CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 1er février 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10754
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 1er février 2024 : RG n° 23/07850 ; arrêt n° 2024/62
Publication : Judilibre
Extrait : « M. X. en demande la nullité ou à tout le moins qu'elles lui soient déclarées inopposables ; Il rappelle que l'article 13 intitulé « Retards » prévoit : « en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur se réserve la possibilité, soit d'appliquer une majoration du taux d'intérêt, soit d'exiger le remboursement immédiat du solde restant dû » et selon l'article 17 intitulé « exigibilité immédiate » : « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un des cas suivants : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoire. Pour s'en prévaloir, le préteur en avertira l'emprunteur par écrit. [...] »
Selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1, alinéa 1er, [...] ; Par ailleurs selon l'article R. 132-2 du même code, alors applicable « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : [...] 4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ; »
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que [...] ; Dans ce même arrêt la cour a rappelé que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que, [...]. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que [...] ; Par arrêt du 22 mars 2023 n°21-16.476, la Cour de cassation, en application des dispositions de L. 132-1 précité et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE ci-dessus rappelée, a retenu que doit être considérée comme abusive, la clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date ;
Par ailleurs les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci, ne font pas obstacle à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle, soulevé en appel par le débiteur, dès lors ainsi que rappelé par arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2021 - n° 19-11.758 que « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). » Cet examen n'ayant pas été fait d'office par le premier juge, M. X. est recevable à demander à la cour de s'y livrer ;
En l'espèce la clause stipulée à l'article 17 du contrat de prêt qui prévoit l'exigibilité immédiate et de plein droit des sommes dues après un simple écrit sans mention d'une mise en demeure ni d'un préavis d'une durée minimum, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement ;
Il convient en conséquence de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite, seule sanction prévue par le texte, et qui n'a pas pour effet d'invalider le commandement de payer valant saisie immobilière comme le réclame l'appelant, alors qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, rappelé par le premier juge, la nullité de cet acte n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier ;
Il résulte de ce qui précède que la déchéance du terme prononcée par la banque par lettre recommandée du 12 novembre 2020 après mise en demeure du 10 septembre 2020 est rétroactivement privée de fondement juridique et que les sommes réclamées au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 juillet 2021, au titre du capital restant dû au 12 novembre 2020 et de l'indemnité conventionnelle de 'retard' de l'article 13 du contrat, ne sont pas exigibles ; Seule l'est la somme correspondant aux échéances mensuelles échues impayées à la date de l'audience d'orientation tenue le 5 janvier 2023, soit celles des mois de juillet 2020, septembre à décembre 2020, et celles dues au titre des années 2021 et 2022, d'un montant chacune de 820,75 euros ainsi qu'il ressort du tableau d'amortissement, soit un total exigible de 23 801,75 euros susceptible d'exécution forcée ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/07850. Arrêt n° 2024/62. N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOGH. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 16 Février 2023 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 21/00154.
APPELANT :
Monsieur X.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), né le [Date naissance 2] à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], représenté et plaidant par Maître Anne SAMBUC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
SA LYONNAISE DE BANQUE
immatriculée au RCS LYON sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4], agissant en son service contentieux [Adresse 3], assignée à jour fixe le 30/06/23, représentée par Maître Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Michel DRAILLARD, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 décembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er février 2024, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
En vertu de la copie exécutoire d'un acte de vente reçu le 30 janvier 2013 par maître Z., notaire associé à [Localité 8], contenant prêt intitulé « CIC Immo » d'une somme de 131.259 euros, remboursable en 240 mensualités, la SA Lyonnaise de Banque a, par exploit du 23 juillet 2021, fait délivrer à l'emprunteur, M. X., un commandement de payer valant saisie immobilière pour avoir paiement de la somme de 106.764,99 euros en principal, intérêts et accessoires, emportant saisie des biens et droits immobiliers lui appartenant sur la commune de [Localité 8] dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 9] et [Adresse 6], plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice le 21 octobre 2021.
Ce commandement publié le 16 septembre 2021 étant demeuré sans effet, la banque a fait assigner le débiteur à l'audience d'orientation à laquelle M.X. a soulevé l'irrecevabilité et la nullité de la procédure de saisie immobilière, demandé le rejet de l'indemnité forfaitaire de 7 % sur le capital restant dû et subsidiairement sollicité l'autorisation de vendre amiablement le bien saisi.
