Sur le cautionnement :

Les appelants reprochent d'abord à la CEGC de leur avoir accordé son cautionnement dans des circonstances fautives, et de leur avoir ainsi porté préjudice, en permettant à la société Money Bank de leur accorder le prêt en cause, qu'elle n'aurait jamais consenti sans cette sûreté personnelle. Ils lui reprochent d'avoir pris cette décision au vu du dossier incomplet transmis par la banque, et concluent pour ce motif au débouté des demandes de la CEGC.

La caution, même professionnelle, n'est pas tenue, au contraire du prêteur professionnel, d'une obligation particulière de vigilance ou de mise en garde envers l'emprunteur ; elle peut le cas échéant, en particulier si elle est professionnelle, voir sa responsabilité recherchée si elle accorde son cautionnement dans des circonstances anormales, et s'il en résulte un préjudice pour l'emprunteur.

Dans le cas particulier, la société CEGC a pris sa décision au vu d'un dossier dont elle produit la copie, et qui comprenait divers documents mécanographiés précisant la situation familiale et professionnelle et patrimoniale des emprunteurs (pièces n°20 A de la CEGC) ; à ces documents étaient joints l'avis d'impôt sur les revenus du foyer pendant les années 2004 et 2005, des relevés de compte bancaire (pièces 20 B à 20 G). Ils ressort de ces divers documents, transmis à la société CEGC par la société Money Bank, que M. et Mme X. faisaient état de revenus d'environ 78.000 euros pour l'année 2005 (les revenus de l'activité libérale de M. X., ceux de l'activité salariée de Mme X.), qu'ils assumaient la charge de leurs trois enfants, et qu'ils ne déclaraient pas d'autre acquisition immobilière récente, que celle effectuée auprès d'une SCI Orely, sur un bien d'une valeur vénale de 150.000 euros, et pour lequel ils acquittaient chaque mois une charge de remboursement d'emprunt de 512 euros (pièce n°1).

Ces éléments, qui faisaient apparaître un revenu mensuel moyen d'environ 6 500 euros pour une famille de cinq personnes, avec un seul emprunt immobilier en cours, étaient de nature à inciter la banque à consentir le prêt, et la société de cautionnement à accorder sa garantie ; il se révèlent cependant contraires à la réalité, puisque M. et Mme X. affirment eux-mêmes qu'en réalité ils avaient déjà, au moment de l'acquisition et du prêt en cause, contracté quatre autres acquisitions, avec les prêts y afférents, pour une valeur globale de plus de 1.000.000 euros. Ces engagements, s'ils avaient été connus de la banque et de la CEGC, auraient sans nul doute modifié leur appréciation du risque, et influé sur leur décision. Les documents présentés à la société CEGC au moment où s'est engagée ne comportaient eux-mêmes pas de lacune ou d'anomalie apparente : c'est bien le silence gardé par les emprunteurs sur la réalité de leur endettement, qui seul a faussé la décision de la société de cautionnement.

Par ailleurs, la société CEGC n'avait aucun moyen de s'apercevoir d'une augmentation prétendument anormale du nombre de prêts consentis par la société Money Bank à la suite d'apports de la société FRI : une telle augmentation ne pouvait être décelée au regard de la masse des contrats que traitait annuellement la société de cautionnement, et de la faible proportion de ceux apportés par la société FRI.

Au surplus, même si une faute de la CEGC était établie, elle ne pourrait le cas échéant exposer celle-ci qu'à réparer le préjudice consécutif, par l'allocation de dommages et intérêts aux emprunteurs, venant en compensation, totale ou partielle, de leur dette envers la caution : or M. et Mme X. ne présentent aucune demande de dommages et intérêts à l'encontre de la CEGC. La prétendue faute de celle-ci, dans sa décision même d'accorder son cautionnement, ne saurait donc exonérer les emprunteurs de leurs obligations à son égard.

M. et Mme X. invoquent ensuite l'article 2308 du code civil, selon lequel, dans les dispositions en vigueur à la date de cautionnement en cause, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

La déchéance de l'article 2308 ancien du code civil n'est encourue que lorsque la caution a payé sans être poursuivie, et la poursuite au sens de cette article peut résulter d'une mise en demeure, adressée par le créancier à la caution, ou même d'une simple réclamation du créancier (Cass. Civ. 1ère, 23 novembre 2022, pourvoi n°18-19.185 ; 11 janvier 2017, pourvoi n°15-28.846). La société CEGC produit la « demande de remboursement SACCEF » que la société Money Bank a envoyé le 10 mai 2010 à la société SACCEF, dans les droits de laquelle la société CEGC se trouve subrogée, demande portant sur quatre échéances restées impayées, sur le capital restant dû et sur la pénalité contractuelle, détaillés dans un décompte arrêté au 21 avril 2010 (pièces n° 5 et 5 bis de la société CEGC). Cette demande constitue une poursuite au sens de l'article 2308 du code civil ; la perte du recours de la caution prévue par cet article n'est donc pas encourue par la société CEGC.

De plus, même si cette première condition était remplie, il appartiendrait en outre à M. et Mme X. d'établir que, à la date du paiement opéré par la société de cautionnement le 28 juin 2010 (date mentionnée sur la quittance subrogative), ils pouvaient avoir des moyens permettant de faire déclarer leur dette éteinte ; dans sa demande de remboursement du 8 juillet 2009, la société Money Bank se limitait à informer la société de cautionnement que « Mme [X.] a informé GEMB de difficultés financières sans autres précisions», information qui n'était nullement de nature à laisser apparaître que M. et Mme X. fussent en mesure de voir déclarer l'extinction de leur dette.

M. et Mme X. affirment que la CEGC, qui avant de payer était tenue de s'informer des causes du défaut de paiement des emprunteurs, a reçu la copie d'une lettre qu'ils ont envoyée à la banque prêteuse pour l'informer qu'ils avaient été victimes d'un démarchage illicite de la part de la société Apollonia (leur pièce n°12), et que d'ailleurs la CEGC, dans une plainte qu'elle a déposée le 14 juin 2010, a reconnu qu'elle avait été alertée par de nombreux emprunteurs, victimes eux aussi des agissements de la société Apollonia.

Cependant, dans leur lettre déjà citée 12 janvier 2010 à la société Money Bank, M. et Mme X. ont mentionné leur situation financière catastrophique, leur impossibilité de poursuivre le paiement des échéances de l'emprunt, et ont proposé à la banque prêteuse de payer les mensualités « au moyen des loyers », sans faire état de démarchage ou d'autres manœuvres illicites, ainsi qu'ils le prétendent ; dans cette même lettre, les emprunteurs affirmaient d'autre part qu'ils avaient souscrit l'emprunt « par l'intermédiaire de la société Apollonia », mais sans formuler de reproche contre cette société, ou contre une quelconque autre personne ; leur lettre ne contenait aucune contestation sur le principe de la dette, et ne permettait pas au destinataire de connaître l'existence de moyens qu'auraient eus les emprunteurs de faire déclarer leur dette éteinte.

Par ailleurs, la plainte avec constitution de partie civile que la société Money Bank a déposée le 24 novembre 2009, auprès de Mme W. juge d'instruction à [Localité 9], énonce que la société plaignante, ayant appris l'ouverture d'une information le 2 juin 2008, et ayant découvert qu'elle avait été amenée à accorder des prêts immobiliers à la suite de manœuvres frauduleuses commises par les emprunteurs, se constituait partie civile contre toutes personnes que l'information désignerait (pièce n°81 des appelants) ; ni cette plainte de la société prêteuse, ni aucune des autres pièces versées aux débats ne permet de constater que la CEGC a eu connaissance, au jour du paiement, d'éventuels motifs qui auraient permis de déclarer éteinte la dette de M. et Mme X., ni non plus que ceux-ci aient eu alors de tels motifs à faire valoir.

