CA DIJON (1re ch. civ.), 19 décembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10622
CA DIJON (1re ch. civ.), 19 décembre 2023 : RG n° 21/01278
Publication : Judilibre
Extrait : « Le solde des factures de la SAS Serge Rossignol s'élève à 38.558,43 euros. M. X. oppose la prescription à la demande de compensation des créances formée par la société Serge Rossignol.
Il n'est pas contesté que la demande en paiement des travaux dont s'agit est soumise à la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du code de la consommation. En application des articles 2224 du code civil et L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, il y a désormais lieu de prendre en compte, pour fixer le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en paiement de travaux et services engagée à l'encontre de consommateurs par un professionnel, la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d'exercer son action. Cette date peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations. (C. cass. 1er, 19 mai 2021, n° 20-12.520).
Selon l'article 2240 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, et, selon l'article 2239 du même code, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
En l'espèce, la société Serge Rossignol sollicitait le paiement de la somme de 38.558,43 euros TTC au regard de factures établies les 13 janvier 2017, tandis que M. X. la convoquait pour une réunion visant à la réception des travaux en date du 25 janvier 2017 de sorte qu'elle connaissait donc au moins depuis cette dernière date les faits lui permettant d'exercer son action en paiement. Suite à l'assignation délivrée le 3 mars 2017 par le maître de l'ouvrage aux fins d'expertise, la société Serge Rossignol avait sollicité le versement de la somme susvisée à titre provisionnel, ce qui a interrompu le délai de prescription jusqu'à la date de la décision. Cependant, par son ordonnance du 24 avril 2017, le juge des référés a rejeté la demande de provision aux motifs qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse et a ordonné une expertise pour examiner les désordres tout en donnant, sur demande de l'entreprise Serge Rossignol par conclusions déposées à l'audience du 10 avril 2017, mission à l'expert de faire ensuite le compte entre les parties.
Il en résulte que la demande en paiement de la société Serge Rossignol, partie présente à l'instance en référé et formalisant une demande visant à faire les comptes entre les parties, ne pouvait être examinée que dans le cadre de l'apurement des comptes après exécution de la mission d'expertise. Par conséquent, la mesure d'expertise a suspendu le délai de prescription de l'action en paiement. »
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01278. N° Portalis DBVF-V-B7F-FZIT. Decision déférée à la Cour : jugement du 31 août 2021, rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 19/00777.
APPELANTE :
SAS SERGE ROSSIGNOL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [Adresse 1], [Localité 3], représentée par Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126, assistée de Maître Cyrille AUCHE, membre de la SCP d'Avocats VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 4], domicilié : [Adresse 2], [Localité 5], représenté par Maître Anne-Line CUNIN, membre de la SELARL DU PARC MONNET - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Sophie BAILLY, Conseiller, et Leslie CHARBONNIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de : Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Sophie BAILLY, Conseiller, Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 décembre 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant quatre devis établis les 27 janvier 2016 pour les deux premiers et 2 février puis 24 juin 2016 pour les derniers, M. X. a mandaté la SAS Serge Rossignol aux fins de réalisation de travaux de réfection et d'isolation de toiture concernant un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5].
Les travaux ont été réalisés entre le 27 octobre 2016 et le 11 janvier 2017 et ont donné lieu à deux factures du 13 janvier 2017 à hauteur de 26.076,35 euros concernant l'isolation de la toiture et de 29.982,08 euros s'agissant de sa réfection.
Se plaignant de malfaçons, M. X. a réglé la somme de 17.500 euros et a refusé de payer le solde des factures.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 janvier 2017, la SAS Serge Rossignol a sollicité l'organisation d'une réunion aux fins de réception expresse de l'ouvrage.
Selon courrier du 3 février 2017, M. X. a convoqué la SARL Rossignol à une réunion prévue le 10 février suivant afin de réaliser les opérations de réception des travaux.
