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TGI NANCY (1re ch. civ.), 15 novembre 2004

Nature : Décision
Titre : TGI NANCY (1re ch. civ.), 15 novembre 2004
Pays : France
Juridiction : TGI Nancy. 1re ch. civ
Demande : 03/04698
Date : 15/11/2004
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 2/09/2003
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 25 septembre 2007
Numéro de la décision : 1155
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1598

TGI NANCY (1re ch. civ.), 15 novembre 2004 : RG n° 03/04698 ; jugement n° 1155

(sur appel CA Nancy (1re ch. civ.), 25 septembre 2007 : RG n° 04/03670 ; arrêt n° 2070/07)

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. N° 03/04698. Jugement N° 1155.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur Jean-Yves DAVID,

ASSESSEURS : Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Madame Sabine GASTON,

GREFFIER : Madame Maryline GEORGES, aux débats - Mademoiselle Christelle BRENDER, au prononcé

 

PARTIES :

DEMANDEUR :

Monsieur X.

le [date] à [Ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Catherine BOYE, avocat au barreau de NANCY, vestiaire : 22

 

DÉFENDERESSE :

CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [adresse], représentée par SCP WISNIEWSKI & VAISSIER-CATARAME, avocats au barreau de NANCY, vestiaire : 04, SCP KUGLER-LASSERONT, avocats au barreau d'ÉPINAL, vestiaire : ÉPINAL

 

Clôture prononcée le : 1er juin 2004

Débats tenus à l'audience du : 20 septembre 2004

Date de délibéré indiquée par le Président : 18 octobre 2004

Jugement prononcé à l'audience du 15 novembre 2004, nouvelle date indiquée par le Président.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 26 septembre 2002, alors qu'il déjeunait dans une cafétéria à [ville F.], Monsieur X. s'est fait voler son porte-cartes qui contenait deux cartes bancaires, à savoir une carte n° 513XX délivrée par le CRÉDIT AGRICOLE en septembre 2000, venant à expiration le 30 septembre 2002, et une carte n° 513XX2 qui venait de lui être adressée par l'agence du CRÉDIT AGRICOLE de BACCARAT en remplacement de la précédente.

Le 28 septembre 2002, Monsieur X. a déposé plainte pour vol.

Par un acte d'huissier du 2 septembre 2003, Monsieur X. a assigné devant le présent tribunal le CRÉDIT AGRICOLE de LORRAINE aux fins de le voir condamner à lui payer :

- 5.816,60 euros en remboursement des retraits frauduleux effectués avec ses cartes volées,

- 1.000 euros au titre des frais annexes tels qu'intérêts sur débit, agios et frais d'interventions,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

et ce, avec exécution provisoire, outre sa condamnation aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 7 avril 2004, Monsieur X. reprend l'ensemble des demandes formées dans son assignation et conclut au débouté des demandes du CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE.

S'agissant des retraits effectués avec la carte bleue venant à expiration fin septembre 2002, Monsieur X. fait valoir qu'ayant déclaré le vol le 28 septembre 2002, il doit en vertu de l'article 14 du contrat, en sa qualité de titulaire de bonne foi, être remboursé de tous les débits effectués, y compris les frais bancaires supportés.

S'agissant des retraits effectués avec la deuxième carte bleue, Monsieur X. fait a valoir [N.B. conforme à la minute] que n'ayant pas retourné le contrat porteur qui venait de lui être adressé, signé par lui avant le vol, le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE doit être déclaré responsable en vertu de l'article 1147 du Code Civil de l'envoi de cette carte tant qu'elle n'a pas été signée.

Monsieur X. ajoute que la responsabilité du CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE est également engagée dans la mesure où les retraits effectués sont supérieurs au montant autorisé par le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE à son égard.

Par des conclusions déposées le 29 janvier 2004, le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE demande au tribunal, à titre principal de surseoir à statuer en application de l'article 378 du Nouveau Code de Procédure Civile dans l'attente de l'issue de la procédure pénale résultant de la plainte de [minute page 3] Monsieur X., et à titre subsidiaire, de débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes en vertu de l'article L. 132-3 du Code Monétaire et Financier ainsi que des dispositions contractuelles, et de le condamner au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre sa condamnation aux dépens.

