CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 24 mai 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1160
CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 24 mai 2007 : RG n° 05/03861 ; arrêt n° 218
Publication : Juris-Data n° 343086
Extrait : « Attendu que la banque, dépositaire de fonds remis par ses clients et mandataire de ces derniers, est tenue de restituer les fonds confiés ou de démontrer qu’elle en a fait un usage conforme aux instructions de son ou de ses mandants ; Que pour faire déclarer irrecevable l’action de Mme X. qui l’a assignée en 2005 pour obtenir une provision de 15.244,90 € à défaut de production du bordereau justifiant du retrait de cette somme le 17 octobre 1996 et de l’identité du bénéficiaire de ce retrait, la CAISSE D’ÉPARGNE invoque les conditions générales applicables lors de l’ouverture du compte de dépôt en 1991 selon lesquelles « les réclamations relatives aux extraits de compte, arrêtés de compte et relevés de titres devront être faits par écrit et, sous peine de forclusion, parvenir à la CAISSE D’ÉPARGNE dans un délai d’un mois à compter de l’arrêté de compte. Toute autre réclamation, pour être valable, doit être formulée dans le même délai ; faute de contestation dans le délai imparti, le client est censé avoir ratifié les décomptes, situations et avis » ;
Que ces conditions générales ont été acceptées par les époux Y.-X. lors de la signature de la demande d’ouverture du compte joint ; que toutefois, la clause ci-dessus visées doit s’entendre comme emportant simple présomption d’acceptation, par le client qui n’a pas émis de protestation dans le mois, des opérations portées sur le relevé de compte, la forclusion édictée dans la première phrase de cette disposition constituant une clause abusive et dès lors dépourvue de valeur ; Que la présomption d’acceptation du client est une présomption simple qui ne prive pas ce client de la possibilité de rapporter, pendant la durée de la prescription légale, la preuve d’éléments propres à l’écarter ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 24 MAI 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/03861. Arrêt n° 218. Décision déférée du 30 juin 2005 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 05-653.
APPELANT(E/S) :
CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE MIDI-PYRENEES
[adresse], représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de la SCP CAMILLE et associés, avocats au barreau de TOULOUSE ;
INTIMÉ(E/S) :
Madame. X. divorcée Y.
[adresse], représentée par la SCP SOREL-DESSART-SOREL, avoués à la Cour assistée de Me DUPUY, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 31 janvier 2007 en audience publique, devant la Cour composée de : J.P. SELMES, président, C. BELIERES, conseiller, P. VIDEAU, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par J.P. SELMES, président et par A. THOMAS, greffier de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] M. Y. et son épouse Mme X. ont ouvert en 1991 auprès de la CAISSE D’ÉPARGNE MIDI-PYRENEES un compte joint qui a été crédité de 111.028,26 francs le 19 septembre 1996, puis débité de la somme de 100.000 francs le 17 octobre 1996 par un retrait d’espèces. Invoquant le fait que la banque n’était pas en mesure de produire le bordereau de retrait d’espèces et avait indiqué « pas de retrait d’espèces de 100.000 francs le 17 octobre 1996 au BO.21 au nom de M. et Mme Y. », Mme X., divorcée de M. Y. suivant jugement du 1er février 2000, a assigné la CAISSE D’ÉPARGNE par acte du 22 avril 2005 devant le président du tribunal de grande instance de Toulouse qui, par ordonnance de référé du 30 juin 2005 a condamné la CAISSE D’ÉPARGNE à verser une provision de 1.000 euros et la somme de 500 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Suivant déclaration du 8 juillet 2005, la CAISSE D’ÉPARGNE et de PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES a relevé appel de cette ordonnance dont elle sollicite la réformation par conclusions déposées le 13 décembre 2006 en demandant à la cour de déclarer Mme X. irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dès lors que la somme de 100.000 francs appartenait à M. Y. et a été retirée par lui, et pour tardiveté de l’action - aucune réclamation ne pouvant être effectuée plus d’un mois après l’arrêté de compte - ; subsidiairement, elle estime que son adversaire ne justifie pas d’une obligation non sérieusement contestable dès lors qu’elle n’a elle-même commis aucune faute, et que Mme X. n’a subi aucun préjudice, n’ayant aucun droit sur la somme retirée. Elle sollicite la condamnation de Mme X. au paiement d’une provision de 3.000 euros à valoir sur son préjudice et d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions du 22 janvier 2007, Mme X. sollicite la confirmation en son principe de l’ordonnance entreprise, mais relève appel incident pour voir porter la condamnation de la banque à 15.244,90 euros dès lors que sa qualité de cotitulaire d’un compte joint lui permettait de retirer la totalité de cette somme. Elle considère que la banque doit justifier de l’exécution de ses obligations sans pouvoir donner d’avis sur les opérations de partage du régime matrimonial des époux Y.-X. ; elle soutient que son action est recevable, l’expiration du délai d’un mois étant sans incidence en l’espèce, et fondée eu égard aux obligations du dépositaire des fonds, et que la demande reconventionnelle de l’appelante en dommages et intérêts se heurte à une contestation sérieuse.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2007.
