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TGI NANCY (2e ch. civ.), 20 septembre 2001

Nature : Décision
Titre : TGI NANCY (2e ch. civ.), 20 septembre 2001
Pays : France
Juridiction : TGI Nancy. 2ech. civ.
Demande : 99/04051
Date : 20/09/2001
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 6/07/1997
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 28 septembre 2004
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1450

TGI NANCY (2e ch. civ.), 20 septembre 2001 : RG n° 99/04051

(sur appel : CA NANCY (1ère ch. civ.), 28 septembre 2004 : R.G. n° 01/02699, arrêt n° 1736/04)

 

Extrait : « Attendu qu’il apparaît ainsi que la définition de l’invalidité explicitée dans les conditions générales du contrat, n’est précisée dans la notice d’information remise à M. X. lors de son adhésion que par voie de référence à l’article L. 310 3ème alinéa du Code de la Sécurité Sociale ; Que cette notice, si elle indique expressément que l’invalidité doit être permanente et absolue, ne précise pas que l’assuré doit se trouver dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ; Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 1134 et 1315 du Code civil et R. 140-5 du Code des assurances que les clauses d’un contrat d’assurance de groupe plus restrictives que celles de la notice prévue à l’article R. 140-5 du Code des assurances sont inopposables à l’assuré à moins que l’assureur n’établisse les avoir portées à sa connaissance lors de son adhésion ; Attendu en l’espèce que M. X. fait valoir que seule la notice d’information sus-visée lui a été remise lors de son adhésion à l’exclusion des conditions générales du contrat d’assurance ; Que de son côté, la CNP se borne à affirmer que M. X. a nécessairement été destinataire desdites conditions générales mais qu’elle ne produit aucune justification à l’appui de son affirmation ; Que par ailleurs, il importe peu du point de vue de l’assuré, que l’article L. 312-9 du Code de la consommation fasse peser sur le prêteur l’obligation d’informer l’emprunteur adhérant à l’assurance, des conditions relatives à l’assurance ; que le non respect de cette obligation par le prêteur si elle peut éventuellement être source de responsabilité de celui-ci envers l’assureur, ne peut en aucun cas être opposé à l’adhérent ; Que ce dernier ne peut se voir opposer des conditions d’assurance plus restrictives que celles dont il a eu effectivement connaissance par le biais de la notice d’information prévue à l’article R. 140-5 du Code des assurances ; Attendu dès lors que la CNP ne peut valablement opposer à M. X. qu’il ne remplirait pas la seconde condition prévue par les conditions générales du contrat d’assurance relative à la nécessité pour l’assuré d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 20 SEPTEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G. n° 99/04051. 586 : demande en paiement d’une indemnité d’assurance dans une assurance de personnes.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : Mme GASTON, Statuant par application des articles 801 à 805 du Nouveau Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Mlle LACOUR lors des débats - Mme PAULO lors du prononcé

 

PARTIES :

DEMANDEUR :

M. X.,

demeurant [adresse], représenté par Maître Jean-Guy GAUCHER, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

 

DÉFENDEUR :

CNP ASSURANCES

dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, représenté par Maître DIETMANN-LAURENT Claudine, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

 

Clôture prononcée le : 29 mai 2001. Débats tenus à l’audience du : 08 juin 2001. [minute page 2] Date de délibéré indiquée par le Président : 30 août 2001, 06 septembre 2001, 20 septembre 2001. Jugement prononcé à l’audience du 20 septembre 2001.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 06 septembre 1977, M. X. a souscrit auprès de l’Union Départementale Mutualiste un prêt destiné à l’acquisition et à la rénovation d’une maison. D’une durée de 25 ans, ce contrat devait venir à expiration le 1er janvier 2003. Parallèlement, M. X. a adhéré au contrat d’assurance groupe proposé par La Caisse Nationale de Prévoyance, ci-après dénommée la CNP, ayant pour objet de garantir le remboursement des échéances du prêt en cas de décès de l’assuré ou d’invalidité permanente et absolue survenue avant l’âge de 65 ans.

M. X., qui exerçait le métier de maçon, a cessé totalement son activité professionnelle à partir du 20 novembre 1995, en raison d’un syndrome dépressif, et a été admis à compter de cette date à percevoir de la Caisse des Assurances Vieillesse des Artisans de Lorraine une pension incapacité totale définitive à son métier de maçon à 100 %. Par un jugement du 20 novembre 1997 du Tribunal de l’Incapacité, M. X. a également été admis à bénéficier d’une carte d’invalidité, avec un taux d’invalidité reconnu de 80 %, du 1er juin 1997 au 1er  juin 2002.

La compagnie CNP ayant refusé de prendre en charge le remboursement des échéances du prêt restant dues, M. X., par un acte d’huissier en date du 06 juillet 1997, a assigné cette dernière devant le présent Tribunal afin de voir juger qu’il peut prétendre au bénéfice du contrat d’assurance, et de voir juger en conséquence que la CNP devra prendre en charge la totalité des échéances du prêt à compter du 20 novembre 1995 jusqu’à la date de l’assignation, soit 43 mensualités de 782,15 francs représentant un total de 33.632,45 francs. M. X. a sollicité le bénéfice de l’exécution provisoire et a demandé la condamnation de la CNP aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 4.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par des conclusions récapitulatives déposées le 29 mars 2001, après qu’un jugement du 05 octobre 2000 eut révoqué l’ordonnance de clôture intervenue le 12 septembre 2000, M. X. a maintenu sa demande tendant au bénéfice du contrat d’assurance souscrit auprès de la CNP en l’actualisant à hauteur de 52 mensualités de 782,15 francs soit un  [minute page 3] montant total de 40.671,80 francs.

A l’appui de sa demande, M. X. fait valoir qu’il est en invalidité totale depuis le 20 novembre 1995, que la clause du contrat définissant l’invalidité ouvrant droit au bénéfice de l’assurance doit être déclarée abusive dès lors qu’elle n’ouvre droit au bénéfice de l’assurance qu’à l’adhérent se trouvant dans un état végétatif et que cette clause n’est en conséquence pas conforme au but poursuivi par les parties et en particulier par M. X. lorsqu’il a adhéré au contrat. M. X. fait également valoir que la clause contractuelle litigieuse ne lui est pas opposable par la CNP dés lors qu’en adhérant au contrat, il a simplement eu connaissance d’une notice ne reproduisant pas ladite clause, laquelle ne figure que sur les conditions générales du contrat dont il n’a pas eu connaissance.

Par des conclusions récapitulatives déposées le 30 avril 2001, la compagnie CNP demande au Tribunal, à titre principal de débouter M. X. de l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de la somme de 5.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile. A titre subsidiaire, la compagnie CNP demande que soit ordonnée une expertise médicale de M. X. afin que soit recherché si l’état de santé de ce dernier lui interdit d’exercer une quelconque activité procurant gain ou profit, d’une part, et le met dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance permanente et viagère d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie d’autre part. La compagnie CNP demande par ailleurs la condamnation de M. X. aux dépens.

A l’appui de ses écritures, la CNP fait valoir que M. X. ne remplit pas les conditions stipulées à l’article 1er des conditions générales du contrat d’assurance pour une prise en charge des échéances du prêt au titre de la garantie invalidité permanente et absolue. Elle précise que selon les termes parfaitement clairs de cet article 1er, l’invalidité ouvrant droit au bénéfice de l’assurance consiste dans l’incapacité pour l’assuré d’exercer une profession quelconque pendant tout le reste de sa vie avec l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie et que M. X. n’établit pas se trouver dans une telle situation. La CNP fait valoir que la clause litigieuse ne peut sérieusement être considérée comme abusive dès lors que cette clause est parfaitement claire et donne une définition de l’invalidité 3ème catégorie de la Sécurité Sociale, et dès lors qu’il n’existe pas de discontinuité en l’espèce entre la garantie incapacité temporaire et la garantie invalidité définitive. Enfin, la CNP fait valoir que la notice dont fait état M. X. ne lui était pas destinée mais était destinée aux sociétés de crédit immobilier, que M. X. a nécessairement été destinataire des conditions [minute page 4] générales du contrat d’assurance groupe et qu’en tout état de cause elle ne saurait être tenue pour responsable d’un éventuel défaut d’information de M. X. en vertu de l’article L. 312-9 du Code de la consommation faisant peser l’obligation d’information sur le prêteur, en l’occurrence l’Union Départementale Mutualiste.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2001.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

