CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BORDEAUX (1re pdt), 15 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re pdt), 15 février 2024
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 22/05233
Date : 15/02/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Référence bibliographique : 6387 (avocat, clauses d’honoraires)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10711

CA BORDEAUX (1re pdt), 15 février 2024 : RG n° 22/05233 

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel des arguments de l’intimée) : « - que les diligences facturées postérieurement à son dessaisissement sont justifiées, et que l'arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023 considérant comme abusive la clause d'un contrat de prestation de services juridiques fixant le principe du tarif horaire, en l'absence d'informations préalablement communiquées est inapplicable, dès lors qu'en droit français, le juge national doit appliquer les critères d'application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. »

Extrait (motifs) : « Il est acquis que M. X., a confié à la société DGD la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure engagée par la société BNP PARIBAS à son encontre, en sa qualité de caution des engagements souscrits par la SAS LE VILLAGE.

Aucune convention d'honoraire n'a été conclue, mais la facturation est intervenue au temps passé. En l'absence de convention, l'avocat ne saurait être privé du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies des honoraires qui sont alors fixés en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, aux termes desquels les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l'avocat et son client, « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ».

Ainsi, pour apprécier les diligences effectuées, le juge de l'honoraire doit retenir au vu des pièces produites : - le temps consacré à l'affaire, chiffrage en heures et/ou minutes, comprenant notamment le temps de travail de recherche ; - la nature et la difficulté de l'affaire, l'importance des intérêts en cause, les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci ; - l'incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient  ; - sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire, étant précisé que l'avocat associé ne peut pas se prévaloir de sa propre notoriété pour un collaborateur dont le taux honoraire doit être inférieur au sien ; - la situation de fortune du client.

M. X. fait valoir qu'il n'y a eu aucun accord sur le mode de facturation au temps passé, et que même si un tel accord existait, la clause relative à la facturation au temps passé serait en l'espèce abusive dès lors que l'avocat n'a indiqué à son client, préalablement à la conclusion du contrat, ni le temps supposé nécessaire pour traiter son dossier, ni les échéances (par exemple mensuelles) de facturation. En l'espèce, le taux horaire pratiqué par la société DGD, conforme aux usages ayant existé entre les sociétés gérées par M. X. et la société d'avocat apparaît justifié.

S'agissant de la clause (non écrite) fixant le dit taux horaire et la facturation selon cette modalité, il est constant que la clause fixant les honoraires sur la base d'un tarif horaire, sans autre précision, n'est ni claire ni compréhensible au sens du régime des clauses abusives.

Cependant, une telle clause n'a pas été acceptée en l'espèce, et le montant de l'honoraire doit être fixé au regard des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005. Il sera relevé en outre que la nullité de la clause dite « abusive » entraîne en principe l'annulation de la convention d'honoraires, ce qui représente pour le client des conséquences gravement préjudiciables, puisque l'annulation de la convention supposerait des restitutions réciproques.

Le droit national autorisant l'avocat à obtenir une rémunération de ses services sur un fondement différent de celui du contrat annulé, à savoir les critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, et le juge ne pouvant fixer sur le fondement de sa propre estimation la rémunération due, la situation de consommateur de M. X. est indifférente à la solution du litige. Les pièces versées aux débats à savoir les échanges de correspondance et les deux jeux de conclusions justifient les honoraires sollicités. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIER PRÉSIDENT

ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/05233. N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7IS. Rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 15 FEVRIER 2024, LA JURIDICTION DE LA PREMIERE PRESIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Vu l'ordonnance de fixation en collégialité du 8 décembre 2023 de la première présidente ;

Vu le renvoi de l'affaire devant la formation collégiale composée de : Isabelle DELAQUYS, conseillère, Noria FAUCHERIE, conseillère, Nathalie PIGNON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Nathalie PIGNON, ayant entendu les parties en qualité de rapporteur, a rendu compte des débats à la Cour,

assistées de Séverine ROMA, greffière,

dans l'affaire

 

ENTRE :

Monsieur X.

né le [Date naissance 3] à [Localité 7], demeurant [Adresse 4] - [Localité 6], présent

SAS LE VILLAGE

agissant en la personne de son représentant légal la SARL EL COMMODOR représentée par son gérant X., domicilié en cette qualité [Adresse 4] - [Localité 6]