Par jugement du 16 février 2023 rendu après débats tenus à l'audience du 5 janvier 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice a pour l'essentiel :
- validé la procédure de saisie pour la somme de 100.190,04 euros arrêtée au 31 juillet 2021, y compris la somme de 100.euros au titre de la clause pénale ;
- autorisé la vente amiable des biens saisis et fixé à la somme de 200.000 euros net vendeur, le prix en deçà duquel les immeubles ne pourront être vendus ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Ce jugement a été signifié le 23 février 2023 à M. X. qui a présenté le 6 mars 2023 une demande d'aide juridictionnelle à laquelle il a été fait droit par décision du 2 juin 2023. Par déclaration du 13 juin suivant, il a relevé appel limité du jugement d'orientation et par ordonnance sur requête du 22 juin 2023 il a été autorisé à assigner à jour fixe le créancier poursuivant, seul créancier inscrit à la date de la publication du commandement.
Copie de l'assignation délivrée à cette fin a été remise au greffe avant la date fixée pour l'audience, conformément aux dispositions de l'article 922 alinéa 2 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M.X. demande à la cour, au visa des articles 3 à 6 de la directive CE 93/13/CEE du 5 avril 1993, des articles L. 311-1 à L. 311-8 et L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, et de l'article L. 132-1 du code de la consommation :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la procédure de saisie immobilière pour la somme de 100.190,04 euros arrêtée au 31 juillet 2021 ;
Statuant à nouveau,
- de déclarer nulles comme étant abusives les clauses contenues dans les articles 13 et 17 du contrat de prêt CIC Immo,
- subsidiairement de les déclarer inopposables à M. X. ;
En conséquence,
- de déclarer nulle la mise en demeure du 10 septembre 2020 préalable à la déchéance du terme ;
- de déclarer inopposable à M. X. la déchéance du terme prononcée le 12 novembre 2020 ;
En conséquence,
- d'annuler le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 23 juillet 2021 ;
- de rappeler que l'annulation de ce commandement prive cet acte et tous les actes de procédure subséquents de leur effet interruptif de prescription ;
- d'ordonner la radiation de sa publication du 16 septembre 2021 au 1er bureau du service de la Publicité Foncière de Nice (Volume 2021 S n° 155) ;
- de condamner la Lyonnaise de Banque à rembourser à M. X., au crédit de son compte emprunteur, la somme de 2.401,10 euros au titre des frais bancaires abusivement encaissés par la banque ;
- de la condamner à verser à M. X. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- de débouter la Lyonnaise de Banque de son appel incident relatif au montant de la clause pénale et de sa demande fondée sur les articles 695 et 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire,
- de confirmer les dispositions du jugement qui autorisent la vente amiable et limitent à 100.euros le montant de la clause pénale ;
- de déduire du montant de la saisie 1.641,50 euros au titre des échéances de juin et août 2020 dont M. X. a démontré s'être acquitté, ainsi que la somme de 347,59 euros au titre des primes d'assurance sur le capital, et, après compensation, la somme de 2.401,10 euros correspondant aux frais et commissions indûment prélevés par la banque alors que le compte CIC était clôturé ;
- de condamner la Lyonnaise de Banque aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure de saisie immobilière et les dépens de l'appel.
A l'appui de ses demandes l'appelant soutient en premier lieu le caractère erroné de la date de la copie exécutoire mentionnée au commandement, soit le 30 janvier 2013, puisque sur le formulaire d'inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque, qui garantissait le remboursement du prêt, qui a été rédigé le 15 février 2013 par maître W., notaire à [Localité 8], qui n'est pas la signataire de l'acte authentique de prêt, il est mentionné « qu'une copie exécutoire à ordre transmissible par voie d'endossement de la présente créance sera créée ».
Il déduit de cette méprise sur la date, que la banque aurait dû obtenir un titre exécutoire judiciaire en dernier ressort avant la mise en œuvre de la procédure de saisie immobilière et précise qu'après interrogation du notaire il s'avère que cette copie exécutoire a été délivrée au prêteur le 7 avril 2017.
Par ailleurs il invoque la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré après mise en demeure datée du 10 septembre 2020, entachée d'irrégularité puisqu'elle lui a été adressée en sa qualité erronée de 'caution' et mentionne quatre échéances impayées des mois de juin à septembre 2020, qu'il a pourtant réglées par chèques accompagnés d'un email qui affectait précisément le chèque au règlement de la mensualité indiquée. Il estime que cette mise en demeure ne pouvait dans ces conditions fonder le prononcé de la déchéance du terme, et relève en outre le caractère fluctuant des primes d'assurance mentionnées sur le décompte de ces impayés.
Il se prévaut en outre, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation, du caractère abusif des articles 13 et 17 du contrat de prêt, relatifs à la défaillance de l'emprunteur et à l'exigibilité immédiate des sommes dues, clauses qui n'ont fait l'objet d'aucune négociation individuelle et ne prévoient aucune durée minimum d'avertissement du débiteur, ce caractère abusif devant être soulevé d'office par le juge ce qui n'a pas été fait en premier instance et doit donc être examiné par la cour. Il explique qu'à la fin de l'année 2017, souhaitant bénéficier des dispositions relatives à la mobilité bancaire, il a notifié à l'agence CIC [Localité 8] Liberté, une demande de clôture de compte dans les conditions stipulées à l'article 7 de la convention d'ouverture de compte, demande qui a été refusée, sans motif, par lettre du 22 décembre 2017. Il précise que dans l'intervalle, il avait ouvert un compte bancaire auprès du Crédit Agricole depuis lequel il adressait au CIC le montant des échéances du crédit par virements, puis par chèques à compter de mars 2018. Il précise que par son refus de clôturer le compte CIC et de mettre en place le prélèvement SEPA, qu'il réclamait depuis la fin de l'année 2017, la Lyonnaise de Banque l'a placé volontairement en situation d'omettre une échéance, ou de subir la perte d'un courrier d'envoi de chèque, et ainsi créer l'incident de paiement qui lui permettrait de prononcer la déchéance du terme, ajoutant que la banque a maintenu ouvert ce compte clôturé depuis décembre 2017, afin de générer des frais et commissions dont le montant était abusivement prélevé prioritairement aux échéances de crédit, alors que les versements qu'il effectuait étaient expressément affectés à ces mensualités.
Il réclame réparation du préjudice moral résultant du caractère abusif des poursuites qui visent sa résidence principale, au regard du montant de la dette avant déchéance du terme.
Subsidiairement il réclame compensation de la créance de la banque au titre des échéances impayées, avec la somme de 2.401,10 euros correspondant aux frais et commissions indûment prélevés sur le compte qu'il a clôturé dans ses livres au mois de décembre 2017 et demande en outre que soient déduites les échéances de juin et août 2020, qu'il a réglées de même que les primes d'assurance réclamées puisque la déchéance du terme, dont se prévaut la banque, entraîne la cessation des garanties prévues au contrat d'assurance.
Sur l'appel incident de l'intimée il estime que le caractère manifestement excessif de la clause pénale, résulte du constat fait par le premier juge de la fraction du prêt remboursée sans difficulté depuis 2013 et du faible montant des mensualités, qui aurait permis la régularisation d'un éventuel incident de paiement, si la banque n'avait pas abusivement opté pour la déchéance du terme.
[*]
Par écritures notifiées le 4 août 2023, auxquelles il est référé pour l'exposé exhaustif de ses moyens, la Lyonnaise de Banque formant appel incident, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a réduit la clause pénale applicable au contrat en disant qu'elle serait réduite à la somme de 100.euros,
En conséquence,
- réformer le jugement en ce qu'il a arrêté la créance de la banque à la somme de 100.190,04 euros au 31 juillet 2021 y compris la somme de 100.euros au titre de la clause pénale.
- valider la créance de la Lyonnaise de Banque telle que résultant du commandement aux fins de saisie immobilière outre les postes pour mémoire à chiffrer au jour du paiement,
- débouter en tant que de besoin M. X. de l'ensemble de ses demandes comme étant irrecevables et subsidiairement mal fondées,
- ordonner que la procédure de saisie immobilière pourra être reprise sur ses derniers errements et que la date et les modalités de l'adjudication pourront notamment être fixées par le juge de l'exécution immobilière au vu de l'arrêt à intervenir, si tel n'a pas encore été le cas au jour du prononcé dudit arrêt,
- condamner M. X. au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj sur son offre de droit.
A cet effet et sur les contestations maintenues en appel par M. X., l'intimée après rappel des dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution susceptibles de recevoir application aux prétentions ou moyens nouveaux qui seraient soutenus par l'appelant, affirme que les distorsions relevées par ce dernier entre le bordereau d'inscription du privilège du prêteur de denier et d'hypothèque conventionnelle et les mentions de l'acte notarié sont sans incidence sur la réalité de ce titre exécutoire et la régularité de la saisie, qui peut être poursuivie par un créancier chirographaire, outre que M. X. ne justifie pas d'un grief.
