CASS. CIV. 2e, 24 février 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1966
CASS. CIV. 2e, 24 février 2005 : pourvoi n° 02-14231 ; arrêt n° 374
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 02-14231. Arrêt n° 374.
DEMANDEUR à la cassation : Société GAN et consorts
DÉFENDEUR à la cassation : Madame X. et consorts
Président : M. DINTILHAC.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2001), que Fatima X... a été le 30 janvier 1984, à l'occasion d'une transfusion sanguine, contaminée par le virus de l'hépatite C ; qu'elle a assigné le 21 décembre 1994 devant le tribunal de grande instance le Centre de transfusion sanguine qui a appelé en garantie la société GAN son assureur au moment de la contamination ; que cet assureur a dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié au 1er janvier 1988, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, soit au 1er janvier 1993, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, et son annexe, pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ; que Fatima X... étant décédée, l'instance a été reprise par sa fille Mme Samira X... ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société GAN fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à Mme X... , après avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, alors, selon le moyen :
1 / que dans le contrat d'assurance, contrat aléatoire, l'aléa tient lieu de contrepartie à la prime et constitue la cause de l'obligation de payer celle-ci ; que la clause de réclamation subordonnant la garantie à une réclamation de la victime dans un délai maximum après la date d'expiration du contrat ne fait pas disparaître l'aléa assuré ; ni l'assureur, ni l'assuré ne sachant au moment de la formation du contrat quand aura lieu la réclamation du tiers lésé ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
2 / que le risque constitue l'aléa garanti par le contrat d'assurance et qu'il y a sinistre lorsque le risque est réalisé ; que l'article L. 124-1 du Code des assurances définit le sinistre en assurance responsabilité comme la réclamation faite par le tiers lésé à l'assuré ; que dès lors, une clause réclamation qui retient que la réclamation constitue le sinistre est conforme à ce texte ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2 et L. 124-1 du Code des assurances ;
3 / qu'en déduisant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2000 que l'illégalité de l'article 4 dernier alinéa de l'annexe de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 privait de fondement réglementaire la clause "réclamation" d'un contrat qui existait avant le prononcé de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2000, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que le risque garanti n'est pas constitué par la réclamation de la victime, mais par les dommages qui trouvent leur origine dans un fait survenu entre la date de prise d'effet du contrat et son expiration ; Et attendu qu'en matière d'assurance de responsabilité, le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que le juge, qui se prononce selon le droit en vigueur au moment de sa décision, est tenu de faire application de la déclaration d'illégalité, même prononcée à l'occasion d'une autre instance, du texte réglementaire sur lequel est fondée la clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré ; que toute clause de cette nature, génératrice d'une obligation sans cause, et comme telle illicite, doit être réputée non écrite, sans qu'il y ait atteinte à des droits acquis ou à l'objectif de sécurité juridique ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
Sur le second moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société GAN fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à Mme X... , après avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, alors, selon le moyen, que sous couvert de la violation des articles 1131 du Code civil, L. 111-2 et L. 124-1 du Code des assurances, la cour d'appel a entendu traiter la clause exprimée à l'article 4 du contrat type du GAN assurances IARD comme une clause abusive ; qu'elle a ainsi violé les articles 1131 du Code civil, L. 111-2 et L. 124-1 du Code des assurances tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt n'ayant pas traité la clause litigieuse comme une clause abusive, le moyen manque en fait ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GAN Incendie Accidents aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société GAN Incendie accidents et de l'Association des amis de la transfusion sanguine, condamne la société GAN Incendie accidents à payer à l'Etablissement français du sang la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour le Gan Incendie Accidents.
PREMIER MOYEN DE CASSATION.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie GAN à payer à Mme Pxxxx dans la limite de sa garantie pour 1984, la somme de 452.500 francs ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la déclaration d'illégalité prononcée par l'arrêtarrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2000 repose sur la violation par l'article 4 dernier alinéa de l'annexe de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 "des dispositions combinées des articles 1131 du Code civil et L.124-1 du Code des assurances qui disposent, le premier que : "l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ne peut avoir aucun effet" et le second que : "dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu, que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé" ; qu'en effet, il résulte de ces dispositions que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période alors que la clause type contenue au dernier alinéa de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 dans sa rédaction antérieure à l'arrêté interministériel du 29 décembre 1989, selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime a été portée à la connaissance de l'assurée dans un délai maximum de cinq ans après la date d'expiration du contrat, aboutit à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite dépourvu de cause, et par conséquent contraire aux dispositions de l'article 1131 du Code civil, au profit du seul assureur qui aurait perçu les primes sans contrepartie ; que ces motifs, énoncés par le Conseil d'Etat, doivent être repris par la cour et conduisent celles-ci à décider que cette clause doit être réputée non écrite de sorte la limitation qu'elle prévoyait ne peut être opposé au CTS et à Mme Pxxxx" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE D'UNE PART, dans le contrat d'assurance, contrat aléatoire, l'aléa tient lieu de contrepartie à la prime et constitue la cause de l'obligation de payer celle-ci ; que la clause de réclamation subordonnant la garantie à une réclamation de la victime dans un délai maximum après la date d'expiration du contrat ne fait pas disparaître l'aléa assuré ; ni l'assureur, ni l'assuré ne sachant au moment de la formation du contrat quant aura lieu la réclamation du tiers lésé ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
ALORS QUE D'AUTRE PART, le risque constitue l'aléa garanti par le contrat d'assurance et qu'il y a sinistre lorsque le risque est réalisé ; que l'article L.124-1 du Code des assurances définit le sinistre en assurance responsabilité comme la réclamation faite par le tiers lésé à l'assuré ; que dès lors, une clause réclamation qui retient que la réclamation constitue le sinistre est conforme à ce texte ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L 111-2 et L.124-1 du Code des assurances ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ET AUX MOTIFS QUE "s'il est exact que le recours en appréciation de légalité n'entraîne pas, en cas d'illégalité du texte, son annulation erga omnes à l'instar de celle qui résulterait d'un recours pour excès de pouvoir, il n'en demeure pas moins que la déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire décidée à l'occasion d'une autre instance sur un recours en appréciation de légalité s'impose au juge civil et que le CTS est redevable et fondé à l'invoquer ; qu'en effet, si tel n'était pas le cas le juge se trouverait contraint de faire porter effet à un texte illégal ou de surseoir à statuer pour permettre aux parties de saisir à titre préjudiciel la plus haute juridiction administrative de cette question alors même que la réponse à cette question a déjà été fournie par celle-ci qui serait contrainte de la renouveler ; il convient de constater ... l'illégalité de l'article 4 dernier alinéa de l'annexe de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 dans sa rédaction alors en vigueur en ce qu'il comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion telle que le Conseil d'Etat l'a déclaré" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, en déduisant de l'arrêtarrêt du Conseil d'Etat Conseil du 29 décembre 2000 que l'illégalité de l'article 4 dernier alinéa de l'annexe de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 privait de fondement réglementaire la clause "réclamation" d'un contrat qui existait avant le prononcé de l'arrêtarrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2000, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie GAN à payer à Mme Pxxxx dans la limite de sa garantie pour 1984, la somme de 452.500 francs ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE "s'il est exact que le recours en appréciation de légalité n'entraîne pas, en cas d'illégalité du texte, son annulation erga omnes à l'instar de celle qui résulterait d'un recours pour excès de pouvoir, il n'en demeure pas moins que la déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire décidée à l'occasion d'une autre instance sur un recours en appréciation de légalité s'impose au juge civil et que le CTS est redevable et fondé à l'invoquer ; en effet, si tel n'était pas le cas le juge se trouverait contraint de faire porter effet à un texte illégal ou de surseoir à statuer pour permettre aux parties de saisir à titre préjudiciel la plus haute juridiction administrative de cette question alors même que la réponse à cette question a déjà été fournie par celle-ci qui serait contrainte de la renouveler ; il convient ... de constater l'illégalité de l'article 4 dernier alinéa de l'annexe de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 dans sa rédaction alors en vigueur en ce qu'il comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion telle que le Conseil d'Etat l'a déclaré ; cette déclaration d'illégalité repose sur la violation par ce texte des dispositions combinées des articles 1131 du Code civil et L.124-1 du Code des assurances qui disposent, le premier que : "L'obligation sans cause ou sur une fausse cause ne peut avoir aucun effet" et le second que : "Dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu, que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé" ; qu'en effet, il résulte de ces dispositions que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période alors que la clause type contenue au dernier alinéa de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 dans sa rédaction antérieure à l'arrêté interministériel du 29 décembre 1989, selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime a été portée à la connaissance de l'assurée dans un délai maximum de cinq ans après la date d'expiration du contrat, aboutit à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite dépourvu de cause, et par conséquent contraire aux dispositions de l'article 1131 du Code civil, au profit du seul assureur qui aurait perçu les primes sans contrepartie ; ces motifs, énoncés par le Conseil d'Etat, doivent être repris par la cour et conduisent celles-ci à décider que cette clause doit être réputée non écrite de sorte la limitation qu'elle prévoyait ne peut être opposé au CTS et à Mme Pxxxx" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, sous couvert de la violation des articles 1131 du Code civil, L.111-2 et L.124-1 du Code des assurances, la cour a entendu traiter la clause exprimée à l'article 4 du contrat type du GAN Assurances IARD comme une clause abusive, elle a ainsi violé les articles 1131 du Code civil, L.111-2 et L.124-1 du Code des assurances tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives.