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CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 7 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 7 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. civ.
Demande : 23/00184
Date : 7/12/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 13/01/2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10629

CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 7 décembre 2023 : RG n° 23/00184 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Les conditions particulières des deux prêts stipulent : « le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement en totalité en cas de survenance de l'un ou l'autre des évènements ci-après... ». Suivent alors la liste de quatorze événements susceptibles de fonder la décision du prêteur de prononcer la déchéance du terme. Le deuxième événement sur la liste est le non-paiement des échéances exigibles. Le cinquième événement est le suivant : « si le bien financé a été aliéné en totalité ou en parti, s'il a subi une forte dépréciation, s'il a fait l'objet d'une saisie ou d'une infraction aux conditions d'octroi du prêt ou plus généralement, si les garanties mentionnées aux conditions particulières n'ont pu être constituées... ».

L'emprunteur considère que la clause susvisée est abusive car elle est rédigée en termes généraux et donne à la banque le pouvoir discrétionnaire d'exiger unilatéralement le remboursement intégral du prêt. Il considère que prononcer la déchéance du terme en l'absence d'affectation hypothécaire promise par l'emprunteur revient à soumettre la vente du bien immobilier financé garanti par un cautionnement à l'accord du prêteur alors qu'il ne dispose d'aucune hypothèque sur le bien. Cette situation aurait donc pour effet de créer un déséquilibre significatif entre le professionnel et le consommateur.

Après avoir relevé que le Crédit Agricole avait prononcé la déchéance du terme en raison de plusieurs échéances impayées et non en application de la clause considérée comme abusive, le tribunal a considéré que la clause litigieuse était sans incidence sur la validité de la déchéance du terme prononcée.

Selon les termes de la lettre recommandée avec AR du 24 septembre 2019, la déchéance du terme a été prononcée par la banque pour les motifs suivants : « Nous avons appris que par acte notarié du 28 juin 2018, vous avez procédé à la vente de votre immeuble à [Localité 8]... En vertu des stipulations de l'offre de prêt, le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement et en totalité si le bien financé a été aliéné en tout ou en partie. De plus, les prêts étant assortis d'une promesse d'affectation hypothécaire sur le bien financé, vous aviez l'obligation de solliciter notre accord exprès et préalable à toute mutation de propriété, l'offre de prêt prévoyant que « pour le cas où le prêteur ne pourrait obtenir l'affectation hypothécaire promise par l'emprunteur, le prêt deviendra immédiatement exigible ». Aussi, nous prononçons par la présente la DECHEANCE DU TERME et vous mettons en demeure de nous régler sous quinze jours... ».

Les termes de le lettre susvisée sont clairs : la déchéance du terme a été prononcée par la banque non pas pour défaut de paiement des échéances exigibles, deuxième cas de déchéance du terme visé dans la clause litigieuse, mais pour aliénation du bien financé et pour inexécution de la promesse d'affectation hypothécaire du bien, cinquième cas de déchéance du terme. Le premier juge a donc à tort considéré que ce cas de déchéance du terme était sans incidence sur le présent litige et que l'allégation du caractère abusif de cette partie de la clause était inopérante.

Selon l'article L. 132-1, devenu l'article L. 212-1, du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

La cour relève que l'exigibilité anticipée du prêt fondée sur la vente du bien financé et sur l'absence de constitution par l'emprunteur de l'affectation hypothécaire du bien financé qu'il a promise dans l'offre de prêt ne soumet pas l'emprunteur non-professionnel au pouvoir arbitraire du prêteur. En effet, cette partie qualifiée d'abusive de la clause relative à la déchéance du terme fait référence en des termes précis à l'inexécution par l'emprunteur d'une obligation spécifique, celle de constituer une hypothèque sur le bien acheté, obligation stipulée en page 2 de l'offre de prêt dans les termes suivants : « Garanties : - caution Camca - promesse d'affectation hypothécaire sur habitation cadastrée section E N [Cadastre 5] ... [Localité 8] ».