SARL EL COMMODOR

agissant en la personne de son représentant légal X., domicilié en cette qualité [Adresse 4] - [Localité 6]

assistés de Maître Gilles HAMADACHE, avocat au barreau d'AGEN

Demandeurs au recours contre une décision rendue le 12 octobre 2022 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de BORDEAUX,

SELARL PHILAE

ayant son siège social au [Adresse 2] - [Localité 5], représentée par ses dirigeants légaux domiciliés ès qualités audit siège, agissant en qualité de liquidateur de la SAS LE VILLAGE, ayant son siège social au [Adresse 4] - [Localité 6], selon jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 juillet 2023,

SELARL PHILAE

ayant son siège social au [Adresse 2] - [Localité 5], représentée par ses dirigeants légaux domiciliés ès qualités audit siège, agissant en qualité de liquidateur de la SARL EL COMMODOR, ayant son siège social au [Adresse 4] - [Localité 6], selon jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 juillet 2023,

Intervenants volontaires

représentés par Maître Gilles HAMADACHE, avocat au barreau d'AGEN

 

ET :

SELARL DGD

société d'avocats, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité, au siège social sis [Adresse 1] - [Localité 5]

Maître W.

Avocat, demeurant [Adresse 1] - [Localité 5],

représentés par Maître Benoit DARRIGADE, avocat au barreau de BORDEAUX

Défenderesse,

 

A rendu publiquement l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue devant nous, assistées de Séverine Roma, Greffière, en audience publique, le 21 Novembre 2023 et que le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la cour, par les magistrats ci-dessus désignés.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions :

M. X., la SAS LE VILLAGE, la SARL EL COMMODOR ont relevé appel d'une décision rendue le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Bordeaux ayant fixé à 3.934,80 € TTC pour les dossiers SAS LE VILLAGE/GAN et SAS LE VILLAGE/NOVA, 1.060 € TTC pour le dossier EL COMMODOR /BLOCH et 2.420 € TTC pour le dossier X./ BNP PARIBAS, les honoraires dus par chacun d'eux à la SELARL DGD AVOCATS.

La SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE et de la SARL EL COMMODOR sont intervenus volontairement à l'instance.

Ils demandent à la cour de :

- A titre principal

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

Vu l'article L. 441-3, devenu L. 441-9 du Code de commerce,

Vu la jurisprudence,

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à payer à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE la somme de 100.930 € HT correspondant au remboursement de l'honoraire de résultat indûment réglé ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à rembourser à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE la somme de 29.043,78 € HT suite à la réduction de l'honoraire facturé au temps passé ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à rembourser à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE la somme de 913 € HT correspondant aux factures n°000029 du 27 avril 2020 et n°F100520354 du 2 juin 2020 ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à rembourser à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SARL EL COMMODOR la somme de 405 € HT suite à la réduction de l'honoraire facturé au temps passé ;

A titre subsidiaire

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

Vu la jurisprudence,

- réduire à un euro symbolique l'honoraire de résultat dû à la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. par la SAS LE VILLAGE ;

- condamner en conséquence solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à payer à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE la somme de 100.929 € HT correspondant au remboursement de l'honoraire de résultat indument réglé ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à rembourser à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE la somme de 29.043,78 € HT suite à la réduction de l'honoraire facturé au temps passé ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. à rembourser à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SARL EL COMMODOR la somme de 405 € HT suite à la réduction de l'honoraire facturé au temps passé ;

En tout état de cause

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

Vu les articles L. 111-1 et L. 212-1 du Code de la consommation,

Vu la jurisprudence,

- débouter la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. de leurs demandes reconventionnelles en paiement des factures suivantes :

- facture n°2022/00932 du 24 juin 2022 de 894 € HT, soit 1.072,80 € TTC ;

- facture n°001456 du 14 juin 2022 de 2.385 € HT, soit 2.862 € TTC ;

- facture n°2022/00903 du 20 juin 2022 de 883,33 € HT, soit 1.060 € TTC ;

- juger que la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. n'ont pas respecté leur obligation d'information issue de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ;

- juger au surplus abusive la clause permettant à la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. de facturer Monsieur X. au temps passé, et juger cette clause non-écrite ;