La SAS Rossignol a refusé de signer le procès-verbal de réception.
Par lettre du 22 février 2017, par l'intermédiaire de son conseil, M. X. a notifié les réserves qui « assortissent la réception ».
Par acte du 3 mars 2017, M. X. a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise et par ordonnance du 24 avril 2017, celui-ci a désigné M. Z. et a rejeté la demande de provision sur factures de la SAS Rossignol.
L'expert a déposé son rapport le 7 novembre 2018.
Par acte du 9 mai 2019, M. X. a assigné la SAS Serge Rossignol devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône afin qu'il :
- condamne la société Rossignol à lui payer les sommes suivantes :
* 48.169,12 euros au titre des travaux de reprise ;
* 28.800 euros au titre des pertes de loyers passées, outre 1.800 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'au jugement à intervenir ;
* 3.600 euros au titre des pertes de loyers durant les travaux de reprise ;
* 10.000 euros au titre du préjudice moral ;
* 434 euros au titre de la perte de congés ;
* 3.850 euros TTC au titre des frais engagés pour l'étude de structure bois ;
* 8.663,60 euros TTC au titre du remboursement des frais engagés pour le devis Roy ;
* 6.400 euros au titre de la perte de loyers pendant la durée des travaux pour le cinquième appartement au rez-de-chaussée, outre 400 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'au jugement à intervenir;
* 4.826,70 euros au titre de la perte de crédit d'impôt énergétique ;
* 11.060,40 euros TTC au titre des frais engagés pour le traitement de la charpente ;
* 322,24 euros au titre du constat d'huissier ;
* 950 euros au titre de l'intervention de l'expert MODD ;
* 62 euros supplémentaires au titre des pertes de congés ;
* 11.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Rossignol aux dépens de référé et de fond dont distraction.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 avril 2020, M. X. a maintenu l'ensemble de ses demandes sur le fondement des articles 1231-1 du code civil et L. 218-2 du code de la consommation et a conclu au débouté des prétentions formées par la société Rossignol.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2019, la société Rossignol demandait au tribunal de :
- dire et juger que le préjudice lié à la reprise des désordres et qui lui est imputable s'établit à la somme de 29.248,34 euros ;
- débouter M. X. du surplus de ses demandes ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 38.558,43 euros outre intérêts de retard à compter de la date de paiement indiquée sur les factures et ordonner compensation avec toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- réduire les dépens dans de larges proportions compte tenu des libertés prises par l'expert et du partage de responsabilité retenu par ce dernier ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par jugement du 31 août 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
- condamné la société Rossignol à payer à M. X. :
* la somme de 48.169,12 euros au titre des travaux réparatoires,
* la somme de 18.000 euros au titre de son préjudice locatif du 1er janvier 2019 au 31 août 2021,
* la somme de 3.850 euros au titre des frais d'étude de structure bois,
* la somme de 1.272,24 euros au titre des frais engagés au titre des expertises et constat,
- débouté M. X. du surplus de ses demandes au titre du préjudice locatif et des frais engagés,
- débouté M. X. de sa demande au titre d'un préjudice moral et de la perte de congés,
- déclaré la demande en paiement de la société Rossignol irrecevable,
- débouté la société Rossignol de sa demande de compensation,
- condamné la société Rossignol à payer à M. X. la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Rossignol aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de la SCP Adida et Associés,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La SAS Serge Rossignol a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 septembre 2021.
[*]
Au terme de conclusions notifiées le 3 octobre 2023, elle demande à la cour au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, 1792 et suivants du code civil, L. 212-2 du code de la consommation, 2224, 2239, 2240, 2241 et 2242 du code civil, et 1289 et suivants du code civil, de :
-réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône le 31 août 2021 en ce qu'il a déclaré prescrite sa demande en paiement et l'a déboutée de sa demande de compensation au titre du solde des travaux (38 558,43 euros) et l'a condamnée au paiement de :
* 48.169,12 euros au titre des travaux de reprise ;
* 18.000 euros au titre du préjudice locatif subi par M. X. ;
* 3.850 euros au titre des frais d'études de structure bois ;
* 1.272,24 euros au titre des frais engagés au titre des expertises et constat ;
* 6.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône le 31.08.2021 pour le surplus ;
-juger l'appel incident de M. X. mal fondé et le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Statuant à nouveau,
- juger qu'elle ne saurait ainsi être tenue au paiement d'une somme supérieure à 32.558,72 euros TTC au titre des travaux de reprise et frais annexes ;
- juger que M. X. est tenu au paiement de la somme de 38.558,43 euros TTC, au titre du solde des travaux réalisés par elle ;
en conséquence :
- ordonner la compensation des créances réciproques ;
- condamner M. X. au paiement de la somme de 5.999,71 euros TTC au titre du solde des travaux réalisés, après compensation des créances ;
- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. X. au paiement de la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[*]
Au terme de ses conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées le 4 octobre 2023, M.X. demande à la cour de :
- déclarer l'appel de la SAS Serge Rossignol mal fondé et la débouter de l'intégralité de ses fins et prétentions,
-réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône le 31 août 2021 en ce qu'il
‘a réduit à 18.000 euros son préjudice locatif
‘l'a débouté de ses demandes en paiement de
* 10.000 euros au titre du préjudice moral,
* 434 euros au titre de la perte de congés,
* 6.400 euros au titre de la perte de loyers pendant les travaux pour le cinquième appartement,
* 4.826,70 euros au titre de la perte de crédit d'impôt énergétique,
* 11.060,40 euros TTC au titre des frais engagés pour le traitement de la charpente,
* 62 euros supplémentaires au titre des pertes de congés,
'a réduit à la somme de 6.500 euros sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le confirmer pour le surplus.
en conséquence,
-condamner la société Serge Rossignol à lui verser :
- 28.800 euros au titre des pertes de loyers passées, outre 1 800 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la décision à intervenir,
- 3.600 euros au titre des pertes de loyers durant les travaux de reprise,
- 10.000 euros au titre du préjudice moral,
- 490,68 euros au titre de la perte de congés,
- 8.663,60 euros TTC au titre du remboursement des frais engagés pour le devis Roy,
- 6.400 euros au titre de la perte des loyers pendant la durée des travaux pour le cinquième appartement au rez-de-chaussée, outre 400 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'au jugement à intervenir,
- 4.826,70 euros au titre de la perte de crédit d'impôt énergétique,
- 11.060,40 euros TTC au titre des frais engagés pour le traitement de la charpente réclamé par lui et refusé par la SARL Rossignol,
- 62 euros supplémentaires au titre des pertes de congés,
- 11.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance
Y ajoutant,
- ordonner l'indexation de la somme de 48.169,12 euros selon l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport, soit le 31 octobre 2018,
- condamner la société Serge Rossignol à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance,
- condamner la société Serge Rossignol aux entiers dépens.
[*]
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 octobre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce la cour,
L'expert judiciaire a conclu que les désordres, listés et décrits à son rapport auquel la cour renvoie, affectant les travaux réalisés par la SAS Serge Rossignol résultaient pour certains d'une mauvaise conception et pour d'autres d'une mauvaise exécution des travaux.
Dans son jugement du 31 août 2021, le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a retenu la responsabilité de la SAS Serge Rossignol sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil après avoir relevé que si M. X. avait manifesté son intention de réceptionner l'ouvrage, ce qui résultait d'un courrier de son conseil du 22 février 2017, il n'avait en revanche payé qu'une partie du prix et qu'il n'était pas établi qu'il ait pris possession de l'ouvrage.
La cour relève que la SAS Serge Rossignol, au terme de ses écritures, ne conteste pas sa responsabilité mais exclusivement le montant des travaux de reprise et l'absence de compensation des créances réciproques.
La cour ne revient donc pas sur la question de la responsabilité de l'entreprise retenue sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ou plus exactement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les contrats ayant été signés avant le 1er octobre 2016.
Seul le montant des indemnités de réparation est contesté lesquelles seront étudiées poste par poste.
L'expert a proposé « un partage de responsabilité entre les parties indiquant que quelques postes, bien que nécessaires, devaient être assumés par M. X. comme constituant une amélioration.
I/ Sur le montant des travaux de reprise et frais annexes :
L'expert a évalué les travaux de reprise comme suit :
- devis entreprise Roy du 12/07/18 d'un montant HT de : 57.172,30 euros
- devis Charpenet du 11/07/18 d'un montant HT de : 9.217,00 euros
et selon son estimation
- le poste étude structure bois EXE d'un montant HT de : 3.500,00 euros
et selon modification du devis de l'entreprise Roy pour
- le poste panneau rexotoit HPUL d'un montant initial de : 17.996,00 euros
- ramené à : 10.120,00 euros
suite à une erreur de quantité : 92 m2 au lieu de 163,60 m²
soit un total HT de : 62.013,30 euros.
Il a proposé de laisser à la charge de M. X. :
- le traitement de la charpente pour 9.217 euros HT comme étant des travaux d'amélioration qu'il a augmenté à 9.821,80 euros pour tenir compte de la sécurité incendie.
- l'étude structure bois pour 3.500 euros HT,
-travaux non achevés : velux, châtières pour 8.145 euros HT.
- montant honoraires architectes : 1.717,35 euros HT.
L'expert a évalué les travaux de reprise à la charge de l'entreprise Rossignol à la somme de 48.169,12 euros TTC, se décomposant comme suit :
- 5.499,90 euros HT au titre de la remise en état de la charpente non conforme,
- 31.910,50 euros HT au titre de la remise en état des panneaux sandwich + petits désordres,
- 3.136 euros HT au titre de la remise en état du plafond étage et solivette,
- 3.243,71 euros HT au titre des honoraires d'architecte.
Il n'est pas contesté que les travaux de réparation relèvent d'une TVA de 10 %.
Il en résulte que contrairement à ce que prétend l'entreprise Serge Rossignol, le montant de 48.169,12 euros TTC retenu par l'expert ne renferme pas les postes de traitement du bois pour 9.217 euros HT et de l'étude structure bois pour 3.500 euros HT de sorte qu'il n'y a pas lieu de les déduire une seconde fois.
M. X. estime, à l'inverse, que ces frais doivent être réintégrés au montant des travaux de remise en état à la charge de l'entreprise Rossignol.
a - sur les frais de traitement du bois :
M. X. soutient que la SAS Serge Rossignol a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de signaler la nécessité de traiter la charpente tandis que cette dernière répond que M. X. a voulu se dispenser d'un maître d'œuvre, qu'elle n'est pas un professionnel du bois au regard de son extrait k bis et qu'elle n'avait pas connaissance d'une infestation lors de l'exécution des travaux.
Mais, comme le fait observer l'expert, il s'agit de travaux d'amélioration pour lesquels M. X. aurait vu la facture des travaux augmentée.
En outre, comme le soutient la SAS Serge Rossignol, le manquement au devoir de conseil est sanctionné par l'allocation de dommages-intérêts. Or, M. X. ne justifie pas d'un préjudice découlant de la faute reprochée.
En conséquence, les frais de traitement du bois doivent rester à la charge du maître de l'ouvrage comme les premiers juges l'ont décidé.
b - sur l'étude de structure bois :
M. X. estime que cette étude était nécessaire dès lors que le rapport du BET structure bois a permis de vérifier que la charpente était sous dimensionnée et qu'elle pouvait se rompre tandis que la SAS Rossignol soutient que l'expert ne justifie pas en quoi cette dépense serait nécessaire.