La déchéance du terme dépend donc de l'inexécution d'une obligation essentielle incombant à l'emprunteur : celle de constituer sur le bien acheté avec les fonds prêtés une hypothèque au profit de la banque. La sanction de l'exigibilité immédiate des prêts est donc proportionnée à la gravité du manquement de l'emprunteur lequel, en s'abstenant de constituer l'hypothèque promise et en vendant le bien financé, prive le prêteur, en cas de défaillance de l'emprunteur, de toute garantie sur le patrimoine de ce dernier.

Il n'y a donc pas de déséquilibre significatif entre le professionnel et le non-professionnel et le caractère abusif de la partie litigieuse de la clause de déchéance du terme sera écarté. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00184. N° Portalis DBVH-V-B7H-IVYY. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 8 décembre 2022, R.G. n° 21/04813.

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, Mme Isabelle DEFARGE, Présidente de chambre, Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER : Mme Clémence GOUJON, Greffière, lors des débats, et Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS : A l'audience publique du 6 novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 décembre 2023. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 7], [Adresse 6], [Localité 2], Représenté par Maître Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

INTIMÉE :

Société CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Guillaume FORTUNET de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

 

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 7 décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 9 juin 2010, X. a souscrit auprès du Crédit Agricole :

- un prêt immobilier n°C2GPH8017PR d'un montant de 96.568 euros remboursable en 300 mensualités et assorti d'un taux d'intérêt de 3,92 % ;

- un prêt immobilier n°C2GPH8027PR d'un montant de 8.250 euros remboursable en 264 mensualités et sans intérêts.

Le bien immobilier financé par les prêts susvisés ayant été vendu par l'emprunteur, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2019, le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure X. de leur régler les sommes dues.

Par acte du 19 février 2020, le Crédit Agricole a assigné l'emprunteur devant le tribunal judiciaire de Nîmes en remboursement des deux prêts.

Par jugement du 8 décembre 2022, le tribunal a :

- condamné X. à payer au Crédit Agricole la somme de 89.427,42 euros avec intérêts au taux de 3,92 % à compter du 3 décembre 2019 au titre du prêt n°C2GPH8017PR,

- l'a condamné à payer au Crédit Agricole la somme de 8.827,50 au titre du prêt n°C2GPH8017PR,

- rejeté les demandes de X.,

- l'a condamné à payer au Crédit Agricole la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article

X. a interjeté appel de ce jugement le 13 janvier 2023.

L'affaire a été fixée à l'audience du 6 novembre 2023 et clôturée le 23 octobre 2023.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par Rpva le 16 février 2023, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de :

-débouter le Crédit Agricole de ses demandes au titre des prêts n°C2GPH8017PR et n° C2GPH8027PR,

-subsidiairement, prononcer la déchéance de son droit aux intérêts,

- réduire l'indemnité contractuelle de recouvrement,

- reconventionnellement, condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat,

- le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros en première instance et de 3.000 euros en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

X. soutient que la banque ne justifie pas de sa créance en s'abstenant de verser notamment aux débats les tableaux d'amortissement des prêts et que les plans de surendettement dont il a bénéficié ne constituent pas des reconnaissances de dettes. Il fait valoir de surcroît que la créance de la banque n'est pas exigible car il estime que la clause de déchéance du terme insérée au contrat est réputée non écrite comme abusive. Subsidiairement, il soulève l'irrégularité de la déchéance du terme prononcée par la banque. L'appelant invoque enfin la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour sanctionner le manquement à son obligation de mise en garde et conclut que la clause stipulant une indemnité conventionnelle de recouvrement s'analyse en une clause pénale dont il demande la réduction. Il rappelle que les échéances du 10 octobre 2017 au 10 février 2018 ont été déclarées prescrites par le juge de la mise en état et qu'en s'abstenant de répondre à ses réclamations, le prêteur a exécuté de mauvaise foi le contrat et lui est redevable de dommages-intérêts.