- annuler en conséquence le contrat conclu entre la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. d'une part, et Monsieur X. d'autre part, et concernant l'affaire opposant Monsieur X. à la société BNP PARIBAS ;

- débouter la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. de leur demande reconventionnelle en paiement de la facture n°2022/00951 du 28 juin 2022 de 2.016,67 € HT, soit 2.420 € TTC ;

- subsidiairement, ordonner l'inscription au passif de la liquidation des sociétés SAS LE VILLAGE et SARL EL COMMODOR de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;

- débouter la SELARL DGD AVOCATS et Maître W. de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Maître [M] W. à payer à Monsieur X., à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE, et à la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SARL EL COMMODOR, chacun, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement la SELARL DGD AVOCATS et Me [M] W. aux dépens.

Ils font valoir :

- s'agissant de l'honoraire de résultat, qu'il ne peut être réclamé et payé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, et qu'aucune décision judiciaire n'a statué en l'espèce de manière irrévocable sur le conflit opposant la SAS LE VILLAGE à son assureur, le GAN,

- que les honoraires facturés au temps passé et intégralement payés doivent être réduits,

- que la société intimée a parfois facturé suivant un taux horaire de 270 € HT en lieu et place des 180 € HT convenus,

- que les factures sont libellées de telle façon qu'il est impossible pour le client de pouvoir vérifier tant la réalité de la diligence que sa durée, et ce d'autant plus que certaines font état de diligences supposées réalisées un an voire deux avant l'édition de la facture,

- que la facturation au temps passé et le règlement des factures émises sur cette base ne peuvent, par définition et du fait de leur régularité (souvent mensuelle), être postérieurs au service rendu, lequel ne s'achève que par une décision définitive d'un tribunal en cas de contentieux judiciaire, le service devant être intégralement et non partiellement rendu,

- que l'avocat se prévaut de factures d'honoraires éditées et payées pour un service qui n'a parfois jamais été rendu, notamment dans le cadre d'une instance devant la cour d'appel de Montpellier,

- subsidiairement, que l'ensemble des honoraires cumulés (honoraires facturés au temps passé et honoraire de résultat) est manifestement exagéré et mérite incontestablement d'être réduit,

- en tout état de cause, que la demande reconventionnelle en paiement de factures doit être rejetée, les dites factures faisant référence, soit à des prestations aux libellés particulièrement flous et invérifiables, soit à des prestations datant, pour certaines, de plusieurs mois voire plusieurs années antérieurement à ladite facturation, mettant ainsi le client dans l'impossibilité de pouvoir vérifier la réalité de la prestation en temps utile, et, le cas échéant, de mettre fin à la relation contractuelle face à des honoraires inconnus à l'avance et particulièrement prohibitifs,

- que la note d'honoraires litigieuse concernant M. X. n'est pas due, dès lors qu'il n'y a eu aucun accord sur ce mode de facturation au temps passé en violation des articles L. 111-1 et suivants du Code de la consommation, et que, même s'il était jugé qu'un tel accord aurait existé, la clause relative à la facturation au temps passé serait en l'espèce abusive, conformément à ce qu'a décidé la CJUE dans un arrêt du 12 janvier 2023.

[*]

Par conclusions développées à l'audience, la SELARL DGD et Maître W. demandent à la cour de :

- prononcer la mise hors de cause de M. W., à titre personnel,

- juger M. X., la SELARL PHILAE es-qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS LE VILLAGE, la SELARL PHILAE es-qualité de Mandataire Judiciaire de la SARL EL COMMODOR, mal fondés en leur appel ;

En conséquence,

- confirmer la décision du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux du 12 octobre 2022 en ce que M. X. a été condamné à payer à la SELARL DGD la somme de 2.420 € TTC ;

Y ajoutant,

- fixer la créance de la SELARL DGD a l'égard de la SELARL PHILAE, es-qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS LE VILLAGE à la somme de 3.934,80 € T.T.C.

- fixer la créance de la SELARL DGD AVOCATS à l'encontre de la SELARL PHILAE, es-qualité de Mandataire Judiciaire de la SARL EL COMMODOR à la somme de 1.060,00 € TTC. ;

- condamner M. X. à payer à la SELARL DGD AVOCATS une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. X. aux entiers dépens d'instance, ainsi que la SELARL PHILAE es-qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS LE VILLAGE et de la SARL EL COMMODOR.

