TA LILLE (4e ch.), 18 avril 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23071
TA LILLE (4e ch.), 18 avril 2024 : req. n° 2109656
Publication : Judilibre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 18 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro de requête : 2109656. Numéro de rôle : 75529.
DEMANDEURS :
SAS Direction Conseil Objectif
DÉFENDEURS :
Préfet du Nord
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2021 et 28 juillet 2022, la société par actions simplifiée Direction Conseil Objectif, représentée par la SELARL Libert Avocats, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision en date du 12 octobre 2021 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations du Nord lui a infligé une amende de 25.000 euros en application de l'article L. 522-1 du code de la consommation ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun manquement aux dispositions de l'article L. 121-16 du code de la consommation ne peut lui être reproché quant à l'utilisation d'un numéro de téléphone surtaxé et il ne peut en être déduit qu'elle s'est livrée à des pratiques commerciales trompeuses visées par les dispositions des articles L. 121-2 et L. 121-3 de ce code, de sorte qu'aucune sanction ne peut être infligée à ce titre ;
- la sanction prononcée au titre des manquements relatifs à l'indication des coordonnées du médiateur est disproportionnée.
[*]
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Direction Conseil Objectif ne sont pas fondés.
[*]
Par une ordonnance en date du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 69CE73711D307E9A68254BC41FD010F5 ;
- le code de la consommation ;
- l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 E0E4996E5C563D18FE2431D3295A69A2 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courtois,
- les conclusions de M. Huguen, rapporteur public,
- les observations de Maître Benrehouma, représentant la SELARL Libert Avocats, avocat de la société Direction Conseil Objectif ;
- et les observations de Mme A, représentant le préfet du Nord.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant ce qui suit :
1. La société Direction Conseil Objectif (DCO) a pour activité le gravage ou marquage de véhicules automobiles. Au terme d'une enquête administrative diligentée à la suite de plaintes de consommateurs quant à ses pratiques commerciales, la directrice départementale de la protection des populations du Nord a infligé à la société DCO, par une décision en date du 12 octobre 2021 que cette société demande au tribunal d'annuler, une amende d'un montant total de 25.000 euros en application de l'article L. 522-1 du code de la consommation.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de la consommation : « Le numéro de téléphone destiné à recueillir l'appel d'un consommateur en vue d'obtenir la bonne exécution d'un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d'une réclamation ne peut pas être surtaxé. / Ce numéro est indiqué dans le contrat et la correspondance ».
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constatation de manquement en date du 17 juin 2021, que la directrice départementale de la protection des populations du Nord a relevé plusieurs manquements aux dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de la consommation à l'encontre de la société DCO : d'une part, l'indication sur le site internet http://www.eurodatacar.fr d'un numéro de téléphone 3909 dans la rubrique « pour toute question », ainsi que pour tout motif d'appel au « Copilot Center », le centre d'appel réservé aux clients pour leur permettre notamment de déclarer un vol, un changement d'adresse ou la cession de leur véhicule et, d'autre part, l'absence d'indication du numéro non surtaxé dans le contrat DCO de marquage, ainsi que la mention « en cas de vol de votre véhicule, téléphonez sans tarder au 3909 Service 0,50 € / min + prix appel » au dos de la carte d'adhérent fournie avec l'attestation de marquage. L'administration a également constaté que le numéro surtaxé était mentionné sur la quasi-totalité des pages du site internet, alors que le numéro non surtaxé n'y était pas indiqué.
4. D'une part, si la société DCO soutient qu'elle n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L. 121-16 du code de la consommation, il ressort toutefois de ce qui a été dit au point précédent qu'en raison de la mention du seul numéro d'appel surtaxé sur son site internet, sur le contrat de marquage ou sur l'attestation de marquage, l'appel d'un consommateur en vue d'obtenir la bonne exécution de son contrat ou le traitement de sa réclamation était nécessairement surtaxé. Au surplus, si la société DCO se prévaut de la réponse ministérielle à la question n° 102693, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale du 5 juillet 2011, en tout état de cause, celle-ci interprétait les dispositions de l'article L. 113-5 du code de la consommation abrogées au 1er juillet 2016 par l'ordonnance du 14 mars 2016, relative à la partie législative du code de la consommation, laquelle a transposé à l'article L. 121-16 du code de la consommation précité les dispositions de l'article 21 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, en vertu desquelles les États membres veillent à ce que, lorsque le professionnel exploite une ligne de téléphone pour le contacter par téléphone au sujet du contrat conclu, le consommateur, lorsqu'il contacte le professionnel, ne soit pas tenu de payer plus que le tarif de base. Les circonstances que les consommateurs puissent utiliser d'autres modes de communication pour la contacter ou que d'autres concurrents et organismes exerçant une mission de service public aient eu des pratiques contraires aux dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de la consommation sont sans incidence sur les manquements constatés par la directrice départementale de la protection des populations du Nord. Dès lors, la société DCO n'est pas fondée à soutenir que sa pratique commerciale du numéro de téléphone surtaxé était conforme aux dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de la consommation et que la directrice départementale de la protection des populations du Nord a commis une erreur de droit en lui infligeant une amende à raison de ces manquements.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que l'amende en litige n'a pas été infligée à la société DCO à raison d'une pratique commerciale trompeuse au sens des dispositions des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation. Par suite, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle ne s'est pas livrée à une pratique commerciale trompeuse au sens de ces dispositions.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 616-1 du code de la consommation : « Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. / () ». Aux termes de l'article L. 641-1 de ce code : « Tout manquement aux obligations d'information mentionnées aux articles L. 616-1 et L. 616-2 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V ».
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constatation de manquement en date du 17 juin 2021, que la directrice départementale de la protection des populations du Nord, a retenu, pour infliger une amende administrative à la société DCO à raison de l'absence d'indication des coordonnées du médiateur et de son site internet dans le contrat intitulé « marquage antivol et garanties complémentaires », la taille de la société, la nature du manquement constaté et la circonstance que le non-respect des dispositions précitées de l'article L. 616-1 du code de la consommation nuisait à l'information loyale des consommateurs et au respect de leurs droits. Au surplus, le préfet du Nord fait valoir sans être contredit que le contrat de marquage antivol, dans lequel ni les coordonnées, ni le site internet du médiateur ne figuraient, a fait l'objet de plaintes de consommateurs auprès des services de la direction départementale de la protection des populations du Nord, ainsi que sur la plateforme Signal-Conso, site internet permettant aux consommateurs de signaler les problèmes rencontrés avec les entreprises, et que les dispositions précitées de l'article L. 616-1 du code de la consommation étaient en vigueur depuis plusieurs années. Dans ces circonstances, la société DCO n'est pas fondée à soutenir que la sanction prononcée au titre des manquements relatifs à l'absence d'indication des coordonnées du médiateur est disproportionnée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société DCO n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 12 octobre 2021 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations du Nord lui a infligé une amende de 25.000 euros en application de l'article L. 522-1 du code de la consommation. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Direction Conseil Objectif est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Direction Conseil Objectif et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Lemaire, président, - Mme Courtois, première conseillère, - Mme Jaur, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.
La rapporteure, Le président, La greffière,
Signé Signé Signé
C. COURTOIS O. LEMAIRE S. RANWEZ