[*]

Le Crédit Agricole aux termes de ses conclusions signifiées par Rpva le 31 mars 2023 demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de le condamner à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La banque considère que l'emprunteur est malvenu à contester le montant de la créance réclamé dès lors qu'il correspond à la créance déclarée dans le cadre de la procédure de surendettement et qu'en acceptant le plan conventionnel de redressement, il a reconnu les créances concernées par ce plan dans leur principe et dans leur quantum. L'intimé conteste la qualification de clause abusive alléguée pour la clause de déchéance du terme qui ne crée aucun déséquilibre significatif entre les parties. Il estime que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée dix jours après la mise en demeure du 23 octobre 2018. Le Crédit Agricole considère que l'article L 313-11 du code de la consommation imposant à la banque de vérifier la solvabilité de l'emprunteur est issu de l'ordonnance du 25 mars 2016 inapplicable aux prêts souscrits avant cette date. La banque soulève par ailleurs la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts formée plus de cinq ans après le premier incident de paiement. L'intimé dénie enfin la qualification de clause pénale à la clause stipulant une indemnité contractuelle de recouvrement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la déchéance du terme :

Sur le caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme :

Les conditions particulières des deux prêts stipulent : « le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement en totalité en cas de survenance de l'un ou l'autre des évènements ci-après... ». Suivent alors la liste de quatorze événements susceptibles de fonder la décision du prêteur de prononcer la déchéance du terme.

Le deuxième événement sur la liste est le non-paiement des échéances exigibles.

Le cinquième événement est le suivant : « si le bien financé a été aliéné en totalité ou en parti, s'il a subi une forte dépréciation, s'il a fait l'objet d'une saisie ou d'une infraction aux conditions d'octroi du prêt ou plus généralement, si les garanties mentionnées aux conditions particulières n'ont pu être constituées... ».

L'emprunteur considère que la clause susvisée est abusive car elle est rédigée en termes généraux et donne à la banque le pouvoir discrétionnaire d'exiger unilatéralement le remboursement intégral du prêt. Il considère que prononcer la déchéance du terme en l'absence d'affectation hypothécaire promise par l'emprunteur revient à soumettre la vente du bien immobilier financé garanti par un cautionnement à l'accord du prêteur alors qu'il ne dispose d'aucune hypothèque sur le bien. Cette situation aurait donc pour effet de créer un déséquilibre significatif entre le professionnel et le consommateur.

Après avoir relevé que le Crédit Agricole avait prononcé la déchéance du terme en raison de plusieurs échéances impayées et non en application de la clause considérée comme abusive, le tribunal a considéré que la clause litigieuse était sans incidence sur la validité de la déchéance du terme prononcée.

Selon les termes de la lettre recommandée avec AR du 24 septembre 2019, la déchéance du terme a été prononcée par la banque pour les motifs suivants :

« Nous avons appris que par acte notarié du 28 juin 2018, vous avez procédé à la vente de votre immeuble à [Localité 8]... En vertu des stipulations de l'offre de prêt, le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement et en totalité si le bien financé a été aliéné en tout ou en partie. De plus, les prêts étant assortis d'une promesse d'affectation hypothécaire sur le bien financé, vous aviez l'obligation de solliciter notre accord exprès et préalable à toute mutation de propriété, l'offre de prêt prévoyant que « pour le cas où le prêteur ne pourrait obtenir l'affectation hypothécaire promise par l'emprunteur, le prêt deviendra immédiatement exigible ». Aussi, nous prononçons par la présente la DECHEANCE DU TERME et vous mettons en demeure de nous régler sous quinze jours... ».

Les termes de le lettre susvisée sont clairs : la déchéance du terme a été prononcée par la banque non pas pour défaut de paiement des échéances exigibles, deuxième cas de déchéance du terme visé dans la clause litigieuse, mais pour aliénation du bien financé et pour inexécution de la promesse d'affectation hypothécaire du bien, cinquième cas de déchéance du terme.

