TGI COLMAR (ch. com.), 10 octobre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 1382
TGI COLMAR (ch. com.), 10 octobre 2002 : RG n° 72001/00198 ; jugement n° 4J/779/02
(sur appel CA Colmar (1re ch. civ. sect. A), 25 janvier 2005 : RG n° 1 A 02/04941)
Extrait : « La société demanderesse soutient que les clauses prévoyant des délais de livraisons sont nulles car elles sont considérées comme des clauses abusives. S'il est exact que de telles clauses ont été considérées comme abusives par la jurisprudence et sont interdites par le Code de la consommation, cette prohibition ne concerne que les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs non professionnels dont elle assure la protection. En aucun cas, elles ne concernent les contrats de vente conclus entre des sociétés commerciales. En l'espèce les parties ont librement convenu que la livraison se ferait dans la semaine 33/34 mais que ce délai n'était qu'indicatif. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR
CHAMBRE COMMERCIALE
JUGEMENT DU 10 OCTOBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 72001/00198. Jugement n° 4J/779/02.
DEMANDERESSE(S) :
SARL BÉTONS ET AGRÉGATS D'ÉTAMPES « BAE »
dont le siège social est [adresse] Représentée par Maître SCHILLE Colette, Avocat postulant au Barreau de COLMAR et Maître SCHBATH avocat plaidant au Barreau de PARIS.
DÉFENDERESSE(S) :
SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES
dont le siège social est [adresse] Représentée par Maître HUNZINGER Christian, Avocat au Barreau de COLMAR
NATURE DU LITIGE : Autres demandes relatives à la vente
DÉBATS : A l'audience publique du 12 septembre 2002
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré : Madame Ch. PALPACUER, Vice-Président - Monsieur C. WEISSE, Juge Consulaire - Monsieur M. GOELER, Juge Consulaire
Greffier présent débats et au prononcé : Madame Anne DAVID, ff [faisant fonction] de Greffier,
Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé publiquement le 10 octobre 2002 par : Madame Ch. PALPACUER, Vice-Président
après avoir à l'audience publique du 12 septembre 2002 entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries et après en avoir délibéré a statué comme suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Faits, procédure et moyens des parties :
Dans le cadre de son activité, la Société BAE qui exploite une centrale de béton, a passé commande d'un châssis cabine IVECO « Eurotrakker » 8 X 4, le 11 avril 2000.
Le véhicule devait être équipé d'une toupie à béton et d'un bras télescopique de 16 mètres.
A cet effet, elle commande le 13 avril 2000 auprès de la Société LIEBHERR le matériel suivant :
- un Kit radiocommandé + vérin
- un tapis transporteur double télescopique
- une bétonnière portée HTM 704 NOCK.
Par acte en date du 6 mars 2001 la société BAE (Bétons et agrégats d'Étampes) a fait assigner devant la présente juridiction la société LIEBHERR Malaxage et Techniques aux fins de la voir condamner sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du Code Civil à lui verser la somme de 253.192,07 Francs (38.598,88 Euros) à titre de dommages et intérêts et celle de 25.000 Francs (3.811,23 Euros) au titre de l'article 700 du NCPC.
Dans ses conclusions récapitulatives du 10 décembre 2001 la Société BAE soutient que la défenderesse n'a pas respecté le délai de livraison indiqué et a livré un matériel non conforme et atteint de désordres qui lui ont causé un grave préjudice.
Elle rappelle qu'elle a saisi le Juge des Référés le 15 novembre 2000 aux fins d'expertise, demande qui a été rejetée.
Elle prétend que la panne qui a affecté la radio-commande, empêchait toute utilisation de l'appareil. En effet pour utiliser la commande manuelle, il faut être dans le véhicule duquel il n'existe pas de visibilité du tapis qu'elle commande.
Il est nécessaire dans cette hypothèse d'être deux.
Elle estime donc avoir subi un préjudice du fait de non fonctionnement de l'appareil provoqué par la panne de la radio-commande.
Elle fait aussi valoir que le véhicule sur lequel était posé le tapis n’était pas aux normes et ne pouvait pas circuler sur les routes sauf en convoi exceptionnel. Elle précise que le tapis fixé par la société LIEBHERR sur le véhicule était décalé de 18 cm par rapport à son axe central rendant ainsi le véhicule trop large. Elle n'a pas pu le déplacer sur les chantiers.
Elle a dû attendre le 20 novembre 2000 pour que la Société LIEBHERR démonte le tapis et le remette en place correctement.
Elle se réfère à l'ordre de montage qui fait état des travaux exécutés le 20 novembre 2000.
Elle indique aussi que le fait que ce soit un représentant et non la société BAE qui ait enlevé le véhicule, ne peut permettre à la défenderesse d'échapper à ses responsabilités. Elle précise d'ailleurs que la société IVECO a effectué la [minute page 3] révision du véhicule avant d'autoriser son utilisation et l'a peint aux couleurs de la société ce qui explique qu'elle ne l'a récupéré que le 27 octobre 2000 et non le 18 octobre 2000.
Elle reproche à la société LIEBHERR d'avoir livré le matériel avec retard et souligne la nullité des clauses du contrat qui prévoient un délai de livraison prévisionnel.
Elle estime que ce retard lui a occasionné un préjudice du fait qu'elle avait entre temps vendu son ancien véhicule qu'elle remit au nouveau propriétaire le 8 septembre 2000.
Elle paya même le prix du véhicule à la Société LIEBHERR dès le 27 octobre 2000.
Elle reproche à la société LIEBHERR de ne jamais l'avoir prévenu du retard qu'il y aurait dans la livraison.
Elle indique avoir été contrainte de louer un autre camion à compter du 8 septembre 2000.
Elle chiffre son préjudice à la somme de 203.192,07 Francs représentant le salaire du chauffeur en septembre et octobre, les factures de location d'un camion et la perte du chiffre d'affaire et à celle de 50.000 Francs pour le préjudice lié au non fonctionnement du véhicule.
Dans ses conclusions récapitulatives du 14 novembre 2001, la Société LIEBHERR conclut au débouté et à l'octroi d'une somme de 3.811,23 Euros au titre de l'article 700 du NCPC.
Elle fait valoir que le porteur IVECO a été acquis directement par la société BAE et que la livraison de la bétonnière était prévue dans la semaine 33-34 pour une arrivée du porteur fin juin.
Le délai était selon elle prévisionnel.
Le matériel était prêt le 18 octobre 2000 et l'enlèvement devait être fait exclusivement par la société BAE de manière à pouvoir passer les instructions d'utilisation.
En réalité l'enlèvement a été fait à la Société LINAS VI le 27 octobre 2000 alors qu'elle l'avait elle-même déposé dès le 18 octobre 2000 chez le concessionnaire IVECO, la Société Linas.
Elle soutient que la panne au niveau de la radio-commande n'empêchait pas le fonctionnement de la bétonnière – ni celle du tapis – qui pouvait être utilisé en commande manuelle.
Elle est intervenue dès le 6 novembre pour remplacer le cordon d'alimentation de la batterie – puis le 13 novembre pour le remplacement de la radio.
Elle estime que ces points auraient pu être vérifiés si l'enlèvement avait eu lieu dans ses locaux.
Elle souligne qu'elle est intervenue sur le gabarit du véhicule qui n'a jamais été immobilisé de ce fait.
Sur le délai de livraison, elle soutient qu'il était prévisionnel et que les clauses prévoyant un délai indicatif sont admises.
Elle soutient que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice et qu'elle doit être responsable de sa légèreté qui l'a conduit à vendre précipitamment son ancien véhicule.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte du bon de commande versé au dossier que le 11 avril 2000 la Société BAE a commandé auprès de la Société LIEBHERR Malaxage et [minute page 4] Technique SAS le matériel suivant :
« - Bétonnière portée HTM 704. NOCK
- tapis télescopique avec radio-commande
- un extincteur. »
Ces éléments devaient être montés sur un porteur IVECO « Eurotrackker » 8 X 4 que la société BAE a acquis auprès de la société LINAS-Véhicule Industriels le 11 avril 2000.
Le délai prévisionnel de livraison indiqué sur le bon était la semaine 33/34 et l'enlèvement devait se faire exclusivement par la société BAE.
La commande était confirmée intégralement par écrit le 13 avril 2000. Le délai de livraison prévisionnel était repris avec la mention « à affiner selon date d'arrivée réelle du porteur ».
Le matériel était facturé le 26 octobre 2000 et livré le 27 octobre 2000.
1) Sur le retard de livraison :
Il ressort des conditions générales de ventes versées au dossier que, la demanderesse ne conteste ni en avoir eu connaissance ni les avoir acceptées, que « le délai de livraison n'est fourni qu'à titre indicatif. Le vendeur s'engage à informer aussitôt l'acheteur d'un éventuel retard... En toutes hypothèses, les parties conviennent d'exclure toute réclamation de dommages et intérêts ou application de pénalités ».