Par conclusions du 29 janvier 2007, la CAISSE D’ÉPARGNE sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture ou l’irrecevabilité des dernières conclusions et, sur le fond, renouvelle son argumentation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] SUR QUOI :
Attendu au préalable, qu’il convient de déclarer irrecevables les conclusions déposées par la CAISSE D’ÉPARGNE le 29 janvier 2007 en ce qu’elles sont postérieures à l’ordonnance de clôture, à l’exception de la demande de révocation de cette ordonnance, demande qui doit être rejetée dès lors que la banque n’invoque aucune cause grave qui serait survenue depuis le prononcé de l’ordonnance de clôture ;
Que les conclusions déposées par l’intimée le 22 janvier 2007 doivent être déclarées recevables dès lors qu’elles répondaient aux conclusions déposées par l’appelante le 13 décembre 2006 - visant de nouvelles pièces et invoquant de nouveaux moyens et arguments par rapport aux conclusions initiales notifiées quatorze mois plus tôt - sans appeler elles-mêmes de réplique ;
Attendu que la banque, dépositaire de fonds remis par ses clients et mandataire de ces derniers, est tenue de restituer les fonds confiés ou de démontrer qu’elle en a fait un usage conforme aux instructions de son ou de ses mandants ;
Que pour faire déclarer irrecevable l’action de Mme X. qui l’a assignée en 2005 pour obtenir une provision de 15.244,90 euros à défaut de production du bordereau justifiant du retrait de cette somme le 17 octobre 1996 et de l’identité du bénéficiaire de ce retrait, la CAISSE D’ÉPARGNE invoque les conditions générales applicables lors de l’ouverture du compte de dépôt en 1991 selon lesquelles « les réclamations relatives aux extraits de compte, arrêtés de compte et relevés de titres devront être faits par écrit et, sous peine de forclusion, parvenir à la CAISSE D’ÉPARGNE dans un délai d’un mois à compter de l’arrêté de compte. Toute autre réclamation, pour être valable, doit être formulée dans le même délai ; faute de contestation dans le délai imparti, le client est censé avoir ratifié les décomptes, situations et avis » ;
Que ces conditions générales ont été acceptées par les époux Y.-X. lors de la signature de la demande d’ouverture du compte joint ; que toutefois, la clause ci-dessus visées doit s’entendre comme emportant simple présomption d’acceptation, par le client qui n’a pas émis de protestation dans le mois, des opérations portées sur le relevé de compte, la forclusion édictée dans la première phrase de cette disposition constituant une clause abusive et dès lors dépourvue de valeur ;
Que la présomption d’acceptation du client est une présomption simple qui ne prive pas ce client de la possibilité de rapporter, pendant la durée de la prescription légale, la preuve d’éléments propres à l’écarter ;
Attendu que Mme X. produit aux débats deux correspondances - dont il n’est pas discuté qu’elles émanent de la CAISSE D’ÉPARGNE - indiquant pour l’une « nous ne sommes pas en mesure de vous fournir la copie du bordereau de retrait d’espèces de 100.000 francs en date du 17 octobre 1996 porté au débit du compte n° XX » et pour l’autre : « Pas de retrait d’espèce de 100.000 francs le 17 octobre 1996 au B021 au nom de M. et Mme Y. pas la moindre opé. à ce nom » ;
[minute page 4] Que ces deux correspondances laissant supposer que le retrait litigieux a été effectué dans des conditions irrégulières dès lors que la CAISSE D’ÉPARGNE qui n’est pas en mesure d’en identifier l’auteur, tend à dénier l’existence de ce retrait - dont la réalité est incontestable - au nom de M. et de Mme Y., l’action de Mme X. doit être déclarée recevable ;
Attendu que la CAISSE D’ÉPARGNE ne saurait soutenir que la demande de Mme X. est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir au motif que la somme de 100.000 francs aurait été retirée par M. Y. qui en était seul propriétaire dans la mesure où les droits dont peuvent respectivement disposer des époux sur une somme portée en compte joint, sont sans incidence sur la possibilité de chacun des co-titulaires du compte joint, vis-à-vis de la banque, de faire des opérations sur les sommes inscrites au crédit de ce compte joint ;
Que toutefois, la tardiveté des réclamations émises par Mme X., huit ans après l’opération litigieuse, et l’absence aux débats du deuxième titulaire du compte joint - dont les assertions selon lesquelles il n’aurait pas procédé au retrait litigieux sont évoquées par Mme X. sans être démontrées - ne permettent pas à la juridiction des référés de considérer que l’obligation de la banque n’est pas sérieusement contestable, ce qui conduit à réformer l’ordonnance entreprise en déboutant Mme X. de ses demandes ;
Attendu qu’eu égard aux circonstances de l’espèce et notamment à la carence de la banque dans la production d’une pièce qu’elle aurait du garder dix ans, l’action de Mme X. n’apparaît pas téméraire ou abusive, ce qui conduit à rejeter la demande de dommages et intérêts de la CAISSE D’ÉPARGNE ;
Qu’il n’existe pas dans la cause, de considérations permettant d’allouer à l’une ou l’autre des parties de somme sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant en matière de référé,
Déclare irrecevables les conclusions déposées par la CAISSE D’ÉPARGNE le 29 janvier 2007 et recevables les conclusions notifiées par l’intimée avant l’ordonnance de clôture,
Réformant l’ordonnance entreprise, déboute Mme X. de ses demandes,
[minute page 5] Rejette les demandes de dommages et d’intérêts et d’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile formées par la CAISSE D’ÉPARGNE,
Condamne Mme X. aux dépens, avec pour ceux d’appel, distraction au profit de la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués.
Le Greffier Le Président