CA NANCY (5e ch. com.), 14 mai 2025
- T. com. Bar-le-Duc, 2 février 2024 : RG n°2022J00025
CERCLAB - DOCUMENT N° 23812
CA NANCY (5e ch. com.), 14 mai 2025 : RG n° 24/00296
Publication : Judilibre
Extrait : « Les conditions générales de la police d'assurance relatives à l'indemnisation des dommages aux bâtiments assurés, applicable à la police d'assurance souscrite par Mme X. auprès de la société ACM, prévoient le versement à l'assuré d'une première indemnité destinée à couvrir le jour de la reconstruction à neuf du bâtiment au jour du sinistre, sans tenir compte de sa valeur historique ou artistique, à laquelle il est déduit la vétusté corps de métier par corps de métier. Il est indiqué que cette première indemnité ne peut excéder la valeur vénale, soit la valeur de vente avant le sinistre, augmentée des frais de déblai et démolition, déduction faite de la valeur du terrain nu avant sinistre. Les conditions générales prévoient par ailleurs le versement à l'assuré d'une seconde indemnité sur présentation des originaux de mémoires ou factures, après l'application d'un coefficient de vétusté déterminé corps de métiers par corps de métier dans la limite de 25 %. Le versement de cette seconde indemnité est subordonnée cumulativement : - à la reconstruction ou la réparation du bien sur son emplacement initial sans modification importante de sa structure ou de sa destination ; - à la reconstruction ou à la réparation du bien dans les deux années qui suivent la date du sinistre ; Il est enfin indiqué qu'en aucun cas la somme de ces deux indemnités ne peut excéder la valeur vénale de l'immeuble majorée de 50 %.
Aux termes de l'article L. 212-1 alinéa 1er du code de la consommation, dans les contrats conclus avec les professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Mme X. soutient en l'espèce que la clause des conditions générales, régissant les indemnités dues à l'assuré en cas de dommages causés aux bâtiments, est abusive et droit par conséquent être réputée non-écrite. Elle fait valoir que la clause limitant le montant de l'indemnité à la valeur vénale de l'immeuble, majorée seulement des frais de déblai et démolition (estimée par l'expert à 35 250 euros), créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, dès lors qu'elle ne permet pas de financer le coût de la reconstruction de l'immeuble évaluée en l'espèce à 400.000 euros. Mme X. prétend par ailleurs que le système d'indemnisation différée qui est prévu par les conditions générales limite le droit d'indemnisation de l'assuré, au regard de l'application des articles L. 122-4 et L. 121-1 du code des assurances, créant ainsi un déséquilibre significatif entre l'obligation d'indemnisation mise à la charge de l'assureur et celle de l'assurer de régler les primes fixées au contrat. Mme X. affirme que l'obligation mise à la charge de l'assuré de justifier de la reconstruction dans les deux ans du sinistre, faute de quoi elle est privée de l'indemnité différée est de nature à restreindre de manière significative et sans contrepartie son droit à indemnisation. Elle ajoute enfin que la limitation du montant de l'indemnité à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre ne permet de financer le coût de la reconstruction, étant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au sens des dispositions de l'article L. 212-2 du code de la consommation.
Les dispositions des conditions générales limitant le montant de la première indemnité à la valeur vénale du bâtiment avant le sinistre n'apparaît cependant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Le fait que l'indemnité due par l'assureur ne puisse dépasser le montant de la valeur de la chose assurée permet en effet de replacer l'assuré dans la situation dans laquelle il se trouvait avant le sinistre. Cette clause au demeurant conforme aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des assurances permet une réparation effective des dommages subis par l'assuré victime d'un sinistre, et ce, sans qu'il ne puisse s'enrichir en percevant de l'assureur une indemnité d'un montant supérieur à la valeur du bien assuré au jour du sinistre.
L'indemnisation de l'assuré par le versement de deux indemnités successives n'apparaît pas non plus de nature à créer un déséquilibre significatif entre les obligations et les droits respectifs de l'assureur et de l'assuré. Le versement d'« une indemnité immédiate » a pour effet d'indemniser l'assuré par le versement d'une indemnité strictement égale à la valeur vénale de l'immeuble sinistré. L'obligation de paiement des primes d'assurance mise à la charge de l'assuré trouve ainsi sa contrepartie dans celle de l'assureur de lui verser immédiatement une indemnité strictement plafonnée à la valeur de la chose assurée au jour du sinistre. Elle n'est donc génératrice d'aucun déséquilibre entre les parties au détriment de l'assuré.
Enfin, l'obligation mise à la charge de l'assuré de reconstruire ou réparer son bien dans un délai de deux ans à compter du sinistre n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations et les droits des parties. Celle-ci n'apparaît pas en effet de nature à restreindre de manière significative le droit à indemnisation de l'assuré. Elle trouve sa juste contrepartie dans la nécessité de limiter dans le temps l'obligation de l'assureur qui est tenu à une obligation d'indemnisation envers l'assuré. Le délai de reconstruction fixé en l'occurrence à deux ans apparaît raisonnable, compte tenu des contraintes liées à l'exécution des travaux de reconstruction et de leur durée prévisible.
Au vu de ce qui précède, il n'est pas justifié que les conditions d'indemnisation prévues par les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société ACM par Mme X. seraient des clauses abusives au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 24/00296 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKAK. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de BAR-LE-DUC, R.G. n°2022J00025, en date du 2 février 2024.
APPELANTE :
Madame X.
demeurant [Adresse 1], Représentée par Maître Bertrand MARRION de la SCP DUBOIS MARRION MOUROT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
La compagnie ALLIANZ IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège inscrite au registre du commerce et de société de Nanterre sous le numéro XXX [Adresse 4], Représentée par Maître Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE, THIRY, WIEDEMANN, avocat au barreau de NANCY, Avocat plaidant Maître Ghislain LEPOUTRE avocat au barreau de Paris
SA ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège [Adresse 2], Représentée par Maître Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de MEUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, Président d'audience et chargé du rapport ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller, Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller, Monsieur Benoit JOBERT magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le conseiller faisant fonction de Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 14 Mai 2025, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par M. Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, et par M. Ali ADJAL, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte notarié en date du 27 février 2018, Mme X. a acquis une maison à usage d'habitation, située [Adresse 1], cadastrée section ZL n°[Cadastre 3], moyennant le prix de 25.000 euros.
A effet à compter du 14 mars 2018, Mme X. a souscrit un contrat d'assurance habitation auprès de la compagnie Assurances Crédit Mutuel, ci-après dénommée la société ACM, par l'intermédiaire de la société banque CIC Est.
A effet à compter du 10 juillet 2018, Mme X. a également souscrit, auprès de la société compagnie Allianz Iard second un contrat multirisque habitation.
Le 11 juillet 2018, Mme X. a régularisé un avenant au contrat multirisque habitation souscrit auprès de la société ACM.
Le 21 septembre 2018, un incendie s'est déclaré au sien de l'immeuble en l'absence de ses occupants.
La société compagnie Allianz Iard a mandaté un expert afin de procéder à une expertise amiable du sinistre. Celui-ci a conclu que l'incendie était d'origine volontaire.
Le 16 janvier 2019, la société compagnie Allianz Iard a saisi le président du tribunal judiciaire de Verdun afin aux fins de désignation d'un expert judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure.
Suivant ordonnance de référé en date du 7 mars 2019, le président du tribunal judiciaire de Verdun a désigné M. Y. en qualité d'expert judiciaire.
Le 11 juillet 2019, Mme X. a demandé au juge des référés du tribunal judiciaire de Verdun de rendre les opérations d'expertise judiciaire communes et opposables à la compagnie ACM.
Suivant ordonnance en date du 29 août 2019, le président du tribunal judiciaire de Verdun a déclaré commune l'expertise précédemment ordonnée à la société ACM.
Le 24 septembre 2021, l'expert judiciaire a déposé son rapport. Il conclut à un sinistre d'origine volontaire et a évalué la valeur vénale du bien sinistré à 22.000 euros, les travaux d'amélioration à 1.500 euros et les meublants et contenus à 22.000 euros, soit à la somme totale de 45 500 euros. Il a également évalué la valeur de reconstruction du bâtiment à la somme arrondie de 400 00 euros toutes taxes comprises.
Par acte en date du 22 mai 2022, M. X. a fait assigner la société compagnie Allianz Iard devant le tribunal de commerce de Bar-le-Duc afin que celle-ci soit condamnée notamment à lui payer une indemnité d'un montant de 400.000 euros au titre de la réparation du sinistre. .
La société compagnie Allianz Iard a fait assigner la société ACM en intervention forcée et en garantie.
Par acte en date du 9 août 2022, Mme X. a également fait assigner la société ACM, aux fins de condamnation au paiement de la somme de 400.000 euros, à titre de l’« indemnité de sinistre », et subsidiairement au paiement de la somme de 55 500 euros, à titre d'indemnité immédiate.
Suivant jugement, rendu contradictoirement le 2 février 2024, le tribunal de commerce de Bar-le-Duc a :
- dit que l'action de Mme X. à l'encontre de la société compagnie Allianz Iard est prescrite,
- dit que les demandes de Mme X. à l'encontre de la société ACM sont sans fondement.
Par conséquent,
- débouté Mme X. en toutes ses demandes à titre principal et 'secondaire',
- condamné Mme X. à payer à la société compagnie Allianz Iard la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. à payer à la société ACM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. aux entiers dépens, ceux compris les frais d'expertise et les frais de greffe liquidés et taxés.
Par déclaration en date du 16 février 2024, Mme X. a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bar-le-Duc le 2 février 2024.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 3 mai 2024, Mme X. demande à la cour de :
- déclaré l'appel de Mme X. recevable,
- infirmer le jugement du 2 février 2024 du tribunal de commerce de Bar-Le-Duc,
- et statuant à nouveau,
à titre principal,
- déclarer abusive et non écrite la clause prévue à l'article 8.4 des conditions générales de la police Allianz visant à la limiter le droit à indemnisation de Mme X.,
- déclarer abusive et non écrite les dispositions des conditions générales de la police ACM visant à la limiter le droit à indemnisation de Mme X.
- condamner in solidum la société ACM et la société compagnie Allianz Iard à verser à Mme X. la somme de 400.000 euros à titre d'indemnité de sinistre.
A titre subsidiaire
- condamner la société Allianz Iard à verser à Mme X. la somme de 45.225 euros à titre d'indemnité immédiate due sans justificatif,
- condamner la société ACM à verser à Mme X. la somme de 55.500 euros à titre d'indemnité immédiate due sans justificatif,
- condamner in solidum la société ACM et la société Allianz Iard à verser à Mme X. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour Me Marrion de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
- condamner in solidum la société ACM et la société compagnie Allianz Iard aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise,
- constater que Mme X. est bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe en date du 4 février 2025, la société compagnie Allianz Iard demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris qui a jugé prescrite l'action de Mme X. à l'encontre de la compagnie Allianz Iard,
-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, limiter toute éventuelle condamnation de la société compagnie Allianz Iard à la somme de 42 225 euros,
- à titre très subsidiaire, si par impossible une condamnation était ordonnée à l'encontre de la société Allianz Iard, à la suite de l'incendie subi par Mme X. le 28 septembre 2018,
- condamner la société ACM à garantir la société compagnie Allianz Iard des entières condamnations prononcées à son encontre,
- en tout état de cause, et à titre infiniment subsidiaire,
-juger irrecevable la demande en garantie de la société ACM, pour le cas où la société compagnie Allianz Iard serait condamnée à indemniser Mme X.,
-fixer à maxima l'indemnité immédiate que Mme X. peut revendiquer à la somme de 45.500 euros (avant franchise) par application de l'article L. 121-4 du code des assurances et du contrat d'assurance laquelle sera répartie entre les sociétés ACM et compagnie Allianz Iard,
- condamner Mme X. à verser à la société compagnie Allianz Iard la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Ariane Millot-Logier.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 août 2024, la société ACM demande à la cour de :
- principalement,
- déclarer l'appel formé par Mme [L] [J] X. irrecevable, mal fondé à tout le moins,
- par conséquent,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bar-Le-Duc le 2 février 2024 en toutes ses dispositions.
