T. COM. LYON, 8 avril 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1112
T. COM. LYON, 8 avril 2002 : RG n° 01J01030
(sur appel CA Lyon (3e ch. civ.), 20 nov. 2003)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE LYON
JUGEMENT DU 8 AVRIL 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01J01030. Le Tribunal a été saisi de la présente affaire par assignation en date du 07 mars 2001. La cause a été entendue à l'audience du 29 novembre 2001 à laquelle siégeaient : Madame CARRIER, Président, Monsieur DUTRUGE et Monsieur GROS, Juges, assistés de : Madame VINAI, Greffier, après quoi les Juges sus-nommés en ont délibéré pour rendre ce jour la présente décision :
ENTRE :
la société DE REPRÉSENTATION CATALANE (SRC) SARL
[adresse], DEMANDEUR, représenté par Maître Jean Pierre FORESTIER Avocat - Toque n° 716 [adresse]
ET :
la société POLYTUIL FRANCE SA
[adresse], DÉFENDEUR, représenté par Maître COVILLARD Anne Avocat - Toque n° 656 [adresse]
Frais de Greffe compris dans les dépens (Art. 701 du NCPC) : 56,8 Euros HT - 11,13 Euros TVA - 67,93 Euros TTC.
[minute page 2] LE TRIBUNAL, composé de Madame CARRIER, présidant l'audience, de Monsieur DUTRUGE et de Monsieur GROS, en ayant délibéré, après que les parties en aient débattu dans les conditions prévues au calendrier de procédure convenu entre elles et le Tribunal, il est rendu le jugement suivant.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - EXPOSÉ DES FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE :
Les faits :
La société POLYTUIL France a conclu, le 1er novembre 1991, un contrat d'agent commercial mandataire avec Monsieur X. pour une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction par période successive de un an, avec faculté de résiliation par chacune des parties 6 mois avant l’échéance.
La société SRC a continué l'activité de ce contrat, mais la société POLYTUIL, si elle ne conteste pas la qualité d'agent commercial à la société SRC, conteste qu'il existe entre elles un contrat écrit, et notamment que le contrat du 1er novembre 1991 trouve application.
A la suite de différends entre les sociétés POLYTUIL et SRC, le contrat a été rompu et chacune des parties estime que c'est son co-contractant qui est responsable de la rupture et a mis fin de façon unilatérale aux accords passés.
La procédure :
Par acte d'huissier en date du 7 mars 2001, la société SRC, dont le Siège social est à [ville A], a assigné la société POLYTUIL, à [ville B], aux fins de :
- Constater les immixtions directes de la société POLYTUIL dans la clientèle de la société SRC.
- Constater la rupture unilatérale du contrat d'agent exclusif de la société SRC du chef de la société POLYTUIL.
- Condamner la société POLYTUIL à payer à la société SRC la somme de 286.479,00 Francs à titre provisionnel au titre de sa créance.
- Condamner la société POLYTUIL à payer à la société SRC des dommages et intérêts pour la somme de 300.000,00 Francs.
- Condamner la société POLYTUIL à payer à SOCIÉTÉ SRC la somme de 25.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
- Condamner la société POLYTUIL aux entiers dépens.
Les moyens :
A l'appui de son assignation, la société SRC expose :
- que la société POLYTUIL a violé la clause d'exclusivité du contrat en démarchant en direct la clientèle de son secteur,
- que les faits répréhensibles relèvent de l'article 1382 du code civil, malgré des tentatives d'arrangement transactionnel ; la société SRC n'a pas pu se faire indemniser de son préjudice qu'elle chiffre à la somme de 286.479,00 Francs sur le plan contractuel et à celle de 300.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts.
La société POLYTUIL, quant à elle, expose :
Que la société SRC n'est pas partie au contrat du 1er novembre 1991, et que le contrat étant intuitus personae, il n'est pas cessible, que cela découle de la rédaction même de l'article 14.
Que de ce fait, la société SRC ne peut invoquer à son profit une clause d'exclusivité,
[minute page 3] Que de ce fait, les relations existantes entre les sociétés POLYTUIL et SRC sont régies par les articles L. 134-1 et suivants du nouveau code de commerce.
Que la société POLYTUIL a toujours fait des visites à sa clientèle pour fixer les nouvelles conditions commerciales ou tarifaires et non pas pour prendre des commandes,
Que les sociétés ERIKA et CCL ne disposent pas d'un accord de distribution exclusif, et que de ce fait, rien n'interdit à la société POLYTUIL de livrer en direct les clients qui font des demandes d'approvisionnement,
Que de plus ce n'est pas à la société SRC de s'en plaindre auprès de la société POLYTUIL, mais directement aux sociétés concernées,
Que concernant les établissements PIQUEMAL, la société POLYTUIL indique que c'est à la demande même de la société SRC qu'elle a établi un quantitatif estimatif, et que cette remarque a déjà fait l'objet d'un courrier le 5 février 2001,
Que de plus, toutes les commissions sur les ventes directes et indirectes ont toujours été versées à la société SRC.
Sur l'initiative de la rupture, la société POLYTUIL indique que c'est par un courrier du 10 Janvier 2001 que le conseil de la société SRC l'a informée qu'elle considérait le contrat d'agent qui la liait à la société SRC était rompu,
Que par une réponse du 19 janvier 2001, elle demandait à la société SRC, si elle voulait mettre fin au contrat, de respecter le préavis légal de 3 mois, et que c'est suite à un manquement de la part de la société SRC que la société POLYTUIL a dû, le 20 mars 2001, constater que la société SRC avait cessé d'effectuer tout travail de prospection même avant la fin du préavis.
Elle estime en conséquence que la rupture étant imputable à la société SRC, l'indemnité n'est pas due, et que subsidiairement, sur la valeur, il convient d'observer que rien n'impose légalement que l'indemnité soit de deux années de commissions, mais qu'elle doit être en relation avec le préjudice subi.
La société POLYTUIL forme une demande reconventionnelle de 100.000,00 Francs à l'égard de la société SRC du fait de la chute du chiffre d'affaires, de l'absence de transmission des rapports d'activité, des relations difficiles de la société SRC avec certains clients, et enfin par suite de la rupture brutale sans respect du préavis de trois mois.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II – DISCUSSION :
SUR LA VALIDITÉ DU CONTRAT D'AGENT COMMERCIAL SIGNE LE 1er NOVEMBRE 1991 :
Attendu que la société POLYTUIL conteste que ses relations avec la société SRC soient régies par le contrat du 1er novembre 1991.
Attendu cependant qu'elle ne produit aucun document fixant le secteur, les conditions de commissionnement ou autre, mais que malgré tout les lettres des 2 mars 1994, 11 mars 1996 et 2 février 1998, sur lesquelles il est mentionné « lettre avenant modification de contrat » viennent modifier un secteur dont, à part dans le contrat ci-dessus, rien n'indique comment il aurait été défini à l'origine.
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société SRC bénéficiait des mêmes conditions de commissionnement et du même secteur que celui mentionné dans le contrat signé le 1er novembre 1991,
[minute page 4] Attendu que de plus, dans son courrier du 19 janvier 2001, la société POLYTUIL indique « le seul reproche que vous nous faites pour justifier la rupture du contrat est d'avoir visité la clientèle de Monsieur X., malgré la clause d'exclusivité qui est prévue dans le contrat. Or nous n'avons jamais enfreint nos obligations à ce titre ».
Attendu que le courrier du 19 janvier 2001 de la société POLYTUIL répond à un courrier du 10 Janvier du Conseil de la société SRC, et que dans ce courrier, le Conseil de la société SRC fait référence de façon explicite au contrat du 1er novembre 1991 et à différents articles qui le compose.
Attendu que la réponse de la société POLYTUIL, et notamment la phrase par laquelle elle indique n'avoir jamais enfreint son obligation d'exclusivité, démontre qu'elle reconnaît l'application de ce contrat dans leurs relations.
Attendu que de plus, dans la reconnaissance de dette, lors du prêt fait par la société POLYTUIL à Monsieur X. pour débuter son activité d'agent commercial, à l'origine de leur relations, il est mentionné que Monsieur X. peut se substituer toute société dont il décidera la création.
Attendu ce qui précède, le Tribunal considère que la société SRC, dont Monsieur X. est le propriétaire, bénéficie du contrat d'agent commercial signé le 1er novembre 1991.
SUR LA VIOLATION DE LA CLAUSE D'EXCLUSIVITÉ :
Attendu que pour fonder sa demande, la société SRC s'appuie sur une sommation interpellative, faite chez POINT P, qui précise « effectivement des représentants de la société POLYTUIL sont passés dans les locaux en date du 14 décembre 2000 pour faire le point sur les ventes de l'année 2000 et sur les objectifs de l'année 2001 ».
Attendu qu'à la question précise but des démarches il a été à nouveau répondu « leurs démarches portent uniquement sur les ventes et les objectifs ».
Attendu que les autres courriers des sociétés ERICA et CCL ne démontrent pas non plus, en quoi la société POLYTUIL a enfreint la clause d'exclusivité dont bénéficie la société SRC.
Attendu ce qui précède, le Tribunal déboutera la société SRC à ce titre.
SUR L'ORIGINE DE LA RUPTURE :
Attendu que par un courrier du 10 janvier 2001, le conseil de la société SRC, prétextant le non respect de la clause d'exclusivité, considéré qu'il y a rupture unilatérale du contrat d'agent commercial aux torts de la société POLYTUIL.
Attendu que dès le 19 janvier 2001, la société POLYTUIL confirmait qu'elle avait l'habitude d'agir de la sorte sans jamais léser les intérêts de Monsieur X., et qu'il a toujours perçu des commissions sur la totalité des ventes réalisées sur son secteur.
[minute page 5] Attendu que la société SRC ne conteste pas cette affirmation, pas plus qu'elle ne démontre que le fait pour son mandant de rencontrer la clientèle pour faire le point sur les réalisations de l'année écoulée et les objectifs de la nouvelle année, porte atteinte à son action ou lui cause un préjudice.
Attendu que dans le même courrier du 19 janvier 2001, la société POLYTUIL demandait à Monsieur X. d'effectuer le préavis légal de 3 mois.
Attendu que le Conseil de la société SRC accuse réception du courrier de la société POLYTUIL, mais sans apporter une contestation quelconque aux arguments de la société POLYTUIL, autre que l'information de la délivrance d'une assignation.
Attendu ce qui précède, le Tribunal retiendra que le contrat d'agent du 1er novembre 1991 a été rompu à l'initiative de la société SRC.
SUR LA LETTRE RECOMMANDÉE AVEC ACCUSÉ DÉ RÉCEPTION DU 6 FÉVRIER 2001 ET QUANTITATIF ÉTABLI A LA SOCIÉTÉ PIQUEMAL :
Attendu que la société SRC, toujours pour démontrer l'immixtion de son mandant dans les relations avec sa clientèle, fait référence à un courrier du 6 février 2001, qui n'aurait été posté que le 8 février 2001 et lui aurait été présenté le 9.
Attendu cependant que pour confirmer cette affirmation, la société SRC ne produit au Tribunal que la lettre datée du 6 février de la société POLYTUIL, mais ne joint à son dossier ni l'enveloppe sur laquelle figurait le tampon de la poste, pas plus que l'accusé de réception qu'elle indique avoir signé le 9, le Tribunal écartera cet argument.
Attendu que, concernant le quantitatif, que la société SRC reproche à la société POLYTUIL d'avoir adressé a son client, la société POLYTUIL produit une demande de la société SRC, non datée, mais reçu dans leur établissement le 11 décembre 2000, rédigée en ces termes « ROGER peux-tu établir le devis quantitatif en decra... ».
Attendu que ce document montre que la société POLYTUIL n'a rien à se reprocher à ce titre, le Tribunal écartera également l'argument de la société SRC concernant la société PIQUEMAL.
SUR UN PRÉJUDICE INHÉRENT A LA RUPTURE A L'ÉGARD DE LA SOCIÉTÉ SRC :
Attendu que dans ses demandes en paiement, la société SRC ne revendique aucune commission directe ou indirecte sur des ventes réalisées sur son secteur, qui ne lui auraient pas été payées.
Attendu que la société POLYTUIL lui a demandé d'effectuer son préavis jusqu'au 12 avril 2001, mais que le préavis prévu au contrat qui lie les parties est de 6 mois.
Attendu cependant que la société SRC 2 a arrêté d'effectuer les tâches inhérentes à son mandat, et que la société POLYTUIL a pris acte de la rupture définitive du contrat le 21 mars 2001.
Attendu que l'article L. 134-12 [N.B. du Code de commerce] prévoit que lors de la rupture l'agent a droit a une indemnité en réparation du préjudice subi.
[minute page 6] Attendu que les éléments qui précèdent, ne démontrent pas que la société SRC ait subi un préjudice imputable à la société POLYTUIL.
Attendu que de ce fait, le Tribunal rejettera les demandes présentées par la société SRC.
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIÉTÉ POLYTUIL :
Attendu que la société POLYTUIL, qui dans le courrier du 19 janvier 2001, constate que le Chiffre d'affaires de la société SRC est en baisse, et que déjà par un courrier du 27 janvier 2000, elle avait fait part à son agent de la chute inquiétante de ses ventes (34.180 éléments vendus en 1998 et 23.061 éléments vendus en l'an 1999).
Attendu que dans ce même courrier du 27 janvier 2000, elle insistait sur l'importance de la prescription, de la prospection, et de l'envoi à son mandant des organisations de visites et rapports de tournées.
Attendu que le contrat, dont la société SRC demande l'application, prévoit en son article 9 que l'Agent doit transmettre des rapports de ses visites et de son activité, mais que comme le constate la société POLYTUIL dans différents courriers, cette obligation n'est pas respectée.
Attendu que la société SRC conteste la baisse de chiffre d'affaires dont se prévaut la société POLYTUIL, mais que dans le tableau qu'elle même produit aux débats, il apparaît que le chiffre d'affaires a baissé de 3,40 % en 1996, puis de 6,33 % en 1997, de 30,26 % en 1998, de 27,65 % en 1999 passant ainsi de 26 millions en 1995 à 12 millions en 1999 et 2000.
Attendu que la société SRC fait grief à la société POLYTUIL d'avoir engagé la recherche d'un commercial, mais que l'annonce soumise au Tribunal passée par la société POLYTUIL date du 10 Juin 2001, soit 6 mois après la lettre de la société SRC annonçant la rupture du contrat.
Attendu que la société SRC ne démontre pas de fautes commises par la société POLYTUIL.
Attendu cependant que la société SRC, par ses carences, a incontestablement laissé se développer une concurrence sur le secteur qui lui était concédé, qui a causé un tort à la société POLYTUIL.
Attendu ce qui précède, le Tribunal fera droit à la demande de la société POLYTUIL et condamnera la société SRC à lui verser à titre de Dl une somme de 15.244.92 euros.
Attendu que le Tribunal estime équitable d'allouer la somme de 1.524.49 euros en application de l'article 700 du NCPC en dédommagement des frais non compris dans les dépens, engagés du fait de cette procédure.
Attendu que le Tribunal prononcera l'exécution provisoire, celle-ci étant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT EN PREMIER RESSORT PAR DÉCISION CONTRADICTOIRE
DIT le contrat d'agent Commercial du 1er novembre 1991 applicable dans les relations entre les sociétés SRC et POLYTUIL.
DIT que les contacts de la société POLYTUIL avec la clientèle du secteur de la société SRC ne constituent pas une immixtion dans les relations de cette dernière avec sa clientèle susceptible de lui causer un préjudice.
CONSTATE que le contrat a été rompu sur l'initiative de la société SRC.
DIT que la société SRC n'a pas subi de préjudice imputable à l'action de la société POLYTUIL.
REJETTE en conséquence toutes les demandes de la société SRC.
DIT que la société SRC n'a pas rempli en totalité les obligations qui étaient les siennes au regard du contrat d'agent commercial du 1er novembre 1991 dont elle sollicite l'application et qu'elle a en conséquence causé un préjudice à la société POLYTUIL dont elle doit réparation à hauteur de 15.244,90 euros.
CONDAMNE en conséquence la société SRC à payer à la société POLYTUIL la somme de 15.244.92 euros.
ORDONNE l'exécution provisoire de cette décision.
CONDAMNE la société SRC à payer la somme de 1.524.49 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
REJETTE comme non fondés toutes autres demandes, moyens et conclusions contraires des parties.
CONDAMNE la société SRC en tous les dépens.
Les dépens visés à l'article 701 du NCPC étant liquidés à la somme de 67,93 euros.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Commerce de LYON, le 8 avril 2002
Ainsi jugé et prononcé.
Le Président le Greffier