CA TOULOUSE (4e ch. section 1), 5 avril 2024
- Cons. prud’h., 13 juillet 2022 : RG n° 20/01692 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23015
CA TOULOUSE (4e ch. section 1), 5 avril 2024 : RG n° 22/03332 ; arrêt n° 2024/126
Publication : Judilibre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
QUATRIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 5 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/03332. Arrêt n° 2024/126. N° Portalis DBVI-V-B7G-O73A. Décision déférée du 13 Juillet 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE (RG 20/01692), C. VATINEL, Section Commerce chambre 2
APPELANT :
Monsieur X.
[Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Me Dominique BESSE de la SELARL B2B AVOCATS, avocat au barreau d'ALBI
INTIMÉ :
S.A.S.U. SONEPAR FRANCE DISTRIBUTION
[Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Me Alexandre BOULANT de la SELARL Tréville Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : S.BLUM'', présidente, C. BRISSET, présidente, M. DARIES, conseillère
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
M. X. a été embauché le 1er décembre 2016 par la société CGE Distribution, spécialisée dans la distribution de matériel électrique à destination des professionnels, au sein de l'agence [Localité 9] Nord, en qualité de technico commercial itinérant suivant contrat de travail à durée indéterminée assorti d'une clause de non concurrence, régi par la convention nationale collective de retraite et de prévoyance des cadres.
Par courrier du 21 août 2019, M. X. a notifié sa démission à la société CGE Distribution, en indiquant souhaiter respecter la période de préavis.
La rupture du contrat est intervenue le 04 novembre 2019.
Par courrier du 6 février 2020, la société CGED a mis en demeure M. X. de cesser sa relation de travail avec la société Comptoir Commercial de Languedoc, son nouvel employeur, en application de sa clause de non-concurrence.
M. X. a refusé par courrier du 24 février 2020.
La société CGED a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 1er décembre 2020 pour demander la condamnation de M. X. à une pénalité contractuelle pour violation de la clause de non concurrence, au paiement de la contrepartie financière de non-concurrence et à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
La société CGED a fait l'objet d'une fusion-absorption au profit de la société Sonepar France Distribution à effet du 1er juin 2022.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 13 juillet 2022, a :
- jugé que la clause de non concurrence de M. X. est valable,
- condamné M. X. au remboursement de la somme de 7 960 euros correspondant à la contrepartie perçue de novembre 2019 à novembre 2020,
- condamné M. X. à payer à la société CGE Distribution la somme de 24 000 euros au titre de pénalités contractuelles,
- condamné M. X. à 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. aux entiers dépens de l'instance,
- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration du 13 septembre 2022, M. X. a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 août 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 janvier 2024, M. X. demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté la société Sonepar France Distribution de sa demande formulée sur le fondement de l'article L1237-2 du code du travail,
* débouté la société Sonepar France Distribution de sa demande d'application des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes avec capitalisation des intérêts,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* jugé que la clause de non concurrence était valable,
* l'a condamné au remboursement de la somme de 7960 euros correspondante à la contrepartie pécuniaire à la clause de non concurrence perçue de novembre 2019 à novembre 2020,
* l'a condamné à payer à la société CGE Distribution la somme de 24 000 euros au titre des pénalités contractuelles,
* l'a condamné à la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Statuant à nouveau :
Sur la clause de non concurrence
A titre principal :
- débouter la société Sonepar France Distribution de ses demandes au motif qu'il n'a pas violé la clause de non concurrence.
A titre subsidiaire :
- lui donner acte qu'il remboursera la somme de 6 821,74 euros perçue au titre de la contrepartie financière d'une clause de non concurrence nulle,
- débouter la société Sonepar France Distribution de ses autres demandes en raison de la nullité de la clause,
- condamner la société Sonepar France Distribution à lui verser une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice qui résulte de la nullité de la clause de non concurrence,
- ordonner la compensation judiciaire entre la somme qui lui a été octroyée à titre de dommages et intérêts et la somme de 6 821,74 euros qu'il serait amené à rembourser dans l'hypothèse où la clause de non concurrence était annulée,
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour considère que la clause est violée et n'est pas nulle :
- limiter sa condamnation au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Sonepar France Distribution à la somme de 1,00 euros.
Sur les autres demandes :
- débouter la société Sonepar France Distribution de toutes ses autres demandes,
- condamner la société Sonepar France Distribution au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. X. soutient:
. à titre principal, ne pas avoir violé la clause de non concurrence, opposant qu'il n'est pas démontré qu'il exerçait son activité dans le secteur électricité de la société CCL, nouvel employeur et que cette activité était concurrentielle de celle de la société Sonepar;. à titre secondaire, s'il était retenu une violation de la clause de non concurrence, il conclut au prononcé de sa nullité au motif qu'elle portait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, la clause n'étant pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société Sonepar, que son champ d'application n'était pas prévisible et la zone d'application excessive. Enfin il considère que la clause est contraire aux règles de l'article 1110 du code civil modifié par ordonnance du 10 février 2016 définissant le contrat d'adhésion, définition s'appliquant au contrat de travail dont la clause de non concurrence présente en l'espèce un déséquilibre conséquence et doit être réputée non écrite en application de l'article 1171 du code civil.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 janvier 2024, la Sasu Sonepar France Distribution demande à la cour de :
Sur l'appel principal du salarié,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à lui payer les sommes de :
7.960 euros à titre de remboursement de la contrepartie financière de non-concurrence de novembre 2019 à novembre 2020,
24.000 euros à titre de pénalité contractuelle pour violation de la clause de non-concurrence,
2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'appel incident de la société
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- condamner M. X. à lui payer la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L.1237-2 du code du travail.
Dans tous les cas :
- débouter M. X. de toutes ses demandes à son encontre,
- condamner M. X. à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner M. X. aux entiers dépens, en ce compris les frais exposés par l'employeur pour les opérations de constat effectuées sur le fondement de l'ordonnance du tribunal judiciaire de Castres du 12 novembre 2020.
La société Sonepar dénonce à l'appui d'un constat d'huissier de justice, que M.X. a violé la clause de non concurrence car il exerçait une activité concurrente de technico-commercial au sein de la société CCL ayant une activité de quincaillerie et distribuant du matériel électrique, ce dont elle a été informée par un client; que par ailleurs cette activité s'est exercée à tout le moins à [Localité 6], département du Tarn qui était prohibé par la clause.
A titre subsidiaire, l'intimée affirme que la clause de non concurrence était valide, du
fait du caractère très concurrentiel de l'activité spécialisée de distribution de matériel électrique et du risque économique et commercial important encouru par le départ de M.X. qui avait géré un portefeuille conséquent au sein de la société Sonepar; que les conditions de fixation du périmètre géographique étaient clairement déterminées.
Enfin la société réplique que le contrat de travail est un contrat de gré à gré, soumis à négociation et non un contrat d'adhésion et qu'en l'espèce il n'existe pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Après report, la clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 24 janvier 2024.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION
Sur la violation de la clause de non concurrence
La clause de non concurrence inscrite dans le contrat de travail de M. X. est libellée en ces termes :
« Compte tenu de la nature de vos fonctions qui vous mettent en relation directe ou indirecte avec la clientèle, vous vous interdisez en cas de cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause :
- de vendre les produits d'usage ou de construction similaires à ceux commercialisés par la société CGE Distribution ;
- de vous intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, à tout commerce pouvant concurrencer ces produits et matériels.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 1 an, commençant le jour de la cessation effective de votre contrat de travail.
Elle s'appliquera au département (+ les départements limitrophes) où est situé l'agence à laquelle vous serez rattaché au moment de la rupture de votre contrat, ainsi, le cas échéant, qu'à celui ou ceux où vous auriez été rattaché au cours de vos trois dernières années d'activité précédant votre départ.
Toute violation de la présente clause de non concurrence vous rendra automatiquement redevable d'une pénalité égale à douze fois le montant de votre dernier salaire mensuel fixe de base, pénalité due pour chaque infraction constatée sans qu'il soit besoin de mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle.
Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits que la société se réserve expressément, aux fins de vous poursuivre en remboursement des préjudices pécuniaire et moral effectivement subis et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle.
En contrepartie de cette clause de non concurrence, si nous n'usons pas de la faculté de vous en libérer par écrit au plus tard à la date de cessation de votre contrat de travail, nous vous verserons, pendant la durée de non concurrence, une indemnité mensuelle égale à 25% de votre dernier salaire mensuel fixe de base. »
Il appartient à la société Sonepar qui sollicite le remboursement de l'indemnité de non-concurrence versée à M. X. et des dommages et intérêts en réparation de son préjudice de rapporter la preuve de la violation par l'intéressé de la clause de non-concurrence dont les termes ont été rappelés plus avant.
- Sur l'activité de M. X. auprès du nouvel employeur CCL
Par procès-verbal de constat d'huissier de justice du 26 novembre 2020 dressé sur ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de Castres, la société Sonepar démontre que M. X. a été engagé le 05 novembre 2019 en contrat à durée indéterminée par la SAS Comptoir commercial du Languedoc sise à Castres, en tant que technico-commercial itinérant électricité, rattaché au dépôt de Gaillac (81).
En effet, lors du constat effectué et non utilement remis en cause, l'huissier de justice a rencontré le directeur de région s'étant déclaré habilité, de la société, M. [W] ( mal orthographié comme étant M. [S]) qui après consultation de son Conseil par téléphone, a remis copies du contrat de travail de M. X., du registre du personnel et de bulletins de salaire au nom de l'intéressé.
En présence du directeur, l'huissier de justice a interrogé les salariés présents dont un responsable magasin lequel a déclaré que M. X. était 'technico commercial électricité', l'huissier ne mentionnant pas de contestation par M. [W].
L'objet social de la société CGE Distribution devenue Sonepar France Distribution est la commercialisation de tous produits électriques, électroniques, électro-ménagers, destinés à l'équipement ou à la consommation, l'exécution de tous travaux et la prestation de tous services se rapportant à ces produits ( confer extrait Kbis au 03-11-2020 date du litige et extrait Kbis au 03-07-2022 comportant également comme activité principale: vente en gros de matériels électriques).
Cela est conforté par un extrait du site internet en ligne du 23 septembre 2019 faisant mention de produits électriques et un extrait du catalogue du printemps 2021 précisant les services proposés « éclairage - appareillage et protection - chauffage et génie climatique - courants faibles, contrôle et sécurité - VSI, câblage et réseaux informatiques - quincaillerie, fixations et outillage - Câbles, conduits et cheminements.»
La société CCL, dont le siège est à [Localité 5] ( 81), selon extrait Kbis au 02-11-2020, a une activité de mise en valeur, exploitation, direction, gérance de toutes affaires ou entreprises commerciales industrielles ou financières le commerce de gros demi gros et détail des produits sidérurgiques quincaillerie de bâtiment et matériaux outillages et fournitures industrielles fabrication d'armatures et tous éléments préfabriqués pour la construction.
Elle comporte plusieurs établissements dont celui de [Localité 8] dont l'activité est le câblage et le négoce de matériel électrique.
L'extrait de site internet communiqué référence un secteur dédié à l'électricité avec de nombreux produits en sélection éclairage.
Les deux sociétés interviennent donc dans le même secteur d'activité.
-Sur la matérialité de l'acte de concurrence
Un acte de concurrence peut consister en un acte de démarchage sans qu'il y ait vente effective.
En l'espèce, la société Sonepar explique que des clients l'ayant informée du démarchage commercial de M. X. pour la société CCL, le directeur de l'agence Sonepar M. [B] a pu obtenir et a transmis au responsable des ressources humaines le nouveau numéro de téléphone portable et l'adresse électronique professionnelle de M. X..
L'intimée communique en pièce 12, un courriel adressé le 08 octobre 2020 par un artisan électricien à [Localité 7] (81), M. [G] [K], avec pour objet : 'démarchage CCL' rédigé en ces termes:
' Par la présente, je vous informe du démarchage d'un représentant de la société CCL de [Localité 6] nommé X..
En effet, j'ai reçu de sa part un MMS pour participer à un phoning 'Hager' du 23 septembre 2020. '.
M. X. remet en cause la véracité de cette pièce, non accompagnée de l'extrait MMS ni d'une pièce d'identité, alors même qu'il y oppose une attestation rédigée en la forme de l'article 202 du code de procédure civile par M. [K] certifiant que M. X. n'a jamais fait de démarchage commercial à son égard.
Aussi au regard de la contrariété des pièces émanant d'un même présumé rédacteur et à défaut de tout autre élément probant, la cour considère que l'existence d'un acte de concurrence n'est pas établie, sans qu'il soit utile de vérifier le périmètre géographique d'activité.
Aussi la société Sonepar sera déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de M. X., dont celle de dommages et intérêts au titre de l'article L 1237-2 du code civil pour rupture abusive du contrat de travail pour avoir démissionné au profit d'une entreprise concurrente.
Sur les demandes annexes
La SASU Sonepar France Distribution, venant aux droits de la société CGE Distribution, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La condamnation de M. X. aux dépens et frais irrépétibles par le conseil de prud'hommes sera infirmée.
M. X. est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.
La SASU Sonepar France Distribution sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SASU Sonepar France Distribution sera déboutée de sa demande à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SAS Sonepar France Distribution de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article L 1237-2 du code civil,
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Dit que M. X. n'a pas violé la clause de non concurrence inscrite dans le contrat de travail avec la société CGE Distribution aux droits de laquelle vient la SASU Sonepar France Distribution,
Déboute la SASU Sonepart de ses demandes
Condamne la SASU Sonepar France Distribution aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. X. la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SASU Sonepar France Distribution de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUM'', présidente, et C.DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C.DELVER S.BLUM''