Attendu qu’aux termes de l’article 1er des conditions générales du contrat d’assurance groupe proposé par la CNP et auquel M. X. a adhéré, l’assurance a pour objet de garantir à l’assuré le paiement du capital restant à amortir au titre du prêt consenti à ce dernier, si pendant le cours de l’assurance, celui-ci décède ou est frappé d’une invalidité permanente et absolue avant l’âge de 65 ans ;

Que cet article définit l’invalidité dans les termes suivants : « une telle invalidité s’entend avec un caractère définitif de celle définie au 3ème alinéa de l’article L. 310 du Code de la Sécurité Sociale : elle consiste dans l’incapacité pour l’assuré d’exercer une profession quelconque pendant tout le reste de sa vie avec l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie » ;

Attendu cependant que cette définition de l’invalidité n’est pas reprise dans des termes identiques par la notice d’information relative à l’assurance, produite aux débats par M. X., notice qu’il a signée en sa qualité de premier assuré au moment de son adhésion, le 27 juillet 1977 ;

Qu’aux termes de cette notice, l’objet de l’assurance est libellé en ces termes :

« Cette assurance a pour objet de garantir le remboursement de la somme restant due, au décès de l’assuré sur le montant d’un prêt consenti conformément à la législation sur les habitations à loyer modéré. »  « La même garantie est accordée sous certaines conditions en cas d’invalidité permanente et absolue de l’assuré, cette invalidité étant appréciée suivant la définition de l’article L. 310 3ème alinéa du Code de la Sécurité Sociale. »

« Cette assurance permet également, en cas d’invalidité temporaire frappant l’assuré avant l’âge de 65 ans, la dispense du paiement des primes. »

[minute page 5] « Elle doit être souscrite au profit de l’organisme qui a prêté son concours à l’opération » ;

Attendu qu’il apparaît ainsi que la définition de l’invalidité explicitée dans les conditions générales du contrat, n’est précisée dans la notice d’information remise à M. X. lors de son adhésion que par voie de référence à l’article L. 310 3ème alinéa du Code de la Sécurité Sociale ; Que cette notice, si elle indique expressément que l’invalidité doit être permanente et absolue, ne précise pas que l’assuré doit se trouver dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ;

Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 1134 et 1315 du Code civil et R. 140-5 du Code des assurances que les clauses d’un contrat d’assurance de groupe plus restrictives que celles de la notice prévue à l’article R. 140-5 du Code des assurances sont inopposables à l’assuré à moins que l’assureur n’établisse les avoir portées à sa connaissance lors de son adhésion ;

Attendu en l’espèce que M. X. fait valoir que seule la notice d’information sus-visée lui a été remise lors de son adhésion à l’exclusion des conditions générales du contrat d’assurance ;

Que de son côté, la CNP se borne à affirmer que M. X. a nécessairement été destinataire desdites conditions générales mais qu’elle ne produit aucune justification à l’appui de son affirmation ;

Que par ailleurs, il importe peu du point de vue de l’assuré, que l’article L. 312-9 du Code de la consommation fasse peser sur le prêteur l’obligation d’informer l’emprunteur adhérant à l’assurance, des conditions relatives à l’assurance ; que le non respect de cette obligation par le prêteur si elle peut éventuellement être source de responsabilité de celui-ci envers l’assureur, ne peut en aucun cas être opposé à l’adhérent ;

Que ce dernier ne peut se voir opposer des conditions d’assurance plus restrictives que celles dont il a eu effectivement connaissance par le biais de la notice d’information prévue à l’article R. 140-5 du Code des assurances ;

