CASS. CIV. 2e, 24 février 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1964
CASS. CIV. 2e, 24 février 2005 : pourvoi n° 02-17386 ; arrêt n° 368
Extrait : « attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 02-17386. Arrêt n° 368.
DEMANDEUR à la cassation : Société AXA assurances IARD
DÉFENDEUR à la cassation : Établissement français du sang (EFS) Bretagne venant aux droits du Centre de transfusion de Rennes (CRTS) et autres.
Président : M. DINTILHAC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juin 2002), que M. X. a été contaminé, courant novembre 1988 par le virus de l'hépatite C, du fait de la transfusion de produits sanguins fournis par le Centre régional de transfusion sanguine (CRTS), aux droits duquel vient l'Etablissement français du sang (EFS) ; que, la contamination ayant été révélée en 1992, M. X. a assigné les 29, 30 juillet et 19 août 1999 en indemnisation de son préjudice, le CRTS et son assureur, la société Axa Assurances IARD (Axa) ; que celle-ci a opposé le caractère tardif de la réclamation de la victime, et dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié depuis le 31 décembre 1989, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 1er janvier 1995, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, et son annexe, pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation de la convention d'assurance, et, en conséquence, de l'avoir condamnée, in solidum avec l'EFS, à verser diverses sommes à M. X., à la CPAM de Nantes et à la société Médéric Prévoyance, alors, selon le moyen :
1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;
2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3°/ qu'enfin, et en tout état de cause, en se bornant à déclarer nulle et de nul effet la clause « réclamation » figurant dans le contrat souscrit par le CRTS auprès de l'UAP, sans répondre au moyen des conclusions de celle-ci qui faisait valoir que cette clause avait été souscrite en considération d'une fausse cause et d'une erreur imputable à l'autorité administrative, et qu'eu égard à son caractère substantiel, puisque déterminant à la fois de la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, du montant de la prime versée en contrepartie par l'assuré, sa nullité devait emporter la nullité du contrat dans son ensemble, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, ayant été déclaré illégal par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2000, cette déclaration d'illégalité, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans remettre en cause les droits acquis ou l'objectif de sécurité juridique, que ladite clause, en ce qu'elle tendait à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré était génératrice d'une obligation sans cause et, comme telle, illicite et réputée non écrite ;
Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu, enfin, que la déclaration d'illégalité, intervenue postérieurement à la formation du contrat, n'ayant pu avoir d'incidence sur le consentement de l'assureur lors de la souscription de celui-ci, la cour d'appel n'avait pas à répondre à un moyen inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa Assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X. ; condamne la société Axa Assurances IARD à payer à l'Etablissement français du sang Bretagne la somme de 2.000 euros et à la société Médéric Prévoyance la somme de 915 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat au Conseils pour la société Axa assurances IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie AXA ASSURANCES IARD, in solidum avec l'E.F.S., à payer à M. Lxxxx les sommes de 190.000 Euros au titre de son préjudice de contamination, 79.741 Euros à titre de perte de salaire, 121.024 Euros au titre de la perte de sa pension retraite, 32.714 Euros à la CPAM de NANTES, 54.877 Euros et 83.291 Euros à la société MEDERIC PREVOYANCE, outre diverses sommes aux mêmes parties au titre des dépens et frais irrépétibles, tout en déboutant la compagnie AXA de ses autres moyens et prétentions ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS ADOPTES QUE "sur la garantie de la société AXA : la police souscrite par le CRTS auprès de la compagnie AXA a été résiliée le 31.12.1989 ; qu'elle contient une clause qui prévoit que la garantie E concernée en l'espèce s'applique aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat, et portées à la connaissance de l'assuré dans un délai maximum de 5 ans, après la date d'expiration des contrats ; que cette clause est conforme à la clause type contenue au dernier alinéa de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, pris en application de l'article L.66 du Code de la Santé Publique, arrêté qui a étendu au profit des receveurs l'obligation d'assurance qui n'était prévue par l'article L.667 qu'au profit des donneurs ; que cet arrêté n'a pas été abrogé par un arrêté du 29.12.1989 dont la portée est de transférer certaines dispositions des conditions générales des polices dans leurs conditions particulières ; que saisi d'une requête en application de validité des dispositions de l'arrêté susvisé déposée par des parties à des litiges civils ayant donné lieu à décision de sursis à statuer des juridictions judiciaires concernées (Cour d'appel de BORDEAUX et T.G.I. de LILLE), le Conseil d'Etat, par arrêt du 29.12.2000 a statué en ces termes : "Article IER : il est déclaré que l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 relatif aux contrats d'assurances souscrits par les centres de transfusion sanguine pour satisfaire à l'obligation établie par l'article L.667 du Code de la Santé Publique, dans sa rédaction antérieure à l'arrêté interministériel du 29 décembre 1989, est entachée d'illégalité en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause-type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine" ; que dans la note qu'elle a déposée au cours du délibéré, sur autorisation du tribunal, la société AXA fait valoir que la constatation de l'illégalité par voie d'exception, comme en l'espèce, ne prononce aucune annulation de l'acte critiqué de sorte que l'arrêt du Conseil d'Etat invoqué par l'E.F.S. n'a d'autorité de chose jugée que dans les litiges qui ont conduit à cette décision et ne vaut pas erga omnes ; que le moyen n'est pas fondé ; que l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, dont la société AXA prétend qu'il valide la clause qui limite dans le temps la garantie subséquente, ayant été déclaré illégal par le Conseil d'Etat le 29.12.2000, cette déclaration d'illégalité, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; que la clause est en conséquence nulle et la société AXA doit garantir la responsabilité de l'E.F.S. au profit de M. Lxxxx, receveur, dès lors que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait (transfusion de produits sanguins courant 1988 et 1989) qui s'est produit pendant cette période" ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE "la compagnie AXA demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il a estimé que la garantie était due à l'EFS ; que la société AXA sera déboutée de toutes ses demandes fins et conclusions ; que cependant le jugement du 26 mars 2001 ne pourra qu'être purement et simplement confirmé sur la garantie de la société AXA ; la compagnie AXA tente dans ses écritures de faire échec à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat du 29.12.2000 déclarant illégal l'article 4 de l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980 (arrêt BEULE) ; que cette argumentation sera purement et simplement rejetée ; que l'argumentation de l'E.F.S., ci-dessus rapportée, étant confirmée par la Cour ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;
2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3/. ALORS, ENFIN, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se bornant à déclarer nulle et de nul effet la clause "réclamation" figurant dans le contrat souscrit par le CRTS auprès de l'UAP, sans répondre au moyen des conclusions de celle-ci qui faisait valoir que cette clause avait été souscrite en considération d'une fausse cause et d'une erreur imputable à l'autorité administrative, et qu'eu égard à son caractère substantiel, puisque déterminant à la fois de la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, du montant de la prime versée en contrepartie par l'assuré, sa nullité devait emporter la nullité du contrat dans son ensemble, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du N.C.P.C..
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie AXA ASSURANCES IARD ; in solidum avec l'E.F.S., à payer à M. Lxxxx les sommes de 190.000 Euros au titre de son préjudice de contamination, 79.741 Euros à titre de perte de salaire, 121.024 Euros au titre de la perte de sa pension retraite, 32.714 Euros à la CPAM de NANTES, 54.877 Euros et 83.291 Euros à la société MEDERIC PREVOYANCE, outre diverses sommes aux mêmes parties au titre des dépens et frais irrépétibles, tout en déboutant la compagnie AXA de ses autres moyens et prétentions ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE "la compagnie AXA demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il a estimé que la garantie était due à l'EFS ; que la société AXA sera déboutée de toutes ses demandes fins et conclusions ; que cependant le jugement du 26 mars 2001 ne pourra qu'être purement et simplement confirmé sur la garantie de la société AXA ; la compagnie AXA tente dans ses écritures de faire échec à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat du 29.12.2000 déclarant illégal l'article 4 de l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980 (arrêt BEULE) ; que cette argumentation sera purement et simplement rejetée ; que l'argumentation de l'E.F.S., ci-dessus rapportée, étant confirmée par la Cour" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU'aux termes de l'article 5 dernier alinéa de l'annexe à l'arrêté du 27 juin 1980, la garantie responsabilité civile après livraison comporte un plafond par sinistre et par année d'assurance, et que le montant se réduit et finalement s'épuise par tout règlement d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels il se rattache, sans reconstitution automatique de la garantie après le règlement ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la compagnie AXA ASSURANCES (conclusions nº 4 p.28) qui demandait à la Cour, à titre subsidiaire, que la condamnation à garantir le CRTS soit prononcée dans la limite du plafond contractuel de garantie, lequel au cas d'espèce limitait à 5.000.000 F le montant de l'indemnité susceptible d'être versée au titre de l'année d'exercice considérée, quels que soient le nombre de victimes ou de sinistres déclarés au titre de cet exercice, la Cour d'appel a violé l'article 455 du N.C.P.C..