- débouter Mme [L] [J] X. en toutes ses demandes,
- subsidiairement,
- rejeter les demandes de Mme X. visant à voir déclarer comme abusives les dispositions de la police d'assurance qui définit l'indemnisation de l'assurée,
- fixer à maxima à la somme de 23 500 euros l'indemnité immédiate due par la société les ACM à Mme X.
- rejeter toute demande au titre de l'indemnité différée et à défaut, dire qu'elle ne pourrait intervenir qu'à la reconstruction du bien, justifiée par la production de factures vu le principe indemnitaire et le contrat d'assurance,
- rejeter les demandes de Mme X. visant à percevoir au titre des indemnités immédiates une somme de 55 500 euros de la part de la société ACM et 45.225 euros de la part de la société compagnie Allianz Iard.
- fixer à maxima l'indemnité immédiate que Mme X. peut revendiquer à la somme de 55.500 euros par application de l'art L121-4 du code des assurances et du contrat d'assurance, laquelle sera répartie entre les société ACM et compagnie Allianz Iard.
- déclarer la demande en garantie de la société compagnie Allianz Iard irrecevable, à tout le moins mal fondée.
- en tout état de cause,
-rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civiles présentées par Mme X.
- condamner Mme X. à payer à la société ACM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.
- condamner Mme X. aux entiers dépens.
[*]
Suivant ordonnance en date du 1er octobre 2024, le conseiller de la mise en état a débouté la société compagnie Allianz Iard de sa demande de radiation du rôle de l'affaire.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 février 2025 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la prescription de l'action engagée à l'encontre de la société Compagnie Allianz Iard :
L'article L. 114-1 du code des assurances dispose que toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites pas deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
En application de l'article L. 114-2 du même code, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.
En l'espèce, Mme X. disposait d'un délai de deux ans à compter du 21 septembre 2018, date du sinistre, pour engager une action contre la société compagnie Allianz Iard, son assureur. Cette prescription biennale a été régulièrement interrompue, le 7 mars 2019, date l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Bar-le-Duc ayant désigné M. Y., en qualité d'expert, dans le cadre de ce sinistre.
Lorsque le juge des référés accueille une demande de mesure d'instruction avant tout procès, la suspension de la prescription qui fait suite à l'interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure ordonnée et ne joue qu'à son profit.
Il s'ensuit que Mme X. qui n'était pas demanderesse à la mesure d'expertise sollicitée devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bar-le-Duc ne peut bénéficier de la suspension de la prescription interrompue depuis le 7 mars 2019 en conséquence de cette même mesure.
Il n'est justifié depuis le 7 mars 2019, date de la désignation de l'expert, d'aucun acte interruptif de la prescription édictée par les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, de sorte que celle-ci était acquise au 7 mars 2021. Mme X. ayant fait assigner au fond la société compagnie Allianz Iard devant le tribunal de commerce de Bar-le-Duc par acte du 22 mai 2022, son action engagée à l'encontre de l'assureur est prescrite.
Au soutien de son appel, Mme X. fait valoir que qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait accepté les conditions générales du contrat d'assurance, rappelant les règles applicables en matière de prescription, que la société compagnie allianz Iard tend à lui opposer.
Mme X. précise qu'il n'est pas prouvé en toute état de cause que l'exemplaire des conditions générales qui sont produites aux débats par l'assureur soient celles qui se rapportent au contrat litigieux. Elle relève enfin que ces conditions générales omettent de rappeler les règles relatives à la suspension de la prescription, en particulier celle édictant que celle-ci ne profite qu'à la partie demanderesse à l'expertise.
Il est justifié cependant que Mme X. a signé, le 10 juillet 2018, les conditions particulières de la police d'assurance qu'elle a souscrite auprès de la société compagnie Allianz Iard, reconnaissant par ailleurs avoir reçu un exemplaire des conditions générales portant la référence « COM 16258 ». L'assureur verse aux débats les conditions générales de la police d'assurance, dont cette référence identifiée par un 'QR Code' figure sur chaque page. Il est acquis dans ces conditions que les conditions générales qui sont opposées par l'assureur se rapportent formellement à la police d'assurance souscrite par l'appelante.
Conformément à l'article R. 112-1 du code de assurances, il appartient à l'assureur de rappeler dans la police d'assurance les dispositions des titres Ier et II du livre I de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance. Il en résulte que l'assureur a l'obligation de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré de ce délai, les points de départ et les cause d'interruption du délai biennal de la prescription, prévus par les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription.
En l'espèce, l'article 7.6 des conditions générales, se rattachant au contrat litigieux, portant la référence « COM 16258 », rappellent les règles applicables à l'ensemble des points susvisés, en reproduisant notamment in extenso les articles précités. Les règles applicables à l'information devant être transmises à l'assuré concernent uniquement les causes d'interruption de la prescription, et non celles régissant sa suspension. Il ne peut donc être fait grief à la société compagnie Allianz Iard de ne pas avoir rappelé dans les conditions générales susvisées les règles relatives à la suspension de la prescription dans le cas où une mesure d'instruction serait ordonnée avant tout procès au fond par le juge des référés.
Il convient au vu de ce qui précède de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré prescrite l'action engagée par Mme X. à l'encontre de la société compagnie Allianz Iard.
Sur l'action engagée à l'encontre de la société ACM :
Les conditions générales de la police d'assurance relatives à l'indemnisation des dommages aux bâtiments assurés, applicable à la police d'assurance souscrite par Mme X. auprès de la société ACM, prévoient le versement à l'assuré d'une première indemnité destinée à couvrir le jour de la reconstruction à neuf du bâtiment au jour du sinistre, sans tenir compte de sa valeur historique ou artistique, à laquelle il est déduit la vétusté corps de métier par corps de métier. Il est indiqué que cette première indemnité ne peut excéder la valeur vénale, soit la valeur de vente avant le sinistre, augmentée des frais de déblai et démolition, déduction faite de la valeur du terrain nu avant sinistre.
Les conditions générales prévoient par ailleurs le versement à l'assuré d'une seconde indemnité sur présentation des originaux de mémoires ou factures, après l'application d'un coefficient de vétusté déterminé corps de métiers par corps de métier dans la limite de 25%. Le versement de cette seconde indemnité est subordonnée cumulativement :
- à la reconstruction ou la réparation du bien sur son emplacement initial sans modification importante de sa structure ou de sa destination ;
- à la reconstruction ou à la réparation du bien dans les deux années qui suivent la date du sinistre ;
Il est enfin indiqué qu'en aucun cas la somme de ces deux indemnités ne peut excéder la valeur vénale de l'immeuble majorée de 50 %.
Aux termes de l'article L. 212-1 alinéa 1er du code de la consommation, dans les contrats conclus avec les professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Mme X. soutient en l'espèce que la clause des conditions générales, régissant les indemnités dues à l'assuré en cas de dommages causés aux bâtiments, est abusi et droit par conséquent être réputée non-écrite. Elle fait valoir que la clause limitant le montant de l'indemnité à la valeur vénale de l'immeuble, majorée seulement des frais de déblai et démolition (estimée par l'expert à 35 250 euros), créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, dès lors qu'elle ne permet pas de financer le coût de la reconstruction de l'immeuble évaluée en l'espèce à 400.000 euros.
Mme X. prétend par ailleurs que le système d'indemnisation différée qui est prévu par les conditions générales limite le droit d'indemnisation de l'assuré, au regard de l'application des articles L. 122-4 et L. 121-1 du code des assurances, créant ainsi un déséquilibre significatif entre l'obligation d'indemnisation mise à la charge de l'assureur et celle de l'assurer de régler les primes fixées au contrat.
Mme X. affirme que l'obligation mise à la charge de l'assuré de justifier de la reconstruction dans les deux ans du sinistre, faute de quoi elle est privée de l'indemnité différée est de nature à restreindre de manière significative et sans contrepartie son droit à indemnisation. Elle ajoute enfin que la limitation du montant de l'indemnité à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre ne permet de financer le coût de la reconstruction, étant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au sens des dispositions de l'article L. 212-2 du code de la consommation.
Les dispositions des conditions générales limitant le montant de la première indemnité à la valeur vénale du bâtiment avant le sinistre n'apparaît cependant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Le fait que l'indemnité due par l'assureur ne puisse dépasser le montant de la valeur de la chose assurée permet en effet de replacer l'assuré dans la situation dans laquelle il se trouvait avant le sinistre. Cette clause au demeurant conforme aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des assurances permet une réparation effective des dommages subis par l'assuré victime d'un sinistre, et ce, sans qu'il ne puisse s'enrichir en percevant de l'assureur une indemnité d'un montant supérieur à la valeur du bien assuré au jour du sinistre.
L'indemnisation de l'assuré par le versement de deux indemnités successives n'apparaît pas non plus de nature à créer un déséquilibre significatif entre les obligations et les droits respectifs de l'assureur et de l'assuré. Le versement d'« une indemnité immédiate » a pour effet d'indemniser l'assuré par le versement d'une indemnité strictement égale à la valeur vénale de l'immeuble sinistré. L'obligation de paiement des primes d'assurance mise à la charge de l'assuré trouve ainsi sa contrepartie dans celle de l'assureur de lui verser immédiatement une indemnité strictement plafonnée à la valeur de la chose assurée au jour du sinistre. Elle n'est donc génératrice d'aucun déséquilibre entre les parties au détriment de l'assuré.
Enfin, l'obligation mise à la charge de l'assuré de reconstruire ou réparer son bien dans un délai de deux ans à compter du sinistre n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations et les droits des parties. Celle-ci n'apparaît pas en effet de nature à restreindre de manière significative le droit à indemnisation de l'assuré. Elle trouve sa juste contrepartie dans la nécessité de limiter dans le temps l'obligation de l'assureur qui est tenu à une obligation d'indemnisation envers l'assuré. Le délai de reconstruction fixé en l'occurrence à deux ans apparaît raisonnable, compte tenu des contraintes liées à l'exécution des travaux de reconstruction et de leur durée prévisible.
Au vu de ce qui précède, il n'est pas justifié que les conditions d'indemnisation prévues par les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société ACM par Mme X. seraient des clauses abusives au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.
Conformément aux conditions générales précitées, la première indemnité versée par la société ACM est limitée à la valeur de la chose assurée au jour du sinistre. Il est constant en l'espèce que Mme X. l'immeuble sinistré le 27 février 2018, moyennant le prix de 25.000 euros. La valeur de reconstruction, vétusté déduite, étant supérieure à la valeur vénale du bien concerné, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande tendant à la condamnation de l'assureur à lui verser la somme de 400.000 euros à titre d'indemnité de sinistre.
Mme X. ne peut également prétendre en vertu de ces mêmes conditions générales au versement de l'indemnité différée dans la mesure où celle-ci n'est payée à l'assuré que dans l'hypothèse où le bâtiment sinistré a été réparé ou reconstruit dans les deux années suivant le sinistre déclaré sur son emplacement initial. Or l'appelante ne justifie pas avoir procédé à l'exécution des travaux de réparation ou de reconstruction de l'immeuble assuré dans le délai de deux qui lui était imparti à compter du 21 septembre 2018. Cette condition n'étant pas respectée, il convient également de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande tendant à la condamnation de la société ACM au paiement d'une 55 500 euros
Sur les demandes accessoires :
Mme X., succombant dans son appel, est condamnée aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, Me Ariane Millot-Logier, avocat, étant autorisée à recouvrer directement ceux exposés devant la cour par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme X. est déboutée de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant le tribunal et la cour, dirigées à l'encontre de la société compagnie Allianz et la société ACM.
Mme X. est condamnée à payer à la société compagnie Allianz et la la société ACM, chacune, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute Mme X. de sa demande formée au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. aux entiers frais et dépens de l'appel, Me Ariane Millot-Logier, avocat, étant autorisée à les recouvrer directement par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. à payer à la société compagnie Allianz Iard et à la société Les Assurances du Crédit Mutuel, chacune, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, à la Cour d'Appel de NANCY, et par M. Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,
Minute en douze pages