TGI TOULOUSE (4e ch.), 4 septembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1362
TGI TOULOUSE (4e ch.), 4 septembre 2000 : RG n° 1999/02447 ; jugement n° 611
(sur appel CA Toulouse (1re ch.), 15 octobre 2001 : RG n° 2000/04965 ; arrêt n° 459)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 4 SEPTEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 1999/02477. Minute n° 611.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame FARSSAC, Juge statuant à juge unique, désigné conformément aux dispositions de l'article 817 du Nouveau Code de procédure civile,
Madame LAVABRE, premier greffier
DÉBATS : à l'audience publique du 6 juin 2000
JUGEMENT : CONTRADICTOIRE - en premier ressort - prononcé publiquement
DEMANDEUR :
SARL PALMY
dont le siège social est [adresse] ayant pour avocat la SCP MONTEIS, GISTAIN
[minute page 2]
DÉFENDEURS :
- Monsieur X.
demeurant [adresse] ayant pour avocat Maître COSTES Henry
- Madame X.
demeurant [adresse] ayant pour avocat Maître COSTES Henry
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte sous seing privé en date du 13 avril 1999 M. et Mme X. ont donné à la SARL PALMY, plus connue sous l'enseigne Agence DELRIEU, un mandat non exclusif de vente de leur maison d'habitation située à [adresse] moyennant un prix de 1.150.000 francs, la rémunération du mandataire s'élevant à 70.000 francs payable par l'acquéreur en sus du prix de vente.
Le 17 avril 1999 M. et Mme Y., qui ont visité cette maison par l'intermédiaire de l'agence DELRIEU, ont signé un sous seing privé le jour même, ainsi qu'un chèque de consignation de 50.000 francs. L'agence a immédiatement informé les propriétaires par télégramme en leur proposant un rendez-vous pour le soir même à 19 heures.
Par courrier en date du 17 avril 1999, reçu par l'agence DELRIEU le 20 avril 1999, M. et Mme X. ont résilié le mandat et indiqué qu'ils ne pouvaient signer la vente avant d'avoir acheté une nouvelle habitation.
Par lettre en date du 20 avril 1999 l'agence DELRIEU a contesté cette résiliation.
Par lettre en date du 4 juin 1999 M. et Mme Y. ont informé l'agence DELRIEU qu'ils renonçaient à l'acquisition de la maison de M. et Mme X.
[minute page 3] Suivant acte en date du 8 juillet 1999 la SARL PALMY a fait assigner M. et Mme X. pour entendre le Tribunal :
- les condamner à lui payer la somme de 70.000 francs à titre de dommages et intérêts en application des articles 1134, 1149 et 1998 et suivants du Code Civil,
- les condamner à lui verser la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître MONTEIS.
Dans ses dernières écritures elle sollicite que soit compris dans les dépens le coût du constat établi par Maître SISTER le 10 novembre 1999.
Elle fait valoir :
- que les époux X. se sont obstinés à refuser de donner suite à la vente en opposant une nouvelle condition peu après que les futurs acquéreurs aient signé le compromis de vente du 17 avril 1999 prévoyant une libération des lieux au 15 novembre 1999, en révoquant le mandat du 13 avril 1999 sans respecter le délai de préavis postérieurement à la signature du sous seing privé par les époux Y., en contactant directement les acquéreurs au mépris des clauses du mandat,
- qu'ils soutiennent sans preuve que la vente de leur maison était assujettie à l'acquisition d'une autre maison et qu'elle avait mandat de rechercher un tel bien,
- que le procès-verbal de constat dressé par Maître SISTER, après qu'elle ait été autorisée sur requête à faire vérifier par huissier de justice que le mandat de vente signé par M. et Mme X. auprès de l'agence SAINT LYS IMMOBILIER contenait une « condition » d'acquisition d'une autre maison, démontre qu'ils ont créé de toute pièce cette condition pour nuire à ses intérêts,
- qu'en réponse à la sommation de communiquer une copie du mandat de recherche signé entre cette agence et M. et Mme X. ils n'ont reçu communication que du mandat de vente,
- que par leurs agissements M. et Mme X. l'ont mis dans l'impossibilité de percevoir la commission qui lui était due,
- qu'ayant scrupuleusement respecté les termes du mandat elle est fondée à obtenir réparation de son préjudice,
- que la chance perdue correspond en l'espèce à la chance réalisée puisque les époux Y. avaient signé l'acte sous seing privé de vente et réglé un [minute page 4] acompte substantiel et que les dommages et intérêts doivent être équivalent au montant de la commission dont elle a été privée.
En défense M. et Mme X. concluent au débouté de la SARL PALMY de l'ensemble de ses prétentions. Ils poursuivent reconventionnellement sa condamnation à leur verser la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et intention de nuire et la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Henry COSTES.
Ils font valoir :
- que la responsabilité de l'échec de la transaction incombe exclusivement au mandataire qui a soumis avec une hâte intempestive un compromis à la signature des acquéreurs intéressés,
- qu'il ne peut être contesté qu'ils souhaitaient à la fois vendre leur maison et acheter pour se reloger, sans recourir à la location,
- que leur maison ne pouvait donc être rendue libre de toute occupation à n'importe quelle date et qu'il est significatif à cet égard de constater que sans consultation préalable l'agent immobilier a arbitrairement arrêté la date du 15 novembre 1999 profitant ainsi de l'imprécision de la mention portée dans le mandat,
- que l'agent immobilier est tenu à l'égard de ses mandants d'une obligation de conseil et qu'il a le devoir de fournir à ses clients une information aussi exacte et complète que possible et de les mettre en garde contre toute éventualité qui pourrait être pour ces derniers source de préjudice,
- que l'agence, en leur imposant une date de libération des locaux qui n'avait pas reçue leur agrément, a manqué à ses obligations ce qui lui interdit de prétendre à des dommages et intérêts,
- que le gérant de l'agence immobilière de SAINT LYS confirme qu'ils lui ont confié la vente de leur propriété et qu'ils ont établi à cet effet un mandat de vente en date du 10 avril 1999 d'une part et précise toutefois qu'il a été convenu avec eux qu'elle recherche également pour eux une maison, ceux-ci ne souhaitant signer l'acte de vente de leur propriété que lorsqu'ils seraient relogés,
- que le 19 juin 1999 ils ont visité la maison de M. et Mme Z. à [adresse] par l'intermédiaire de cette agence,
- qu'ils ont le 23 avril visité un autre bien par l'intermédiaire de l'agence IMMO LOGIS,
- [minute page 5] que la condition de relogement est liée à une procédure de divorce par consentement mutuel, le domicile conjugal ayant été attribué à l'épouse chez laquelle la résidence des enfants a été fixée,
- que l'action intempestive de la SARL PALMY les contraint à faire état de cette procédure pour répondre aux reproches particulièrement injustifiés de l'agent immobilier,
- que l'agence DELRIEU a agi avec une précipitation fautive et qu'elle est allée au delà de ses obligations de mandataire, feignant d'ignorer les préoccupations de ses clients.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2000.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Aux termes des dispositions de l'article 1134 du Code Civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1998 du même code dispose : « Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il ne peut être tenu de ce qui a pu être fait au delà, qu'autant qu'il l'a ratifié tacitement ou expressément. »
Il résulte du mandat de vente signé le 13 avril 1999 par M. et Mme X. en qualité de mandant d'une part, et la SARL PALMY (Agence DELRIEU) en qualité de mandataire, d'autre part, qu'aucune clause ne subordonne la réalisation de la vente à l'acquisition par les mandants d'une autre propriété.
Il convient par ailleurs de constater qu'aucune date particulière quant à la disponibilité du bien n'a davantage été précisée par les mandants dans ce contrat.
Il est au contrairement expressément prévu que « le mandant s'oblige à ratifier la vente à l'acquéreur présenté par le mandataire aux prix, charges et conditions du présent mandat, même sous la condition d'obtention d'un prêt. »
Il est établi aux débats que dès le 17 avril 1999 la SARL PALMY a trouvé des acquéreurs au prix demandé par M. et Mme X. et qu'elle les en a informés par un télégramme, le même jour, dont le texte est le suivant « Suite à mon appel de ce jour à 12 heures, j'ai l'honneur de vous confirmer que je suis détenteur d'un acte sous seing privé de vente de votre maison [minute page 6] au profit de M. et Mme Y., conformément aux termes du mandat de vente que vous m'avez confié en date du 13.04.99 numéro XX ».
Il est par ailleurs constant que les époux X. ont refusé de régulariser l'acte sous seing privé de vente, signé par M. et Mme Y.
Le courrier en date du 17 avril 1999 adressé à l'agence DELRIEU par M. et Mme X. est ainsi libellé :
« Nous avons bien pris connaissance de votre demande de rendez-vous, ce jour à quinze heures, par télégramme pour le soir même à dix neuf heures. Veuillez comprendre notre impossibilité de venir à ce rendez-vous ayant par ailleurs d'autres obligations.
D'autre part il est important de signaler que nous ne pourrons donner suite à ce contrat de vente à cause du délai d'accession à la propriété souhaitée par vos clients M. et Mme Y. (septembre/octobre 1999).
En effet il apparaît sur ce mandat qu'il n'a pas été signalé par vos commerciaux que la vente de notre villa ne pourrait se contractualiser qu'après nous avoir trouvé un logement à acheter.
Veuillez donc être informé de notre désir de résilier ce jour, le mandat de vente signé le 13 avril 1999, selon lequel nous vous avions mandaté pour la vente de notre villa.
Nous vous rappelons que nous avons donné toute notre confiance à l'agence DELRIEU pour ces deux missions, il nous sera très agréable de la renouveler, en tenant compte de ce point précis. »
Or M. et Mme X. n'établissent pas avoir avant ou lors de la signature du mandat, ni même entre le 13 et le 17 avril 1999, informé l'agence DELRIEU de l'existence d'une telle condition pour la réalisation de la vente.
Au contraire M. et Mme Y. indiquent dans le courrier qu'ils ont envoyé à l'agence DELRIEU le 4 juin 1999 « lors de la visite du bien le 17 avril 1999, sous la conduite de votre collaboratrice Mademoiselle A. et en la présence effective de Mme X., il n'a jamais été évoqué de problème de délai de livraison de la part de la propriétaire avec qui nous avons pu nous entretenir. »
Le seul fait que M. B., gérant de l'agent SAINT LYS IMMOBILIER atteste le 12 janvier 2000 que M. et Mme X. lui ont confié la vente de leur propriété, qu'un mandant de vente a été rédigé en date du 10 avril 1999, et qu' « il a été convenu entre les époux X. et lui même que son agence recherche pour eux une [minute page 7] maison, ceux-ci ne souhaitant signer l'acte de vente de leur propriété que lorsqu'ils seraient relogés » n'est pas de nature à établir que l'existence d'une semblable condition ait été imposée d'une part lors de la signature du mandat avec cette agence, ni d'autre part a fortiori à l'agence DELRIEU IMMOBILIER.
En effet le mandat de vente sans exclusivité consenti à l'agence SAINT LYS IMMOBILIER précise « L'entrée en jouissance aura lieu lors de la réalisation de la vente par acte authentique, le mandant déclarant que le fond sera à ce moment-là libre de toute location ou occupation » sans qu'aucune condition tenant à l'acquisition d'un bien ou délai minimum pour la réalisation de la vente ne soit mentionnée. Par ailleurs malgré une sommation de communiquer le mandat de recherche donné par M. et Mme X. à l'agence SAINT LYS IMMOBILIER, seul le mandat de vente précité a été communiqué.
Il sera en outre observé que les deux bons de visite que M. et Mme X. versent aux débats pour étayer leurs dires, sont postérieurs à la signature par M. et Mme Y. de l'acte sous seing privé puisque le premier est en date du 23 avril 1999, le second du 19 juin 1999.
L'introduction par M. et Mme X. d'une procédure de divorce par consentement mutuel le 3 juin 1999, soit près de deux mois après que le mandat de vente en litige ait été donné à l'agence DELRIEU, ne permet pas davantage de caractériser l'existence de sujétions particulières portées à la connaissance du mandataire, ni ne justifie leur refus de ratifier la vente avec M. et Mme Y.
