CA COLMAR (1re ch civ. A), 3 juillet 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23946
CA COLMAR (1re ch civ. A), 3 juillet 2024 : RG n° 23/00138 ; arrêt n° 340/24
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Dès lors, la demande tendant à voir réputée non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
Concernant l'action restitutoire, l'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. [...]
S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738). S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.
Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées, doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030). Par conséquent, la Cour confirmera la décision entreprise, en ce qu'elle a considéré que la demande de Madame X., tendant à voir déclarer réputées non écrites des clauses des 4 contrats qu'elle estime abusives, était recevable. »
2/ « La CJUE a rappelé que le consommateur se trouvant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel, en ce qui concerne son niveau d'information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive. Cependant, il est évident que cette protection renforcée du consommateur ne s'applique qu'aux emprunteurs exposés au risque de change.
Madame X. considère que les clauses afférentes au risque de change et au remboursement en devises contenues dans les articles 2 (« remboursement »), 8 (« prélèvement des échéances ») et 5 (« le prêt en devise ») et 12 (« dispositions propres au crédit en devise ») devraient être déclarées abusives, en ce qu'elles n'ont pas attiré son attention de simple consommatrice sur le risque de change.
Comme cela a déjà été rappelé précédemment, les prêts litigieux ont été souscrits en Francs suisses entre 2005 et 2010 par Madame X. Or, il est établi que cette dernière a toujours bénéficié de revenus versés en francs suisses, issus de son emploi rémunéré au sein de la société Novartis, puis de la perception d'une rente après sa mise à la pré-retraite en juillet 2018, soit respectivement 13 ans après la contraction du premier prêt et 8 ans après la contraction du dernier. En outre, alors que la banque lui a demandé de justifier de sa situation financière actuelle - qui a très probablement été réévaluée depuis qu'elle a atteint l'âge de la retraite - l'appelante n'a apporté aucune explication à ce sujet, ni au sujet de son régime de retraite suisse (nombre de piliers, éventuelle libération du capital de tout ou partie du deuxième pilier.). Enfin, l'examen du relevé du compte de l'appelante ouvert dans les livres de la Caisse D’ÉPARGNE inédit au remboursement de quatre prêts portant des échéances en francs suisses, pour la période allant du 5 novembre 2020 au 10 février 2021 (produits aux débats par la banque en son annexe 11), démontre d'une part que l'intéressée a procédé régulièrement à des dépôts d'espèces en Francs suisses, pour lui permettre de réaliser les remboursements dans la devise souhaitée, ce qui démontre qu'elle dispose de ressources en francs suisses ; ainsi elle a déposé 10.000 francs suisses le 19 décembre 2020, 32 286 francs suisses le 20 janvier 2021, et 10.000 francs suisses le 10 février 2021. Par conséquent, elle ne peut affirmer avoir subi, et subir, un quelconque risque de change, alors qu'elle a toujours disposé de ressources en francs suisses suffisantes pour lui permettre de rembourser l'intégralité des prêts contractés en francs suisses, dans cette devise.
Elle ne peut reprocher par ailleurs à la banque de ne pas avoir attiré son attention, par des clauses contractuelles, sur un risque de diminution de ses ressources en francs suisses, notamment par une « mise à la retraite anticipée » par son employeur. Travaillant depuis de très nombreuses années en Suisse, l'appelante était parfaitement avisée du mécanisme de change et ne pouvait ignorer qu'un départ à la retraite, choisi ou imposé, ou encore une mutation ou perte d'emploi, auraient une incidence sur la perception de ses revenus de travail en francs suisses.
Dans ces conditions, l'appelante ne démontrant pas avoir été soumise à un risque de change, il y a lieu de considérer qu'elle a bénéficié d'une information concrète, suffisante et exacte portant sur le mécanisme du prêt en devise suisse, tel qu'exposé dans les articles évoqués plus haut. Les passages à ce sujet sont clairs et à la portée de l'emprunteuse, titulaire d'un diplôme délivré par l'enseignement supérieur.