M. et Mme X. ne sont donc pas fondés à opposer la déchéance de l'article 2308 ancien du code civil.

Cette action apparaît bien fondée, au vu des documents contractuels de l'acte de prêt, des mises en demeure faites par la société Money Bank aux emprunteurs, de la quittance subrogative et des décomptes de créance présentés, non critiqués par les appelants ; il convient de faire droit à la principale demande en paiement de la société CEGC, sous réserve de ce qui sera prononcé sur la demande de déchéance des intérêts contractuels, et sur la demande de limitation de leur dette, formées par M. et Mme X..

 

Sur les intérêts contractuels, et sur le montant de la dette :

M. et Mme X. sont recevables à soulever la déchéance du droit pour le créancier aux intérêts contractuels, en défense à la demande en paiement formée contre eux par la société CEGC, sans que puisse leur être opposée la prescription ; ils peuvent en revanche se voir opposer la prescription, à leur demande en répétition des intérêts qu'ils ont déjà versés ; le jugement, en ce qu'il a retenu la prescription y compris sur la défense à paiement, sera réformé de ce chef.

M. et Mme X. concluent à la déchéance, pour la société Money Bank et par suite la société CEGC, du droit aux intérêts contractuels ; ils invoquent en ce sens : le non-respect des articles L.312-7, -10 et -33 du code de la consommation, régissant les formes et délais applicables aux prêts conclus à la suite d'un démarchage à domicile, et aux prêts immobiliers (pages 71 à 76 des conclusions des appelants) ; et les mentions erronées de l'acte de prêt, qui ne contiennent pas, dans l'énumération des éléments ayant servi au calcul du taux effectif global, le coût de la rémunération de l'intermédiaire, la société FRI (pages 76 à 78 des conclusions de M. et Mme X.).

L'article L. 121-22 du code de la consommation, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à -28 les ventes et les autres contrats qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Les parties s'opposent sur l'application de cet article, M. et Mme X. affirmant que l'acquisition en cause ne se rattachait pas à l'exercice d'une activité professionnelle, ce que conteste la société Money Bank.

Cependant, rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement le contrat qu'elles concluent à certaines dispositions du code de la consommation, qui leur sont alors impérativement applicables (Cass. civ. 1ère, 23 mars 1999, pourvoi n° 97-11.525). Tel est le cas du contrat de prêt en cause, conclu à la suite d'une offre qui vise expressément les articles L. 312-7 et -8 du code de la consommation (page 1), qui cite les articles L. 312-4, -5 et -10 du même code (page 6), et dont le dossier de présentation vise les articles L. 312-1 et suivants du même code (pièce n°2 de la société Money Bank). Il convient de faire application de ces dispositions, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le prêt en cause relevait de l'exercice d'une activité professionnelle, au sens de l'article L. 122-22 du code de la consommation.

L'article L.312-7 du code de la consommation oblige le prêteur immobilier à formuler une offre écrite à l'emprunteur, au moyen d'un envoi par la poste ; l'article L. 312-8 énumère les mentions que doit contenir l'offre, et l'article L. 312-10 oblige le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception ; les emprunteurs ne peuvent donner leur accord que par lettre, dix jours après qu'ils ont reçu l'offre. M. et Mme X. critiquent la procédure d'offre de prêt, affirmant qu'ils n'ont pas reçu le formulaire d'offre ; ils critiquent la procédure d'acceptation de cette offre : ils exposent que le formulaire comportant leur acceptation a été renvoyé à la banque par les sociétés Apollonia et RFI, et précisent que la date d'acceptation a été ajoutée a posteriori (page 75 des conclusions des appelants).