Il est constant que le maître de l'ouvrage ne commet pas de faute et ne concourt pas à la réalisation de son préjudice en s'abstenant de recourir aux services d'un maître d'œuvre tandis que le professionnel a une obligation de résultat et de conseil.
Toutefois, le coût d'une telle étude doit être supporté par le maître de l'ouvrage si celle-ci était nécessaire.
Or, il ressort des conclusions de l'expert que l'ampleur et la technicité des travaux entrepris nécessitaient la formation d'une équipe de maîtrise d'œuvre constituée par un architecte, un BET structure béton, un BET structure bois, un BET fluide, équipe à laquelle il fallait associer un bureau de contrôle et un coordinateur SPS.
La nature des travaux ne permettant pas de se dispenser de l'intervention d'un architecte en phase de conception et de chantier, les frais de l'étude structure bois doivent, en conséquence, rester à la charge de M. X., maître de l'ouvrage.
c - sur le devis de l'entreprise Roy de 8 663,60 euros TTC
L'expert a modifié le devis Roy de 57.171,30 euros, comprenant 17.996 euros HT au titre des panneaux rexotoit HPUL pour ramener ce dernier montant à 10.120 euros HT tenant compte d'une erreur de superficie.
M. X. soutient que la superficie concernée par ces travaux n'est pas de 92 m² mais, selon devis du 22 avril 2022 de l'entreprise Gandillet Arnaud, de 140 m² et produit un procès-verbal de constat du 2 février 2023 qui, après mesures, retient une surface du plafond de 165,76 m² mais encore un nouveau devis de l'entreprise Carnelos du 26 janvier 2023 qui prévoit hors coupe une surface de 185 m².
La cour observe que la superficie retenue par l'expert au titre de la pose des panneaux rexotoit n'a fait l'objet d'aucune contestation devant celui-ci alors que M. X., par l'intermédiaire de son avocat, a déposé pas moins de onze dires ne faisant aucunement référence à ladite superficie.
Les devis produits par l'intimé, dont les modalités d'établissement ne sont pas connues, ne sauraient avoir une quelconque valeur probante quant au mesurage de la superficie concernée.
Par ailleurs, et comme le souligne la SAS Serge Rossignol, le commissaire de justice n'est pas un technicien et ses relevés n'ont pas été établis de manière contradictoire.
Au demeurant, l'absence de concordance entre les divers mesurages rendent les pièces produites par l'intimé totalement inopérantes.
En conséquence, et au regard des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une somme de 48.169,12 euros au titre du coût des travaux de reprise de sorte que le jugement déféré est confirmé sur ce point.
En revanche, il est infirmé en ce qu'il a retenu à la charge de la société Serge Rossignol la somme de 3.850 euros TTC au titre des frais d'étude de structure bois de sorte que M. X. est débouté de ce chef de demande.
Il convient d'ordonner l'indexation de la somme de 48.169,12 euros selon l'indice BT01 à compter du rapport d'expertise, soit du 7 novembre 2018.
II/ Sur les préjudices :
a - sur le préjudice locatif :
M. X. soutient rapporter la preuve de sa volonté de créer non pas quatre mais cinq appartements et demande une somme de 28.800 euros, 450 euros/ mois à compter du 1er juillet 2017 jusqu'au 31 octobre 2018 pour les quatre appartements au titre des pertes de loyers passées puis 1 800 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 jusqu'à la décision à intervenir et encore 3 600 euros au titre de la perte de loyer pendant les travaux de reprise, outre 6.400 euros sur la période de travaux pour le 5ème appartement et 400 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 jusqu'au jugement à intervenir.
Le permis de construire produit par M. X., daté du 20 septembre 2016, porte sur :
- des modifications de façade, la démolition d'un bâtiment et la construction de 8 garages,
- sur un terrain à [Localité 5],
- pour une surface de plancher créée de 249 m².
La demande de permis évoque :
- une surface existante de : 91 m² d'habitation et 249 m² de restauration, soit 340 m² au total
- une surface créée de : 249 m² d'habitation soit une surface totale de 340 m².
M. X. précise que le permis de construire ne porte pas sur la création de cinq logements puisqu'il s'agit d'aménagement et non de construction, la cour observant en effet que le permis en page 15 fait mention de 5 logements existants et non pas créés.
Si M. X. produit en pièce 22 un plan côté prévoyant la création de cinq appartements en rez-de-chaussée, rien ne permet de vérifier à quelle date ce plan a été réalisé.
En outre, comme l'ont justement relevé les premiers juges, M. X. ne produit aucun devis relatif à l'aménagement des travaux, contemporain de la réalisation de ceux confiés à l'appelante. De même, la proposition d'honoraires de l'Atelier Société d'Architecte pour l'aménagement de 4 à 5 logements, qui vise en effet la préparation d'un dossier de permis de construire, n'a été établie que le 15 février 2018 sans prévoir de délai d'exécution. Elle n'a, en outre, pas été régularisée.
Aussi après avoir retenu que M. X. justifiait de son projet de création de 4 à 5 logements en 2018, sans toutefois démontrer dans quel délai le projet devait être réalisé, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice de M. X. consistait en une perte de chance de réaliser un projet locatif et non pas de louer les appartements, précision étant donnée que la perte de chance est désormais dans les débats, les parties ayant eu la possibilité de répondre sur ce terrain.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'estimation locative retenue par l'expert et fondée sur une attestation notariée, corroborée par la superficie envisagée des appartements, apparaît raisonnable comme portant sur un montant peu élevé, l'appartement le plus petit représentant une superficie de 30 m2, au regard du plan.
Après avoir tenu compte des aléas habituels en matière de construction immobilière, (durée d'obtention d'un permis de construire, obtention des fonds et durée de mise en location) et des frais de gestion de 10 %, les premiers juges ont, de manière pertinente, évalué la perte de chance de réaliser un projet locatif à 30 % des loyers espérés entre le 15 août 2018 et la date du jugement (31 août 2021), soit à la somme de 18.000 euros, de sorte qu'ils sont confirmés sur ce point et y ajoutant au titre de l'actualisation, la cour évalue le préjudice supplémentaire de ce chef à la somme 13.608 euros échue entre le 1er septembre 2021 et la date du présent arrêt, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a débouté M. X. du surplus de ses demandes de ce chef.
b - Sur le préjudice moral
A hauteur de cour, M. X. n'apporte pas davantage la preuve d'un préjudice moral en lien avec les désordres subis, les premiers juges ayant justement fait observer que l'intimé n'envisageait pas de résider dans l'immeuble ayant fait l'objet des travaux litigieux.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
c - sur la perte de congés
Si M. X. produit une nouvelle pièce à hauteur de cour, à savoir une attestation de son employeur concernant le salaire net journalier perçu, ce document ne démontre toujours pas qu'il a été contraint de poser des jours de congé pour assister aux réunions d'expertise de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de ce chef de demande.
d - sur la perte de crédit d'impôt
La pièce 9 « guide Sarking » produite ne permet ni de déterminer que les travaux litigieux étaient éligibles au crédit d'impôt ni que M. X. avait déposé une telle demande.
Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de ce chef de demande.
e - sur les frais de l'expert MODD et de constat d'huissier
Ces frais ayant été rendus nécessaires pour démontrer l'existence des désordres doivent rester à la charge définitive de l'entreprise Rossignol de sorte que le jugement déféré est confirmé sur ce point.
III/ Sur la demande reconventionnelle en paiement des factures :
Le solde des factures de la SAS Serge Rossignol s'élève à 38.558,43 euros.