Dans ces conditions, sa demande portant sur les clauses abusives sera rejetée, la décision de première instance devant être confirmée. »
3/ « Selon l'article 2224 du code civil, une action en responsabilité doit être engagée dans un délai de cinq ans à compter du jour où la personne à l'origine de l'action a eu, ou aurait dû, avoir connaissance des faits lui permettant de l'exercer. En matière de prêts in fine, ce n'est qu'au moment du règlement de la dernière échéance du prêt, ici le 5 juillet 2021, que l'emprunteur est à même de découvrir l'existence d'un préjudice en lien avec un manquement de la banque à une obligation contractuelle. Dans ces conditions, l'action en responsabilité menée par Madame X. - en lien avec les deux prêts in fine contractés en 2005 et 2006 pour les acquisitions des biens situés à [Localité 8] et à [Localité 5] stipulant un remboursement du capital en 2021 - n'est pas couverte par la prescription. La décision du premier juge, qui l'avait déclarée irrecevable, sera infirmée sur ce point.
En revanche, le premier juge a, à juste titre considéré, pour les prêts contractés en 2007 et 2010 pour les investissements immobiliers réalisés à [Localité 6] et [Localité 7], sous la forme de prêts avec un amortissement classique, que la réalisation du dommage s'est révélée au moment de la signature des contrats qui ne comportaient aucune clause opaque. L'absence d'exposition de Madame X. à un quelconque risque de change fait que le point de départ du délai de prescription quinquennale ne pouvait être différé et être corrélé à l'évolution du cours de change du franc suisse. L'assignation remontant à 2019, force est de constater que l'action en responsabilité portant sur les deux prêts amortissables contractés en 2007 et 2010, est prescrite. »
4/ « L'appelante estime que la banque aurait commis une faute en ne l'ayant, ni informée ni alertée des risques liés à des prêts en devises étrangères, et notamment sur celui qu'elle encourait de perdre tout ou partie de ses ressources en Francs suisses durant la vie des contrats.
Cependant, à partir du moment où il a été démontré que l'intéressée n'a pas été soumise au risque de change euro/franc suisse, du fait d'une part qu'elle a toujours perçu des revenus en francs suisses et d'autre part - qu'en dépit des demandes de la banque - elle s'est abstenue de produire des explications et des documents de nature à permettre de connaître sa situation financière actuelle (notamment du point de vue de la perception de ses droits à la retraite par les caisses de retraite suisses), elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice (découlant d'une incapacité de rembourser les échéances des deux prêts amortissables encore en cours avec des revenus perçus en francs suisses) de sorte qu'elle ne peut reprocher à la banque un quelconque défaut dans son devoir d'information, de conseil ou de la mise en garde. Il y a par conséquent lieu de rejeter la demande d'indemnisation de Madame X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 3 JUILLET 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 23/00138. Arrêt n° 340/24. N° Portalis DBVW-V-B7H-H7OG. Décision déférée à la Cour : 5 décembre 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile.
APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT :
Madame X.
[Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Mathilde SEILLE, avocat à la Cour
INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :
SA CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Thierry CAHN, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de : M. WALGENWITZ, Président de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395. - signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame X. a contracté quatre prêts immobiliers auprès de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE, afin de financer l'achat de quatre biens immobiliers destinés à la location situés respectivement à [Localité 8], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 7], à savoir :
- selon offre du 14 octobre 2005, un premier prêt in fine n°5577XX902 de 403.000 CHF, qui a été remboursé le 15 juillet 2021, à un taux d'intérêt annuel de 1,56 % indexé sur le LIBOR 3 mois CHF,
- selon offre du 13 février 2006, un deuxième prêt in fine n°5577YY03 de 95.950 CHF, qui a été remboursé le 15 juillet 2021 à un taux d'intérêt annuel de 1,80 % indexé sur le LIBOR 3 mois CHF,
- selon offre du 17 juillet 2007, un troisième prêt amortissable n°5577ZZ904 de 350.000 CHF, remboursable sur 216 mois, à un taux d'intérêt annuel de 3,14 % indexé sur le LIBOR 3 mois CHF,
- enfin selon offre du 16 décembre 2010, un quatrième prêt amortissable n°A0WW3 de 444.948 CHF, réduit à 395.788 CHF, remboursable sur 180 mois, à un taux d'intérêt annuel de 1,80 % indexé sur le LIBOR 3 mois CHF avec plafond à 2,80 %.
