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CA LYON (1re ch. civ. B), 20 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. B), 20 février 2024
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. B
Demande : 22/00722
Date : 20/02/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 21/01/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10784

CA LYON (1re ch. civ. B), 20 février 2024 : RG n° 22/00722

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les appelants, qui estiment que le prêt souscrit en 2008 est contraire à l'ordre public en ce qu'il comporte une clause de remboursement en devises, étaient à même, à la seule lecture du contrat, d'appréhender les faits leur permettant d'agir en nullité, dès lors qu'aux termes mêmes de l'offre de prêt, le remboursement des prêts était stipulé en devises, en l'espèce en francs suisses. En conséquence de quoi, c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'approuver que les premiers juges ayant retenu, d'une part, que le point de départ du délai de prescription est la date de la convention et, d'autre part, qu'un délai supérieur à cinq ans entre la date de souscription du contrat litigieux, le 1er mars 2008, et la signification de l'assignation le 8 avril 2019 s'est écoulé, en ont déduit que l'action en nullité du prêt n° 1208XX6314 est irrecevable en raison de sa prescription. »

2/ « Pour confirmer le jugement ayant rejeté cette demande, la cour ajoute que si les stipulations du contrat de prêt ne prévoient aucune restriction à la baisse, que ce soit pour le taux Libor retenu ou pour le taux d'intérêt résultant de son application, les parties n'ont pas dérogé à l'application des dispositions des articles 1902, 1905 et 1907 du code civil, dont il résulte que dans un contrat de prêt immobilier, comme celui de l'espèce, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds et le prêteur ne pouvant être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur, étant ajouté que l'article L. 313-1 du code monétaire et financier définit le prêt comme une opération de mise à disposition de fonds à titre onéreux au bénéfice du prêteur.

Dans ces conditions, la banque était en droit de veiller à ce que l'application au prêt litigieux d'un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois au jour le jour à sa valeur réelle, ne puisse conduire à des intérêts mensuellement négatifs. »

3/ « L'article L. 132-1 du code de la consommation, applicable au temps des prêts litigieux, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de ce texte, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que la notion d'objet principal du contrat couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017 Andriciuc e.a. C-186/16).

En l'espèce, les clauses discutées (montant du prêt en CHF et modalités de remboursement des échéances) constituent bien l'objet principal du contrat des prêts immobiliers souscrits entre les appelants et l'intimée et ne peuvent donc être considérées comme abusives que si elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible.

Par ailleurs, le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat au moment où il est conclu et de toutes les autres clauses du contrat. Or, les clauses litigieuses relatives au montant du prêt et aux modalités de paiement des échéances des contrats en cause sont des clauses parfaitement claires, concernant des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion du contrat.

Il n'existait donc, aux termes des contrats litigieux, aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, la circonstance qu'ils aient, postérieurement à la conclusion du contrat, perdu leur emploi et perçu des allocations de chômage en euros étant sans incidence au regard du caractère abusif de la clause (Cass., 1re civ., 1 mars 2023, pourvoi n° 21-20.260, P). Il en est de même, s'agissant de leur choix personnel pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises.

Il est enfin observé que la jurisprudence, nationale ou européenne, citée par les appelants au soutien de leurs prétentions, se rapporte à des prêts libellés dans un devise étrangère, mais remboursables dans la devise nationale, situation ne correspondant pas au cas d'espèce. »

4/ « Ainsi que le relève à juste titre la banque, le préjudice résultant des éventuels manquements de la banque aux devoirs de conseil et de mise en garde des emprunteurs consiste en une perte de chance de ne pas contracter à des conditions plus favorables que celles qui leur ont été proposées ou en une perte de chance de souscrire une assurance perte d'emploi. Or, en l'espèce, les appelants ne sollicitent pas l'indemnisation de ce préjudice consistant en une perte de chance, et se bornent à demander, à titre de dommages-intérêts, le remboursement des sommes qu'ils estiment avoir « réglées en pure perte », compte tenu du cours du change défavorable entre le franc suisse et l'euro. En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter les appelants de leur demande de dommages-intérêts. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00722. N° Portalis DBVX-V-B7G-OCRT. Décision du Tribunal Judiciaire de LYON (4e ch.), Au fond, du 14 décembre 2021 : R.G. n° 19/03907.

 

APPELANTS :

M. X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 10], [Adresse 3], [Localité 6]

Mme Y., épouse X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 8], [Adresse 3], [Localité 6]

Représentés par la SELARL SAMBUIS AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1548, ayant pour avocat plaidant Maître Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

 

INTIMÉE :

La société LYONNAISE DE BANQUE

[Adresse 5], [Localité 4], Représentée par Maître Mathieu ROQUEL de la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocat au barreau de LYON, toque : 786

 

Date de clôture de l'instruction : 3 novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 3 octobre 2023

Date de mise à disposition : 16 janvier 2024 prorogée au 13 février 2024, prorogée au 20 Février 2024 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Olivier GOURSAUD, président - Stéphanie LEMOINE, conseiller - Bénédicte LECHARNY, conseiller assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M et Mme X. se prévalent de la souscription auprès de la société Lyonnaise de banque (la banque) :

- d'un prêt n°1208XX6314 du 1er mars 2008, d'un montant de 890.000 CHF destiné au rachat d'un prêt finançant l'acquisition d'un bien situé à [Localité 6] (01220),

- d'un prêt n°10096YY9530103 du 15 juin 2011, d'un montant de 302.900 CHF destiné à financer l'acquisition d'un appartement à [Localité 7].

Par courrier du 23 janvier 2019, les époux X. ont mis en demeure la banque d'avoir à leur rembourser la somme de 246.738,73 euros.

Par acte d'huissier de justice du 8 avril 2019, M et Mme X. ont fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Lyon en nullité du contrat de prêt, en déclaration de clause non écrite et en responsabilité.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment :

- déclaré prescrite l'action en nullité du prêt n°1208XX6314 du 1er mars 2008,

- rejeté la demande tendant à déclarer une clause non écrite,

- rejeté les demandes tirées de la responsabilité contractuelle de la banque,

- débouté M et Mme X. de leur demande indemnitaire.

Par déclaration du 21 janvier 2022, M. et Mme X. ont relevé appel du jugement.

[*]

Par conclusions déposées le 19 avril 2022, M. et Mme X. demandent à la cour de :

- infirmer le jugement,

Et statuant à nouveau :

- recevoir M et Mme X. en leurs demandes et les dire bien fondées ;

- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Concernant le prêt n° 1208XX6314

- déclarer le contrat de prêt souscrit auprès de la banque contraire à l'ordre public économique ;

en conséquence

- déclarer le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,

- constater que les parties doivent être remises en la même situation que si l'opération litigieuse n'avait jamais existé,

- ordonner la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,

- constater leur compensation à due concurrence ;

vu l'article L. 212-1 du code de la consommation,

- déclarer abusive la clause faisant peser le risque de change sur l'emprunteur du contrat de prêt conclu avec la banque ;

en conséquence, s'agissant d'une clause constituant l'objet principal du contrat,

- déclarer le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,

- constater que les parties doivent être remises en la même situation que si l'opération litigieuse n'avait jamais existé,

- ordonner la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,

- constater leur compensation à due concurrence ;

vu l'article 1147 du code civil (nouvel article 1231-1 du code civil)

- dire et juger que la banque a manqué à ses obligations contractuelles à leur égard en ne respectant pas le taux d'intérêt contractuel au titre du prêt souscrit ;

- condamner la banque à appliquer au contrat le taux d'intérêt indexé sur l'évolution de l'index libor CHF 3M ;

- condamner la banque à établir un nouveau tableau d'amortissement du prêt en tenant compte, dès l'origine du contrat, du taux d'intérêts indexé sur l'évolution de l'index libor CHF 3 mois réel ;

- ordonner la restitution du trop-perçu au titre du paiement des intérêts ;

vu l'article 1240 du code civil (ancien article 1382 du code civil),

- dire et juger que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de M et Mme X. concernant les risques liés au taux de change ;

- condamner la banque à payer M et Mme X. la somme de 339.181,46 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Concernant le prêt n°10096YY9530103,

vu l'article 1240 du code civil (ancien article 1382 du code civil),

- dire et juger que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de M et Mme X. concernant les risques liés au taux de change ;

- condamner la banque à payer à M et Mme X. la somme de 21.710,27 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

vu l'article 1147 du code civil (nouvel article 1231-1 du code civil)

- dire et juger que la banque a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M et Mme X. en ne respectant pas le taux d'intérêt contractuellement au titre du prêt souscrit ;

- condamner la banque à appliquer au contrat le taux d'intérêts indexé sur l'évolution de l'index libor chf 3M ;

- condamner la banque à établir un nouveau tableau d'amortissement du prêt en tenant compte, dès l'origine du contrat, du taux d'intérêts indexé sur l'évolution de l'index libor CHF 3 mois réel ;

- ordonner la restitution à M et Mme X. du trop-perçu au titre du paiement des intérêts ;

En tout état de cause :

- condamner la banque à payer à M et Mme X. la somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

[*]

Par conclusions déposées le 13 juillet 2022, la banque demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Lyon du 14 décembre 2021 en ce qu'il a débouté M et Mme X. de l'ensemble de leurs prétentions et les a par ailleurs condamnés au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

par conséquent,

- déclarer prescrite l'action en nullité du prêt n°1208XX6314 en date du 1er mars 2008,

- rejeter la demande tendant à déclarer une clause non écrite,

- rejeter les demandes tirées de la responsabilité contractuelle de la banque,

- débouter M et Mme X. de leurs demandes indemnitaires.

- débouter M et Mme X. de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

Au surplus,

- condamner M et Mme X. au paiement d'une somme de 5.000 € à la banque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers frais et dépens de la procédure, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Roquel, avocat, sur son affirmation de droit.

[*]

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 3 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la prescription de l'action en nullité du prêt n° 1208XX6314 :

La banque soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du prêt. Elle fait notamment valoir que :

- le motif de nullité invoqué est la stipulation contractuelle prévoyant le remboursement du prêt en francs suisses,

- l'action en nullité relève de la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, ramenée à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, de sorte que le délai de 10 ans ayant commencé à courir à compter de la date de conclusion du prêt et n'étant pas expiré au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle le 19 juin 2008, le nouveau délai de 5 ans a alors couru pour se terminer le 19 juin 2013,

- la demande, qui aurait dû être formée au plus tard le 19 juin 2013 est prescrite,

- le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la signature du contrat, les emprunteurs ayant su dès l'origine qu'ils acceptaient d'emprunter des francs suisses remboursables en francs suisses.

M et Mme X. font notamment valoir que :

- le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du contrat de prêt commence à courir lorsque l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

- c'est lorsque Mme X. a perdu son emploi en Suisse et perçu les allocations de chômage en France, d'août 2016 à février 2018, qu'ils ont été dans l'impossibilité de rembourser les échéances en francs suisses et qu'ils ont mesuré les conséquences de l'évolution des taux de change entre les euros et le franc suisse,

- l'assignation de la banque date du 8 avril 2019, soit moins de 5 ans après la découverte des dommages, de sorte que l'action n'est pas prescrite.

Réponse de la cour :

Les appelants, qui estiment que le prêt souscrit en 2008 est contraire à l'ordre public en ce qu'il comporte une clause de remboursement en devises, étaient à même, à la seule lecture du contrat, d'appréhender les faits leur permettant d'agir en nullité, dès lors qu'aux termes mêmes de l'offre de prêt, le remboursement des prêts était stipulé en devises, en l'espèce en francs suisses.

En conséquence de quoi, c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'approuver que les premiers juges ayant retenu, d'une part, que le point de départ du délai de prescription est la date de la convention et, d'autre part, qu'un délai supérieur à cinq ans entre la date de souscription du contrat litigieux, le 1er mars 2008, et la signification de l'assignation le 8 avril 2019 s'est écoulé, en ont déduit que l'action en nullité du prêt n° 1208XX6314 est irrecevable en raison de sa prescription.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

 

2. Sur le manquement contractuel relatif à la non-application du Libor négatif :

M et Mme X. relèvent que les deux emprunts ont pour taux d'intérêt le Libor et demandent en conséquence à la banque d'établir un nouveau tableau d'amortissement du prêt tenant compte du taux d'intérêts indexé sur l'évolution de l'index Libor CHF et leur restituer les sommes trop-perçues au titre des intérêts. Ils font notamment valoir que :

- en 2015, alors que l'index Libor CHF 3 mois est passé sous 0 %, la banque a refusé d'appliquer un taux négatif pour déterminer le taux d'intérêt du prêt,

- aucun plancher ni plafond n'est fixé dans le contrat.

La banque fait valoir que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve de leurs allégations.

Réponse de la cour :

Ainsi qu'il a été déjà relevé par les premiers juges, les appelants, qui se bornent à faire état d'un graphique peu lisible inséré dans leurs conclusions et d'un mail adressé à une personne dont la qualité n'est pas précisée, ne rapportent pas la preuve de l'évolution de l'indice Libor CHF 3 mois.

Pour confirmer le jugement ayant rejeté cette demande, la cour ajoute que si les stipulations du contrat de prêt ne prévoient aucune restriction à la baisse, que ce soit pour le taux Libor retenu ou pour le taux d'intérêt résultant de son application, les parties n'ont pas dérogé à l'application des dispositions des articles 1902, 1905 et 1907 du code civil, dont il résulte que dans un contrat de prêt immobilier, comme celui de l'espèce, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds et le prêteur ne pouvant être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur, étant ajouté que l'article L. 313-1 du code monétaire et financier définit le prêt comme une opération de mise à disposition de fonds à titre onéreux au bénéfice du prêteur.

Dans ces conditions, la banque était en droit de veiller à ce que l'application au prêt litigieux d'un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois au jour le jour à sa valeur réelle, ne puisse conduire à des intérêts mensuellement négatifs.

Par ailleurs, la clause litigieuse prévoit une marge commerciale sur l'index de 0,6.

Il en résulte que la rémunération de la banque se trouvait calculée sur la base du taux Libor et la marge, la seconde devant rester invariable. Quant au premier, la banque ne pouvait le prendre en compte en dessous de zéro, à défaut d'accord exprès entre les parties.

 

3. Sur le caractère abusif de la clause relative au risque de change :

M et Mme X. soutiennent que la clause stipulant le remboursement des échéances en devises étrangères est abusive. Ils font notamment valoir que :

- cette clause mentionne le risque de change sans donner d'information précise et complète quant à la teneur du risque, de sorte que même si elle porte sur l'objet principal du contrat, elle doit être déclarée abusive comme n'étant pas rédigée de manière claire et compréhensible,

- le mécanisme du taux de change très particulier dans un prêt en devises, n'est pas expliqué concrètement, la banque devant fournir des informations suffisantes et exactes permettant aux emprunteurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives sur leurs obligations financières dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus par rapport à la monnaie de compte,

- les clauses faisant peser sur l'emprunteur le risque de change peuvent créer un déséquilibre significatif entre les parties,

- à la date de souscription de l'emprunt, ils travaillaient en Suisse mais vivaient en France et depuis lors, Mme X. a été licenciée et perçoit le chômage en euros, de sorte qu'ils supportent le risque de change en devant convertir des euros dans la monnaie de paiement, le franc suisse,

- cette clause étant essentielle dans le contrat emporte la nullité du contrat.

La banque soutient qu'une clause stipulant l'octroi d'un prêt en devise remboursable dans cette même devise n'est pas abusive. Elle fait notamment valoir que :

- l'objet du contrat ne peut jamais être l'instrument d'un déséquilibre significatif donc si la clause se confond comme en l'espèce avec l'objet du contrat, il n'y a pas lieu de l'examiner,

- la circonstance que le prêt qui leur a été consenti en francs suisse soit remboursable en franc suisse exclut tout risque de change,

- il n'y a pas lieu d'examiner si la clause a été rédigée de façon claire et compréhensible.

Réponse de la cour

L'article L. 132-1 du code de la consommation, applicable au temps des prêts litigieux, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de ce texte, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que la notion d'objet principal du contrat couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017 Andriciuc e.a. C-186/16).

En l'espèce, les clauses discutées (montant du prêt en CHF et modalités de remboursement des échéances) constituent bien l'objet principal du contrat des prêts immobiliers souscrits entre les appelants et l'intimée et ne peuvent donc être considérées comme abusives que si elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible.

Par ailleurs, le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat au moment où il est conclu et de toutes les autres clauses du contrat.

Or, les clauses litigieuses relatives au montant du prêt et aux modalités de paiement des échéances des contrats en cause sont des clauses parfaitement claires, concernant des prêts consentis en francs suisses, remboursables dans la même devise par des emprunteurs qui, de surcroît, percevaient leurs revenus en francs suisses au temps de la conclusion du contrat.

Il n'existait donc, aux termes des contrats litigieux, aucun risque de change au préjudice des emprunteurs, la circonstance qu'ils aient, postérieurement à la conclusion du contrat, perdu leur emploi et perçu des allocations de chômage en euros étant sans incidence au regard du caractère abusif de la clause (Cass., 1re civ., 1 mars 2023, pourvoi n° 21-20.260, P). Il en est de même, s'agissant de leur choix personnel pour financer l'achat d'un bien immobilier situé en France, de recourir à un prêt en devises, remboursable en devises.

Il est enfin observé que la jurisprudence, nationale ou européenne, citée par les appelants au soutien de leurs prétentions, se rapporte à des prêts libellés dans un devise étrangère, mais remboursables dans la devise nationale, situation ne correspondant pas au cas d'espèce.

En conséquence, les clauses litigieuses ne présentant pas de caractère abusif, il convient, confirmant le jugement par substitution de ses motifs, de rejeter les demandes de M. et Mme X. tendant à voir annuler les contrats d

 

4. Sur les manquements aux obligations d'information et de conseil de la banque :

M et Mme X. soutiennent notamment que :

- la banque n'a pas respecté son obligation de conseil, compte tenu du manque d'intelligibilité de l'offre et de l'absence d'information concernant les risques liés au taux de change,

- la banque a manqué à son devoir de conseil en ne leur proposant pas des crédits plus adaptés à leur situation, les prêts ayant été souscrits pour financer des biens situés en France et évalués en euros,

- la banque a encore manqué à son devoir de conseil en ne les alertant pas sur l'intérêt de souscrire une assurance spéciale pour les transfrontaliers contre les risques perte d'emploi ;

- les manquements de la banque leur ont causé de graves préjudices, puisque s'agissant du premier prêt, alors qu'ils ont remboursé des échéances pendant plus de 10 ans pour un montant de 482.650,46 euros, le capital n'a diminué que de 143.469 euros, de sorte qu'ils ont remboursé en pure perte la somme de 339.181,46 euros,

- de même, ils ont soldé le second prêt le 10 mars 2017 en réglant la somme de 206.451,87 euros, alors qu'au cours du change euro/CHF en 2011, ils auraient réglé la somme de 184 741,60 euros, de sorte qu'ils ont remboursé en pure perte la somme de 21.710,27 euros,

- leur préjudice total s'élève donc à la somme de 360.891,73 euros.

La banque fait notamment valoir que :

- les manquements dénoncés par les appelants ne s'appliquent qu'aux prêts octroyés en francs suisses qui sont remboursés en euros,

- les prêts ayant été octroyés en francs suisses, remboursés en francs suisses, avec des emprunteurs percevant leurs revenus en francs suisses, elle n'était pas tenue d'attirer leur attention sur un risque inhérent au taux de change,

- compte tenu de l'importance de leurs revenus et de leur situation de travailleurs frontaliers au moment de l'octroi du crédit, le prêt en francs suisses était la solution la plus adaptée, leur permettant de bénéficier de taux très avantageux,

- le manquement au devoir de mise en garde de la banque n'est sanctionné que par la perte de chance de n'avoir pu contracter un prêt dans des conditions plus favorables, qui n'est pas demandée,

- le devoir de mise en garde consiste à alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières, sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt, mais il ne porte pas sur l'intérêt de souscrire une assurance,

Réponse de la cour

Ainsi que le relève à juste titre la banque, le préjudice résultant des éventuels manquements de la banque aux devoirs de conseil et de mise en garde des emprunteurs consiste en une perte de chance de ne pas contracter à des conditions plus favorables que celles qui leur ont été proposées ou en une perte de chance de souscrire une assurance perte d'emploi.

Or, en l'espèce, les appelants ne sollicitent pas l'indemnisation de ce préjudice consistant en une perte de chance, et se bornent à demander, à titre de dommages-intérêts, le remboursement des sommes qu'ils estiment avoir « réglées en pure perte », compte tenu du cours du change défavorable entre le franc suisse et l'euro.

En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter les appelants de leur demande de dommages-intérêts.

 

5. Sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque, en appel. M et Mme X. sont condamnés à lui payer à ce titre la somme de 2.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de M et Mme X. qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M et Mme X. à payer à la société Lyonnaise de banque, la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne M et Mme X. aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,                                                  Le Président,