M. X. oppose la prescription à la demande de compensation des créances formée par la société Serge Rossignol.
Il n'est pas contesté que la demande en paiement des travaux dont s'agit est soumise à la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du code de la consommation.
En application des articles 2224 du code civil et L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, il y a désormais lieu de prendre en compte, pour fixer le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en paiement de travaux et services engagée à l'encontre de consommateurs par un professionnel, la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d'exercer son action. Cette date peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations. (C. cass. 1er, 19 mai 2021, n° 20-12.520).
Selon l'article 2240 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, et, selon l'article 2239 du même code, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
En l'espèce, la société Serge Rossignol sollicitait le paiement de la somme de 38.558,43 euros TTC au regard de factures établies les 13 janvier 2017, tandis que M. X. la convoquait pour une réunion visant à la réception des travaux en date du 25 janvier 2017 de sorte qu'elle connaissait donc au moins depuis cette dernière date les faits lui permettant d'exercer son action en paiement.
Suite à l'assignation délivrée le 3 mars 2017 par le maître de l'ouvrage aux fins d'expertise, la société Serge Rossignol avait sollicité le versement de la somme susvisée à titre provisionnel, ce qui a interrompu le délai de prescription jusqu'à la date de la décision. Cependant, par son ordonnance du 24 avril 2017, le juge des référés a rejeté la demande de provision aux motifs qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse et a ordonné une expertise pour examiner les désordres tout en donnant, sur demande de l'entreprise Serge Rossignol par conclusions déposées à l'audience du 10 avril 2017, mission à l'expert de faire ensuite le compte entre les parties.
Il en résulte que la demande en paiement de la société Serge Rossignol, partie présente à l'instance en référé et formalisant une demande visant à faire les comptes entre les parties, ne pouvait être examinée que dans le cadre de l'apurement des comptes après exécution de la mission d'expertise.
Par conséquent, la mesure d'expertise a suspendu le délai de prescription de l'action en paiement.
Conformément à l'article 2239 du code civil, le délai de prescription a recommencé à courir six mois après le dépôt de l'expertise soit à partir du 7 mai 2019 pour arriver à son terme en février 2020 de sorte que la demande en paiement formalisée par la société Serge Rossignol par conclusions au fond en date du 11 décembre 2019 n'est pas prescrite.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a débouté la société Serge Rossignol de sa demande de compensation de créances.
La cour, constatant que M. X. reste redevable de la somme de 38 558,43 euros au titre du solde des factures, ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties, précision étant donnée que le solde du compte entre les parties est créditeur au profit de M. X. de sorte que la société appelante doit être déboutée de sa demande de condamnation.
4/ Sur les demandes accessoires :
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
La SAS Serge Rossignol, partie succombante pour la plus grande part, est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a :
- condamné la société Rossignol à payer à M. X. la somme de 3.850 euros au titre des frais d'étude de structure bois,
- déclaré prescrite la demande reconventionnelle en paiement de la société Rossignol et débouté cette dernière de sa demande en compensation,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et ajoutant,
Ordonne l'indexation selon l'indice BT01 de la somme de 48.169,12 euros à compter du 7 novembre 2018,
Condamne la SAS Serge Rossignol à payer à M. X. la somme de 13.608 euros au titre de la perte de chance de réaliser un projet locatif sur la période du 1er septembre 2021 jusqu'au présent arrêt,
Déboute M. X. de sa demande au titre des frais de structure bois à hauteur de 3.850 euros TTC,
Déclare recevable la demande reconventionnelle en paiement du solde des factures formée par la SAS Serge Rossignol comme n'étant pas prescrite,
Constate que la créance de la société Serge Rossignol sur M. X. s'élève à la somme de 38.558,43 euros TTC,
Ordonne la compensation des créances réciproques entre les parties,
Déboute la SAS Serge Rossignol de sa demande en condamnation formée à l'égard de M. X.,
Condamne la SAS Serge Rossignol aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
Le Greffier, Le Président,