TJ BORDEAUX (cont. prot.), 16 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10724
TJ BORDEAUX (cont. prot.), 16 janvier 2024 : RG n° 22/01745
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Monsieur X. invoque la nullité du bon de commande au vu du non-respect des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative aux contrats de vente ou de prestation de service conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.
En l’espèce, il est constant que la prescription de l'action en nullité commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été passé, dès lors que c'est à partir de cette date que le consommateur était en mesure d'appréhender que le bon de commande litigieux était entaché d'irrégularité au regard des règles du code de la consommation régissant le démarchage à domicile.
Ce point de départ ne saurait courir à partir du jour où ces irrégularités leur auraient été révélées par un professionnel du droit, tel qu'un avocat ou une association de consommateur, dont il faut bien relever que les demandeurs ne fournissent aucun élément permettant de situer la date d'un tel événement. A cet égard, si le demandeur disposait d'un laps de temps suffisant à partir de la conclusion du contrat pour déceler d'éventuelles irrégularités entachant celui-ci et recourir au besoin à un professionnel du droit pour l’y aider à cet effet. […]
Par ailleurs, il ne ressort nullement des arrêts CJUE en date des 5 mars 2020 et 22 avril 2021 que la solution adoptée par cette juridiction pourrait se transposer à cette espèce, concernant le point de départ de la prescription. […] Concernant le second arrêt, il s'agit de la prescription d'une action en restitution des frais et intérêts sur le fondement de l'enrichissement sans cause, dans le cadre d'un contrat de prêt bancaire, sur la base d'une clause abusive, laquelle était également limitée sur trois ans. Aux termes de sa décision, la CJUE a estimé que le point de départ ne devait pas se situer au moment où l'enrichissement injustifié est intervenu, soit au moment de la conclusion du contrat, indiquant qu'un consommateur n'était pas en mesure d'apprécier lui-même une clause contractuelle abusive. Or la présente juridiction est saisie d'une action en annulation du contrat pour non-respect des dispositions du code de la consommation, étant rappelé que la législation française prévoit un délai de prescription plus long en la matière que ceux examinés par la juridiction de l'Union dans les deux arrêts précités. »
2/ « La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue. Monsieur X. soutient avoir été trompé sur les performances et le rendement de l’installation. En l'occurrence, c'est à partir de la perception des premiers revenus énergétiques qu'il pouvait prendre conscience du coût de l'installation et de son défaut supposé de rentabilité.
Il convient de relever que les travaux ont été facturés en juillet 2010 et que Monsieur X. pouvait donc apprécier la performance et la rentabilité de l’installation dès l’année 2011. Dès lors, l’action en justice ayant été introduite les 28 avril et 3 mai 2022, l'action en annulation desdits contrats sur le fondement du dol est irrecevable comme étant prescrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle de protection et de proximité
JUGEMENT DU 16 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01745. N° Portalis DBX6-W-B7G-WXZT.
JUGE : Madame Bénédicte DE VIVIE, Vice-Présidente
GREFFIER : Madame Françoise SAHORES
DEMANDEUR :
Monsieur X.
né le [Date naissance 5] à [Localité 9], [Adresse 4], [Localité 7], Représenté par Maître Jérémie BOULAIRE, Avocat au barreau de DOUAI
DÉFENDERESSES :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
RCS Paris n° XXX - [Adresse 1], [Localité 8], Représentée par Maître William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, Avocat à BORDEAUX
SELARL PHILAE, ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS SOLEECO
[Adresse 2], [Localité 6], Absente
DÉBATS : Audience publique en date du 17 novembre 2023
PROCÉDURE : Articles 480 et suivants du code de procédure civile
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon bon de commande daté du 30 juin 2010, Monsieur X. a commandé auprès de la société SOLEECO une installation photovoltaïque pour un montant de 20.500 euros, devant être financée par un prêt souscrit auprès de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE portant sur la somme de 20.500 euros remboursable en 120 mensualités au taux nominal fixe de 4,79 % l’an.
Par actes délivrés les 28 avril et 3 mai 2022, Monsieur X. a assigné la SELARL PHILAE es qualité de mandataire liquidateur de la société SOLEECO et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devant le juge des contentieux de la protection du pôle protection et proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.
Après plusieurs reports pour échanges des pièces et conclusions entre les parties, l’affaire a été examinée à l’audience du 17 novembre 2023.
[*]
Monsieur X., représenté par avocat, demande au juge des contentieux de la protection :
- de constater son désistement d’instance et d’action à l’encontre de la SELARL MALMEZAT-PRAT.
- de dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société SOLEECO,
- de prononcer la nullité du contrat de prêt conclu avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
- de dire et juger que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera privée de sa créance de restitution du capital emprunté,
- de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui verser les sommes suivantes :
* 20.500 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation,
* 8333, 60 euros au titre des intérêts conventionnels et frais payés à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
* 10.000 euros au titre de l’enlèvement de l’installation et de la remise en état de l’immeuble,
* 5.000 euros au titre du préjudice moral,
* 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à supporter les dépens de l’instance.
[*]
La SELARL PHILAE es qualité de mandataire liquidateur de la société SOLEECO n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
[*]
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, représentée par avocat, demande de déclarer irrecevable l’action engagée par M. X.
A titre subsidiaire, elle conclut à son débouté.