Lors de l'acceptation de ces offres, elle disposait de ressources en Francs suisses pour occuper un poste d'ingénieur au sein d'une société pharmaceutique suisse.
En juillet 2018, Madame X. a fait l'objet d'un licenciement avec mise à la préretraite, de sorte qu'elle perdu une grande partie de ses ressources en Francs suisses.
Selon assignation délivrée en date du 21 janvier 2019, Madame X. a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, pour solliciter de sa part qu'il déclare abusives, et donc non écrites, deux clauses - portant sur les prélèvements à échéance et le libellé du prêt en devises - présentes dans les quatre contrats de prêts évoqués plus haut et en conséquence, qu'il ordonne à la banque d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement libellés en Euros au cours du change, à la date de régularisation des emprunts.
Elle demandait également, à titre subsidiaire, qu'il soit constaté un manquement par la banque à son obligation de mise en garde et que la banque soit condamnée à lui verser la somme de 208 922 €, à titre de dommages et intérêts, outre 10.000 € au titre du préjudice moral.
Par jugement du 5 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription opposée par la CAISSE D’ÉPARGNE Grand Est Europe à l'action tendant à faire juger non écrites les clauses abusives contenues dans les quatre contrats liant les parties,
- déclaré recevable l'action tendant à faire juger non écrites les clauses abusives contenues dans les quatre contrats liant les parties,
- débouté Madame X. de sa demande principale,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action subsidiaire de Madame X.,
- condamné Madame X. aux dépens et au paiement d'une somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse D’ÉPARGNE et de Prévoyance Grand Est Europe.
Selon déclaration d'appel en date du 2 janvier 2023, Madame X. sollicitait l'infirmation, respectivement la réformation voire l'annulation de la décision prononcée le 5 décembre 2022.
[*]
Dans ses dernières écritures du 27 novembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, accompagnées d'un bordereau de pièces qui n'a pas fait l'objet de contestation, Madame X. demande à la cour, au vu des articles L.132-1 du Code de la consommation, 1134, 1135, 1147, 1156 et 1158 du Code civil (version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016), de :
- DÉCLARER l'appel recevable et bien fondé
Y faisant droit,
- CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il :
- REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la Caisse D’ÉPARGNE Grand Est Europe à l'action tendant à faire juger non écrites les clauses abusives contenues dans les quatre contrats liant les parties ;
- DÉCLARE RECEVABLE l'action tendant à faire juger non écrites les clauses abusives contenues dans les quatre contrats liant les parties ;
- INFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il :
* déboute Madame X. de sa demande principale,
* déclare irrecevable comme prescrite l'action subsidiaire de Madame X.,
* condamne Madame X. aux dépens,
* condamne Madame X. à payer à la Caisse D’ÉPARGNE et de Prévoyance Grand Est Europe une indemnité de 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- JUGER que les clauses 12-dispositions propres aux crédits en devises en son paragraphe (article 11 pour le prêt de 95.950 CHF) 2/ Risque de change et 3/ Modalités de remboursement en devises des prêts de 403.000 CHF, 95.950 CHF et articles 8 -Prélèvement des échéances et 5- Le Prêt en devises-risque de change et remboursement en devises des prêts 350.000 CHF et 444.948 CHF débloqué à hauteur de 395.788 CHF sont manifestement abusives et sont donc réputées non écrites,
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE, s'agissant des prêts de 350.000 CHF et 444.848 CHF débloqué à hauteur de 395.788 CHF, à établir des nouveaux tableaux d'amortissement conformes, afférents à chacun des prêts, respectivement de 211.262 Euros et 308.951 Euros au même taux et sur la même durée de mois, avec substitution de l'Euro au Franc suisse, prenant en compte le nouveau capital restant dû, déduction faite des échéances déjà versées réactualisées au cours de change à la date de conclusion de chacun des prêts, sous astreinte de 300 Euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE à verser à Madame X. la somme de 136.276 Euros à titre de dommages et intérêts au titre des clauses abusives des prêts in fine.
À TITRE SUBSIDIAIRE,
- JUGER que la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE n'a pas informé ni alerté Madame X. sur les risques liés à des prêts en devises notamment sur le risque de perte de ressources en Francs suisses, le risque lié aux disparités de change et sur le risque d'augmentation du capital,
- JUGER que la CAISSE D'ÉPARGNE GRAND EST EUROPE n'a remis aucune simulation chiffrée à Madame X. décrivant ces risques,
- JUGER en conséquence, que la CAISSE D'ÉPARGNE GRAND EST EUROPE a manqué à son devoir d'information et de mise en garde à l'égard de Madame X.,
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE à verser à Madame X. la somme de 239.937 Euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier.
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE à verser à Madame X. la somme de 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
- JUGER irrecevable la demande de la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE aux fins que restent dus des intérêts au taux légal majoré, conformément à l'article 564 du CPC, selon détail ci-dessous :
' - Offre de prêt de 2005 (libor CHF 3M) majoré de 0,80 points
' - Offre de prêt de 2006 (libor 3M) majoré de 0,80 points
' - Offre de prêt de 2007 (libor) 3M majoré de 0,65 points
' - Offre de prêt de 2010 (libor) 3M majoré de 1,63 points et l'application de l'EURIBOR en tant qu'index.
- DÉBOUTER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE à verser à Madame X. la somme de 6.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les frais d'expertise,
- CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE GRAND EST EUROPE aux entiers dépens.
[*]
La SA CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE s'est constituée intimée le 17 janvier 2023. Elle estime que toutes les demandes articulées par l'appelante devraient être déclarées irrecevables, pour être prescrites.
S'agissant de la demande adverse, fondée sur la théorie des clauses abusives, l'intimée soutient que les clauses critiquées ne sont pas abusives et qu'elle n'a pas manqué à son obligation de mise en garde, en rappelant pour les besoins du raisonnement, qu'un manquement à l'obligation de mise en garde se résout en perte de chance de ne pas contracter.
Par conséquent, la banque sollicite la confirmation de la décision, en ce qu'elle a rejeté les demandes adverses comme étant non fondées et partiellement irrecevables car prescrites, tout en demandant l'infirmation de la décision soumise, en ce qu'elle n'a pas fait droit en intégralité à l'irrecevabilité soulevée, du fait de la prescription relevée pour chacune des demandes développées, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire.
Aussi, dans ses dernières écritures du 13 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, accompagnées d'un bordereau de pièces transmis le 6 mars 2024 qui n'a pas fait l'objet de contestation, la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE demande à la cour de :
- INFIRMER la décision en ce qu'elle a rejeté partiellement la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la banque concluante
- CONFIRMER la décision en ce qu'elle a :
* déclaré irrecevables car prescrites les demandes formées à titre subsidiaire
* rejeté les demandes adverses dans leur intégralité, celles-ci étant au demeurant non fondées
En tout état de cause,
- DIRE ET JUGER les demandes adverses prescrites, irrecevables et en tout état de cause non fondées,
En conséquence,
- DÉBOUTER l'appelante-demanderesse de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,
A titre subsidiaire,
- DIRE ET JUGER que restent dus des intérêts au taux légal majoré, selon détail ci-dessous :
* Offre de prêt de 2005 (libor CHF 3M) majoré de 0,80 points
* Offre de prêt de 2006 (libor 3M) majoré de 0,80 points
* Offre de prêt de 2007 (libor) 3M majoré de 0,65 points
* Offre de prêt de 2010 (libor) 3M majoré de 1,63 points
et l'application de l'EURIBOR en tant qu'index,
- CONSTATER l'absence de perte de chance,
- CONDAMNER Madame X. à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE la somme de 4.500 €, en application de l'article 700 du CPC,
- LA CONDAMNER en tous les frais et dépens issus de l'instance.
[*]
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 17 avril 2024.
L'affaire a été retenue à l'audience du 13 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions respectives des parties, il sera fait renvoi à leurs conclusions respectives.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1) Sur le rappel du contexte :
La cour rappelle, tout d'abord, que Madame X. est un emprunteur qui possédait des ressources en Francs suisses au jour de la signature du prêt, puisqu'elle disposait d'un salaire net mensuel, au moment de la contraction des quatre prêts, ayant varié entre 7.623 Francs suisses en 2005 et 10.142 Francs suisses en 2010.
Elle a bénéficié de versements de son salaire en francs suisses jusqu'à son licenciement en juillet 2018, suivi d'une mise en pré-retraite obligatoire, mais également par la suite, puisqu'elle a commencé à percevoir une rente mensuelle de retraite de 3.324 francs suisses (cf. annexe 30), devant être maintenue jusqu'à son départ effectif à la retraite.
Elle avait souscrit en 2005, 2006, 2007 et 2010 quatre prêts en francs suisses de montants respectifs de 403.000 €, 95.950 €, 350.000 € et 444.948 €, avec des taux d'intérêt annuels indexés sur le Libor trois mois de 1,56 %, 1,80 %, 3,14 %, 1,80 %, en vue de financer des investissements immobiliers destinés à la location.
La cour observe que les deux premiers prêts ont été stipulés avec un remboursement du capital « in fine » remboursements qui ont été honorés par l'appelante en juillet 2021.
2) Sur les demandes portant sur le caractère abusif de certaines clauses contractuelles :
2-1) Sur la question de la prescription de cette action soutenue par la banque :
S'agissant de l'action déclaratoire, l'article 7, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur, aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, à un délai de prescription.
Dès lors, la demande tendant à voir réputée non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
Concernant l'action restitutoire, l'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive. Elle a relevé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).
S'agissant de l'opposition d'un délai de prescription à une demande introduite par un consommateur, aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, elle a rappelé avoir dit pour droit que l'article 6, § 1 et l'article 7, § 1 de cette directive ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l'action tendant à constater la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18 ; CJUE, 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19). Ainsi, l'opposition d'un tel délai n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, pour autant que son application ne rende pas, en pratique, impossible ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par cette directive. En conséquence, un délai de prescription est compatible avec le principe d'effectivité uniquement si le consommateur a eu la possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou ne s'écoule.
Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1 de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.
S'agissant du respect du principe d'équivalence, il sera rappelé qu'en droit interne, le délai de prescription des actions en restitution, consécutives à l'annulation d'un contrat ou d'un testament, ne court qu'à compter de cette annulation, que cette annulation résulte de l'accord des parties ou d'une décision de justice (1ère Civ, 1er juillet 2015, n°14-20.369 ; 1ère Civ., 28 octobre 2015, n°14-17.893 ; 3ème Civ, 14 juin 2018, n°17-13.422 ; 1ère civ, 13 juillet 2022 n°20-20.738).
S'agissant du principe d'effectivité, il serait contradictoire de déclarer imprescriptible l'action en reconnaissance du caractère abusif d'une clause et de soumettre la principale conséquence de cette reconnaissance à un régime de prescription la privant d'effet.
Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées, doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 Juillet 2023, n° 22-17.030).
Par conséquent, la Cour confirmera la décision entreprise, en ce qu'elle a considéré que la demande de Madame X., tendant à voir déclarer réputées non écrites des clauses des 4 contrats qu'elle estime abusives, était recevable.
2-2) Sur le caractère abusif de certaines clauses stipulant un prêt en devises :
Aux termes de l'article L.132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, doivent être déclarées abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives, s'il peut subsister sans lesdites clauses.
La Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé que les clauses de monnaie de paiement et de monnaie de compte qui permettent le remboursement en Francs suisses, voire en monnaie nationale, relèvent de l'objet principal du contrat, dans la mesure où elles définissent cet objet principal, dès lors qu'elles décrivent et déclinent l'obligation principale de l'emprunteur.
Il en résulte que de telles clauses ne peuvent être regardées comme abusives, si elles sont rédigées de façon claire et précise. Tel sera le cas si elles sont non seulement intelligibles pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également si le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée.
A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C782-19), a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni des informations suffisantes et exactes, permettant à un consommateur moyen de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause, et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.
La CJUE a rappelé que le consommateur se trouvant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel, en ce qui concerne son niveau d'information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive.
Cependant, il est évident que cette protection renforcée du consommateur ne s'applique qu'aux emprunteurs exposés au risque de change.
Madame X. considère que les clauses afférentes au risque de change et au remboursement en devises contenues dans les articles 2 (« remboursement »), 8 (« prélèvement des échéances ») et 5 (« le prêt en devise ») et 12 (« dispositions propres au crédit en devise ») devraient être déclarées abusives, en ce qu'elles n'ont pas attiré son attention de simple consommatrice sur le risque de change.
Comme cela a déjà été rappelé précédemment, les prêts litigieux ont été souscrits en Francs suisses entre 2005 et 2010 par Madame X.
Or, il est établi que cette dernière a toujours bénéficié de revenus versés en francs suisses, issus de son emploi rémunéré au sein de la société Novartis, puis de la perception d'une rente après sa mise à la pré-retraite en juillet 2018, soit respectivement 13 ans après la contraction du premier prêt et 8 ans après la contraction du dernier.
En outre, alors que la banque lui a demandé de justifier de sa situation financière actuelle - qui a très probablement été réévaluée depuis qu'elle a atteint l'âge de la retraite - l'appelante n'a apporté aucune explication à ce sujet, ni au sujet de son régime de retraite suisse (nombre de piliers, éventuelle libération du capital de tout ou partie du deuxième pilier.).
Enfin, l'examen du relevé du compte de l'appelante ouvert dans les livres de la Caisse D’ÉPARGNE inédit au remboursement de quatre prêts portant des échéances en francs suisses, pour la période allant du 5 novembre 2020 au 10 février 2021 (produits aux débats par la banque en son annexe 11), démontre d'une part que l'intéressée a procédé régulièrement à des dépôts d'espèces en Francs suisses, pour lui permettre de réaliser les remboursements dans la devise souhaitée, ce qui démontre qu'elle dispose de ressources en francs suisses ; ainsi elle a déposé 10.000 francs suisses le 19 décembre 2020, 32 286 francs suisses le 20 janvier 2021, et 10.000 francs suisses le 10 février 2021.
Par conséquent, elle ne peut affirmer avoir subi, et subir, un quelconque risque de change, alors qu'elle a toujours disposé de ressources en francs suisses suffisantes pour lui permettre de rembourser l'intégralité des prêts contractés en francs suisses, dans cette devise.
Elle ne peut reprocher par ailleurs à la banque de ne pas avoir attiré son attention, par des clauses contractuelles, sur un risque de diminution de ses ressources en francs suisses, notamment par une « mise à la retraite anticipée » par son employeur.
Travaillant depuis de très nombreuses années en Suisse, l'appelante était parfaitement avisée du mécanisme de change et ne pouvait ignorer qu'un départ à la retraite, choisi ou imposé, ou encore une mutation ou perte d'emploi, auraient une incidence sur la perception de ses revenus de travail en francs suisses.
Dans ces conditions, l'appelante ne démontrant pas avoir été soumise à un risque de change, il y a lieu de considérer qu'elle a bénéficié d'une information concrète, suffisante et exacte portant sur le mécanisme du prêt en devise suisse, tel qu'exposé dans les articles évoqués plus haut. Les passages à ce sujet sont clairs et à la portée de l'emprunteuse, titulaire d'un diplôme délivré par l'enseignement supérieur.
Dans ces conditions, sa demande portant sur les clauses abusives sera rejetée, la décision de première instance devant être confirmée.
3) Sur l'action en responsabilité menée par Madame X. :
L'article 1147 du code civil, applicable au moment des faits, prévoyait que le débiteur d'une obligation contractuelle (ici la banque) peut être condamné au paiement de dommages et intérêts, en raison de l'inexécution de l'obligation ou du retard pris dans cette exécution. Il est nécessaire de démontrer une faute à la charge du banquier et un préjudice.
Madame X. estime que la banque, en l'exposant à des risques de marché de change, aurait engagé sa responsabilité contractuelle et devrait réparer ses préjudices et estime que son action ne serait pas prescrite comme reconnu par le premier juge.
3-1) sur la prescription de cette action en responsabilité :
Selon l'article 2224 du code civil, une action en responsabilité doit être engagée dans un délai de cinq ans à compter du jour où la personne à l'origine de l'action a eu, ou aurait dû, avoir connaissance des faits lui permettant de l'exercer.
En matière de prêts in fine, ce n'est qu'au moment du règlement de la dernière échéance du prêt, ici le 5 juillet 2021, que l'emprunteur est à même de découvrir l'existence d'un préjudice en lien avec un manquement de la banque à une obligation contractuelle.
Dans ces conditions, l'action en responsabilité menée par Madame X. - en lien avec les deux prêts in fine contractés en 2005 et 2006 pour les acquisitions des biens situés à [Localité 8] et à [Localité 5] stipulant un remboursement du capital en 2021 - n'est pas couverte par la prescription. La décision du premier juge, qui l'avait déclarée irrecevable, sera infirmée sur ce point.
En revanche, le premier juge a, à juste titre considéré, pour les prêts contractés en 2007 et 2010 pour les investissements immobiliers réalisés à [Localité 6] et [Localité 7], sous la forme de prêts avec un amortissement classique, que la réalisation du dommage s'est révélée au moment de la signature des contrats qui ne comportaient aucune clause opaque.
L'absence d'exposition de Madame X. à un quelconque risque de change fait que le point de départ du délai de prescription quinquennale ne pouvait être différé et être corrélé à l'évolution du cours de change du franc suisse.
L'assignation remontant à 2019, force est de constater que l'action en responsabilité portant sur les deux prêts amortissables contractés en 2007 et 2010, est prescrite.
3-2) Sur le défaut de conseil et de mise en garde allégué portant sur les deux prêts in fine :
L'appelante estime que la banque aurait commis une faute en ne l'ayant, ni informée ni alertée des risques liés à des prêts en devises étrangères, et notamment sur celui qu'elle encourait de perdre tout ou partie de ses ressources en Francs suisses durant la vie des contrats.
Cependant, à partir du moment où il a été démontré que l'intéressée n'a pas été soumise au risque de change euro/franc suisse, du fait d'une part qu'elle a toujours perçu des revenus en francs suisses et d'autre part - qu'en dépit des demandes de la banque - elle s'est abstenue de produire des explications et des documents de nature à permettre de connaître sa situation financière actuelle (notamment du point de vue de la perception de ses droits à la retraite par les caisses de retraite suisses), elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice (découlant d'une incapacité de rembourser les échéances des deux prêts amortissables encore en cours avec des revenus perçus en francs suisses) de sorte qu'elle ne peut reprocher à la banque un quelconque défaut dans son devoir d'information, de conseil ou de la mise en garde.
Il y a par conséquent lieu de rejeter la demande d'indemnisation de Madame X.
4) Sur les demandes accessoires :
Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties à l'occasion de la première instance.
Pour les mêmes motifs, les demandes de Madame X. étant déclarées irrecevables ou rejetées en totalité, l'appelante assumera la totalité des dépens de l'appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Sa demande présentée à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée. En revanche, elle devra verser à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE la somme de 4 500 euros au même titre et sur le même fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement du 5 décembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action subsidiaire, au motif d'un défaut de conseil et de mise en garde de Madame X., portant sur les contrats in fine selon offre du 14 octobre 2005 et du 13 février 2006,
L'infirme sur ce seul point,
Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
Déclare recevable l'action en responsabilité de la banque au motif d'un défaut de conseil et de mise en garde de Madame X., portant sur les contrats in fine selon offre du 14 octobre 2005 et du 13 février 2006,
Rejette l'action en responsabilité de la banque au motif d'un défaut de conseil et de mise en garde de Madame X., portant sur les contrats in fine selon offre du 14 octobre 2005 et du 13 février 2006,
Condamne Madame X. aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne Madame X. à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE une somme de 4 500 € (quatre mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Madame X. en vue d'obtenir une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : le Président :