TI RENNES, 8 août 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 1766
TI RENNES, 8 août 2000 : RG n° 99/000815
TRIBUNAL D’INSTANCE DE RENNES
JUGEMENT DU 8 AOÛT 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 8 Août 2000 ;
Sous la Présidence de ISABELLE TARDY-JOUBERT, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance chargé du Tribunal d'Instance, assisté de MARIE THERESE DESBOIS, faisant fonction de Greffier ;
Après débats à l'audience du 11 avril 2000, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR (S) :
FEDERATION DU LOGEMENT DE LA CONSOMMATION ET DE L'ENVIRONNEMENT D'Ille et Vilaine 12, allée de Penmarc'h, 35700 RENNES,
représenté(e) par Maître DESAUNAY, avocat du barreau de RENNES
ET
DEFENDEUR(S) :
SNC FIAT LEASE 98 Bis, rue Edouard Vaillant, 92300 LEVALLOIS-PERRET,
représenté(e) par SCP BERTHAULT, avocat du barreau de RENNES
JUGEMENT
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte d'Huissier en date du 28 mai 1999, la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine (FLCE 35) a fait citer la Société en Nom Collectif FLAT LEASE devant ce Tribunal pour :
A) Voir :
- "Dire et juger illicite la publicité de la S.N.0 FIAT LEASE parue notamment dans les revues l'Equipe Magazine des 27 mars, 24 et 30 avril 1999 et GEO d'avril 1999,
- Dire et juger illicite la publicité télévisée de la S.N.C. FIAT LEASE diffusée notamment le 1er avril sur FR3 à 18 Heures 55.
- Ordonner la cessation immédiate de ces publicités.
- Dire et juger illicite que passé un délai de 7 jours à partir de la signification, toute violation de la présente décision donnera lieu à une astreinte de 25.000,00 Francs par violation constatée" (?).
La Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement 35 fait valoir que les publicités visées sont relatives à des contrats de location de véhicule avec option d'achat, opération de crédit pour laquelle la publicité est soumise aux dispositions de l'article L 311-4 du Code de la Consommation.
Elle reproche à la Société FIAT LEASE de n'avoir porté sur ces publicités aucune des mentions obligatoires prévues à l'article L 311-4.
B) La F.L.C.E. demande par ailleurs au Tribunal de dire que l'offre préalable remise aux consommateurs par FIAT LEASE (un spécimen vierge de cette offre numéroté 11594, édité en Mars 1999 est versé au dossier) comporte les irrégularités suivantes :
I) L'Offre est illicite car :
1°) elle est illisible : les caractères d'imprimerie employés ne respectent cas les exigences de taille du "corps 8",
2°) seul un exemplaire est remis aux co-contractants de FIAT LEASE, même en cas de pluralité de débiteurs,
3°) le modèle type annexé au décret du 24 mars 1978 n'est pas respecté en ce qui concerne la mention de la compétence et du lieu de livraison,
4°) l'offre ne mentionne pas le taux conventionnel d'intérêts, ni le taux de période,
5°) elle ne mentionne pas, avant signature du co-contractant, les mentions obligatoires relatives aux assurances souscrites.
II. L'Offre comporte une clause qualifiée d'abusive par la FLCE 35 à l'article 1b du chapitre Il relatif aux conditions d'exécution du contrat.
III L'Offre comporte un certain nombre de clauses qualifiées d'illicites et abusives par la FLCE 35 aux articles 5 du chapitre 1, 2, 3, 6a, 8 du chapitre 2 relatif aux conditions d'exécution du contrat.
En conséquence, la FLCE 35 demande au Tribunal :
- d'ordonner la cessation de la diffusion et de l'utilisation de l'offre préalable objet des débats telle qu'elle est proposée actuellement aux consommateurs dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 25 000,00 Francs par jour de retard, astreinte dont le Tribunal se réservera la liquidation,
- de condamner la Société en Nom Collectif FIAT LEASE à payer à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine une somme de 200 000,00 Francs afin de réparer le préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs par la diffusion des publicités et de l'offre préalables dénoncées,
- d'ordonner, sous un mois à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 25 000,00 Francs par jour de retard :
* la publication en caractères très apparents (corps 30) d'un extrait du dispositif du jugement aux frais de la défenderesse sous forme de communiqué sous le titre "publication judiciaire", dans les journaux OUEST FRANCE, LE MONDE, LE FIGARO, un samedi,
* la publication sur une page A4, d'un extrait du dispositif du jugement, aux frais de la défenderesse, sous forme de communiqué sous le titre "publication judiciaire", dans les journaux L'EQUIPE MAGAZINE et GEO et dans tous !es autres supports écrits utilisés pour les publicités dénoncées et autant de fois que ces publicités sont parues,
la publication d'un extrait du dispositif du jugement par communiqué sous le titre "publication judiciaire", une minute avant le journal de vingt heures sur TF1 autant de fois que la publicité a été diffusée à la télévision,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- de condamner la Société en Nom Collectif FIAT LEASE à verser à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine une somme de 30.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- de condamner la même aux entiers dépens.
En ce qui concerne les publicités attaquées par la FLCE 35, la Société FIAT LEASE estime les demandes irrecevables, faute d'intérêt à agir, les campagnes visées ayant pris fin avant le 1er juillet 1999, date à laquelle l'affaire est venue pour la première fois à l'audience.
La SNC FIAT LEASE reconnaît le caractère abusif, au regard notamment de la jurisprudence de la Cour de Cassation des clauses incluses à l'article 6-a et à l'article 2 des conditions d'exécution du contrat incriminé.
Elle indique que ces clauses ont été immédiatement rectifiées et produit un exemplaire vierge du nouveau formulaire d'offre préalable établi portant le n° 11 661/1 et la date d'octobre 1999.
Elle estime que les autres griefs invoqués par la FLCE 35 sont injustifiés, et affirme que l'offre litigieuse n'a été utilisée que pour 133 dossiers.
Elle en déduit que la demande de 200.000,00 Francs à titre de réparation présentée par la FLCE 35 est totalement exorbitante, que la publication est sans objet dès lors que les publicités ont cessé et que l'offre a été rectifiée.
Elle demande qu'il lui soit décerné acte de la suppression des 2 clauses litigieuses et conclut au débouté de toutes les autres demandes de la FLCE 35.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DECISION :
A) SUR LES PUBLICITES INCRIMINÉES
Pour qu'une action soit recevable, le demandeur doit justifier d'un intérêt né et actuel, au jour de la demande.
En l'espèce, la demande a été formée le 28 mai 1999 et il n'est pas contesté qu'à cette date les campagnes publicitaires incriminées étaient en cours.
L'action visant à voir déclarer illicites ces publicités est donc recevable.
Aux termes de l'article L 311-4 du Code de la Consommation, toute publicité qui porte sur une opération de crédit visée à l'article L 311-2 doit comporter les mentions obligatoires énumérées à cet article.
La publicité incriminée vise "une nouvelle offre qui intégrerait tous les services essentiels", le nom de cette nouvelle offre étant "FORMULA". Or, l'examen des documents contractuels de l'offre "FORMULA" établit que celle-ci implique nécessairement et exclusivement la souscription par le consommateur d'un contrat de location avec option d'achat.
En effet, la garantie de reprise à 2 ans et le budget "sans surprise pendant 2 ans" ressortent du contrat de location avec option d'achat lui-même.
Par ailleurs, les contrats d'assistance et de maintenance ne peuvent être souscrits que par le locataire d'un véhicule du réseau de distribution FIAT AUTO FRANCE (article 1 conditions générales maintenances et article 1 - préambule de la convention d'assistance).
En conséquence, la publicité faite pour l'offre "FORMULA" est bien une publicité pour une opération de crédit visée à l'article L 311-2 du Code de la Consommation, et, en l'absence des mentions obligatoires prévues à l'article L 311-4 du Code de la Consommation, les publicités incriminées doivent être déclarées illicites.
Les campagnes publicitaires incriminées étant actuellement terminées, il n'y a pas lieu à faire droit à la demande de condamnation sous astreinte.
B) SUR LA LEGALITE DE L 'OFFRE PREALABLE 11594 de MARS 1999
I) Sur le caractère illicite de l'offre
1°) L'exigence du corps 8
La FLCE 35 estime que l'exigence de hauteur des caractères telle que définie à l'article R 311-6 du Code de la Consommation n'est pas respectée dans la mesure où les signes imprimés ont moins de 3 mm de hauteur totale, en partant du point le plus haut au point le plus bas des lettres à hampe (par exemple, du bas du p au haut du 1 de "exemplaire")
La Société FIAT LEASE affirme que l'offre préalable répond aux exigences du corps 8, et qu'à supposer cette exigence non remplie, la seule sanction qui en résulte est la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur, à l'exclusion des sanctions prévues aux articles L 311-34, L 121-1 ou L 213-1 du Code de la Consommation.
Elle en déduit qu'une association de consommateurs n'a pas qualité pour faire sanctionner cette irrégularité, à la supposer établie.
Cependant, l'article L 421-2 du Code de la Consommation donne qualité à l'association de consommateur pour faire cesser des agissements illicites causant un préjudice direct ou indirect aux consommateurs.
A ce titre, la F.L.C.E. 35 a qualité pour faire cesser la diffusion d'offres préalables de crédit qui ne respecteraient pas les dispositions de l'article L 311-8 du Code de la Consommation et seraient ainsi susceptibles de nuire à l'information loyale du consommateur.
Au vu des arguments développés, le point litigieux est de savoir si, dans les usages professionnels en France, un caractère du corps 8 doit avoir 3 mms de hauteur minimum.
Or, la hauteur du caractère se calcule par référence au point Didot (0,375 mm) ou au Point Pica (0,352 mm) ce qui fait que le corps 8 exprimé en points Didot est de 0,375 X 8 = 3 mms et le corps 8, exprimé en points Pica est de 0,352 mm X 8 = 2,8 mms.
Dans la mesure où le corps 8 ne fait l'objet d'aucune norme officielle, l'autorité réglementaire a entendu se référer aux usages professionnels, avec toutes les possibilités d'évolution et de variation qu'ils comportent.
Il doit donc être admis que le contrat effectivement rédigé en corps 8 évalué en points Pica respecte les dispositions de l'article R 31 1-6 du Code de la Consommation.
La demande de la F.L.C.E. 35 sur ce fondement sera rejetée.
2°) Sur le nombre d'exemplaire
La FLCE 35 reproche à la Société FIAT LEASE de ne remettre qu'une seule offre préalable, en double, qu'il y ait un seul emprunteur ou plusieurs co-emprunteurs.
Elle estime que cette pratique est contraire aux articles L 311-8 et L 311-2 du Code de la Consommation et ne permet pas l'exercice, par chaque coemprunteur des facultés d'acceptation ou de rétractation que la loi lui octroie.
La Société FIAT LEASE estime que la FLCE 35 ajoute ainsi à la loi, et que l'article L 31 1-8 est parfaitement respecté.
L'offre préalable matérialisée par la liasse 11594 (3/99) critiquée par la FLCE 35 comporte 4 exemplaires identiques. Après acceptation par le locataire, et éventuellement le co-locataire, ceux-ci disposent encore d'un exemplaire chacun, numérotés 2/4 et 3/4 dans la liasse, et chacun de ces deux exemplaires comporte un formulaire de rétractation pré-imprimé et facilement détachable.
Il s'ensuit que les dispositions de l'article L 311-8 qui visent à voir l'offre présentée en suffisamment d'exemplaires pour que le contrat une fois conclu reste en original en possession de chaque co-contractant sont parfaitement respectées en l'espèce.
3 °) Sur la non conformité au modèle type annexé au décret du 24 mars 1978, en ce qui concerne le Tribunal territorialement compétent :
La FLCE 35 reproche au contrat FIAT d'indiquer la compétence du Tribunal du lieu d'exécution du contrat et non, comme le prévoit le modèle type le lieu de livraison de la chose ou d'exécution de la prestation de service. Ce reproche est totalement infondé dans la mesure où le lieu d'exécution du contrat et le lieu de livraison de la chose sont deux notions parfaitement équivalentes et qui assurent de manière fiable et complète l'information du consommateur, ainsi que le fait remarquer la Société FIAT LEASE.
4°) Absence de mention du taux contractuel.
La FLCE 35 estime que l'offre est illicite dans la mesure où elle ne mentionne ni le taux contractuel ainsi que le prévoit l'article 1907 du Code Civil, ni le taux de période prévu à l'article L 313-1 du Code de la Consommation.
La Société FIAT LEASE fait observer à juste titre que les articles 1907 du Code Civil et L 313-1 du Code de la Consommation n'ont pas vocation à s'appliquer à un contrat qui ne peut être juridiquement qualifié de prêt.
Par ailleurs, si la FLCE 35 se réfère à la recommandation CCA n ° 86-01, sur les contrats de location vente, qui souhaite que l'offre préalable fasse apparaître pour ce type d'opération un taux d'intérêt calculé de façon analogue au taux effectif global, force est de constater que la mise en oeuvre de cette recommandation suppose préalablement une intervention législative ou réglementaire pour être imposé aux organismes financiers.
Au surplus, la FLCE 35 n'explique nullement en quoi consiste le "déséquilibre significatif" qu'elle invoque.
En conséquence, la clause n'est ni illicite, puisque les dispositions visées ne sont pas applicables au contrat "FORMULA", ni abusive puisqu'aucun déséquilibre significatif n'est caractérisé.
5 °) Sur les mentions relatives à l'assurance facultative.
La FLCE 35 reproche à FIAT LEASE de ne pas avoir intégré textuellement la mention relative à l'assurance facultative figurant au modèle type n° 8, et relative à l'information du consommateur sur le contenu de l'assurance souscrite.
Cependant, c'est à juste titre que la Société FIAT LEASE fait observer que les mentions de l'offre "FORMULA" donnent une information similaire et que la reproduction servile des modèles type n'est nullement exigée.
Dès lors, ce moyen doit être rejeté.
II) Sur le caractère abusif de la clause de l'article 1 b chapitre 2 des conditions générales de l' offre
Cet article prévoit qu'au cas où il refuserait de prendre en charge le véhicule, le consommateur « s'engage à signer avec le vendeur un procès-verbal de refus de prise en charge mentionnant très explicitement les motifs et circonstances de ce refus.
Le locataire l'adressera au loueur en recommandé. Le locataire ne devra en aucun cas, sauf à engager sa responsabilité conserver ce véhicule.
Dans l'hypothèse où le vendeur se refuserait à l'établissement du procès-verbal de refus de prise en charge, il appartient au locataire, dans les 48 heures, de requérir un huissier afin de dresser constat et de faire dénoncer le contrat au vendeur ainsi qu'au livreur. Si le locataire s'abstenait de signer l'un ou l'autre de ces procès-verbaux, il serait réputé avoir accepté et pris en location le véhicule livré, aux conditions du contrat ».
La FLCE 35 affirme que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, sans expliquer en quoi ce déséquilibre consiste, si ce n'est en affirmant que le délai de 48 heures est trop bref.
La Société FIAT LEASE estime que cette clause est stipulée dans l'intérêt du locataire qui peut ainsi faire constater que l'obligation de délivrance d'un véhicule conforme à la commande n'est pas remplie, et veiller à la conformité du contrat de vente liant le bailleur au vendeur.
La Société FIAT LEASE estime en effet que le consommateur est, jusqu'à la livraison du bien, mandataire du bailleur auprès du vendeur, et est donc tenu, en tant que tel, conformément aux dispositions des articles 1984 et suivants du Code Civil de dommages et intérêts en cas d'inexécution de son mandat.
De fait, il est admis, dans le cadre du contrat de location avec option d'achat, que le locataire soit le mandataire du bailleur dans les relations qui lient ce dernier au vendeur.
Cela permet au locataire d'exercer les droits et actions du bailleur contre le vendeur en cas de non conformité du bien loué, de vice caché, et de bénéficier pleinement des dispositions protectrices de l'article L 311-20 et suivants du Code de la Consommation.
En conséquence, la clause incriminée n'apparaît pas abusive, sauf à réserver le problème de la charge définitive des frais d'exécution du mandat, qui, au vu des dispositions contractuelles des paragraphes 1 et 2 du chapitre 2 sont à la charge du locataire-mandataire, contrairement aux articles 1999 et suivants du Code Civil et alors que le mandat est exercé à titre gratuit, ce point n'ayant pas été soumis au débat dans le cadre du présent litige.
III Sur le caractère abusif et illicite des clauses 5 du chapitre 1, 2, 3, 6a, 8 du chapitre 2 de l'offre
Il convient de donner acte à la société FIAT LEASE de ce qu'elle reconnaît le caractère abusif :
- de la clause 2 du chapitre 2 stipulant qu'aucune cause, même fortuite ou de force majeure ne peut interrompre, suspendre ou résilier le contrat.
- de la clause 6a du chapitre 2 stipulant que le locataire reste tenu de la valeur vénale du véhicule et des indemnités de résiliation en cas de vol ou de destruction totale du véhicule.
Ces clauses ont effectivement un caractère abusif, et sont incluses au contrat en contradiction avec la Recommandation des Clauses Abusives publiée depuis le 11 mars 1986 pour ce type de contrat, et la jurisprudence de la Cour de Cassation.
En ce qui concerne les autres clauses dénoncées par la FLCE 35 :
- L'article 5 du chapitre 1 stipule :
« Le loueur se réserve le droit de résilier le contrat à tout moment et notamment dans les cas suivants inobservation des conditions générales ou particulières du contrat, non paiement d'un loyer ou d'une prime d'assurance à son échéance, redressement ou liquidation judiciaire, faillite, déconfiture, dissolution de la société ou cession du fonds de commerce, mise en péril de ses droits, décès, défaut de déclaration de sinistre. »
La FLCE 35 estime que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors qu'elle permet au bailleur de résilier le contrat à tout moment et notamment en cas de cessation d'activité ou de décès, ce qui ne se justifie nullement si ces évènements ne se traduisent pas par un arrêt des paiements.
Elle estime en outre que cette clause est illicite, dans la mesure où elle aggrave la situation du locataire par rapport aux dispositions du modèle type n° 8 qui prévoit que la résiliation ne peut intervenir que pour le non paiement des loyers ou le non respect d'une obligation essentielle du contrat.
La Société FIAT LEASE estime que cette clause n'entraîne pas de déséquilibre puisque l'opération de crédit aurait alors un caractère professionnel et échapperait aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du Code de la Consommation.
Elle estime en outre, s'agissant du décès, que la clause ne peut avoir un caractère abusif, dès lors que l'article L 311-16 prévoit l'agrément de la personne de l'emprunteur et que le contrat conclu l'est bien "intuitu personne".
Il apparaît cependant que la clause est critiquable du fait de sa généralité, puisqu'elle permet la résiliation unilatérale par le prêteur "à tout moment, et notamment..."
Par ailleurs, si l'on admet que la clause relative aux évènements affectant la vie d'une société ou d'un fonds de commerce s'applique uniquement aux contrats conclus à titre professionnel, pour les nécessités de l'exercice d'une profession, Ce qui n est nullement précise, cette clause se heurte aux dispositions d’ordre public de la loi du 25 janvier 1985 qui prévoit la continuation des contrats en cas de règlement judiciaire.
Enfin, si l'existence d'un "intuitu personae" pouvait justifier l'insertion d'une clause prévoyant l'agrément de l'héritier, il n'en reste pas moins que le décès du locataire est un évènement de force majeure et que la clause incriminée qui prévoit, dans tous les cas de résiliation unilatérale par le bailleur, la possibilité pour celui-ci d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non payés, une indemnité de résiliation importante crée entre les parties un déséquilibre significatif.
Dès lors, la généralité de la clause qui met la poursuite des relations contractuelles à la discrétion du bailleur, et peut amener celui-ci, pour des motifs même mineurs (inobservation d'une quelconque clause contractuelle) à priver le locataire de son option d'achat, et à lui réclamer une indemnité substantielle de résiliation alors même qu'aucune faute ne serait imputable au locataire, et que celui-ci, ou ses héritiers, auraient continué d'honorer leur obligation essentielle au paiement des loyers, crée un déséquilibre majeur au détriment du consommateur qui doit conduire à déclarer cette clause abusive et à en ordonner la suppression sous astreinte.
- L'article 3 du chapitre II stipule :
« En cas de retard dans le paiement, et sans préjudice des dispositions du contrat, il sera dû ipso facto, par le locataire, dès l'instant où l'échéance n'aura pas été honorée, un intérêt de retard au taux légal majoré de quatre points, calculé sur le montant du loyer impayé, somme réputée portable et non quérable ».
La FLCE 35 estime que cette clause viole les dispositions de l'article L 311-32 et doit être déclarée illicite.
La société FIAT LEASE fait remarquer qu'en application de l'article D 311-12, la pénalité maximum est fixée, en cas de report d'échéance à 8 % de l'échéance due et que la clause litigieuse est en deçà de ce maximum.
Cependant, le mécanisme de l'article D 31 1-12 est indemnitaire, et la somme due est forfaitaire, alors que la somme due en exécution de la disposition contractuelle incriminée varie suivant la durée du retard et peut, au cas où le retard se prolonge, aboutir à mettre à la charge du locataire une somme supérieure au maximum légal.
Cette clause doit en conséquence, être déclarée illicite.
L'article 8 du chapitre 2 stipule :
« Le locataire devra restituer le véhicule dans l'établissement du vendeur ayant livré le véhicule ou en tout autre endroit qui lui aura été indiqué par le loueur. Les frais et risques de restitution du véhicule, en cas de résiliation du contrat ou au terme de la location sont à la charge entière et exclusive du locataire. »
Le fait de laisser à la discrétion totale du bailleur le lieu de restitution, tout en faisant supporter au locataire l'intégralité des frais et risques de la restitution crée un désavantage significatif au détriment du locataire.
La clause qui est abusive, doit être supprimée, sous astreinte.
« Le locataire garantira le loueur contre toute réclamation émanant de tiers acquéreur du véhicule à raison de tous vices cachés ou défauts de ceux-ci constatés postérieurement à la vente dudit véhicule, qui n'auraient pas fait l'objet d'une notification écrite du locataire au loueur lors de la restitution du véhicule ».
Cette clause aboutit à transférer au locataire les obligations qui incombent au bailleur, vendeur du véhicule vis-à-vis du tiers acquéreur, et ce, sans aucune contrepartie financière.
De plus, elle met à la charge du locataire qui décide de ne pas lever l'option, une obligation impossible puisque celui-ci ne saurait notifier par écrit d'éventuels vices cachés que par hypothèse il ignore.
Cette clause est abusive.
« En cas de retard dans la restitution du véhicule, le locataire devra au loueur pour chaque mois de retard commencé, une indemnité d'utilisation égale au montant de l'intégralité du dernier loyer mensuel facturé majoré de 20 % ».
Il s'agit d'une clause pénale, susceptible d'être modulée par le Juge. Elle est justifiée par un retard, c'est-à-dire une faute du locataire dans l'exécution de son obligation de restituer à l'expiration du contrat.
Cette situation n'est pas visée par les articles L 311-31 et L 311-32 et ne crée pas un déséquilibre préjudiciable au locataire.
« Taux d'usure maximum admis : éléments mécaniques : moteur et boîte de vitesse : 50 % transmission et embrayage : 80 % éléments de sécurité : amortisseurs du châssis et freins : 80 % pneumatiques et direction : 50 %.
Accidents : si l'examen contradictoire montre que le véhicule a été accidenté, il sera procédé à l'étude de la qualité des réparations effectuées : alignement du châssis, qualité des soudures, qualité des réparations de tôlerie et teinte des peintures, qualité des organes remplacés (pièces d'origine). Si /es réparations n'ont pas été faites dans les règles de l'art, ou sont défectueuses pour une raison quelconque, il y sera remédié aux frais du locataire. »
La FLCE 35 n'explique pas en quoi les taux de vétusté convenus contractuellement créeraient un déséquilibre significatif entre les parties.
Par contre, la clause relative aux réparations qui s'avèreraient insuffisantes à la suite d'un accident, doit être rapprochée de la clause 6a du chapitre 1 prévoyant expressément une délégation au loueur des indemnités versées en couverture des dégâts subis par le véhicule loué.
Il apparaît ainsi qu'en cas d'accident, le locataire doit faire réparer le véhicule à ses frais et que le remboursement des frais de remise en état est à la discrétion du bailleur.
Il en résulte que le bailleur peut à la fois limiter les sommes qui seront affectées à la réparation du bien à l'époque de l'accident, et exiger, lors de la reprise du véhicule, que ces mêmes réparations soient reprises aux frais du locataire.
Cette clause crée manifestement un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et doit donc être déclarée abusive.
C) SUR LES DEMANDES EN REPARA TION
L'offre "FORMULA" éditée en octobre 1999 comporte quelques modifications par rapport à la version de Mars 1999. Il reste cependant que le contrat proposé aujourd'hui au consommateur est globalement le même et comporte des clauses illicites ou abusives dont la suppression doit être ordonnée, sous astreinte provisoire de 5 000,00 Francs par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de trois mois après la signification de la présente décision.
Les mesures d'affichage et de publication sollicitées sont expressément prévues, à titre de réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, par l'article L 421-9 du Code de la Consommation.
Les mesures de publication paraissent en effet particulièrement opportunes pour alerter le consommateur sur le contenu réel des opérations qui iui ont été présentées dans le cadre de la campagne publicitaire ''Offre FORMULA" et les irrégularités que présente cette offre de financement, et prévenir ainsi tout préjudice né d'une méconnaissance des engagements exigés du consommateur.
Il y a lieu d'ordonner l'insertion du dispositif du présent jugement, aux frais de la société FIAT LEASE FRANCE dans OUEST FRANCE, édition du samedi, et dans L'EQUIPE MAGAZINE durant trois semaines consécutives, suivant les modalités prévues au dispositif.
Ces publications apparaissent suffisantes au regard du préjudice causé, et la diffusion télévisée du même texte, dont le caractère médiatique n'est pas certain, n'apparaît pas opportune.
Les autres demandes au titre de la publicité seront donc rejetées.
La réparation du préjudice collectivement subi par les consommateurs doit aussi être pris en compte dans sa dimension financière dès lors que, pour parvenir à faire face à sa mission légale, la FLCE 35 doit engager des moyens humains et techniques importants.
Or, si la société FIAT LEASE prétend que l'offre éditée en mars 1999 n'a abouti qu'à 133 contrats, elle ne prouve nullement son affirmation.
De plus, la nouvelle édition produite, datée d'octobre 1999, comporte elle aussi plusieurs irrégularités, au regard d'une réglementation ancienne (1978) parfaitement connue des professionnels et clairement explicitée par une recommandation de la Commission des Clauses Abusives qui, bien que publiée à l'initiative de l'Autorité Publique en 1986, n'a pas été prise en compte par la SNC FIAT LEASE 14 ans après.
L'action associative apparaît ainsi le seul moyen, en l'absence d'une autodiscipline du professionnel, de poursuivre la réparation du préjudice subi par les consommateurs, au regard du déséquilibre existant lors de la formation du contrat entre un particulier et un organisme de crédit doté d'un puissant service juridique qui, dans le cadre d'un contrat d'adhésion impose au consommateur des clauses soigneusement élaborées dont celui-ci ne peut discuter le contenu, ni même le plus souvent apprécier l'exacte portée.
Il convient en conséquence, compte tenu du coût financier et humain inhérent à la collecte des informations et aux études juridiques nécessaires à la mise en oeuvre de l'action entreprise par la FLCE 35 à l'égard de la société FIAT LEASE FRANCE d'allouer à la demanderesse 10 000,00 Francs au titre de son préjudice.
L'exécution provisoire compatible avec la nature de l'affaire sera ordonnée en ce qui concerne la suppression sous astreinte des clauses abusives.
Les frais inhérents à la procédure en justice elle-même et non compris dans les dépens justifient l'allocation à la FLCE 35 d'une somme de 3 000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société FIAT LEASE qui succombe, supportera les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement, et en Premier Ressort,
DIT RECEVABLE l'action de la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine à l'encontre de la Société en Nom Collectif FIAT LEASE FRANCE au sujet des campagnes publicitaires "FORMULA" en cours à la date du 28 mai 1999,
DIT que les publicités pour l'offre "FORMULA" visent une opération de crédit au sens de l'article L 31 1-2 du Code de la Consommation,
DECLARE ILLICITES les publicités de la Société FIAT LEASE parues notamment dans les revues L'EQUIPE MAGAZINE des 27 mars, 24 avril, 30 avril 1999 et GEO d'avril 1999 ainsi que la publicité télévisée parue notamment le 1 er avril 1999 à 18 Heures 55 sur FR3,
DONNE ACTE à la S.N.C. FLAT LEASE de ce que ces publicités ont aujourd'hui cessé,
DONNE ACTE à la S.N.C. FIAT LEASE FRANCE de ce qu'elle reconnaît le caractère ABUSIF :
- de la clause 2 du chapitre 2 stipulant qu'aucune cause, même fortuite ou de force majeure ne peut interrompre, suspendre ou résilier le contrat.
- de la clause 6a du chapitre 2 stipulant que le locataire doit payer la valeur vénale du véhicule et des indemnités contractuelles de résiliation en cas de vol ou de destruction totale du véhicule.
DECLARE :
* ABUSIVE la clause 5 du chapitre 1 réservant au loueur le droit de résilier le contrat à tout moment, notamment en cas de règlement judiciaire ou décès du locataire.
* ILLICITE la clause 3 du chapitre II prévoyant un intérêt au taux légal majoré de 4 points sur chaque échéance impayée, et sans limitation de durée.
* ABUSIVE la clause 8 du chapitre 2,
- en ce qu'elle laisse à la discrétion du bailleur le lieu de restitution du véhicule, tout en faisant supporter les frais et risques au locataire.
- en ce qu'elle transfère sur le locataire les obligations légales du bailleur à l'égard du tiers acquéreur du véhicule à l'issue du contrat.
- en ce qu'elle impute au locataire la reprise de réparations résultant d'accidents antérieurs du véhicule alors que FIAT LEASE perçoit contractuellement les indemnités d'assurance afférentes auxdits accidents.
ORDONNE la suppression de ces clauses sur les offres préalables de location avec option d'achat proposées au consommateur par la SNC FIAT LEASE FRANCE dans un délai maximum de trois mois à partir de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte non définitive de CINQ MILLE FRANCS (5 000 F) par jour de retard.
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement sur ce point.
ORDONNE l'insertion du dispositif du présent jugement jusqu'au paragraphe précédent aux frais de la Société FIAT LEASE FRANCE, rédigé en caractères du corps 10 pour l'ensemble du texte, et du corps 16 pour les mots FIAT LEASE et FORMULA :
- dans l'Equipe Magazine, durant trois semaines consécutives,
- dans l'édition de "OUEST FRANCE" d'un samedi, pages économiques et sociales.
DIT que la SNC FIAT LEASE FRANCE devra faire effectuer cette publication dans le délai maximum de quatre mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai sous astreinte de 5 000 Francs par jour de retard.
CONDAMNE la SNC FIAT LEASE FRANCE à payer à la FLCE 35 la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 F) à titre de dommages et intérêts
CONDAMNE la SNC FIAT LEASE FRANCE à payer à la F.L.C.E. 35 la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 F) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DEBOUTE la F.L.C.E. 35 de ses autres demandes.
CONDAMNE la SNC FIAT LEASE FRANCE aux dépens de la procédure.
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE, LE VINGT SIX JUIN DEUX MILLE. ET NOUS AVONS SIGNE AVEC LE GREFFIER