CA CHAMBÉRY (2e ch.), 7 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10712
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 7 mars 2024 : RG n° 22/00305
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il est constant que le point de départ de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global soit, s'agissant d'un prêt consenti à un consommateur ou à un non professionnel, la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur.
La cour de cassation reconnaît également la validité d'une décision qui ne se contente pas d'affirmer que la prescription commence à courir au jour de l'acceptation de l'offre mais qui constate que l'offre acceptée contenait tous les éléments de calcul du taux effectif global, faisant ainsi ressortir, qu'à la lecture de l'offre, les emprunteurs avaient pu se convaincre de l'erreur alléguée (Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n°18-25.895).
En l'espèce, comme l'a justement relevé le tribunal l'offre mentionne très clairement que « les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours ». Dès lors, le mode de calcul est parfaitement connu dès la réception de l'offre et Mme X. en mesure de s'interroger sur cette clause et sa portée. En effet toute personne, même non pourvue de compétences particulières en mathématiques financières sait qu'une année comporte 365 jours et qu'un mois peut comprendre 31 jours. »
2/ « La clause dont Mme X. demande à ce qu'elle soit réputée non écrite est la clause suivante : « Le(s) emprunteur(s) reconnaît (reconnaissent) avoir pleine conscience des risques de fluctuation des Cours de Change inhérents au présent Prêt immobilier et accepte(ent) d'en supporter les conséquences, jusqu'au parfait remboursement de la Banque ».
Il convient de rappeler que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. A cet égard, la cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce que la notion d’« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a.C-186/16). En l'espèce la clause litigieuse doit être considérée comme portant sur l'objet principal du contrat et stipule très clairement que l'emprunteur supporte les risques liés au taux de change dans une formulation accessible même à un emprunteur novice.
Au demeurant, il est constant que le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat au moment où il est conclu et de toutes les autres clauses du contrat. Or la clause précédent la clause litigieuse expose que les échéances du prêt seront réglées en franc suisse, alors même qu'au temps du contrat Mme X. réside et travaille en Suisse (cf. sa pièce n°6), de sorte qu'elle ne supporte aucun risque de change sauf à choisir elle-même la possibilité offerte de se libérer en euros ce qu'elle ne prétend pas avoir fait.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande consistant à faire déclarer non écrite la clause litigieuse. »
3/ « La cour relève que, dans la mesure où il a été jugé que la clause contestée ne présentait pas un caractère abusif, aucune violation du contrat ne peut être caractérisée sur ce fondement.
En ce qui concerne le devoir de mise en garde, la jurisprudence considère, au visa de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat, que lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger (Cass. civ. 1re, 30 mars 2022, n°19-17.996).
La cour relève cependant qu'au cas d'espèce, le prêt est accordé en francs suisses, à une personne résidant en Suisse et percevant des revenus en francs suisses. Il n'est pas démontré que Mme X. se soit trouvée exposée à un risque de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat où elle était domiciliée (c'est-à-dire le franc suisse), pas plus qu'elle n'était exposée à un risque lié à la hausse du taux d'intérêt étranger, son prêt étant convenu à un taux fixe de remboursement. Dès lors que Mme X. ne démontre pas avoir choisi, en cours d'exécution du prêt, d'opter comme le lui permettait le contrat, pour un remboursement en euros, la société BNP Paribas n'était pas tenue à lui délivrer une information ou une mise en garde concernant un risque auquel elle n'était pas exposée. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 MARS 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/00305. N° Portalis DBVY-V-B7G-G5OE. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 24 janvier 2022 : RG 19/01072.
Appelante :
Mme X.
née le [Date naissance 1] à [Localité 5] (pays), demeurant [Adresse 3], Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBÉRY et la SELAS RTA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimée :
SA BNP PARIBAS
dont le siège social est sis [Adresse 2] - prise en la personne de son représentant légal, Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de THONON-LES-BAINS et Me Julien MARTINET, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 12 décembre 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par : - Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, - Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, - Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre du 3 août 2010, acceptée le 16 septembre 2010, la société BNP Paribas a consenti à Mme X. un prêt immobilier d'un montant de 335.336,47 CHF remboursable en 300 mois au taux conventionnel de 2,8 % l'an, afin d'acquérir un bien immobilier situé à [Localité 4].
Par avenant, proposé le 27 novembre 2015 et accepté le 20 décembre 2015, le taux d'intérêt était ramené à 1,8 % à compter du 15 novembre 2015 pour un capital restant dû de 272.454,98 CHF
Par acte du 17 avril 2019, Mme X. a fait assigner la société BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains aux fins de :
- faire annuler la convention de stipulation des intérêts et d'obtenir la substitution par les intérêts légaux, ou obtenir la déchéance du droit aux intérêts,
- faire déclarer abusive la clause relative à la fluctuation du change et la réputer non écrite,
- condamner la banque au paiement de certaines sommes.
Par jugement contradictoire en date du 24 janvier 2022 le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et prononcer une nouvelle clôture au 8 novembre 2021,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme X. fondée sur la régularité du TEG,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une des clauses du prêt,
- débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme X. à payer à la société BNP Paribas la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. aux dépens avec distraction,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 22 février 2022, Mme X. a interjeté appel de la décision.
[*]
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme X. demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il :
- a déclaré irrecevable comme étant prescrite son action fondée sur la régularité du TEG,
- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée à payer à la société BNP Paribas somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens,
En conséquence, statuant à nouveau,
Sur l'erreur de TAEG,
- la déclarer recevable et bien fondée à agir au titre de l'irrégularité de la clause relative au TAEG du prêt consenti,
- constater que le taux annuel effectif global ne comprend pas le coût de l'assurance souscrite par l'emprunteur,
- dire et juger que ce taux est donc erroné,
- constater que le taux contractuel et le taux annuel effectif global sont calculés sur 360 jours et non sur une année civile,
- dire et juger que le TAEG est donc erroné,
- dire et juger nulles les stipulations des intérêts conventionnels du contrat de prêt du 3 août 2010 et de son avenant du 27 novembre 2015,
- ordonner la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel depuis la conclusion du contrat le 3 août 2010, puis à compter de son avenant le 27 novembre 2015,
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
Sur la clause du risque de change,
- confirmer la recevabilité à agir,
- déclarer la clause relative aux fluctuations du cours du change abusive,
- dire et juger qu'elle est réputée non écrite,
En tout état de cause,
- ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel aux deux contrats, à la date de souscription du prêt initial et à celle de son avenant qui s'y est substitué, et la restitution des sommes indûment perçues,
- condamner, en conséquence, la société BNP Paribas à lui payer la somme de 37 000 euros, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir et correspondant aux intérêts à restituer après substitution du taux d'intérêt légal aux intérêts échus, cette somme portant intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- ordonner à la société BNP Paribas de produire un nouveau décompte sur le capital restant dû,
- condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de loyauté contractuelle,
- condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BNP Paribas à payer les frais et dépens d'instance dont distraction pour les dépens d'appel au profit de la Selurl Bollojeon, avocat associé, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 20 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société BNP Paribas demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de Mme X. fondée sur la régularité du TEG et l'a condamné à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,
- déclarer prescrite l'action en responsabilité civile fondée sur le prétendu manquement au devoir de mise en garde,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes,
- débouter Mme X. de ses demandes,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 octobre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la prescription des actions en nullité de la stipulation des intérêts et en déchéance des intérêts fondée sur les erreurs affectant le TEG :
Mme X. expose qu'étant profane de l'emprunt et dépourvue de compétence particulière en finance ou mathématiques, elle n'était pas en mesure de détecter, à la seule lecture du contrat de prêt du 3 août 2010 ou de son avenant du 27 novembre 2017, les erreurs affectant le calcul du TEG. Elle estime ainsi que la seule mention d'un calcul sur une base 360 jours ne pouvait emporter sa conviction quant à l'existence d'une erreur, pas plus que l'omission des frais d'assurance obligatoire dans le calcul du TEG. Elle ajoute qu'elle n'a connu ces erreurs qu'au travers des résultats d'une expertise privée de 2017. Elle indique encore que l'avenant au contrat ne comportait aucune indication quant au TEG, la clause s'y rapportant n'ayant pas été reprise.
L'article 2224 du Code civil dispose que : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Il est constant que le point de départ de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global soit, s'agissant d'un prêt consenti à un consommateur ou à un non professionnel, la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur.
La cour de cassation reconnaît également la validité d'une décision qui ne se contente pas d'affirmer que la prescription commence à courir au jour de l'acceptation de l'offre mais qui constate que l'offre acceptée contenait tous les éléments de calcul du taux effectif global, faisant ainsi ressortir, qu'à la lecture de l'offre, les emprunteurs avaient pu se convaincre de l'erreur alléguée (Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n°18-25.895).
En l'espèce, comme l'a justement relevé le tribunal l'offre mentionne très clairement que « les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours ». Dès lors, le mode de calcul est parfaitement connu dès la réception de l'offre et Mme X. en mesure de s'interroger sur cette clause et sa portée. En effet toute personne, même non pourvue de compétences particulières en mathématiques financières sait qu'une année comporte 365 jours et qu'un mois peut comprendre 31 jours.
De même, en ce qui concerne les éléments pris en compte dans le calcul du TEG, il convient de relever que le contrat, après avoir précisé le coût des frais de dossier, le montant du taux d'intérêt (2,8 % l'an soit un taux de période trimestrielle de 0,7 %) expose que, le coût total du prêt est calculé sur la base du montant maximum en CHF, en tenant compte du montant des intérêts estimés sur la base du taux d'intérêt fixe pour la période de remboursement au jour d'édition de l'offre. Le contrat stipule encore que le montant des intérêts est estimé à 136.014,86 CHF, celui des frais de dossier à 1.379,58 CHF et le coût total du prêt à 140.153,56 CHF. Enfin le contrat indique que, en fonction du coût total ainsi évalué, le taux effectif global s'élève à 2,90885 % l'an.
Il en résulte que la simple lecture du contrat permettait de voir que le calcul du TEG n'englobait aucunement le coût de l'assurance et alors même que le contrat litigieux indiquait expressément : « taux effectif global : (article L. 311-1 du code de la consommation) » lequel précisait alors : « sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirect ».
Il convient de rappeler que, par application de l'article L. 312-10 du code de la consommation en vigueur au moment du contrat, l'envoi de l'offre d'un prêt immobilier obligeait le prêteur à la maintenir pendant 30 jours, l'offre ne pouvant être acceptée qu'après que se soit écoulé un délai de 10 jours de réflexion. Cette disposition permettait ainsi au consommateur de pouvoir analyser l'offre pendant un mois s'il le souhaitait avant d'y souscrire et de la comparer avec d'autres offres.
Enfin il convient de constater que l'avenant au contrat, accepté par Mme X. le 27 novembre 2015 ne porte pas sur la question du calcul en année Lombarde de sorte qu'il n'a pas d'effet quant à la prescription sur ce point. Quant aux éléments de calcul figurant dans cet avenant, permettant au demeurant à la débitrice de bénéficier d'une très importante réduction du taux d'intérêt, il ne rappelle pas le mode de calcul du TEG mais simplement les nouveaux taux. Il en résulte que l'avenant ne portait pas non plus sur le mode de calcul du TEG.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts et en déchéance des intérêts fondée sur les erreurs affectant le TEG engagée le 17 avril 2019, soit plus de 5 ans après l'acceptation de l'offre le 3 août 2010.
2. Sur le caractère abusif de la clause relative au risque de change :
La cour relève que la question de la recevabilité de cette demande n'est pas contestée par la société BNP Paribas en appel.
Mme X. estime que la clause concernant le risque de change est laconique et ne peut éveiller la conscience de l'emprunteur sur les risques qu'il encourt en l'absence d'annexe ou de notice venant compléter l'information qui lui a été fournie. Elle ajoute qu'en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse l'emprunteur supporte le risque par l'allongement de la durée de remboursement et par l'augmentation du montant des mensualités. Elle indique que le fait qu'elle a des revenus dans la devise n'est pas de nature à diminuer ce risque, surtout pour l'acquisition d'un bien immobilier situé en France et qui ne pourra être revendu qu'en euro. Elle estime que ce risque crée un déséquilibre manifeste au profit du professionnel et qu'il convient de réputer non écrite la clause relative à l'information sur le taux de change.
La clause dont Mme X. demande à ce qu'elle soit réputée non écrite est la clause suivante :
« Le(s) emprunteur(s) reconnaît (reconnaissent) avoir pleine conscience des risques de fluctuation des Cours de Change inhérents au présent Prêt immobilier et accepte(ent) d'en supporter les conséquences, jusqu'au parfait remboursement de la Banque ».
Il convient de rappeler que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. A cet égard, la cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce que la notion d’« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a.C-186/16).
En l'espèce la clause litigieuse doit être considérée comme portant sur l'objet principal du contrat et stipule très clairement que l'emprunteur supporte les risques liés au taux de change dans une formulation accessible même à un emprunteur novice.
Au demeurant, il est constant que le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat au moment où il est conclu et de toutes les autres clauses du contrat. Or la clause précédent la clause litigieuse expose que les échéances du prêt seront réglées en franc suisse, alors même qu'au temps du contrat Mme X. réside et travaille en Suisse (cf. sa pièce n°6), de sorte qu'elle ne supporte aucun risque de change sauf à choisir elle-même la possibilité offerte de se libérer en euros ce qu'elle ne prétend pas avoir fait.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande consistant à faire déclarer non écrite la clause litigieuse.
3. Sur la demande de dommages et intérêts et les autres demandes :
Mme X. précise qu'en lui proposant un prêt comportant un TEG erroné la société BNP Paribas a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du contrat. Elle dit encore qu'elle n'était pas, initialement, exposée à un risque d'endettement excessif, l'existence d'une clause abusive l'a nécessairement exposée à un risque financier important durant l'amortissement du crédit. Elle reproche enfin à la banque de ne pas avoir respecté son devoir de mise en garde contre ce risque.
La cour relève que, dans la mesure où il a été jugé que la clause contestée ne présentait pas un caractère abusif, aucune violation du contrat ne peut être caractérisée sur ce fondement.
En ce qui concerne le devoir de mise en garde, la jurisprudence considère, au visa de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat, que lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger (Cass. civ. 1re, 30 mars 2022, n°19-17.996).
La cour relève cependant qu'au cas d'espèce, le prêt est accordé en francs suisses, à une personne résidant en Suisse et percevant des revenus en francs suisses. Il n'est pas démontré que Mme X. se soit trouvée exposée à un risque de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat où elle était domiciliée (c'est-à-dire le franc suisse), pas plus qu'elle n'était exposée à un risque lié à la hausse du taux d'intérêt étranger, son prêt étant convenu à un taux fixe de remboursement. Dès lors que Mme X. ne démontre pas avoir choisi, en cours d'exécution du prêt, d'opter comme le lui permettait le contrat, pour un remboursement en euros, la société BNP Paribas n'était pas tenue à lui délivrer une information ou une mise en garde concernant un risque auquel elle n'était pas exposée.
Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déboutée Mme X. de sa demande de dommages et intérêts et de l'ensemble de ses autres demandes (substitution du taux légal au taux conventionnel, restitution des intérêts trop perçus, production d'un nouveau décompte).
4. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme X. qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera corrélativement déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter par Mme X. partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société BNP Paribas en première instance et en appel. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à lui verser, au même titre en cause d'appel une somme de 2 000 euros supplémentaire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme X. aux dépens d'appel,
Condamne Mme X. à payer à ma société BNP Paribas la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 07 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente