CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 1er mars 2022

CERCLAB - DOCUMENT N° 10692
CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 1er mars 2022 : RG n° 19/00206
Publication : Judilibre
Extrait : « Il sera rappelé qu'il résulte de la combinaison des articles 1134 devenue 1103 du code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d'honoraires sur le montant des honoraires de diligences lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement.
Il convient donc de faire application dans ces conditions des dispositions de l'article 9 alinéa 1 et 2 de la convention signée entre les parties. Il ressort du décompte produit que Maître Y. justifie de 30 heures 30 minutes de temps passé, pour un temps horaire parfaitement estimé de 250 euros de l'heure, ce qui porte à la somme totale de 7.625 euros HT les honoraires dus, sous déduction de la somme de 1.500 euros HT.
Le bâtonnier a ainsi fait une juste appréciation des honoraires revenant à l'avocat et sa décision sera en conséquence confirmée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 9
ORDONNANCE DU 1er MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00206 (4 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B7SJY.
NOUS, Michèle CHOPIN, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, greffière lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame X.
[...], [...], Représentée par Maître Jens W., avocat au barreau de PARIS, toque : P0177, Demandeur au recours, contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître Y.
[...], [...], Représenté par Maître Marie G., avocat au barreau de PARIS, Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 2 novembre 2021 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 11 janvier 2022, puis a été prorogée au 1er mars 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le recours formé par Mme X. le 29 mars 2019, à l'encontre de la décision rendue le 27 février 2019 par le délégataire du bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris qui a :
- fixé à la somme de 7.625 euros HT le montant total des honoraires dus par Mme X. à Maître Y., avocat, sous déduction de la somme de 1.500 euros HT, soit un solde d'honoraires de 6.125 euros HT,
- dit en conséquence que Mme X. devra verser à Maître Y. la somme de 6.125 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier soit le 1er octobre 2018, outre la TVA de 20%, ainsi que les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la présente décision, et la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ce, conformément aux dispositions de l'article 277 du décret du 27 novembre 1991,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Entendues à l'audience du 2 novembre 2011, les parties en leurs observations en tous points conformes à leurs écritures :
- Mme X. qui conclut à :
* l'infirmation de la décision déférée,
* la fixation des honoraires dus à la somme de 2.560 euros HT, cette somme ayant été réglée,
* le cas échéant, la condamnation de Maître Y. à rembourser à Mme X. la différence positive entre le montant de 2.560 euros HT payé par elle et le montant des honoraires de diligences dus à Maître Y.,
* la condamnation de Maître Y. à lui verser une indemnité de 3.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
- Maître Y. qui conclut à :
* la confirmation de la décision déférée,
* la condamnation de Mme X. à lui verser une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Mme X. a, au cours du mois de juillet 2017, confié la défense de ses intérêts à Maître Y. à l'occasion d'une procédure prud'hommale.
Les parties ont signé une convention réglant les honoraires revenant à l'avocat le 3 juillet 2017.
La contestation élevée par Mme X. porte essentiellement sur le montant des honoraires qu'elle trouve exagéré par rapport au travail accompli. Elle estime que la première provision, bien qu'elle a été réglée, n'était pas conforme à la convention d'honoraires, que la seconde provision également réglée partiellement n'était convenue ni dans son principe ni dans son montant, qu'elle a passé beaucoup de temps à retravailler le projet d'écritures de Maître Y., qu'elle a pris acte du souhait de cette dernière de se dessaisir.
Or, il apparaît que:
- la convention d'honoraires prévoyait un forfait de diligences d'un montant compris entre 3.400 euros HT et 4.000 euros HT « selon l'enjeu, l'importance des pièces et le volume des conclusions à rédiger pour la défense des intérêts du client », outre un honoraire de résultat de 10 %,
- l'article 2 de cette convention précise que l'honoraire de diligences sera réglé comme suit : 500 euros HT soit 600 euros TTC par provision à l'ouverture de dossier, le solde du montant au plus tard au jour de l'audience,
- l'article 9 indique :
« dans l'hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l'avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence au taux horaire habituel de l'avocat soit 250 euros de l'heure hors taxes et non sur la base des honoraires de base et complémentaires figurant aux articles 2 et 3. Dans l'hypothèse où le dessaisissement interviendrait à une date proche de l'issue de la procédure et alors que le travail accompli aura permis l'obtention d'un résultat recherché, la clause relative aux honoraires de résultat demeurera applicable dans les termes prévus à l'article 3 de la convention. Enfin dans l'hypothèse où l'avocat se dessaisirait du dossier pour des raisons qui n'incombent pas au client, le montant forfaitaire de diligences sera maintenu entre les parties »,
- le mandat de Maître Y. a cessé, ce qui est constant et non discuté par les parties, de sorte qu'il convient d'analyser les circonstances de la rupture afin de déterminer à quelle situation visée par l'article 9 de la convention les honoraires dus par Mme X. doivent correspondre,
- à cet égard, il ressort des débats que Mme X., qui estime avoir passé plus de 1.300 heures à revoir puis corriger les projets d'écritures établis par Maître Y., a en effet de nombreuses fois remanié les écritures qui lui étaient soumises en projet,
- que le délégué du bâtonnier a ; à juste titre ; estimé sur ce point que les dites 1300 heures passées par Mme X. étaient un moyen peu sérieux, à tout le moins totalement inopérant,
- il apparaît au surplus que les demandes de modifications de Mme X. étaient constantes et se sont étalées dans le temps, qu'elles ont elles-mêmes généré du temps passé par Maître Y. sur le dossier,
- qu'ensuite de multiples modifications, Mme X. écrivait à me Y. le 24 mai 2018 : « à ce jour je comptabilise 1320 heures de travail sur les conclusions. Je note que vous avez passé 30 heures » ajoutant « j'ai dû effectuer un règlement de consultation supplémentaire auprès d'un avocat pour me guider sur la bonne rédaction des conclusions que j'effectue seule »,
- il apparaît que Maître Y. a proposé afin de restaurer l'équilibre des relations entre elle-même et sa cliente un arrangement consistant en la renonciation à la convention d'honoraires et à l'honoraire de résultat pour une facturation au temps passé, précisant : « à défaut (...) Je crains que nous ne soyons plus en mesure de partager la confiance réciproque indispensable et nécessaire entre un client et son conseil »,
- Mme X. a répondu en ces termes : « A défaut de pouvoir accepter votre nouvelle offre, je prends acte aujourd'hui de votre souhaite de vous désister »,
- il résulte de ce qui précède que Mme X. a clairement placé Maître Y. dans l'impossibilité d'exercer sa mission et qu'elle se trouve par conséquent à l'origine de la rupture du mandat de cette dernière et de son dessaisissement, quand bien même elle tenterait d'échapper à l'application de la clause de dessaisissement,
Il sera rappelé qu'il résulte de la combinaison des articles 1134 devenue 1103 du code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d'honoraires sur le montant des honoraires de diligences lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement.
Il convient donc de faire application dans ces conditions des dispositions de l'article 9 alinéa 1 et 2 de la convention signée entre les parties. Il ressort du décompte produit que Maître Y. justifie de 30 heures 30 minutes de temps passé, pour un temps horaire parfaitement estimé de 250 euros de l'heure, ce qui porte à la somme totale de 7.625 euros HT les honoraires dus, sous déduction de la somme de 1.500 euros HT.
Le bâtonnier a ainsi fait une juste appréciation des honoraires revenant à l'avocat et sa décision sera en conséquence confirmée.
La solution du litige eu égard à l'équité commande d'accorder à Maître Y. une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 2.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision déférée,
Condamne Mme X. à payer à Maître Y. une indemnité d'un montant de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de Mme X.
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT