CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 1re, 29 mai 2024

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 29 mai 2024
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 23-12904
Décision : 24-300
Date : 29/05/2024
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C100300
Nature de la décision : Cassation avec renvoi, Rejet
Mode de publication : Judilibre, Legifrance
Décision antérieure : CA Metz (ch. com.), 5 janvier 2023 : RG n° 20/02361 ; Dnd
Numéro de la décision : 300
Décision antérieure :
  • CA Metz (ch. com.), 5 janvier 2023 : RG n° 20/02361 ; Dnd
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23208

CASS. CIV. 1re, 29 mai 2024 : pourvoi n° 23-12.904 ; arrêt n° 300 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « 7. Pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, quinze jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des sommes dues à leur échéance, l'arrêt retient que la déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont les emprunteurs disposaient pour y faire obstacle. 8. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d'appel a violé [l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016]. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 MAI 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : B 23-12.904. Arrêt n° 300 F-B.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Lorraine

Président : Mme Champalaune. Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Capron.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

M. X., domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-12.904 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Lorraine, société coopérative, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. X., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 5 janvier 2023), le 18 juillet 2011, la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine (la banque) a consenti à M. X. (l'emprunteur) un prêt immobilier.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a, le 30 mars 2018, mis en demeure l'emprunteur de régulariser la situation dans un délai de quinze jours, puis, le 5 juin 2018, prononcé la déchéance du terme.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen pris en sa première branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 126 516,55 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,05 % l'an à compter du 20 juin 2018, et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que méconnaît son office, la cour d'appel qui fait application d'une clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a observé que les conditions générales du prêt stipulent en page 7 sous l'intitulé exigibilité qu'en cas notamment de défaillance dans le remboursement des sommes dues par l'emprunteur, le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoire sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours ; qu'elle en a déduit qu'en application de cette clause, la déchéance du terme a été valablement prononcée par la banque dans son courrier daté du 5 juin 2018 et que la déchéance du terme est donc opposable à l'emprunteur et la créance de la banque est bien exigible ; qu'en statuant ainsi, sans examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans préavis d'une durée raisonnable, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

6. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. Pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, quinze jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des sommes dues à leur échéance, l'arrêt retient que la déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont les emprunteurs disposaient pour y faire obstacle.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X. à payer à la société Caisse de crédit agricole mutuel de Lorraine la somme de 126.516,55 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,05 % l'an à compter du 20 juin 2018, et rejette le surplus de ses demandes, l'arrêt rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société caisse de Crédit agricole mutuel de Lorraine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société caisse de Crédit agricole mutuel de Lorraine et la condamne à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.