Le formulaire d'acceptation produit par la société CEGC mentionne que M. et Mme X. reconnaissaient avoir reçu l'offre le 18 juin 2007, et l'avoir acceptée le 29 juin 2007 ; la société CEGC produit encore une photocopie du recto de l'enveloppe de retour, établie à l'adresse de la société Money Bank (« Centre d'accept REA API »), et envoyée le 20 juillet 2007, date attestée par le cachet postal (pièce n°1) ; ce formulaire et cette enveloppe constituent la preuve que M. et Mme X. ont envoyé l'acceptation de l'offre de prêt conformément à l'article L. 312-10 du code de la consommation  : ils n'établissent pas que les dates de réception aient été portées par un tiers, et il est certain que les emprunteurs ont apposé eux-mêmes leur signature en connaissance de cause, en laissant peut-être la mention de la date en blanc, sous leur responsabilité ; il importe peu d'ailleurs que l'enveloppe porte un cachet d'envoi des Alpes-Maritimes, département où ne résident pas les emprunteurs : ceux-ci pouvaient confier à un tiers l'envoi de la lettre d'acceptation de l'offre de prêt, sans que la validité de la procédure en soit affectée.

Il n'apparaît pas, d'ailleurs, que la banque ou l'un de ses salariés ait fait l'objet, de la part des juridictions d'instruction, d'une décision de renvoi devant le tribunal correctionnel : aucune infraction formelle aux dispositions du code de la consommation, protectrices des droits des emprunteurs, ne peut leur être imputée. La circonstance que deux sociétés (Apollonia et FRI) se soient entremises entre les emprunteurs et la banque, au mépris de l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, ne constitue pas en elle-même une infraction aux règles de forme applicables à la conclusion du contrat de prêt. M. et Mme X. ne sont pas fondés à contester la régularité de la procédure de conclusion du contrat, au regard des articles L. 312-7 à -10 du code de la consommation.

Le fait, d'autre part, que l'acte de prêt ne comporte pas, parmi les éléments qui concourent au calcul du taux effectif global énumérés en page 4 de l'offre de prêt, la mention des frais de commission payés à la société FRI, intermédiaire en opérations de banque, s'explique par la circonstance, selon la société Money Bank, que ces frais n'ont pas été mis à la charge des emprunteurs. De fait, l'offre de prêt ne mentionne pas de tels frais, et il n'appartient ni à la banque prêteuse ni à la société de cautionnement d'établir la preuve d'un fait négatif : celle de l'absence de frais d'intermédiaire, supportés par les emprunteurs.

La demande de déchéance des intérêts contractuels présentée par M. et Mme X. n'est donc pas fondée, elle sera rejetée.

La société CEGC demande à la cour de réformer le jugement sur le montant de la condamnation principale, en la limitant à la somme de 306.079,82 euros (somme portée sur la quittance subrogative), avec intérêts au taux légal capitalisés ; M. et Mme X. s'accordent avec cette société sur le montant initial de leur dette, mais demandent qu'il en soit déduit une somme de 13 718,59 euros, montant des remboursements qu'ils disent avoir opérés pour les années 2009 et 2010 ; la société CEGC réplique qu'elle a payé la somme de 306.079,82 euros au vu d'un décompte établi en avril 2010, comportant les échéances échues et restées impayées ainsi que le capital restant dû, qu'aucune échéance n'est demandée pour l'année 2009, de sorte que les appelants ne sauraient faire état de paiement au titre de cette année, et que le paiement opéré en 2010 ne peut être daté de manière certaine, avant ou après le décompte.

Le décompte, arrêté au 24 avril 2010, porte que la somme de 306.079,82 euros se compose de 7.038,96 euros d'échéances impayées'(celles de janvier à avril 2010 inclus), et 299.040,86 euros de capital restant dû par suite de la déchéance du terme.

M. et Mme X. produisent, pour preuve des paiements en cause, deux attestations établies par la société Money Bank le 8 janvier 2010 et le 31 décembre 2010, énonçant pour la première qu'ont été réglées, au titre du prêt et des intérêts une somme de 11.254,93 euros pour l'année 2009, et pour l'année 2010 une somme de 2.463,66 euros, soit la somme totale de 13.718,59 euros qu'ils demandent à voir soustraire de leur dette.

Ainsi que le fait valoir la CEGC, le décompte ne mentionne aucun reliquat pour l'année 2009, de sorte que le paiement d'une somme de 11.254,93 euros pour l'année 2009, attesté d'ailleurs avant l'arrêté de compte, n'a pas à être soustrait de la dette des emprunteurs.

En revanche l'attestation du 31 décembre 2010, qui fait état de paiements opérés pour l'année 2010, constitue la preuve de versements effectués par les emprunteurs après l'arrêté de compte du 21 avril 2010, puisque celui-ci mentionne que les quatre premières échéances de l'année 2010 était alors restées impayées en totalité. M. et Mme X. sont fondés à demander que leur dette soit réduite de ces seuls paiements. Le jugement sera réformé sur le montant de la condamnation principale, ainsi réduite à 306.079,82 - 2 463,66 = 303 616,16 euros.

La société CEGC demande que cette somme soit assortie de l'intérêt au taux légal, avec capitalisation ; M. et Mme X. contestent à bon droit la demande de capitalisation : selon l'article L. 312-23 ancien du code de la consommation, applicable à la cause par la référence faite, dans les actes contractuels, aux articles L. 312-1 et suivants de ce code, fait obstacle à la capitalisation des intérêts, y compris pour la caution, (Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, pourvoi n° 20-23.617).

Il sera fait droit, d'autre part, à la demande subsidiaire de la société CEGC contre la société Money Bank en répétition de la somme de 2 463,66 euros, perçue par celle-ci après l'arrêté de compte et le versement opéré par la société de cautionnement.

 

Sur la demande de garantie :

M. et Mme X. demandent à être garantis, par la société Money Bank, de toute condamnation qui serait prononcée contre eux, au profit de la société CEGC. Ils reprochent à la banque prêteuse d'avoir manqué à ses obligations de contrôler le dossier de demande de prêt qui lui était présenté, alors qu'elle aurait dû faire preuve d'une vigilance accrue dès lors que ce dossier était constitué par un tiers, mandataire des emprunteurs, comme stipulé dans la convention de cautionnement ; ils lui reprochent de ne pas avoir effectué de diligence particulière pour connaître ses clients, aucun contact physique n'ayant eu lieu entre eux-mêmes et la société Money Bank, de ne pas avoir rempli son obligation de mise en garde, et d'avoir enfreint les règles de l'arrêté du 31 mars 2005 et de l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, qui l'obligeaient notamment à n'avoir qu'un seul intermédiaire, alors qu'elle ne pouvait ignorer l'intervention de la société Apollonia, derrière la société FRI (pages 53 à 71 des conclusions des appelants).

Le banquier dispensateur de crédit est principalement tenu, en application de l'article 1147 du code civil, d'une obligation de vérification et de mise en garde à l'égard des emprunteurs non avertis, sur l'adéquation entre leurs ressources et la charge de l'emprunt, afin que les échéances du prêt soient mesurées à leur capacité de remboursement ; il n'est en principe pas obligé de contrôler la pertinence et la viabilité de l'opération réalisée par l'emprunteur au moyen du prêt consenti ; la banque est en droit de se fier aux éléments figurant sur la fiche signée par les emprunteurs ; et lorsque, compte tenu de leur situation financière et patrimoniale, telle qu'elle ressort des éléments qu'ils ont communiqués à la banque, le crédit octroyé n'est pas de nature à constituer pour eux un risque d'endettement, la banque n'est pas tenue à un devoir de mise en garde ; sauf anomalie apparente, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par les emprunteurs (Cass, Com. 4 juillet 2019, pourvoi n°17-13.128).

L'article L. 519-2 du code monétaire et financier régit d'autre part l'activité d'intermédiaire en opérations de banque, et dispose que l'activité d'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut s'exercer qu'entre deux personnes dont l'une au moins est, entre autres, un établissement de crédit ; l'article 19 de l'arrêté du 31 mars 2005, modifiant le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF), dispose que l'appréciation du risque de crédit doit notamment tenir compte des éléments sur la situation financière du bénéficiaire, en particulier sa capacité de remboursement.

La société Money Bank justifie qu'elle a reçu un dossier complet, comportant entre autres la demande de prêt, des justificatifs d'identité et des revenus, une fiche de réservation et un compromis de vente (pièces n°22/0 à 22/17 de cette société). Rien n'obligeait cette société à avoir un contact physique avec M. et Mme X., qui ne contestent pas qu'ils ont bien signé eux-mêmes la demande de prêt ; le fait que les mentions manuscrites du formulaire de demande aient été écrites par un tiers ne constitue pas en lui-même une anomalie.

Et il n'apparaît pas que les éléments contenus dans le dossier de demande de prêt aient présenté d'anomalie apparente, de nature à alerter la banque. Celle-ci était en droit de se fier aux déclarations de M. et Mme X., qui faisaient état d'une situation personnelle leur permettant de faire face aux charges de remboursement de l'emprunt demandé, d'un montant mensuel de 1 205,94 euros : un revenu mensuel du foyer estimé à 6.916 euros (revenus de l'activité libérale de M. X., de l'activité salariée de Mme X., prestations familiales et revenus locatifs), et des charges fixes d'environ 512 euros, constituées des échéances d'un autre emprunt immobilier : pièce n°4 de la société Money Bank.

Ces déclarations faites par les emprunteurs sur leur situation se révèlent fausses, puisqu'à la date à laquelle ils ont envoyé l'acceptation de l'offre de prêt le 29 juillet 2007, ils avaient déjà souscrit non pas un mais cinq emprunts immobiliers, selon leurs affirmations lors de la présente instance ; la banque n'avait aucun moyen de connaître l'existence de ces emprunts non déclarés, qui étaient de nature à modifier son appréciation sur les capacités financières de M. et de Mme X. ; ceux-ci ne sauraient reprocher à la société Money Bank sa décision de leur accorder le prêt, alors que cette décision a été déterminée, au moins pour partie, par une fausse déclaration de leur part sur leurs charges en cours : cette société n'était pas tenue, au vu des éléments présentés par les emprunteurs et en l'absence d'anomalie apparente et tenant à la situation des emprunteurs, de les mettre en garde sur leur demande de prêt.

Il n'apparaît pas, d'autre part, que la société Money Bank ait conclu, dans le cadre de l'opération en cause, de contrat d'intermédiaire en opérations de banque avec d'autre société que la société FRI, conformément à l'article L. 519-2 du code monétaire et financier.

Il apparaît en revanche, à la lecture des dépositions de deux cadres de la société Money Bank lors de l'instruction, Mmes [A] [N] directrice commerciale immobilier, et [T] [D], que ces responsables de la banque prêteuse ont été informées, au cours de l'année 2006, de la participation de la société Apollonia à l'ensemble de l'opération, au travers de la société FRI : Mme [D] a déclaré : « Lorsque le volume apporté par FRI a été un peu plus important, vers le début du troisième trimestre 2006 environ, j'ai demandé à [P] [K] comment il faisait pour avoir des dossiers ayant toujours un peu le même profil. C'est là que M. [P] [K] m'a dit qu'il travaillait entre autres en collaboration avec un gestionnaire à savoir la SAS Apollonia. J'en ai référé à ma directrice directe Mme [N] qui en a avisé la direction d'activité de la Défense, et comme nous n'avions pas d'informations défavorables, nous avons poursuivi la relation avec FRI ». Mme [N] a confirmé les déclarations de Mme [D] (pièce n°27 de M. et de Mme X.). Et M. et Mme X., dans leur lettre à la banque du 12 janvier 2010, ont encore confirmé qu'ils avaient souscrit l'emprunt « par l'intermédiaire de la société Apollonia ».

Cette méconnaissance, par la banque prêteuse, de l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, qui interdit l'exercice de l'activité d'intermédiaire d'opérations de banque entre plus de deux personnes, commise dès l'année 2006 et qui s'est poursuivie pendant la période suivante selon Mme [D], donc pendant la période de conclusion du prêt en cause en juin 2007, constitue une faute de la société Money Bank, quand bien même l'instruction n'a retenu aucune charge contre elle ou contre l'un de ses salariés.

Cependant cette faute ne peut engager la responsabilité de la banque prêteuse, et fonder la demande de garantie de M. et de Mme X., que si elle leur a causé un préjudice ; or, comme déjà énoncé pour leur demande d'annulation du prêt, les appelants n'apportent aucune preuve ni de leurs difficultés financières alléguées, ni des conséquences dommageables qu'aurait impliquées pour eux le prêt en cause, et l'opération d'investissement immobilier qu'il a permise : ils ne produisent pas de justificatifs de leurs revenus fonciers, alors que, dans leur lettre déjà citée du 10 janvier 2010, ils reconnaissaient que le bien de [Localité 7] leur procurait des loyers, d'un montant qui couvrait les échéances de l'emprunt ; à ces revenus locatifs se sont ajoutés les avantages fiscaux, et notamment une restitution de TVA de plus de 60.000 euros, selon la société CEGC. En l'absence de toute preuve d'un préjudice que leur aurait causé la faute susdite de la banque, lorsqu'elle leur a accordé le prêt en cause, M. et Mme X. ne sont pas fondés à rechercher la garantie de la société Money Bank.

Le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a rejeté cette demande.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme X. :

M. et Mme X. demandent la condamnation « conjointe et solidaire » des sociétés CEGC et Money Bank à leur payer à chacun la somme de 25.000 euros, en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi, à la suite des difficultés résultant des manœuvres dont ils ont été victimes ; il est rappelé cependant que M. et Mme X. ne rapportent aucune preuve du préjudice financier que leur aurait causé la décision de la banque de leur accorder le prêt en cause, et celle de la société CEGC de leur accorder son cautionnement, accessoirement à ce prêt. Il est encore rappelé qu'aucune de ces sociétés, ni aucun de leurs salariés n'a été renvoyé devant le tribunal correctionnel à l'issue de l'instruction diligentée à Marseille, qu'ils ne peuvent donc être considérés comme des auteurs de manœuvres frauduleuses. Le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de M. et de Mme X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré, en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société CEGC une somme de 313.786,82 euros, au titre de la quittance subrogative du 28 juin 2010, outre intérêts au taux conventionnel de 4,25 % à compter du 31 août 2010 et jusqu'à parfait paiement, le tout en deniers et quittances valables, et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Infirme le jugement, en ce qu'il a jugé irrecevable, du fait de la prescription, la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par M. et Mme X., et en ce qu'il a débouté ceux-ci de leur demande d'annulation du prêt ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare irrecevable la demande d'annulation du prêt formée par M. et Mme X. ;

Déboute M'et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

Condamne solidairement M. et Mme X. à payer à la société CEGC une somme de 303.616,16 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 31 août 2010, sans capitalisation des intérêts ;

Confirme le jugement dans toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société My Money Bank à payer à la société CEGC une somme de 2.463,66 euros, outre intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts à la condition qu'ils soient décomptés par années entières ;

Condamne solidairement M. et Mme X. à payer à chacune des sociétés CEGC et My Money Bank une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel ; accorde à Me Roussel-Simonin et à Me Rahon, Avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

Le Greffier                                                   La Présidente