CASS. COM., 13 mars 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1865
CASS. COM., 13 mars 2001 : pourvoi n° 98-21912 ; arrêt n° 519
Extrait : « Mais attendu que les dispositions de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978, devenu l’article L. 132-1 du Code de la consommation ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu’ayant relevé que la société G.M. avait conclu le contrat de crédit-bail pour les besoins de ses activités, et avait souscrit un contrat d’assurances la garantissant contre les risques de vol, ce dont il résultait qu’elle en avait prévu l’éventualité dès la conclusion de la convention, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 13 MARS 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 98-21912. Arrêt n°519.
DEMANDEUR à la cassation : Société G.M.
DÉFENDEUR à la cassation : société Loca Din - Groupe Azur-Assurances Mutuelles de France
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société G.M., société à responsabilité limitée, dont le siège est […], en cassation d’un arrêt rendu le 25 juin 1998 par la cour d’appel de Versailles (13e chambre civile), au profit : 1°/ de la société Loca Din, société anonyme, dont le siège […], 2°/ du Groupe Azur-Assurances Mutuelles de France, dont le siège est […], défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 30 janvier 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de Maître Choucroy, avocat de la société G.M., de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la société Le Groupe Azur Assurances Mutuelles de France, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Loca Din, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 25 juin 1998), que par contrat de crédit-bail, la société G.M. (société G.M.) a loué un véhicule fourgonnette à la société Loca Din ; que ce véhicule, dérobé au cours de l’été 1993, a été retrouvé le 10 septembre 1993 ; que le gérant de la société G.M. a déposé plainte pour vol le 13 septembre 1993, et a avisé la compagnie Groupe Azur - Assurances Mutuelles de France (compagnie Azur) le 15 septembre 1993 ; que n’étant pas indemnisé de ce sinistre, la société Loca Din a poursuivi judiciairement en paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation la société G.M. qui a appelé en garantie la compagnie Azur ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société G.M. fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer une certaine somme à la société Loca Din, alors, selon le moyen, qu’en vertu de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 - dont les dispositions ont été insérées sous l’article L. 132-1 ancien du Code de la consommation - applicable en la cause, constituent des clauses abusives devant être réputées non écrites notamment les conditions de résiliation d’un contrat traduisant un abus de puissance économique de l’organisme professionnel qui les a imposées à son cocontractant en vue d’en obtenir un avantage excessif ; qu’en l’espèce, la société Loca Din, professionnel rompu dans la pratique du crédit-bail portant notamment sur des véhicules pouvant être loués indistinctement à usage privé ou professionnel, lui avait imposé une clause manifestement abusive, puisque stipulant, en cas de résiliation de plein droit pour « sinistre total ou vol », qu’« à défaut ou insuffisance » du prix de vente de l’épave du véhicule ou des indemnités de sinistre, « le locataire indemnise lui-même le bailleur à concurrence de la valeur vénale du bien avant sinistre » ; qu’il y avait donc là matière à avantage excessif dans la mesure où le preneur se voyait contraint à supporter la totalité des risques de perte ou de détérioration de la chose louée y compris par suite d’un événement imprévisible ; qu’il importait peu dans ces conditions que le véhicule loué fût à usage de l’activité de rénovation de l’immobilier de la société locataire, devant être considérée comme un non-professionnel par rapport à l’établissement de crédit-bail ; que l’arrêt a donc violé pour refus d’applicatoin le texte précité ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que les dispositions de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978, devenu l’article L. 132-1 du Code de la consommation ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu’ayant relevé que la société G.M. avait conclu le contrat de crédit-bail pour les besoins de ses activités, et avait souscrit un contrat d’assurances la garantissant contre les risques de vol, ce dont il résultait qu’elle en avait prévu l’éventualité dès la conclusion de la convention, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société G.M. reproche à l’arrêt d’avoir rejeté la demande en garantie formée contre la compagnie Azur, alors, selon le moyen :
1°) qu’il résulte du récépissé de la déclaration de vol du véhicule émanant des autorités locales de police, daté du 13 septembre 1993 et communiqué à l’assurance le 15 septembre 1993 dans le délai contractuel de deux jours, que son gérant qui était seul compétent pour le faire a déposé plainte pour vol, d’où il suit que, comme le rappelaient ses conclusions, cette société avait satisfait à ses obligations d’aviser le plus tôt possible les autorités de police et déposé plainte - ce qui ne pouvait être le fait du frère du gérant qui avait découvert le véhicule volé le 10 septembre 1993 ; que l’arrêt a donc violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ;