La société demanderesse soutient que les clauses prévoyant des délais de livraisons sont nulles car elles sont considérées comme des clauses abusives. S'il est exact que de telles clauses ont été considérées comme abusives par la jurisprudence et sont interdites par le Code de la consommation, cette prohibition ne concerne que les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs non professionnels dont elle assure la protection.
En aucun cas, elles ne concernent les contrats de vente conclus entre des sociétés commerciales.
En l'espèce les parties ont librement convenu que la livraison se ferait dans la semaine 33/34 mais que ce délai n'était qu'indicatif.
Il est constant que la livraison prévue vers le 15 août a en réalité été effectuée le 27 octobre 2000, soit 2 mois plus tard.
La demanderesse ne saurait arguer de ce retard alors qu'elle ne justifie pas de courriers ou mise en demeure adressées à la défenderesse l'enjoignant de délivrer la chose.
En outre dans son attestation non contestée M. X., Cadre technico-commercial de la société LIEBHERR Malaxage affirme avoir été en contacts avec la société BAE entre le mois d'août et octobre 2000 au sujet des délais de livraison.
Ainsi elle justifie avoir satisfait aux obligations d'information qui étaient les siennes, en application des conditions générales de vente prévoyant que le vendeur devait informer l'acheteur d'un éventuel retard.
En conséquence, la société BAE ne saurait réclamer une indemnisation liée au retard de livraison du matériel.
Il importe peu qu'elle ait procédé à la vente de son ancien véhicule en septembre 2000, vente qu'elle a probablement réalisée d'une manière anticipée [minute page 5] alors qu'elle n'avait pas eu livraison de la bétonnière à cette date et qu'elle était en relation avec la Société LIEBHERR Malaxage sur les délais de livraison du nouvel équipement.
2) Sur le dysfonctionnement du véhicule :
La société BAE verse au dossier un procès verbal de constat de Maître MONNEAU Huissier de Justice à Étampes du 8 novembre 2000 duquel il ressort que le système de télécommande du tapis à béton ne fonctionnait pas. Elle produit aussi « l'ordre de montage » du 20 novembre 2000 attestant des réparations suivantes :
- modification du support du tapis.
- remise en ligne
- découpage, meulage, soudures
- dépose-pose.
La Société BAE reconnaît que l'appareil fonctionnait en commande manuelle de sorte qu'il ne saurait être retenu que cette panne de la radio-commande empêchait l'utilisation de l'engin comme le soutient la demanderesse.
Dès lors que le tapis fonctionnait et même si son utilisation en mode manuel était moins pratique la société BAE ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice de ce fait, étant précisé que la défenderesse a remédié à cet incident dans des délais raisonnables.
En outre, il ne saurait être retenu que l'utilisation manuelle du tapis puisse revêtir un caractère dangereux.
Tout au plus il peut être admis que ce mode opératoire était moins pratique. En conséquence la demande d'indemnisation de la Société BAE ne saurait prospérer de ce chef.
Il en est de même de la non-conformité de l'engin dont le tapis aurait été décalé de 18 cm.
Toutefois la Société BAE ne prouve pas les conséquences de cette anomalie que la défenderesse reconnaît dans ses conclusions.
En effet elle soutient que cette non-conformité a empêché l'engin de rouler mais elle n'apporte aucun élément prouvant une telle allégation.
En outre il est loisible d'imaginer que si l'enlèvement avait eu lieu chez LIEBHERR Malaxage comme prévu dans le contrat, l'anomalie aurait pu être révélée immédiatement et réparée ; que l'on peut aussi s'étonner qu'elle n'ait pas été relevée par la société Linas ou BAE lors de la réception de l'engin qui malgré tout a été déplacé et n'est pas resté immobilisé chez la Société Linas jusqu'à l'intervention de la société LIEBHERR Malaxage.
Ainsi au vu de ces éléments la société BAE doit être déboutée de ses demandes en indemnisation.
L'équité commande d'allouer à la Société LIEBHERR Malaxage, une somme de 1.200 Euros au titre de l'article 700 du NCPC.
La société BAE succombant en ses demandes, devra supporter les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE la société BAE de tous ses chefs de demande.
LA CONDAMNE à payer à la Société LIEBHERR Malaxage une somme de 1.200 Euros au titre de l'article 700 du NCPC.
LA CONDAMNE aux dépens.
Le présent jugement, prononcé en audience publique le 10 octobre 2002, a été signé par Madame Ch. PALPACUER, Vice-Président et Madame Aime DAVID, ff [N.B. faisant fonction] de Greffier.