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal ordonnait la nullité du contrat de crédit consécutivement à la nullité du contrat principal de fourniture et d’installation, elle demande d’ordonner la remise des choses en l’état, de condamner Monsieur X. à lui restituer le montant du financement, à charge pour elle de lui reverser les sommes qu’il a réglées, d’ordonner la compensation des sommes réciproquement dues entre les parties et de débouter Monsieur X. du surplus de ses demandes.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le désistement d’instance et d’action de Monsieur X. à l’égard de la SELARL PHILAE et de la société SOLEECO :
Il convient de constater le désistement d’instance et d’action de Monsieur X. à l’égard de la SELARL PHILAE es qualité de mandataire-liquidateur de la société SAS SOLEECO, suite à la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif prononcée par le Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 17 mai 2022.
Sur la recevabilité des demandes au regard des règles de la prescription :
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer.
Sur la prescription de l'action en nullité des contrats pour non-respect des dispositions du code de la consommation :
Monsieur X. invoque la nullité du bon de commande au vu du non-respect des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative aux contrats de vente ou de prestation de service conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.
En l’espèce, il est constant que la prescription de l'action en nullité commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été passé, dès lors que c'est à partir de cette date que le consommateur était en mesure d'appréhender que le bon de commande litigieux était entaché d'irrégularité au regard des règles du code de la consommation régissant le démarchage à domicile.
Ce point de départ ne saurait courir à partir du jour où ces irrégularités leur auraient été révélées par un professionnel du droit, tel qu'un avocat ou une association de consommateur, dont il faut bien relever que les demandeurs ne fournissent aucun élément permettant de situer la date d'un tel événement. A cet égard, si le demandeur disposait d'un laps de temps suffisant à partir de la conclusion du contrat pour déceler d'éventuelles irrégularités entachant celui-ci et recourir au besoin à un professionnel du droit pour l’y aider à cet effet.
Ainsi que le fait justement remarquer le conseil de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, retenir une telle possibilité reviendrait à rendre imprescriptible les actions en nullité de ce type de contrat, consacrant ainsi à leurs auteurs un droit d'action perpétuel à ce titre.
Par ailleurs, il ne ressort nullement des arrêts CJUE en date des 5 mars 2020 et 22 avril 2021 que la solution adoptée par cette juridiction pourrait se transposer à cette espèce, concernant le point de départ de la prescription.
En l'occurrence, le premier arrêt tend simplement à remettre en cause une législation du droit interne d'un Etat de l'Union européenne tendant à limiter la sanction de la nullité du contrat de consommation à la seule demande du consommateur, interdisant ainsi de facto au juge de la relever d'office, étant précisé qu'il s'agissait d'une action diligentée par une banque en vue d'obtenir le remboursement d'un crédit impayé. A cet égard, la discussion ne portait nullement sur le point de départ du délai de prescription à compter de la conclusion du contrat, étant observé que le délai de prescription en cause était limité à trois ans, soit une durée inférieure à celui prévu par l'article 2224 du code civil.
Concernant le second arrêt, il s'agit de la prescription d'une action en restitution des frais et intérêts sur le fondement de l'enrichissement sans cause, dans le cadre d'un contrat de prêt bancaire, sur la base d'une clause abusive, laquelle était également limitée sur trois ans. Aux termes de sa décision, la CJUE a estimé que le point de départ ne devait pas se situer au moment où l'enrichissement injustifié est intervenu, soit au moment de la conclusion du contrat, indiquant qu'un consommateur n'était pas en mesure d'apprécier lui-même une clause contractuelle abusive.
Or la présente juridiction est saisie d'une action en annulation du contrat pour non-respect des dispositions du code de la consommation, étant rappelé que la législation française prévoit un délai de prescription plus long en la matière que ceux examinés par la juridiction de l'Union dans les deux arrêts précités.
Dès lors, le contrat avec la société SOLEECO ayant été passé avec Monsieur X. le 30 juin 2010 et l'action du requérant ayant été introduite les 28 avril et 3 mai 2022, ses demandes visant à obtenir l'annulation de ce contrat sont atteintes par la prescription quinquennale.
Il convient par conséquent de le déclarer irrecevable en ses demandes sur ce fondement.
Sur la prescription de l'action en nullité des contrats sur le fondement du dol :
La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue.
Monsieur X. soutient avoir été trompé sur les performances et le rendement de l’installation.
En l'occurrence, c'est à partir de la perception des premiers revenus énergétiques qu'il pouvait prendre conscience du coût de l'installation et de son défaut supposé de rentabilité.
Il convient de relever que les travaux ont été facturés en juillet 2010 et que Monsieur X. pouvait donc apprécier la performance et la rentabilité de l’installation dès l’année 2011.
Dès lors, l’action en justice ayant été introduite les 28 avril et 3 mai 2022, l'action en annulation desdits contrats sur le fondement du dol est irrecevable comme étant prescrite.
Sur les autres demandes :
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Monsieur X., partie perdante, sera condamné aux dépens et sera en outre condamné à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le juge des contentieux de la protection, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort,
CONSTATE le désistement d’instance et d’action de Monsieur X. à l’égard de la SELARL PHILAE es qualité de mandataire-liquidateur de la société SAS SOLEECO,
DECLARE IRRECEVABLES les demandes en nullité des contrats de vente et de prêt présentées par Monsieur X. comme étant prescrites.
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Ainsi jugé les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE JUGE