2°) que dans la mesure où la déclaration de vol était l’objet d’un récépissé émanant de la police locale avec mention que la plainte était transmise à M. le procureur de la République de Meaux, l’arrêt ne pouvait présumer que la matérialité du vol était incertaine à partir d’indices non significatifs à exclure de manière certaine l’existence de ce vol, en sorte qu’il ne pouvait non plus lui reprocher de n’avoir pas respecté ses obligations à l’égard de la compagnie d’assurances ; que l’arrêt a donc violé encore ces mêmes textes légaux ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que, sous couvert de griefs de violation de la loi, le pourvoi ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve dont ils étaient saisis ; que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société G.M. aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société G.M. à payer à la société Loca Din et à la compagnie Le Groupe Azur-Assurances Mutuelles de France la somme globale de 14.000 francs ou 2.134,29 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Choucroy, avocat aux Conseils pour la Société G.M.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société G.M., exposante, à payer à la Société LOCA DIN la somme de 91.703,67 Francs avec intérêts de droit depuis l'assignation ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 7 du contrat de crédit-bail conclu entre ces deux sociétés, portant sur un véhicule tout à la fois objet d'une déclaration de vol par le locataire et accidenté, la location est résiliée de plein droit ; que la Société LOCA DIN n'ayant reçu aucune indemnisation de la Compagnie d'Assurances peut se prévaloir de l'article 7 du contrat de crédit-bail qui prévoit qu'à défaut de paiement des indemnités d'assurance ou de leur insuffisance, le locataire doit indemniser le bailleur ; qu'en effet cette clause n'est pas abusive et ne peut être annulée par l'application du Code de la Consommation, comme étant insérée dans un contrat conclu par un commerçant pour les besoins de son activité ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, en vertu de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 - dont les dispositions ont été insérées sous l'article L. 132-1 ancien du Code de la Consommation - applicable en la cause, constituent des clauses abusives devant être réputées non écrites notamment les conditions de résiliation d'un contrat traduisant un abus de puissance économique de l'organisme professionnel qui les a imposées à son cocontractant en vue d'en obtenir un avantage excessif ; qu'en l'espèce, la Société LOCA DIN, professionnel rompu dans la pratique du crédit-bail portant notamment sur des véhicules pouvant être loués indistinctement à usage privé ou professionnel, avait imposé à la Société G.M. une clause manifestement abusive, puisque stipulant, en cas de résiliation de plein droit pour « sinistre total ou vol », qu’« à défaut ou insuffisance » du prix de vente de l'épave du véhicule ou des indemnités de sinistre, « le locataire indemnise lui-même le bailleur à concurrence de la valeur vénale du bien avant sinistre » ; qu'il y avait donc là matière à avantage excessif dans la mesure où le preneur se voyait contraint à supporter la totalité des risques de perte ou de détérioration de la chose louée y compris par suite d'un événement imprévisible ; qu'il importait peu dans ces conditions que le véhicule loué fût à usage de l'activité de rénovation de l'immobilier de la société locataire, devant être considérée comme un non-professionnel par rapport à l'établissement de crédit-bail ; que l'arrêt a donc violé pour refus d'application le texte précité.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société G.M., exposante, de sa demande en garantie à l'encontre de la Compagnie d'Assurances AZUR - ASSURANCES IARD, venant aux droits du GROUPE AZUR - MUTUELLES DE FRANCE ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE si la déclaration du sinistre vol paraît avoir été effectuée auprès de la Compagnie d'Assurances dans le délai prévu au contrat, par contre l'obligation d'aviser les autorités locales de police et de déposer plainte dans les vingt-quatre heures n'a pas été respectée ; que surtout il n'est pas établi qu'un vol a réellement eu lieu, la police n'ayant effectué aucun constat, mais relatant seulement les déclarations de Monsieur X., gérant de la Société G.M. ; que cette déclaration comporte de surcroît de nombreuses invraisemblances et ne concorde pas avec le fait établi avec certitude qu'un accident de la circulation a eu lieu le 11 septembre 1993 avec le véhicule prétendument hors d'état de rouler et garé dans un dépôt de [ville S.] depuis le 10 septembre 1993 ; que la Société G.M. n'ayant pas ainsi respecté ses obligations à l'égard de la Compagnie d'Assurances, doit être déboutée de sa demande en garantie ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte du récépissé de la déclaration de vol du véhicule émanant des autorités locales de police, daté du 13 septembre 1993 et communiqué à l'assurance le 15 septembre 1993 dans le délai contractuel de deux jours, que le gérant de la Société G.M. qui était seul compétent pour le faire a déposé plainte pour vol, d'où il suit que, comme le rappelaient les conclusions de l'exposante, cette société avait satisfait à ses obligations d'aviser le plus tôt possible les autorités de police et déposé plainte - ce qui ne pouvait être le fait du frère du gérant qui avait découvert le véhicule volé le 10 septembre 1993 ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134 et 1315 du Code Civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, dans la mesure où la déclaration de vol était l'objet d'un récépissé émanant de la police locale avec mention que la plainte était transmise à Monsieur le Procureur de la République de [ville M.], l'arrêt ne pouvait présumer que la matérialité du vol était incertaine à partir d'indices non significatifs à exclure de manière certaine l'existence de ce vol, en sorte qu'il ne pouvait non plus reprocher à la Société G.M. de n'avoir pas respecté ses obligations à l'égard de la Compagnie d'Assurances ; que l'arrêt a donc violé encore ces mêmes textes légaux.