Il ne saurait en conséquence être reproché à l'agence immobilière d'avoir promptement soumis à la signature d'acquéreurs qui souscrivaient sans restriction aux charges et conditions posées par les vendeurs, un acte sous seing privé, compte tenu de l'existence d'un mandat concurremment donné à une autre agence pour ce même bien le 10 avril 1999 à l'agence SAINT LYS IMMOBILIER, alors en outre que la date de libération des lieux a été fixée dans l'acte au 15 novembre 1999, soit près de sept mois après.
Il incombait au contraire à M. et Mme X., s'ils souhaitaient acquérir un nouveau bien ou le faire construire, d'attendre pour donner un ou plusieurs mandats de vente d'être en mesure de libérer leur habitation dans un délai raisonnable ou de faire figurer dans le mandat une condition spécifique tenant à leur relogement.
En effet il résulte de leurs propres écrits que M. et Mme X. n'ignoraient pas que la recherche d'une maison pouvait nécessiter un temps certain, qu'ils estimaient à « plusieurs mois » dans le courrier qu'ils ont adressé à l'agence DELRIEU le 23 avril 1999 soit seulement dix jours après la signature du mandat.
[minute page 8] Ils ont même dans le courrier qu'ils ont envoyé à M. et Mme Y. le 30 mai 1999 indiqué que « le délai proposé dans l'acte sous seing privé (15 novembre 1999) pour la libération des lieux ne seraient jamais compatible avec leur situation actuelle et que la date du 15 novembre 1999 pourrait être maintenue en tant que date la plus imminente si ils trouvaient un pavillon à acheter dès aujourd'hui, mais que dans le cas d'une construction il leur serait impossible de quitter leur propriété vraisemblablement avant décembre 2000. »
Il résulte de ce qui précède que l'agence DELRIEU IMMOBILIER justifie aux débats avoir exécuté le mandat qui lui avait été donné M. et Mme X.
Au contraire M. et Mme X. ne prouvent pas avoir porté à la connaissance de l'agence la condition d'un relogement préalable à la vente de leur bien, ni par voie de conséquence qu'elle ait outrepassé le mandat donné.
La révocation du mandat qu'ils ont signifié à la SARL PALMY par courrier en date du 17 avril 1999 dont il a été accusé réception le 20 avril 1999, ne saurait faire échec aux obligations contractées lors de sa signature le 13 avril 1999, dès lors qu'elle ne pouvait aux termes du contrat survenir avant l'expiration d'un délai de trois mois d'une part, et sous réserve d'un préavis de 15 jours au-delà de ce délai d'autre part.
Le refus de conclure la vente au mépris des termes du mandat donné est en conséquence de nature à engager la responsabilité de M. et Mme X. envers la SARL PALMY, sans qu'il soit besoin d'examiner le grief tiré du fait qu'ils aient directement pris contact avec des acquéreurs présentés par l'intermédiaire du mandataire.
En application des articles 1147 et 1149 du Code Civil M. et Mme X. doivent en conséquence de l'inexécution de leurs obligations être condamnés à réparer le préjudice qui en est résulté pour la SARL PALMY.
Le gain dont l'agence a été privée correspond à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir en exécution du mandat, fixée dans le contrat à la somme de 70.000 francs.
M. et Mme X. seront donc condamnés à payer à la SARL PALMY la somme de 70.000 francs sollicitée à titre de dommages et intérêts.
[minute page 9] Ils seront au contraire déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, l'action intentée par la SARL PALMY à leur encontre étant fondée.
Il serait inéquitable que la SARL PALMY supporte la charge de la totalité des frais non compris dans les dépens, en compris le coût du constat de Maître SISTER qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en justice. M. et Mme X. seront de ce chef condamnés à lui payer la somme de 6.000 francs.
M. et Mme X. qui succombent seront condamnés aux entiers dépens, dont la distraction sera prononcée au profit de Maître MONTEIS.
Succombant, ils seront déboutés de leurs prétentions sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement contradictoire et en premier ressort.
Condamne M. et Mme X. à payer à la SARL PALMY la somme de 70.000 francs à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Condamne M. et Mme X. à payer à la SARL PALMY la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Déboute M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de leurs prétentions au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne M. et Mme X. aux entiers dépens.
Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître MONTEIS.