Elle précise s'être fait remettre par le notaire, le jour de l'acte, une copie exécutoire.
S'agissant de la déchéance du terme, elle indique que M. X. qui lui a fait part au mois de décembre 2017 par lettre recommandée avec avis de réception de sa volonté de clôturer son compte, afin d'en ouvrir un autre auprès du Crédit Agricole, a violé la clause de domiciliation bancaire mentionnée à l'acte authentique de prêt.
Elle conteste le caractère abusif du prononcé de la déchéance du terme en rappelant les retards de paiement des échéances du prêt, et l'absence de tout règlement des quatre mensualités visées à la mise en demeure du 10 septembre 2020, régulièrement suivie du prononcé de la déchéance du terme par lettre du 12 novembre 2020 et souligne que depuis lors, aucun versement n'a été effectué.
Elle soutient l'exigibilité des sommes réclamées mentionnées au décompte du commandement, notamment les cotisations d'assurance, au regard des stipulations contractuelles.
A l'appui de son appel incident elle note que l'appelant ne soutient pas le caractère manifestement abusif de l'indemnité réclamée, qui est prévue au contrat et a un caractère habituel dans les contrats de prêt immobilier et correspond au préjudice subi par le prêteur.
[*]
A l'audience la cour a sollicité production en cours de délibéré, des écritures de première instance de M. X. au regard de l'irrecevabilité soulevée par la Lyonnaise de Banque, de divers moyens et prétentions nouveaux soutenus en appel par le débiteur.
Ces écritures ont été communiquées par l'intimée le 10 janvier 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le caractère erroné de la date de délivrance de la copie exécutoire de l'acte authentique, mentionnée au commandement de payer valant saisie immobilière :
Cette date n'est pas précisée et n'a pas à l'être, le commandement signifié le 23 juillet 2021 ayant été délivré « en vertu de la copie exécutoire à ordre unique d'un acte de vente par M. Y. à M. X., contenant prêt par la Lyonnaise de Banque du ministère de maître Z., notaire associé à [Localité 8] avec la participation de maître [Z] [Y], notaire à [Localité 7], en date du 30 janvier 2013 » ;
C'est donc la date de l'acte authentique qui figure à l'acte, et M. X. a pu se convaincre lui-même en interrogeant le notaire rédacteur de l'acte, que la banque disposait d'une copie exécutoire antérieurement à la délivrance de ce commandement ;
L'acte authentique de prêt du 30 janvier 2013 revêtu de la formule exécutoire constitue donc un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3, 4° du code des procédures civiles d'exécution autorisant les poursuites.
Sur le caractère abusif des clauses contenues aux articles 13 et 17 du contrat de prêt fondant les poursuites :
M. X. en demande la nullité ou à tout le moins qu'elles lui soient déclarées inopposables ;
Il rappelle que l'article 13 intitulé « Retards » prévoit : « en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur se réserve la possibilité, soit d'appliquer une majoration du taux d'intérêt, soit d'exiger le remboursement immédiat du solde restant dû » et selon l'article 17 intitulé « exigibilité immédiate » : « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un des cas suivants : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoire. Pour s'en prévaloir, le préteur en avertira l'emprunteur par écrit.
- si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoire [...] »
Selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1, alinéa 1er, dans sa rédaction applicable à l'espèce, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Ce texte dispose en outre que « les clauses abusives sont réputées non écrites. [...]
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. »
Par ailleurs selon l'article R. 132-2 du même code, alors applicable « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : [...] 4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ; »
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt ;
Dans ce même arrêt la cour a rappelé que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que, dès lors que le juge national a constaté le caractère « abusif », au sens de l'article 3, paragraphe 1, de cette directive, d'une clause d'un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, la circonstance que cette clause n'a pas été exécutée ne saurait, en soi, faire obstacle à ce que le juge national tire toutes les conséquences du caractère abusif de ladite clause (voir, en ce sens, ordonnance du 11 juin 2015, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-602/13, non publiée, EU:C:2015:397, points 50 et 54).
Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle ;
Dans le même arrêt la CJUE a dit pour droit que la directive s'opposait à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d'une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
Par arrêt du 22 mars 2023 n°21-16.476, la Cour de cassation, en application des dispositions de L. 132-1 précité et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE ci-dessus rappelée, a retenu que doit être considérée comme abusive, la clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date ;
Par ailleurs les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci, ne font pas obstacle à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle, soulevé en appel par le débiteur, dès lors ainsi que rappelé par arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2021 - n° 19-11.758 que « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). »
Cet examen n'ayant pas été fait d'office par le premier juge, M. X. est recevable à demander à la cour de s'y livrer ;
En l'espèce la clause stipulée à l'article 17 du contrat de prêt qui prévoit l'exigibilité immédiate et de plein droit des sommes dues après un simple écrit sans mention d'une mise en demeure ni d'un préavis d'une durée minimum, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement ;
Il convient en conséquence de constater que la clause susvisée est abusive et de la déclarer non écrite, seule sanction prévue par le texte, et qui n'a pas pour effet d'invalider le commandement de payer valant saisie immobilière comme le réclame l'appelant, alors qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, rappelé par le premier juge, la nullité de cet acte n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier ;
Il résulte de ce qui précède que la déchéance du terme prononcée par la banque par lettre recommandée du 12 novembre 2020 après mise en demeure du 10 septembre 2020 est rétroactivement privée de fondement juridique et que les sommes réclamées au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 juillet 2021, au titre du capital restant dû au 12 novembre 2020 et de l'indemnité conventionnelle de 'retard' de l'article 13 du contrat, ne sont pas exigibles ;
Seule l'est la somme correspondant aux échéances mensuelles échues impayées à la date de l'audience d'orientation tenue le 5 janvier 2023, soit celles des mois de juillet 2020, septembre à décembre 2020, et celles dues au titre des années 2021 et 2022, d'un montant chacune de 820,75 euros ainsi qu'il ressort du tableau d'amortissement, soit un total exigible de 23 801,75 euros susceptible d'exécution forcée ;
C'est à ce montant que sera mentionnée la créance du poursuivant, le jugement étant infirmé de ce chef.
Ne sont pas dues les échéances des mois de juin et août 2020, dont M. X. démontre s'être acquitté en produisant ses relevés bancaires et les lettres et chèques adressés à la banque datés du 2 juin 2020 et du 7 août 2020 ;
La demande qu'il formule tendant à voir condamner la banque à lui restituer la somme de 2401,10 euros au titre de frais et commissions indûment prélevés depuis la clôture de son compte, ne relève pas des pouvoirs du juge de l'exécution, et de la cour statuant à sa suite, qui ne peuvent délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi ;
Si le montant de la créance exigible de la banque est moindre que celle poursuivie, les impayés ont débuté il y a plus de trois ans, et en dépit des poursuites mises en œuvre depuis le 23 juillet 2021, M. X. ne s'est acquitté d'aucun paiement ;
Il est mal fondé à prétendre au caractère abusif et disproportionné de la saisie immobilière sans démontrer qu'il existait d'autres mesures d'exécution qui auraient pu utilement être mises en œuvre pour parvenir au recouvrement de la créance qu'il n'a pas apurée, ne serait-ce que pour partie, en dépit de son ancienneté ;
Ainsi faute d'établir un comportement fautif de la banque et alors que le contrat de prêt qu'il a souscrit l'obligeait à domicilier auprès du prêteur ses revenus quelle qu'en soit l'origine ou la nature pendant toute la durée du prêt, M. X. sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie ;
L'autorisation de vente amiable de l'immeuble saisi, qui n'est pas critiquée, sera confirmée de même que le prix de vente minimal fixé ;
Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées et les dépens d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions appelées, sauf en ce qu'il a validé la procédure de saisie immobilière pour la somme de 100.190, 04 euros arrêtée au 31 juillet 2021, y compris la somme de 100.euros au titre de la clause pénale ;
STATUANT à nouveau du chef infirmé et ajoutant,
CONSTATE le caractère abusif de la clause figurant à l'article 17 du contrat de prêt annexé à l'acte notarié du 30 janvier 2013 qui stipule que 'les sommes seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur avertira l'emprunteur par écrit [...] ';
DÉCLARE cette clause non écrite ;
VALIDE la procédure de saisie immobilière pour la créance de 23 801,75 euros au titre des échéances mensuelles échues et impayées à la fin de l'année 2022 outre intérêts, frais et accessoires ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE