CASS. COM., 3 juillet 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1922
CASS. COM., 3 juillet 2001 : pourvoi n° 96-14678 ; arrêt n° 1322
Extrait : « que la cour d’appel s’est ainsi fondée sur le dol subi par M. Y. et sans lequel il ne se serait pas engagé, pour annuler la convention, et non sur les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sur les clauses abusives ou sur les règles relatives à la lésion ; que sa décision n’encourt pas les griefs du moyen, lequel inopérant en ses troisième et cinquième branches n’est pas fondé en ses autres branches ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 3 JUILLET 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 96-14678. Arrêt n° 1322.
DEMANDEUR à la cassation : 1°/ Société X. courses, entreprise unipersonnelle 2°/ Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur Y.
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par : 1°/ la société X. courses, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est […], 2°/ M. X., exerçant sous l’enseigne Euromulticourses […], en cassation d’un arrêt rendu le 14 février 1996 par la cour d’appel de Rennes (2e chambre), au profit de M. Y., demeurant […], défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 22 mai 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Champalaune, conseiller référendaire rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de Maître Garaud, avocat de la société X. courses et de M. X., de la SCP Le Bret-Desaché et Laugier, avocat de M. Y., les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, (Rennes, 14 février 1996), que M. X. a, par contrat de franchise du 12 décembre 1989, obtenu pour le département du Finistère le droit exclusif d’usage des enseignes Multicourses, Euromulticourses et autres signes distinctifs pour une entreprise de location de véhicule avec chauffeur, transport de tout document et courses en tout genre ; qu’il a, en tant que « représentant Euromulticourses 29 », conclu le 18 janvier 1990 un contrat dit de concession avec M. Y., contrat confiant au « concessionnaire » sur Plougastel l’exploitation de l’entreprise pour laquelle le concédant était franchisé ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’EURL X. et M. X. reprochent à l’arrêt d’avoir annulé, aux torts de M. X., le contrat de concession du 18 janvier 1990 et condamné en conséquence celui-ci à payer à M. Y. certaines sommes après apurement des comptes et à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que les tribunaux doivent indiquer les règles et principes généraux sur lesquels ils fondent leur décision ; que, pour annuler la convention du 18 janvier 1990, la cour d’appel s’est bornée à relever que “ses clauses léonines” avaient abusé M. Y. ; qu’en ne précisant pas la règle ou le principe général sur lequel était fondée l’annulation, la cour d’appel a méconnu l’article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
2°/ que, subsidiairement, tout en relevant « qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la licéité des clauses du contrat dès lors que les parties ne s’étaient pas placées sur ce terrain », la cour d’appel a annulé le contrat litigieux au motif que ses clauses léonines avaient abusé M. Y. « dès lors que ce dernier ne pouvait raisonnablement consentir à l’ensemble des prérogatives laissées à son cocontractant dans l’exécution de cette convention » ; qu’en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d’appel a violé les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ que peuvent être réputées non écrites les clauses abusives qui sont imposées par un abus de puissance économique de l’une des parties et qui lui confèrent un avantage excessif, dans les seuls contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ; qu’en l’espèce, le contrat de concession a été conclu entre deux professionnels de la même spécialité, MM. X. et Y. ; qu’en considérant cependant que ce contrat devait être annulé en raison de ses clauses léonines ayant pu abuser M. Y., la cour d’appel a violé, par fausse application, les dispositions de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ;
4°/ qu’au surplus le dol n’est une cause de nullité du contrat que lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; qu’en l’espèce, en ne caractérisant aucune manœuvre frauduleuse, mensonge ou réticence de la part de M. X. destinée à tromper M. Y. pour le déterminer à contracter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;
5°/ qu’enfin, la lésion ne viciant les conventions que dans les cas limitativement prévus par la loi, la demande en rescision n’est pas recevable lorsqu’un concessionnaire considère que la convention de concession est déséquilibrée à son détriment ; qu’en accueillant l’action en rescision pour lésion au prétexte que le contrat de bail comportait des clauses léonines, la cour d’appel a violé les articles 1118 et 1313 du Code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l’arrêt retient que certaines clauses du contrat litigieux sont équivoques en ce qui concerne la qualité exacte du concédant, se disant représentant d’une société ayant la possibilité de créer autant de concessions qu’elle souhaite, et en ce qui concerne la nature de l’activité concédée, puisqu’en dépit de la qualification trompeuse de « concession » donnée au contrat, celui-ci constitue en réalité un contrat aux termes duquel M. Y. devenait pour l’essentiel le sous-traitant de M. X. ; qu’il en déduit qu’elles ont abusé M. Y., dès lors que ce dernier ne pouvait raisonnablement consentir à l’ensemble des prérogatives laissées à son cocontractant dans l’exécution de cette convention ; que la cour d’appel s’est ainsi fondée sur le dol subi par M. Y. et sans lequel il ne se serait pas engagé, pour annuler la convention, et non sur les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sur les clauses abusives ou sur les règles relatives à la lésion ; que sa décision n’encourt pas les griefs du moyen, lequel inopérant en ses troisième et cinquième branches n’est pas fondé en ses autres branches ;
Sur le deuxième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’EURL X. et M. X. font encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’il appartient à celui qui entend devenir concessionnaire de s’entourer de tous éclaircissements lui permettant de mesurer les risques et de former raisonnablement son opinion ; qu’en l’espèce, M. Y. a entendu, en tant que professionnel, s’engager par un contrat de concession ; qu’en considérant que M. X. avait commis une faute en abusant M. Y. par les clauses léonines dissimulées dans le contrat litigieux, sans rechercher si celui-ci s’était entouré de conseils lui permettant de mesurer les risques et de forger une opinion, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du Code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant retenu que M. Y. avait été trompé par des mentions ambiguës sur la nature du contrat conclu, qu’elle a considérées comme constitutives de dol, la cour d’appel n’avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée au moyen ; que celui-ci ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’EURL X. et M. X. reprochent à l’arrêt d’avoir dit irrecevable la demande reconventionnelle formée en appel par M. X., alors, selon le moyen, que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de M. X. tendant à la réparation du préjudice causé par M. Y. après la rupture des relations contractuelles par celui-ci, la cour d’appel a retenu que celle-ci, formulée pour la première fois en appel, ne tendait pas à la compensation ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si cette demande ne se rattachait pas par un lien suffisant aux demandes originaires, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 70 et 567 du nouveau Code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l’arrêt relève que la demande reconventionnelle formée par M. X. au titre d’un préjudice causé par son adversaire après la rupture des relations contractuelles est irrecevable pour être formée pour la première fois en cause d’appel, cette demande n’étant pas présentée pour compensation puisqu’aucune demande à cette fin n’est formée, même à titre subsidiaire ; qu’en l’état de ces énonciations dont il ressort que la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise, seule la demande en compensation étant recevable en l’absence d’un lien suffisant avec les prétentions originaires, l’arrêt est légalement justifié ; que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’EURL X. et M. X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l’EURL X. et M. X. à payer à M. Y. la somme de 12.000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille un.