Attendu dès lors que la CNP ne peut valablement opposer à M. X. qu’il ne remplirait pas la seconde condition prévue par les [minute page 6] conditions générales du contrat d’assurance relative à la nécessité pour l’assuré d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne ;

Attendu que la demande de M. X. de prise en charge du remboursement du solde de son prêt par la CNP doit s’apprécier au regard des seules conditions stipulées par la notice d’information signée par M. X. ; qu’aux termes de cette notice, l’assuré doit se trouver en situation d’invalidité permanente et absolue ; que le terme « absolue » doit s’entendre comme l’impossibilité pour l’assuré d’exercer une activité professionnelle quelconque, et pas seulement l’activité professionnelle qu’il exerçait lors de son adhésion au contrat d’assurance ;

Attendu que si M. X. produit une attestation du directeur de la Caisse des Assurances Vieillesse des Artisans de Lorraine selon laquelle il est titulaire d’une pension incapacité totale définitive à son métier de maçon à 100 % à effet du 20 novembre 1995, et qu’il bénéficie, en vertu d’un jugement du 20 novembre 1997 du Tribunal de l’Incapacité, d’une perte d’invalidité avec la mention « station debout pénible », avec un taux d’invalidité reconnu de 80 %, l’expert médicale de la compagnie CNP, aux termes d’un rapport du 05 juin 1996, a estimé que M. X. se trouvait lors de son examen dans l’incapacité d’exercer sa profession de maçon, mais qu’il était apte à exercer partiellement une autre activité professionnelle ne comportant pas d’événements stressants ;

Que par ailleurs, M. X. produit un certificat médical en date du 24 février 2000 du Dr. Y.  indiquant que « M. X. a bénéficié d’une intervention de revascularisation myocardique par pontage aorto-coronaire le 17 janvier 2000 et que son état de santé n’autorise plus d’activité professionnelle » ;

Attendu qu’au regard de ces éléments, il apparaît nécessaire d’ordonner une expertise médicale de M. X. afin de déterminer si celui-ci se trouve effectivement dans l’impossibilité d’exercer toute activité professionnelle, et dans l’affirmative, depuis quelle date ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu en l’état de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile et qu’il y a lieu de réserver les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

[minute page 7] DIT et JUGE que la condition de la garantie relative à la nécessité pour l’assuré d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie, prévue par l’article 1er des conditions générales du contrat d’assurance, n’est pas opposable à Monsieur X. et que seule doit s’appliquer la condition prévue par la notice d’information signée par ce dernier le 27 juillet 1977, selon laquelle l’assuré doit se trouver dans l’incapacité permanente d’exercer une profession quelconque.

Avant dire droit, et tous droits et moyens des parties réservés,

ORDONNE une expertise médicale de M. X. confiée au Dr. Z. [adresse], avec pour mission de :

- examiner M. X.,

- se faire communiquer l’ensemble du dossier médical de celui-ci,

- dire si M. X. se trouve ou non dans l’incapacité définitive d’exercer une profession quelconque, et, dans l’affirmative, depuis quelle date, ou s’il ne se trouve que dans l’incapacité d’exercer son métier de maçon,

- répondre aux dires des parties.

FIXE à 2.500 Francs (deux mille cinq cent francs) le montant de la rémunération de l’expert qui devra être consignée entre les mains du Régisseur d’avances et de recettes du Tribunal de grande instance de NANCY, par M. X., avant le 1er novembre 2001, à peine de caducité de la désignation de l’expert.

DIT que de toutes ses opérations et constatations, l’expert dressera un rapport qu’il déposera au secrétariat-greffe de ce Tribunal avant le 02 février 2002 délai de rigueur.

DIT que l’expert pourra se faire communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l’objet par les établissements hospitaliers et les organismes sociaux.

DIT que l’expert pourra s’adjoindre tout sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne.

DIT qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert commis, il sera pourvu à son remplacement d’office par ordonnance du Juge chargé du Contrôle des expertises.

DIT n’y avoir lieu en l’état à application des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

RÉSERVE les dépens.

[minute page 8] Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER                                   LE PRÉSIDENT