Le premier juge a donc à tort considéré que ce cas de déchéance du terme était sans incidence sur le présent litige et que l'allégation du caractère abusif de cette partie de la clause était inopérante.

Selon l'article L. 132-1, devenu l'article L. 212-1, du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

La cour relève que l'exigibilité anticipée du prêt fondée sur la vente du bien financé et sur l'absence de constitution par l'emprunteur de l'affectation hypothécaire du bien financé qu'il a promise dans l'offre de prêt ne soumet pas l'emprunteur non-professionnel au pouvoir arbitraire du prêteur. En effet, cette partie qualifiée d'abusive de la clause relative à la déchéance du terme fait référence en des termes précis à l'inexécution par l'emprunteur d'une obligation spécifique, celle de constituer une hypothèque sur le bien acheté, obligation stipulée en page 2 de l'offre de prêt dans les termes suivants : « Garanties :

- caution Camca

- promesse d'affectation hypothécaire sur habitation cadastrée section E N [Cadastre 5] ... [Localité 8] ».

La déchéance du terme dépend donc de l'inexécution d'une obligation essentielle incombant à l'emprunteur : celle de constituer sur le bien acheté avec les fonds prêtés une hypothèque au profit de la banque. La sanction de l'exigibilité immédiate des prêts est donc proportionnée à la gravité du manquement de l'emprunteur lequel, en s'abstenant de constituer l'hypothèque promise et en vendant le bien financé, prive le prêteur, en cas de défaillance de l'emprunteur, de toute garantie sur le patrimoine de ce dernier.

Il n'y a donc pas de déséquilibre significatif entre le professionnel et le non-professionnel et le caractère abusif de la partie litigieuse de la clause de déchéance du terme sera écarté.

 

Sur l'acquisition de la déchéance du terme :

L'appelant soutient qu'est irrégulière la déchéance du terme prononcée pour non-paiement des échéances exigibles dix jours après l'envoi d'une lettre recommandée du 23 octobre 2018 : elle en déduit que la banque doit être déboutée de sa demande tendant au règlement de sa créance.

La déchéance du terme a été visée dans la lettre recommandée du 23 octobre 2018 pour défaut de paiement des échéances exigibles et dans celle du 24 septembre 2019 pour vente du bien financé et absence d'exécution de la promesse de constitution hypothécaire en faveur de la banque.

La banque n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle a adressé ces deux lettres recommandées. En tout état de cause, à supposer comme le soutient l'appelant que la déchéance du terme n'a pas pu être acquise dix jours après la LRAR du 23 octobre 2018, elle a été régulièrement prononcée aux termes de la LRAR du 24 septembre 2019. Le moyen est donc inopérant et X. ne peut pas soutenir que la créance de la banque n'est pas exigible et qu'elle doit être déboutée de sa demande en paiement.

Le moyen tiré de l'application de l'adage « nemo auditur turpitudinem allegans » sera écarté, l'appelant ne démontrant pas que sa défaillance est imputable à une faute de la banque.

 

Sur le montant de la créance :

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Sur la recevabilité de la demande de déchéance des intérêts :

Selon l'article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes de l'article 71 du même code, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

La demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts s'analyse en une défense au fond dès lors qu'elle tend seulement au rejet de la demande de la banque tendant à sa condamnation au paiement des intérêts conventionnels.

Le tribunal a donc déclaré à bon droit la demande recevable.

 

Au fond :

L'appelant fonde sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque sur le manquement à son obligation de vérifier la situation de l'emprunteur avant de lui consentir un prêt. Même s'il évoque le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, il vise au début du dispositif de ses conclusions l'article L. 341-27 du code de la consommation lequel dispose que peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, le prêteur qui accorde un crédit sans avoir respecté les conditions prévues aux articles L. 313-16 à L. 313-18, applicables en matière d'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur.

 

Les prêts ont été conclus le 9 juin 2010.

La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 a introduit dans le code de la consommation des dispositions relatives à l'obligation faite à tout prêteur, préalablement à l'octroi d'un crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur (L. 311-9 du code de la consommation). Le législateur a sanctionné le manquement à cette obligation par la déchéance du droit aux intérêts (L. 311-48).

Les articles L. 311-9 et L. 311-48 ne sont pas applicables aux deux prêts litigieux conclus avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010.

La déchéance du droit aux intérêts étant une sanction, elle ne peut être prononcée que si elle est prévue par la loi applicable au contrat de crédit litigieux.

Quant à l'article L 341-27 visé au début du dispositif des conclusions de l'appelant, il a été créé par l'ordonnance n° 2016-35 du 25 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016.

La demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts de la banque a donc été à bon droit rejetée par le premier juge.

 

Sur la créance :

Le tribunal a considéré que le Crédit Agricole justifiait du montant de sa créance en produisant les contrats de prêt, les tableaux d'amortissement initiaux et l'avenant du 11 septembre 2010, les décisions de la commission de surendettement. Le premier juge a aussi relevé que l'emprunteur avait reconnu le montant de la créance de la banque lors de l'acceptation des deux plans de redressement fixant le reliquat de sa dette à l'égard de la banque.

X. soutient que le Crédit Agricole ne justifie pas du montant de sa créance : il fait grief à la banque d'avoir adressé à son notaire le 8 février 2018 un ordre irrévocable de paiement visant des sommes supérieures aux créances déclarées dans le cadre des procédures de surendettement ainsi que des références à des numéros de contrats de prêt qui ne correspondent pas à ceux qu'il a signés.

La banque réplique que le prêt de la somme de 8250 euros n'a jamais été remboursé de sorte que le capital restant dû correspond au montant nominal du prêt. Quant au prêt de 96568 euros, l'intimé a repris le montant de la créance telle que fixée à deux reprises par la commission de surendettement.

L'intimé verse aux débats les tableaux d'amortissement du prêt et l'avenant, les décisions de la commission de surendettement, les relevés du compte bancaire de l'emprunteur ainsi qu'un décompte détaillé de sa créance. Contrairement à ce que soutient l'intimé, il n'existe aucune équivoque sur le montant de la créance et le tribunal à juste titre a condamné l'emprunteur à payer :

- la somme de 89.427,42 euros avec intérêts au taux de 3,92 % à compter du 3 décembre 2019 au titre du prêt n°C2GPH8017PR, étant précisé qu'il a été tenu compte des échéances prescrites,

- la somme de 8.827,50 euros au titre du prêt n°C2GPH8017PR,

 

Sur l'indemnité contractuelle :

Le premier juge a considéré que l'indemnité contractuelle de 577,50 euros réclamée par la banque au titre du prêt de 8 250 euros était une clause pénale et qu'en raison de l'ancienneté de la dette et de l'absence totale de règlement des échéances, elle n'apparaissait pas manifestement excessive et qu'il n'y avait pas lieu de la réduire.

L'appelant soutient que la banque lui réclame une indemnité contractuelle égale à 7% du montant du capital dû majoré des intérêts échus et non versés pour chacun des deux prêts, qu'il s'agit d'une clause pénale manifestement excessive qui doit être réduite.

L'intimé conteste la qualification de clause pénale retenue par le premier juge.

Si dans le décompte détaillé de sa créance versé aux débats, le Crédit Agricole a mentionné pour le premier prêt de 96 568 euros une indemnité de recouvrement à hauteur de 6416,50 euros (pièce n°7 de l'intimé), il a abandonné cette demande.

Le tribunal au titre de ce prêt a d'ailleurs condamné l'emprunteur à payer la somme de 89.427,42 euros représentant le capital restant dû et le montant des échéances impayées non prescrites et n'a prononcé aucune condamnation au titre de l'indemnité contractuelle de recouvrement.

Dans le dispositif de ses conclusions en cause d'appel, le crédit Agricole sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

La cour n'est donc saisie d'aucune demande de paiement d'une indemnité de recouvrement au titre du premier prêt contrairement à ce que soutient l'appelant.

Quant à la demande d'indemnité de recouvrement relative au second prêt de 8.250 euros, le premier juge l'a qualifiée à bon droit de clause pénale.

La clause pénale est définie par l'ancien article 1152 du code civil applicable aux contrats de prêt litigieux : « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».

Le contrat de prêt stipule en page 10 : « le prêteur pourra réclamer à l'emprunteur une indemnité égale à 7 % du capital dû majoré des intérêts échus et non payés ».

Cette clause du contrat est bien une clause pénale, définie comme une stipulation contractuelle consistant dans l'attribution au créancier, en cas d'inexécution, d'une somme forfaitaire destinée à fixer par anticipation le montant du préjudice subi à la suite de l'inexécution.

Le Crédit Agricole qui a rédigé le contrat de prêt litigieux a d'ailleurs inséré la clause susvisée dans un paragraphe du contrat intitulé : « Clauses pénales ».

Le premier juge a considéré avec pertinence qu'en l'état de l'ancienneté du prêt - 12 ans - et de l'absence totale de règlement par l'emprunteur, l'indemnité de recouvrement de 577,50 euros réclamée par la banque au titre du prêt de 8.250 euros n'était pas excessive.

 

Sur la demande de dommages-intérêts :

X. considère que la banque a engagé sa responsabilité contractuelle en ne lui notifiant pas une mise en demeure régulière préalable à la déchéance du terme et en exécutant le contrat de mauvaise foi, laquelle serait caractérisée par son inertie face à ses demandes d'explications sur le montant de la créance réclamée. L'emprunteur considère que l'irrégularité des mises en demeure du 23 octobre 2018 et celle du 24 septembre 2019 lui ont causé un préjudice.

Le tribunal a estimé que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve de la faute de la banque.

L'intimé conteste avoir commis la moindre faute engageant sa responsabilité contractuelle. Il rappelle qu'à compter de 2013, l'emprunteur a bénéficié successivement de deux plans de surendettement, qu'il a attendu le 28 juin 2018 pour vendre le bien immobilier financé par les prêts au prix de 124 500 euros, somme suffisant à apurer son passif, mais qu'il a cependant conservé le prix de vente dans son intégralité.

Le Crédit Agricole soutient à juste titre que l'appelant inverse les rôles en plaidant la mauvaise foi de la banque dans l'exécution des prêts litigieux. En effet, la cour constate que le premier plan de redressement de 2013 avait prévu un moratoire de paiement de 24 mois « pour vente impérative du bien immobilier au prix du marché et retour à l'emploi du débiteur » et que celui de 2016 avait prévu un moratoire de paiement de 12 Mois « pour vente impérative du bien immobilier au prix du marché, la vente du bien immobilier étant normalement en cours... ». L'emprunteur n'a vendu son bien immobilier que le 28 juin 2018 et n'a pas remboursé à ce jour les prêts consentis par la banque en juin 2010 sous le prétexte fallacieux qu'il ne comprenait pas les sommes visées par la banque dans l'ordre irrévocable de paiement qu'elle a adressé au notaire.

La banque a notifié régulièrement à l'emprunteur la déchéance du terme et elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de X..

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

X., partie perdante, sera condamné aux dépens. Le présent appel n'est qu'une manifestation de plus de sa volonté d'échapper au règlement des emprunts contractés en 2010. Il n'est pas inéquitable de le condamner à payer au crédit Agricole la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne X. aux dépens,

Le condamne à payer au crédit Agricole la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE,                                        LA PRÉSIDENTE,