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CASS. COM., 12 juin 2024

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 12 juin 2024
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 22-16626
Décision : 24-332
Date : 12/06/2024
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:CO00332
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre, Legifrance
Décision antérieure : CA Rennes (3e ch. com.), 22 février 2022 : RG n° 21/02517 ; Dnd
Numéro de la décision : 332
Décision antérieure :
  • CA Rennes (3e ch. com.), 22 février 2022 : RG n° 21/02517 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23232

CASS. COM., 12 juin 2024 : pourvoi n° 22-16626 ; arrêt n° 332 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 5. Il en résulte que, si ces procédures peuvent être ouvertes sur la demande d'un créancier, leurs finalités excèdent le seul intérêt individuel de ce dernier, de sorte que l'article 14 du code civil, qui permet à un Français d'attraire un étranger devant les juridictions françaises, n'est pas applicable à une demande tendant à l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire. 6. Le moyen, qui postule le contraire en sa première branche, n'est pas fondé et, pour le surplus, critiquant des motifs surabondants, est inopérant. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : B 22-16.626. Arrêt n° 332 FS-B.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Bank of Beirut SAL - Procureur général près de la cour d'appel de Rennes

M. VIGNEAU, président.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X., domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-16.626 contre l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Bank of Beirut SAL, société de droit libanais, dont le siège est [Adresse 2] (Liban), 2°/ au procureur général près de la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général place du Parlement de Bretagne, [adresse], défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. X., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bank of Beirut SAL, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Riffaud, Mmes Fevre, Guillou, MM. Ancel (voix consultative), Bedouet, Calloch, conseillers, Mmes Brahic-Lambrey, Champ, M. Boutié, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire 468FB043BD1AD57CEFAD757B2215C201, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 février 2022) et les productions, le 15 février 2019, M. X., de nationalité franco-libanaise, a ouvert un compte dans les livres d'une banque libanaise, la société Bank of Beirut, laquelle n'a aucun établissement ni intérêt en France. Ne parvenant pas à obtenir la restitution des fonds déposés sur ce compte, et invoquant les dispositions de l'article 14 du code civil, M. X. a assigné la société Bank of Beirut en redressement judiciaire, subsidiairement en liquidation judiciaire, devant le tribunal de commerce de Nantes.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Examen du moyen :

Enoncé du moyen :

2. M. X. fait grief à l'arrêt de se déclarer incompétent et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :

« 1° / que la règle de compétence prévue par l'article 14 du code civil, qui permet à tout demandeur de nationalité française d'attraire un étranger devant les juridictions françaises, a une portée générale s'étendant à toutes matières à l'exclusion des actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger ainsi que des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France ; que cette règle de compétence permet notamment au demandeur de nationalité française d'assigner en redressement ou en liquidation judiciaire une société étrangère qui a contracté des obligations envers lui et qui n'a pas d'établissement en France, devant tout tribunal français de son choix ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir constaté que M. X. justifiait de sa nationalité française par la production de sa carte d'identité et qu'il se prévalait du privilège de juridiction attaché à cette nationalité pour traduire la banque libanaise devant un tribunal français, retient qu'il ne peut utilement invoquer ce privilège de juridiction aux motifs que celui-ci ne peut recevoir application en matière de procédure collective ; qu'en statuant ainsi, cependant que la seule nationalité française du demandeur suffit à fonder la compétence des juridictions françaises lorsqu'aucune règle de compétence ordinaire ne permet de désigner le juge français et que cette règle s'applique en matière de procédure collective lorsque le débiteur n'a aucun lien avec la France, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par refus d'application, l'article 14 du code civil ;

2°/ que la règle de compétence édictée au profit du demandeur français par l'article 14 du code civil s'impose au juge français et ne peut être écartée, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international ou un règlement européen ; que la conclusion d'une clause attributive de juridiction ne vaut renonciation au bénéfice de l'article 14 du code civil que si celle-ci est valable ; qu'une clause attributive de juridiction asymétrique n'est valable que si elle contient des éléments objectifs suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie ; qu'au cas présent, l'article 20 des conditions générales de la Bank of Beirut impose au client de porter ses actions contre la banque devant les tribunaux de Beyrouth et réserve à la banque la possibilité d'attraire ses clients devant les tribunaux de Beyrouth, ou dans toute autre région du Liban ou à l'étranger ; que l'arrêt attaqué, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, retient pour dire cette clause valable que « il n'apparaît pas anormal qu'une banque ayant des clients internationaux ait dans le cas de litige, la possibilité de les attraire devant des juridictions autres que libanaise » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la clause attributive de juridiction ne satisfaisait pas à l'impératif de prévisibilité, la cour d'appel a violé l'article 14 du code civil, ensemble l'article 48 du code de procédure civile ;

3°/ que la règle de compétence édictée au profit du demandeur français par l'article 14 du code civil s'impose au juge français et ne peut être écartée, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international ou un règlement européen ; que la conclusion d'une clause attributive de juridiction ne vaut renonciation au bénéfice de l'article 14 du code civil que si celle-ci est valable ; que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'au cas présent, M. X. faisait valoir dans ses écritures d'appel que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de la Bank of Beirut est manifestement abusive en raison du déséquilibre significatif qui existe entre ses droits et obligations et ce ceux de la banque ; que l'arrêt attaqué, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, retient pour dire cette clause valable que les dispositions du code de la consommation ne peuvent recevoir application puisque « Monsieur X. a justifié le rapatriement de ses placements par des raisons uniquement tournées vers le renflouement financier de ses sociétés » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la qualité de consommateur et le caractère abusif d'une clause s'apprécient au jour de sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 14 du code civil, ensemble l'article L. 212-1 du code de la consommation ;

4° / que la règle de compétence édictée au profit du demandeur français par l'article 14 du code civil s'impose au juge français et ne peut être écartée, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international ou un règlement européen ; que la conclusion d'une clause attributive de juridiction ne vaut renonciation au bénéfice de l'article 14 du code civil que si celle-ci est applicable au litige ; qu'au cas présent, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, la cour d'appel retient que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de la Bank of Beirut « n'est pas exclusive d'une action en procédure collective » ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'action introduite par M. X. a pour objet l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire contre la Bank of Beirut et que la clause n'est applicable qu'aux « affaires judiciaires […] en relation avec le présent accord », la cour d'appel, en dénaturant les termes de cette clause, a violé l'article 14 du code civil, ensemble l'article 1103 du même code. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

3. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

4. Selon l'article L. 640-1 du même code, la procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens, cette cession ayant pour but, aux termes du premier alinéa de l'article L. 642-1, d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif.

5. Il en résulte que, si ces procédures peuvent être ouvertes sur la demande d'un créancier, leurs finalités excèdent le seul intérêt individuel de ce dernier, de sorte que l'article 14 du code civil, qui permet à un Français d'attraire un étranger devant les juridictions françaises, n'est pas applicable à une demande tendant à l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire.

6. Le moyen, qui postule le contraire en sa première branche, n'est pas fondé et, pour le surplus, critiquant des motifs surabondants, est inopérant.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X. aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.