Ils font valoir :

- A titre liminaire, que la saisine effectuée par M. X., la SAS LE VILLAGE et la SARL EL COMMODOR concerne un recours devant le Bâtonnier en matière d'honoraires à l'encontre de la SELARL DGD structure d'exercice et que Me W. doit être mis hors de cause,

- s'agissant de l'honoraire de résultat, les deux règlements intervenus sur les factures des 5 février et 23 juillet 2019 caractérisent amplement l'accord intervenu du client et le versement des sommes constitutives d'honoraires de résultat est bien intervenu à la suite d'un résultat définitif, aucun élément ne permettant de caractériser l'absence d'une décision irrévocable quant aux sommes obtenues et reversées aux appelants ;

- que l'honoraire de résultat ne peut être révisé dès lors que non seulement son principe mais encore son montant ont été formellement acceptés par le client, une fois que le résultat a été atteint ;

- que toutes les factures ayant été payées après émission et alors qu'aucune provision n'avait été facturée, l'acceptation de leur principe et de leur montant après service rendu rend irrecevables les contestations ou réductions de l'honoraire ;

- que les diligences facturées postérieurement à son dessaisissement sont justifiées, et que l'arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023 considérant comme abusive la clause d'un contrat de prestation de services juridiques fixant le principe du tarif horaire, en l'absence d'informations préalablement communiquées est inapplicable, dès lors qu'en droit français, le juge national doit appliquer les critères d'application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la mise hors de cause de Maître W. :

La décision du délégataire du Bâtonnier de Bordeaux a été rendue entre M. X., la SAS LE VILLAGE, la SARL EL COMMODOR et la SELARL DGD structure d'exercice de sorte qu'il convient de mettre M. W. à titre personnel hors de cause.

 

Sur l'honoraire de résultat et les honoraires facturés au temps passé :

Conformément à l'article 10 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires.

La clause prévoyant le versement d'honoraires de résultat liés forfaitairement à l'obtention d'un résultat qualitatif ou proportionnellement à l'obtention d'un résultat chiffrable, est prohibée si elle est exclusive de tout honoraire de diligences, ou si l'honoraire de diligence est dérisoire par comparaison à l'honoraire de résultat. L'honoraire de résultat peut également être réduit par le juge de l'honoraire, s'il apparaît exagéré au regard du service rendu.

Par ailleurs, si les juges du fond apprécient souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention.

Enfin, si l'honoraire de résultat suppose un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, le juge taxateur ne peut le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait été ou non précédé d'une convention.

Il est seulement possible de réduire les honoraires d'avocat dans les cas où leur paiement, bien qu'intervenu après service rendu, n'a pas été librement consenti par le client, dont le consentement a été vicié en raison de pressions exercées par l'avocat ou, non éclairé, en raison de l'impossibilité pour le client de comprendre à quoi correspondent les sommes qui lui étaient réclamées.

Aucun de ces moyens n'est invoqué en l'espèce.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le paiement après service rendu peut être effectué au fur et à mesure de son accomplissement, et non nécessairement en fin de mission.

Il résulte en outre des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce que ne peuvent constituer des honoraires librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences du second d'entre eux, peu important qu'elles soient complétées par des éléments extrinsèques.

En l'espèce, aux termes de la convention d'honoraires du 1er septembre 2017, la SAS LE VILLAGE a confié à la SCP DGD la mission d'intervenir « dans le cadre du litige opposant le mandant à son assureur, le GAN, ainsi qu'à toutes autres parties, liées à l'incident qui a frappé son local commercial. »

La dite convention prévoyait un honoraire de diligences facturé au temps passé de 180 € H.T. outre un honoraire de résultat déterminable selon le barème suivant :

- 8 % sur la tranche de 0 à 500.000 € H.T.

- 6 % sur la tranche de 500.000 € à 1.000.000 € H.T.

- 4 % au-delà de 1.000.000 € H.T.

L'honoraire de résultat a fait l'objet de deux factures des 5 février 2019 et 23 juillet 2019 qui ont toutes deux été réglées par la société LE VILLAGE. Ces deux factures, qui détaillent les pourcentages appliqués pour chaque tranche, conformément à la convention d'honoraires, mentionnent de façon claire les modalités de calcul et sont donc parfaitement conformes aux dispositions de l'article L. 441-3 devenu L. 441-9 du code de commerce.

Il n'est pas contesté que le paiement, intervenu alors que les diligences avaient été accomplies par la société DGD, a été effectué après service rendu.

S'agissant des diligences au temps passé au titre des factures intégralement payées, la société intimée produit aux débats notamment la convention d'honoraires du 8 mars 2019 ainsi que l'ensemble des factures.

Ces factures, conformément aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce mentionnent les diligences effectuées par l'avocat et le temps passé à chaque diligence.

De plus, contrairement à ce que soutiennent les appelants, dès lors que les diligences facturées ont été effectuées, que ces factures ont été réglées, et que le principe et le montant des honoraires ont donc été acceptés par le client après service rendu, ces honoraires ne peuvent être réduits, quand bien même le taux horaire facturé pour certaines prestations n'est pas conforme à la convention d'honoraire liant les sociétés LE VILLAGE et EL COMMODOR à la société DGD.

S'agissant de la non-exécution de la mission confiée à Me W. aux fins d'obtenir la mainlevée d'un nantissement du fonds de commerce de la SAS LE VILLAGE au profit de la SARL ROCHER DES PIRATES, la société DGD a facturé à la SAS LE VILLAGE aux termes de deux factures des 27 avril 2020 et 2 juin 2020 que n'ont été facturées que les diligences relatives à l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce de Bordeaux (courrier officiel, recherches, rédaction de l'assignation) et à la plaidoirie (préparation du dossier de plaidoirie et droit de plaidoirie), de sorte que c'est en vain que les sociétés appelantes soutiennent que les diligences facturées n'ont pas été effectuées, les démarches d'exécution n'ayant pas été comprises dans la mission de l'avocat, ou en tout cas non exécutées et donc non facturées.

 

Sur les demandes reconventionnelles après dessaisissement :

Sur la facture n°2022/00932 du 24 juin 2022 de 894 € HT, soit 1.072,80 € TTC :

Cette facture établie au temps passé, au taux horaire de 180,00 € H.T., conformément à la convention conclue entre la SAS LE VILLAGE et la société DGD vise des diligences accomplies durant la procédure pénale estimées à 1h30 et au titre de déplacements et démarches effectuées auprès du juge d'instruction par Maître W.

Il incombe dans ce cadre à la société intimée de rapporter la preuve des diligences qu'elle prétend avoir effectuées pour le compte de sa cliente, la SAS LE VILLAGE, laquelle stigmatise des prestations aux libellés particulièrement floues et invérifiables.

A défaut de production de pièce de la procédure pénale, aucune de ces diligences n'est démontrée, et il convient dans ces conditions de faire droit à la contestation de l'appelante et de débouter la société DGD des prétentions de ce chef.

 

Sur la facture n°001456 du 14 juin 2022 de 2.385 € HT, soit 2.862 € TTC :

Cette facture d'honoraires mentionnant 13 h 15 de travail au taux horaire de 180,00 € H.T. vise les diligences accomplies dans le cadre d'une procédure engagée au nom de la SAS LE VILLAGE contre la SCI NOVA.

A l'appui de sa demande, la société DGD produit aux débats les pièces justifiant les diligences accomplies, à savoir les multiples échanges de correspondance, et l'assignation délivrée au nom de la SAS LE VILLAGE.

Compte tenu de la complexité du dossier, le chiffrage avancé par la société DGD n'apparaît nullement excessif, et la décision du Bâtonnier de ce chef sera confirmée, sauf à préciser que la créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société LE VILLAGE.

 

Sur la facture n°2022/00903 du 20 juin 2022 de 883,33 € HT, soit 1.060 € TTC :

Cette facture correspond à un dossier confié par la société EL COMMODOR à la SELARL DGD qui justifie par la production des conclusions d'intimée n°2 avoir effectué les diligences dont elle demande le réglement.

La somme de 883,33 € H.T. soit 1060,00 € T.T.C. réclamée à ce titre est justifiée au regard de la teneur des dites conclusions révélant une incontestable complexité du dossier.

La décision sera confirmée sauf à préciser que la créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société EL COMMODOR.

 

- Sur la facture n°2022/00951 du 28 juin 2022 de 2.016,67 € HT, soit 2.420 € TTC :

Il est acquis que M. X., a confié à la société DGD la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure engagée par la société BNP PARIBAS à son encontre, en sa qualité de caution des engagements souscrits par la SAS LE VILLAGE.

Aucune convention d'honoraire n'a été conclue, mais la facturation est intervenue au temps passé.

En l'absence de convention, l'avocat ne saurait être privé du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies des honoraires qui sont alors fixés en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, aux termes desquels les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l'avocat et son client, « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ».

Ainsi, pour apprécier les diligences effectuées, le juge de l'honoraire doit retenir au vu des pièces produites :

- le temps consacré à l'affaire, chiffrage en heures et/ou minutes, comprenant notamment le temps de travail de recherche ;

- la nature et la difficulté de l'affaire, l'importance des intérêts en cause, les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci ;

-l'incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient ;

- sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire, étant précisé que l'avocat associé ne peut pas se prévaloir de sa propre notoriété pour un collaborateur dont le taux honoraire doit être inférieur au sien ;

- la situation de fortune du client.

M. X. fait valoir qu'il n'y a eu aucun accord sur le mode de facturation au temps passé, et que même si un tel accord existait, la clause relative à la facturation au temps passé serait en l'espèce abusive dès lors que l'avocat n'a indiqué à son client, préalablement à la conclusion du contrat, ni le temps supposé nécessaire pour traiter son dossier, ni les échéances (par exemple mensuelles) de facturation.

En l'espèce, le taux horaire pratiqué par la société DGD, conforme aux usages ayant existé entre les sociétés gérées par M. X. et la société d'avocat apparaît justifié.

S'agissant de la clause (non écrite) fixant le dit taux horaire et la facturation selon cette modalité, il est constant que la clause fixant les honoraires sur la base d'un tarif horaire, sans autre précision, n'est ni claire ni compréhensible au sens du régime des clauses abusives.

Cependant, une telle clause n'a pas été acceptée en l'espèce, et le montant de l'honoraire doit être fixé au regard des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005.

Il sera relevé en outre que la nullité de la clause dite « abusive » entraîne en principe l'annulation de la convention d'honoraires, ce qui représente pour le client des conséquences gravement préjudiciables, puisque l'annulation de la convention supposerait des restitutions réciproques.

Le droit national autorisant l'avocat à obtenir une rémunération de ses services sur un fondement différent de celui du contrat annulé, à savoir les critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, et le juge ne pouvant fixer sur le fondement de sa propre estimation la rémunération due, la situation de consommateur de M. X. est indifférente à la solution du litige.

Les pièces versées aux débats à savoir les échanges de correspondance et les deux jeux de conclusions justifient les honoraires sollicités.

La décision du Bâtonnier sera confirmée.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient, en équité, de condamner M. X. à payer à la société DGD la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; la demande présentée sur le même fondement par M. X., la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE, et la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SARL EL COMMODOR, qui succombent, sera en revanche rejetée, et ils supporteront seuls les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Met hors de cause Maître M. W ;

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a admis la facture n°2022/00932 du 24 juin 2022 de 894 € HT, soit 1.072,80 € TTC à l'encontre de la SAS LE VILLAGE ;

Déboute la SELARL DGD de sa demande à ce titre ;

Fixe en conséquence la créance de la SELARL DGD au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LE VILLAGE à la somme de 2.385 € HT, soit 2.862 € TTC ;

Précise pour le surplus que la créance de la SELARL DGD à l'encontre de la SARL EL COMMODOR est fixée au passif de la liquidation judiciaire de la dite société ;

Condamne M. X. à payer à la SELARL DGD la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne in solidum M. X., la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SAS LE VILLAGE, et la SELARL PHILAE ès qualités de liquidateur de la SARL EL COMMODOR aux dépens.

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le présent arrêt a été signé par Isabelle DELAQUYS, conseillère, et par Séverine ROMA, greffière, à laquelle la minute a été remise par le Magistrat signataire.

La Greffière                                      La Conseillère