Pour conclure au rejet des prétentions de Monsieur X., le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE invoque la faute lourde de celui-ci, tant dans l'utilisation que dans la conservation de ses cartes bancaires, notamment, pour n'avoir formé opposition auprès de la banque que le surlendemain des faits, et fait valoir que cette faute est la cause exclusive du préjudice subi par Monsieur X.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2004.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I. SUR LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER :

Attendu qu'aux termes de l'article 4 § 2 du Code de Procédure Pénale, il est sursis au jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ;

Que la plainte simple ne met pas en mouvement l'action publique ;

Attendu dés lors que la plainte pour vol de carte bancaire déposée par Monsieur X. le 28 septembre 2002 n'ayant pas mis en mouvement l'action publique, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;

 

II. SUR LE FOND DU LITIGE :

Attendu qu'il est constant que les retraits et les prélèvements contestés ont été effectués avec les deux cartes bancaires ;

Attendu qu'en ce qui concerne les retraits et les achats effectués avec la carte n° 513XX2, il convient de relever que cette carte avait été adressée par l'agence de BACCARAT à Monsieur X. dans le courant du mois de septembre 2002, afin de remplacer la carte précédente n° 513XX, accompagnée du contrat porteur carte bancaire ;

Que ce contrat versé aux débats, daté du 5 septembre 2002, ne comporte que la signature du représentant du CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE ;

Que Monsieur X. indique à cet égard que venant de recevoir la nouvelle carte et le nouveau contrat, il n'avait pas encore eu matériellement le temps de retourner celui-ci signé de sa main à l'agence du CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE ;

[minute page 4] Que de son côté, le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE ne produit pas le nouveau contrat portant la signature de Monsieur X. ;

Attendu que s'agissant d'un contrat par correspondance, la formation de celui-ci impliquait une acceptation expresse de l'offre ;

Qu'il s'ensuit qu'à défaut d'acceptation expresse de Monsieur X. par l'apposition de sa signature sur le contrat porteur carte bancaire du 5 septembre 2002, ledit contrat ne peut être considéré comme ayant été valablement formé entre les parties, et ce, nonobstant la circonstance que Monsieur X. ait pris possession de la nouvelle carte n° 513XX2 ;

Qu'en l'absence de contrat, ni les dispositions de l'article L. 132-3 du Code Monétaire et Financier, ni les dispositions contractuelles, particulières et générales, ne sont applicables ;

Que par voie de conséquence, seule la banque est demeurée responsable de l'utilisation frauduleuse de la carte litigieuse ;

Attendu au demeurant que le tribunal ne peut manquer de relever une incohérence dans les modalités de renouvellement de l'ancienne carte de Monsieur X. dés lors qu'ainsi que l'indique le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE lui-même dans ses conclusions, l'ancienne carte n° 513XX venait à expiration le 30 septembre 2002 et que la nouvelle carte n° 513XX2 était néanmoins utilisable dés le 26 septembre 2002, concurremment avec l'ancienne, alors que logiquement la nouvelle carte n'aurait dû être utilisable qu'après l'expiration de l'ancienne carte ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de condamner le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE à rembourser à Monsieur X. les sommes prélevées sur son compte bancaire sur ordres de paiement effectués au moyen de la carte n° 513XX2 ;

Que selon la pièce n° 3 versée aux débats par Monsieur X. (lettre du 6 novembre 2002 de Monsieur X. au CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE.) l'ensemble des retraits s'élève à la somme non contestée de 450 euros, et l'ensemble des prélèvements s'élève à la somme non contestée de 3053,15 euros ;

Qu'il y a lieu dés lors de condamner le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE à payer à Monsieur X. la somme de 3.503,15 euros ;

Attendu que s'agissant des retraits et prélèvements effectués avec l'ancienne carte n° 513XX, il convient de faire application de l'article L. 132-3 du Code Monétaire et Financier qui dispose que le titulaire de la carte « supporte la perte subie, en cas de perte ou de vol, avant la mise en opposition ... dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 [minute page 5] euros », et que « toutefois, s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte, le plafond prévu à la phrase précédente n'est pas applicable », ainsi que des dispositions contractuelles, et notamment de l'article 10 des conditions générales ainsi libellé :

« ARTICLE 10. RESPONSABILITÉ DU TITULAIRE DE LA CARTE

10.1 Principe : le titulaire de la carte doit assurer la conservation de sa carte et de son code confidentiel et l'utiliser conformément aux finalités spécifiées à l'article 2. Il assume, comme indiqué à l'article 10.2, les conséquences de l'utilisation de la carte tant qu'il n'a pas fait opposition dans les conditions prévues aux articles 8 et 9.

10.2 Opérations effectuées avant opposition : elles sont à la charge du titulaire, en cas de perte ou de vol de la carte, dans la limite de 275 euros (et de 150 euros à partir du 1er janvier 2003). Elles sont également à sa charge, mais sans limitation de montant en cas de :

- faute lourde du titulaire,

- opposition tardive c'est à dire non effectuée dans les meilleurs délais et notamment compte tenu des habitudes d'utilisation de la carte par son titulaire,

- utilisation par un membre de sa famille.

10.3 Opérations effectuées après opposition. Elles sont à la charge de l'émetteur, à l'exception des opérations effectuées par le titulaire de la carte.

10.4 Des frais pour mise en opposition de la carte peuvent être perçus par l'émetteur. Le montant de ces frais figurent dans le barème tarifaire portant les conditions générales de banque et dans tout document remis et approuvé par le titulaire de la carte et/ou du compte. Dans le cas où la carte a été mise en opposition pour le motif d'utilisation frauduleuse de la carte ou des données liées à son utilisation, l'émetteur de la carte rembourse au titulaire de la carte (et/ou du compte) la totalité des frais bancaires qu'il a supportés. »

Attendu qu'il ressort tant des écritures que des pièces versées aux débats que le vol des cartes bancaires a eu lieu le 26 septembre 2002 à l'heure du déjeuner et que Monsieur X. n'a formé opposition que le 28 septembre 2002, alors que le 27 septembre 2002 au moment d'aller déjeuner, vers 13 heures, il s'était aperçu qu'il n'avait plus les deux cartes sur lui, et s'était contenté de régler son repas en espèces, de prévenir sa compagne et de procéder à des vérifications et recherches après sa journée de travail pour ne téléphoner à son agence bancaire que le lendemain matin ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que Monsieur X. qui, en vertu de l'article 9-1 des conditions générales du contrat, pouvait former [minute page 6] opposition à tout moment, a fait preuve d'une négligence certaine en attendant près de 24 heures pour faire opposition après s'être aperçu de la disparition de ses cartes bancaires ;

Que cette opposition tardive a pour effet en vertu des dispositions précitées de mettre à la charge de Monsieur X. l'ensemble des opérations effectuées avant l'opposition sans limitation du montant ;

Qu'il s'ensuit que Monsieur X. ne peut qu'être débouté de sa demande en paiement des sommes retirées et prélevées avec sa carte bancaire n° 513XX ;

Attendu que s'agissant de la demande de Monsieur X. en paiement de la somme de 1.000 euros au titre des frais annexes, il n'y a pas lieu d'y faire droit dés lors qu'ainsi qu'il le reconnaît lui-même dans ses conclusions, il a déjà reçu du CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE la somme de 1.080 euros le 27 décembre 2002 à titre de remboursement,

Attendu enfin que Monsieur X. ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral ;

Qu'il y a lieu dés lors de le débouter de sa demande formée de ce chef ;

Attendu que l'exécution provisoire qui est compatible avec la nature du litige sera ordonnée ;

Attendu que le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE, qui succombe partiellement en ses prétentions, sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement des frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et par jugement susceptible d'appel,

DIT n’y avoir lieu à surseoir à statuer.

CONDAMNE le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE à payer à Monsieur X. la somme de 3.503,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

DÉBOUTE Monsieur X. du surplus de ses demandes.

ORDONNE l'exécution provisoire.

CONDAMNE le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 7] CONDAMNE le CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE aux dépens dont distraction au profit de Maître BOYE, avocat.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT