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CA POITIERS (2e ch.), 27 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch.), 27 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 25/00246
Décision : 25/203
Date : 27/05/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 30/01/2025
Décision antérieure : TJ La Rochelle (Jex), 15 janvier 2025
Numéro de la décision : 203
Décision antérieure :
  • TJ La Rochelle (Jex), 15 janvier 2025
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23970

CA POITIERS (2e ch.), 27 mai 2025 : RG n° 25/00246 ; arrêt n° 203 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Dans son arrêt du 19 juin 2024, n° U 21-14.499, la Cour de cassation déduit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, de l'article 33 du règlement CE du N° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 et de la jurisprudence de l'article 1351 du code civil selon lequel il incombe au demandeur de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, cette règle étant également applicable au défendeur, que les juges de l'Etat requis, après avoir reconnu le jugement rendu dans un autre Etat membre, peuvent faire application, en tant que règle de procédure, de la règle de concentration des moyens en vigueur dans leur ordre juridique.

Dans le même arrêt, la Cour de cassation a toutefois jugé que : « S'il résulte de la règle prétorienne de concentration des moyens que le défendeur à une action en paiement doit présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande, de sorte qu'il est irrecevable à former ultérieurement une demande en annulation du contrat au titre duquel il a été condamné, il n'y a pas lieu d'étendre son champ lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère, son application étant de nature à porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge en ce qu'elle n'est pas, dans ce contexte, suffisamment prévisible et accessible ». La Cour suprême a, par cet arrêt, cassé l'arrêt de la cour d'appel pour fausse application de la règle de concentration des moyens, étant précisé que la cour d'appel avait déclaré irrecevable l'action des emprunteurs en annulation du contrat de prêt Equity Release alors qu'il résultait des motifs adoptés par les premiers juges qu'aucun moyen de fond précis n'avait été soulevé par les emprunteurs devant la juridiction luxembourgeoise. Tel n'est pas le cas en l'espèce, les époux X. ayant soumis au juge Luxembourgeois des moyens d'irrecevabilité et au fond tendant à la nullité des contrats de prêt et de gage pour contrariété à l'ordre public, sinon dol, sinon erreur sur la substance, sinon cause illicite, le tribunal y ayant expressément répondu en les rejetant, de même qu'il a expressément statué sur la demande de nullité fondée sur le caractère abusif de la clause de l'article 9.3 du contrat de prêt.

Par ailleurs, il est exact que l'action du consommateur tendant à voir réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible (Civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996), contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, et il est exact que le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif, à la condition qu'il ne ressorte pas de la décision revêtue de la chose jugée qu'il a été procédé à cet examen (Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14-540).

Statuant sur la question de sa compétence, le tribunal Luxembourgeois n'a pas dénié aux époux la qualité de consommateurs, ce qui exclurait la nécessité de contrôler le caractère non abusif des clauses insérées dans le contrat, puisqu'au contraire, il a retenu que : « L'article 5 de la Convention de Rome définit le contrat conclu par un consommateur de la même manière que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, c'est-à-dire comme un contrat 'ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à la personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». L'application de l'article 5 de la Convention de Rome n'est dès lors pas limitée aux seuls crédits à la consommation, mais est étendue aux contrats relatifs aux prestations de services et aux contrats destinés aux financements de ces services conclus par des consommateurs. Il convient d'ajouter qu'en matière de services financiers, la notion de consommateur peut s'appliquer indifféremment à un emprunteur, à un épargnant ou à un investisseur. De même, le montant des transactions effectuées importe peu. Le contrat de prêt et les services financiers fournis  par Landsbanki aux époux X. entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 5 paragraphe 1 de la Convention de Rome. »

L'examen des clauses abusives du contrat Equity Release par le juge de l'exécution et la cour d'appel doit donc bien avoir lieu concernant le contrat Equity Release souscrit par les époux X., nonobstant le caractère définitif du jugement Luxembourgeois. Toutefois, la conséquence de cet examen portera seulement dans la présente instance sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance invoquée par le créancier poursuivant, au sens des dispositions de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ce qui peut donc être fait sans attendre le résultat de l'instance civile au fond.

C'est à tort que les époux X. prétendent que la cour d'appel de Poitiers a déjà statué sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement Luxembourgeois en la rejetant alors que le jugement pour lequel notre cour, dans son arrêt en date du 23 juillet 2018, a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée est un jugement ayant statué sur l'admission de la créance des époux au passif de la liquidation judiciaire de Landsbanki rendu le 27 octobre 2010.

Enfin, sur la compétence d'un « tribunal commercial » et l'absence d'application du droit de la consommation qui donne compétence à la juridiction du domicile du consommateur, il apparaît que les époux X. avaient soulevé cette exception d'incompétence devant le tribunal d'arrondissement du Luxembourg et que, bien que leur exception d'incompétence ait été rejetée comme étant irrecevable par le jugement du 3 juillet 2019, ils n'ont pas relevé appel de cette décision et n'ont exercé aucun recours lorsque le caractère exécutoire de cette décision leur a été notifiée.

Il ressort de l'ensemble de ces développements que les demandes des époux X. faites devant le tribunal de La Rochelle vont se voir opposer plusieurs fins de non-recevoir et notamment celles tirée de l'autorité de la chose jugée par le jugement du Tribunal d'arrondissement de La Rochelle et de l'application de la règle de la concentration des moyens et que le contrôle des éventuelles clauses abusives est fait dans le cadre de la présente instance, de sorte qu'il n'apparaît pas relever d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle sur la demande d'annulation du contrat Equity Release pour statuer sur les contestations des époux X. dans le cadre de la procédure de saisie immobilière initiée par Maître F. ès qualités en exécution du jugement de condamnation Luxembourgeois. »

2/ « Ainsi que déjà développé plus haut, l'action du consommateur tendant à voir réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible (Civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996) et le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif, à la condition qu'il ne ressorte pas de la décision revêtue de la chose jugée qu'il a été procédé à cet examen (Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14-540).

Statuant sur la question de sa compétence, le tribunal Luxembourgeois n'a pas dénié aux époux la qualité de consommateurs, ce qui exclurait la nécessité de contrôler le caractère non abusif des clauses insérées dans le contrat, puisqu'au contraire, il a retenu que : « L'article 5 de la Convention de Rome définit le contrat conclu par un consommateur de la même manière que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, c'est-à-dire comme un contrat 'ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à la personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». L'application de l'article 5 de la Convention de Rome n'est dès lors pas limitée aux seuls crédits à la consommation, mais est étendue aux contrats relatifs aux prestations de services et aux contrats destinés aux financements de ces services conclus par des consommateurs. Il convient d'ajouter qu'en matière de services financiers, la notion de consommateur peut s'appliquer indifféremment à un emprunteur, à un épargnant ou à un investisseur. De même, le montant des transactions effectuées importe peu. Le contrat de prêt et les services financiers fournis par Landsbanki aux époux X. entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 5 paragraphe 1 de la Convention de Rome. »

L'examen des clauses abusives du contrat Equity Release par le juge de l'exécution et la cour d'appel doit donc bien avoir lieu concernant le contrat Equity Release souscrit par les époux X. nonobstant le caractère définitif du jugement Luxembourgeois. L'examen de l'article 9.3 du contrat de prêt relatif aux conditions dans lesquelles le prêteur est en droit de réclamer notamment le remboursement immédiat du prêt a été fait par le jugement Luxembourgeois ayant acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte que les époux X. sont irrecevables à venir la contester encore devant le juge de l'exécution à l'audience d'orientation. Les époux X. soulèvent aussi le caractère abusif des articles 3, 11 et 21 du contrat. »

3/ « L'article 3 sur la facilité multidevises serait abusive en ce qu'elle n'informe pas le client sur le risque de change selon les exigences de la CJUE. Par décision du 20 septembre 2017 (n° C-186/16), la CJUE a retenu que lorsqu'un établissement financier octroie un prêt libellé en devise étrangère, il doit fournir à l'emprunteur des informations suffisantes pour lui permettre de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance de cause. Toutefois, les époux X. n'avaient pas en l'espèce à disposer d'une information claire et compréhensible sur la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dès lors que leur contrat a été octroyé en euros qui est la monnaie ayant cours en France et si l'article 3 de leur contrat devait être réputé non écrite comme ne comportant pas une information suffisante pour les consommateurs que sont les époux X., cela serait donc sans incidence sur la créance de Landsbanki. »

4/ « Il sera rappelé ici qu'il ne s'agit ni de statuer sur la nullité du contrat ni sur les obligations de la banque susceptible d'engager sa responsabilité envers l'emprunteur au titre de son devoir d'information et de mise en garde de son client ni encore sur la question de savoir si la banque disposerait des agréments nécessaires à son activité mais d'examiner si la clause de l'article 11 est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Les dispositions contractuelles ci-dessus reproduites ne donnent pas plus de droits au prêteur professionnel et/ou d'obligations au consommateur mais sont de nature à informer ce dernier des risques qu'il prend en faisant l'investissement dont s'agit du fait de l'évolution de données extérieures et indépendantes de la volonté des cocontractants (évolution de la devise du contrat, accords commerciaux et décisions prises par l'emprunteur concernant les fonds qu'il a investis).

Les époux X. étaient parfaitement en mesure de comprendre la portée de cette information compte tenu de leur profil, M. X. ayant été responsable de clientèle privée dans une banque puis Directeur Général de la Caisse de garantie FNAIM qui est un établissement de crédit spécialisé dans les garanties financières en immobilier puis directeur d'un cabinet de gestion de patrimoine, conseil en investissements immobiliers et en opérations de capital-risque, et ce, d'autant plus que le contrat était parfaitement clair sur le caractère risqué de l'opération en indiquant qu'il s'agissait d’'investissements à fort caractère spéculatif qui supposent une prise de risque considérable'.

Si la clause prévoit que le préteur se dégage de toute responsabilité concernant les accords commerciaux passés dans le cadre des dits investissements et les pertes subies par l'emprunteur du fait de ces investissements et que l'emprunteur 'pourra donc avoir à engager sa responsabilité envers le prêteur en cas de dépassement de la facilité', une telle clause « n'altère pas la position juridique du consommateur en ce qu'elle ne supprime ni n'entrave l'exercice, par celui-ci, d'actions en justice ou des voies de recours, au sens du point 1, sous q), de l'annexe de la directive 93/13 ».

Il y a donc lieu de dire que la clause de l'article 11 du contrat signé entre les parties n'est pas abusive et n'a donc pas à subir la sanction du caractère non écrit. »

5/ « Les époux X. soulèvent aussi le caractère abusif de l'article 21 du contrat qui pose clause attributive de compétence territoriale aux tribunaux du Grand Duché du Luxembourg en ce que cette clause n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle.

Le tribunal d'arrondissement du Luxembourg par son jugement du 3 juillet 2019 a cependant validé cette clause en retenant sa compétence après avoir déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par les époux X. par une décision qui n'a pas fait l'objet d'un appel et a acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'éventuel caractère abusif de la clause attributive de compétence territoriale insérée au contrat n'aura en l'espèce aucune incidence sur le caractère liquide et exigible de la créance de Landsbanki fondée sur le jugement exécutoire du Luxembourg et l'acte d'affectation hypothécaire. * * *

La cour ne fera donc pas droit aux demandes tendant à juger inexistant sinon nul le contrat de prêt et elle ne pourra tirer de conséquence du caractère abusif et non écrit de certaines des clauses précitées sur le caractère liquide et exigible de la créance de la Landsbanki, les autres clauses du contrat ne présentant pas, à l'examen, de caractère abusif. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 25/00246. Arrêt n° 203. N° Portalis DBV5-V-B7J-HHDY. Décision déférée à la Cour : jugement du 15 janvier 2025 rendu(e) par le Juge de l'exécution de La Rochelle.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 6], [Adresse 5], [Localité 7], Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour plaidant Me Maxence LAUGIER, avocat au barreau de LILLE

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 12], [Adresse 5], [Localité 7], Ayant pour avocat postulant Maître Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour plaidant Maître Maxence LAUGIER, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉ :

Maître F. pris es qualité de liquidateur de la Société LANDSBANKI LUXEMBOURG.

[Adresse 4], [Localité 8], Ayant pour avocat postulant Maître Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour avocat plaidant Maître Thierry JICQUEREAU, avocat au barreau de PARIS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Lydie MARQUER, Présidente, Monsieur Cédric LECLER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Lydie MARQUER, Présidente, Monsieur Claude PASCOT, Président, Monsieur Cédric LECLER, Conseiller, qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 27 novembre 2006, Monsieur X. et Madame Y. épouse X., ont contracté auprès de la société anonyme Landsbanki Luxembourg, société de droit luxembourgeois, filiale de la banque Islandaise Landsbanki H.F, un contrat de prêt connu sous le nom de « Equity Release » portant sur une somme de 865.000 euros « pour effectuer des investissements ».

Ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur deux biens immobiliers constitué par un acte notarié du 15 décembre 2006, à savoir :

- Une propriété sise commune de [Localité 7], [Adresse 5],

- Une propriété sise commune de [Localité 11], [Adresse 3].

Il était également garanti par un gage conclu sous seing privé le 27 novembre 2006 sur les fonds détenus par les époux X. auprès de Landsbanki Luxembourg SA.

Il était stipulé dans l'acte de prêt qu'à la date du prêt la valeur des biens nantis n'était pas inférieure à 105 % du montant du prêt et que le prêt devrait être intégralement remboursé au plus tard vingt ans à compter de la date de signature.

Il était également stipulé que :

« si le ratio de couverture de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt, tel que calculé par le prêteur le cas échéant, suivant la procédure de calcul, le prêteur aura la possibilité, sans aucune notification écrite préalable, mais pas l'obligation de :

a) réclamer le remboursement immédiat du prêt,

b) exiger de l'emprunteur qu'il rétablisse un ratio de couverture de gagerie de plus de 100 % ; ou

c) liquider la garantie et en utiliser le produit pour rembourser le prêt, y compris les intérêts accumulés et les frais correspondants, après avoir adressé à l'emprunteur une injonction de payer sous trois jours ouvrés par lettre recommandée. »

Par lettre du 10 décembre 2009, Landsbanki a écrit aux emprunteurs pour leur notifier que leur taux de couverture était tombé à 76,10 %, demandant aux époux X. de leur rembourser une somme de 988 907,32 euros.

La banque a en outre réalisé les droits qu'elle détenait en garantie sur le portefeuille de valeur des époux X. et le 29 avril 2010, elle leur a écrit pour les en informer et leur dire que leur dette s'en était trouvée diminuée d'autant, celle-ci se montant alors à la somme de 717 336,28 euros.

Après avoir été admise au bénéfice de la procédure de sursis de paiement le 8 octobre 2008, la banque Landsbanki Luxembourg a été placée en liquidation judiciaire le 12 décembre 2008. Le 27 avril 2022, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg nommera Maître F. en qualité de liquidateur judiciaire.

* * * *

Faisant valoir que la banque leur avait proposé un montage désastreux et qu'ils étaient fondés à agir aux fins d'annuler l'opération dans son ensemble et à poursuivre la réparation des préjudices directement causés, les époux X. ont fait assigner la banque, représentée par son liquidateur, Maître E., devant le tribunal de grande instance de la Rochelle par acte d'huissier de justice du 21 novembre 2011. Ils invoquaient au soutien de leurs demandes les vices du consentement ainsi que la violation du formalisme du prêt et du nantissement et subsidiairement, la nullité de l'article 9 du contrat de prêt contenant des clauses potestatives et abusives ainsi que le manquement au devoir de mise en garde de la banque, le conflit d'intérêts entre la banque et ses clients, l'absence d'agrément de la France et la gestion fautive des investissements réalisés en septembre 2008.

Par un jugement rendu le 26 janvier 2016, le tribunal de La Rochelle a déclaré l'action diligentée par les époux X. irrecevable du fait de la suspension des poursuites individuelles liée à l'ouverture de la liquidation judiciaire de Landsbanki, leurs créances étant nées avant le jugement d'ouverture.

Par arrêt du 23 juillet 2018, la cour d'appel de céans a infirmé ce jugement en rappelant les règles de droit Luxembourgeois, dont les parties convenaient qu'il était applicable, ainsi que l'arrêt de la cour de Luxembourg du 3 avril 2014 concernant la même liquidation judiciaire, qui a précisé que : « l'action du débiteur tendant à voir constater l'inexistence, sinon le caractère irréalisable, sinon la nullité des contrats de prêt et de gage est recevable en tant qu'action déclaratoire, ce uniquement dans la mesure où ces demandes tendent à voir constater l'absence d'une créance dans le chef de la société Landsbanki Luxembourg », la cour ayant donc décidé que les demandes tendant à la nullité des contrats, sont bien recevables, nonobstant la suspension des poursuites individuelles, mais uniquement dans les limites posées par la cour, c'est-à-dire uniquement en ce qu'elles visent à constater l'absence de créance de la banque, ce qui est bien la demande exprimée par les époux X. qui sollicitent de voir reconnaître qu'ils ne sont plus débiteurs de l'obligation de rembourser le prêt.

Ont également été déclarées recevables les demandes tendant à obtenir la mainlevée de l'hypothèque consentie le 15 décembre 2006, de voir prononcer la résolution du contrat de prêt aux torts exclusifs de la banque à raison des conditions de mise en œuvre de la déchéance du terme et de l'exercice du droit de gage par la banque et de voir indemniser les préjudices en résultant, ces demandes étant fondées sur des manquements postérieurs à la liquidation judiciaire. En revanche, la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes tendant à annuler l'article 9 du contrat de prêt comme étant purement potestatif et comme clause abusive, annuler les investissements réalisés les 17 et 19 septembre 2008, prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque à titre de sanction des clauses abusives insérées au contrat, dire et juger que la banque prise en la personne de son liquidateur a manqué à son devoir de mise en garde et agi à son profit par conflit d'intérêts à leur détriment et condamner Maître E. ès qualités en la somme de 239 141,93 euros. La cour a considéré que ces demandes sont affectées par la suspension des poursuites car elles trouvent leur cause dans des faits antérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire puisqu'elles concernent la formation du contrat et, contrairement aux demandes tendant à l'annulation des contrats, elles ne peuvent se résoudre que par des dommages intérêts ou sanctions pécuniaires dont elles sont indissociables et elles concernent le patrimoine de la société liquidée.

Par ailleurs, la cour d'appel a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à une décision du tribunal de Luxembourg du 27 octobre 2010 qui avait rejeté la déclaration de créance des époux X.

L'affaire et les parties ont été renvoyées devant le tribunal pour y évoquer les demandes au fond mais a été suspendue en raison d'une instruction judiciaire ouverte à Paris du chef d'escroquerie concernant un certain nombre de personnes impliquées dans le montage du contrat « Equity Release », les époux X. s'étant constitués parties civiles. L'instance au fond devant le tribunal judiciaire de La Rochelle est donc pendante.

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement le 27 août 2017, confirmé en appel le 7 février 2020, par lequel il est entré en voie de relaxe et les créances saisies dans le cadre du dossier d'instruction, dont celle des époux X., ont été restituées à la banque.

* * * *

De son côté, Maître E., alors liquidateur de la banque Landsbanki a assigné les époux X. devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg aux fins de condamnation de ceux-ci à payer à la liquidation la somme de 964 374,65 euros augmenté des intérêts conventionnels à partir du 30 septembre 2015 jusqu'à solde, au titre du même contrat de prêt « Equity Release » du 27 novembre 2006, demandes auxquelles il a été fait droit par un jugement du 3 juillet 2019.

Devant le tribunal, les époux X. avaient notamment soulevé l'incompétence internationale des juridictions luxembourgeoises pour connaître de la demande en application des articles 15 et 16 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence juridique et la reconnaissance de l'exécution des décisions en matière civile et commerciale en faisant valoir leur qualité de consommateur, l'exception de litispendance et de connexité avec les instances civiles introduites en France, la prescription de l'action adverse, la nullité des contrats et aussi la nullité et l'inapplicabilité de l'article 9.3 du contrat de prêt relatif au ratio de couverture qui revêt un caractère purement potestatif.

Ce jugement a été signifié et il n'en a pas été fait appel.

Le 18 octobre 2019, a été émis un certificat relatif à une décision en matière civile et commerciale en application en application de l'article 53 du règlement 121512012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Ce certificat article 53 a été signifié aux consorts X. le 22 février 2023.

* * * *

Le 15 septembre 2023, Maître F. agissant en la qualité de liquidateur judiciaire de la société Landsbanki Luxembourg, en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire du 15 décembre 2006 ainsi que du jugement en date du 3 juillet 2019 du tribunal d'arrondissement du Luxembourg, a fait délivrer aux époux X. un commandement de payer pour la somme de 1.345.828,01 euros en principal, intérêts et frais aux fins de saisie de la maison d'habitation et place de parking leur appartenant, situés à [Localité 11], [Adresse 9] et [Adresse 10].

Le 2 novembre 2023, le commandement a été publié au Service de la Publicité Foncière de La Rochelle.

Le 20 décembre 2023, Maître F., ès qualités de liquidateur de la société Landsbanki Luxembourg, a fait assigner les époux X. aux fins de comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle.

[*]

Dans le dernier état de ses demandes, les époux X. ont demandé au juge de :

- annuler le commandement du 15 septembre 2023 et la procédure de saisie immobilière ;

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance civile pendante devant le tribunal judiciaire de La Rochelle ;

- juger que la société Landsbanki Luxembourg, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, ne justifie pas d'un titre exécutoire, constatant une créance certaine, liquide et exigible à leur encontre, ne dispose pas d'une créance certaine liquide et exigible à leur encontre ;

- réputer non écrite, en tant que clauses abusives, les clauses des articles 3,9,11 et 21 du contrat de prêt ;

- juger inexistant sinon nul le contrat de prêt dans la mesure où les clauses réputées non écrites constituent l'objet principal du contrat ;

Subsidiairement,

- saisir la commission des clauses abusives pour émettre un avis sur lesdits articles 3,9,11 et 21 ;

- débouter la société Landsbanki Luxembourg, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, en toutes ses demandes ;

- condamner la société Landsbanki Luxembourg à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive.

A titre très subsidiaire,

- juger que leur dette ne saurait excéder la somme effectivement libérée de 184.123 euros ;

- leur octroyer les plus larges délais de paiement.

A titre infiniment subsidiaire,

- autoriser la vente amiable de l'immeuble et fixer une mise à prix qui ne saurait être inférieur à 650.000 euros.

En tout état de cause,

- condamner la société Landsbanki Luxembourg en liquidation, prise en la personne de Maître F., à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Dans le dernier état de ses demandes, Maître F., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Landsbanki Luxembourg, a demandé de :

- déclarer irrecevables les époux X. en leurs demandes.

A titre subsidiaire,

- débouter les époux X. de leurs demandes comme étant mal fondées.

En tout état de cause,

-déclarer bonne et valable la présente procédure de saisie immobilière ;

- constater que sa créance hypothécaire s'élève à la somme de 1.345.828,01 euros en principal, intérêts et frais ;

- condamner solidairement les époux X. au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par jugement en date du 15 janvier 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué ainsi :

- déboute les époux X. de leurs demandes à l'exception de la demande de vente amiable ;

- dit que la créance de Maître F., ès qualités de liquidateur de la société Landsbanki Luxembourg, s'élève en principal, intérêts et frais à la somme de 1.345.828,01 euros, suivant compte arrêté au 15 septembre 2023 ;

- autorise les époux X. à vendre à l'amiable le bien saisi et fixe le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu à 600.000 euros ;

- fixe la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée au mercredi 7 mai 2025 à 9 heures 30 ;

- déboute Maître F., ès qualités de liquidateur de la société Landsbanki Luxembourg de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- dit que les dépens seront employés en frais de vente et autorise la société SCP Rougier Viennois Fernandes à recouvrer ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu de provision.

[*]

Par déclaration en date du 30 janvier 2025, Monsieur et Madame X. ont relevé appel de cette décision en intimant Monsieur F., l'appel tendant à l'annulation et/ou l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il :

« - déboute les époux X. de leurs demandes à l'exception de la demande de vente amiable

- dit que la créance de Maître F., ès qualités de liquidateur de la société Landsbanki Luxembourg, s'élève en principal, intérêts et frais à la somme de 1.345.828,01 euros, suivant compte arrêté au 15 septembre 2023 ;

- autorise les époux X. à vendre à l'amiable le bien saisi et fixe le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu à 600.000 euros ;

- fixe la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée au mercredi 7 mai 2025 à 9 heures 30 ;

- dit que les dépens seront employés en frais de vente et autorise la société SCP Rougier Viennois Fernandes à recouvrer ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu de provision. »

Par requête en date du 6 février 2025, Monsieur et Madame X. ont sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 7 février 2025, le président de la deuxième chambre de la cour d'appel, délégataire du premier président, a autorisé les requérants à assigner l'intimé à l'audience du 24 mars 2025.

[*]

Les époux X., par leurs conclusions du 21 mars 2025, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement d'orientation du 15 janvier 2025 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

* déclarer irrecevable sinon débouter Maître F. ès qualités de liquidateur de la sa Landsbanki Luxembourg en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Statuant à nouveau,

- annuler le commandement du 15 septembre 2023 ;

- ordonner la mainlevée de la procédure de saisie immobilière ;

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance civile (RG 19/000738) pendante devant le tribunal judiciaire de La Rochelle ;

- juger que la société Landsbanki Luxembourg, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, ne justifie pas d'un titre exécutoire, constatant une créance certaine, liquide et exigible à leur encontre ;

- juger et réputer non écrites, en tant que clauses abusives, les clauses des articles 3, 9, 11 et 21 du contrat de prêt ;

- juger inexistant sinon nul le contrat de prêt dans la mesure où les clauses réputées non écrites constituent l'objet principal du contrat ;

- débouter la société Landsbanki Luxembourg, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Landsbanki Luxembourg en liquidation, prise en la personne de Maître F., à leur verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre très subsidiaire,

- juger que la dette des époux X. ne saurait excéder la somme effectivement libérée de 184.123 euros ;

- octroyer les plus larges délais de paiement.

A titre infiniment subsidiaire,

- autoriser la vente amiable de l'immeuble dont s'agit et fixer une mise à prix qui ne saurait être inférieure à 650.000 euros.

En tout état de cause,

- condamner la société Landsbanki Luxembourg en liquidation, prise en la personne de Maître F., à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Monsieur F., régulièrement intimé (assignation à jour fixe en date du 4 mars 2025) a constitué avocat.

[*]

Par dernières conclusions en date du 19 mars 2025, la société Landsbanki, représentée par son liquidateur Monsieur F., nommé ès qualités par jugement du 27 avril 2022 du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg demande à la cour d'appel de :

- Déclarer Monsieur et Madame X. mal fondés en leur appel et les en débouter ;

- Confirmer en toute ses dispositions le jugement rendu par le Juge de l'Exécution immobilier du Tribunal Judiciaire de La Rochelle le 15 janvier 2025 ;

- Ordonner que la saisie soit poursuivie sous la forme d'une vente forcée du bien saisi selon les modalités et conditions figurant au cahier des conditions de la vente déposé au Greffe ;

- Renvoyer les parties devant le Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de La Rochelle pour reprise et poursuite de la procédure ;

- Condamner solidairement Monsieur et Madame X. à payer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 8.000 ‘à la société Landsbanki Luxembourg en liquidation, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner solidairement Monsieur et Madame X. à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Jérôme Clerc, des frais dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

[*]

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

À titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et doit statuer sur les seules demandes mentionnées au dispositif des dernières conclusions des parties.

 

Sur la nullité du commandement de payer valant saisie :

Les époux X. prétendent que les dispositions de l'article R. 321-3 3° n'ont pas été respectées en ce que le décompte inséré au commandement :

- n'indique pas les frais (la mention est absente),

- n'individualise pas les intérêts échus (son calcul n'est pas vérifiable faute de point de départ du cours des intérêts),

- indique un taux erroné pour les intérêts moratoires (« taux contractuel majoré de 4,75 % l'an »),

- le taux contractuel n'est pas précisé.

Or, ils soutiennent que l'irrégularité du décompte cause nécessairement grief au débiteur qui n'est pas en mesure de connaître, de vérifier et de discuter le montant de sa dette et qu'il n'y a aucune indication figurant dans le commandement permettant au débiteur de connaître le calcul de sa dette entraînant la nullité de l'acte.

Maître F. ès qualités rétorque que si les frais ne sont pas mentionnés, c'est parce qu'il n'en est réclamé aucun, que les intérêts moratoires sont bien précisés, l'individualisation des intérêts échus étant faite. Il ajoute qu'aucun intérêt moratoire autre que l'intérêt conventionnel pour non-paiement n'a été ajouté aux intérêts conventionnels, de sorte qu'il ne peut être reproché cette absence de précision.

En tout état de cause, il soutient, qu'à supposer qu'une irrégularité soit relevée, force serait de constater que les époux X. n'en subissent aucun grief qu'ils ont pourtant la charge de démontrer aux termes du second alinéa de l'article 114 du code de procédure civile puisqu'ils ont été en mesure de contester le commandement de payer et qu'ils ne peuvent prétendre ne pas avoir pu apurer leur dette faute de savoir à combien elle se monterait alors qu'ils en sont redevables depuis plus de 15 ans.

Réponse de la cour d'appel :

Aux termes de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :

3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires.

En l'espèce, le commandement de payer du 15 septembre 2023 fait commandement aux époux X. de payer les sommes suivantes ainsi libellées :

1°) la somme de 964 374,65 euros

2°) la somme de 381 453,36 euros

3°) les intérêts au taux contractuel majoré de 4,75 % l'an, sur la somme de 964 374,65 euros, à compter du 16 septembre 2023 et jusqu'à parfait règlement : mémoire

Sous-total sauf mémoire : 1 345 828,01 euros

4°) le coût du présent dont marque au pied

Le droit proportionnel complémentaire.

Ce décompte est conforme aux dispositions réglementaires précitées en ce qu'il est suffisamment détaillé.

S'il ne contient pas mention de frais (autre que le coût du commandement), c'est parce que la banque n'en réclame pas.

Le taux d'intérêt est précisé clairement, les époux X. ayant la possibilité, dès lors que le point de départ des intérêts est mentionné (16 septembre 2023) ainsi que la somme en capital sur laquelle les intérêts courent (9 964 374, 65 euros), de calculer le montant total qui pourra leur être réclamé à ce titre.

Le décompte précise en outre que le taux de 4,75 % est le taux d'intérêt contractuel 'majoré', de sorte que par la simple lecture de leur contrat de prêt qui stipule à l'article 6.1 que le taux d'intérêt est de 1,75 % et à l'article 8.1 qu'un taux d'intérêt annuel de 3 % est appliqué en cas de non-paiement, les époux X. peuvent comprendre le taux d'intérêt réclamé dans le décompte.

Aucune irrégularité ne vient donc entacher le commandement de payer, dont la nullité ne sera donc pas prononcée.

 

Sur la demande de sursis à statuer :

Les époux X. estiment que les actions qu'ils ont engagées en France sont de nature à influer sur l'existence ou l'étendue du droit de poursuite du créancier, qu'elles ne sont nullement entravées par les décisions déjà rendues au Luxembourg, qu'ils restent fondés à soutenir des moyens nouveaux, le principe de la concentration des moyens ne pouvant faire obstacle au droit d'accès au juge et qu'il est faux de soutenir que les décisions luxembourgeoises ont définitivement validé le contrat Equity Release.

Maître F. ès qualités rétorque que la cour ne pourra pas faire droit à cette demande de sursis à statuer car les demandes formées par les Consorts X. devant le tribunal judiciaire de La Rochelle sont manifestement irrecevables du fait du non-respect de l'obligation de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée.

En tout état de cause, Maître F. ès qualités soutient que l'issue de cette procédure n'aura aucune incidence sur la présente procédure de saisie immobilière car le juge de l'exécution ne pourra remettre en cause le titre exécutoire sur la base duquel celle-ci a été engagée.

Réponse de la cour d'appel :

L'article 378 du code de procédure civile énonce que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer (dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice).

En l'espèce, la banque Landsbanki, représentée par son liquidateur, a obtenu un jugement de condamnation des époux X. du tribunal d'arrondissement de Luxembourg dont les époux X. n'ont pas fait appel et ils n'ont pas davantage contesté le certificat article 53 qui leur a été signifié le 22 février 2023.

Le règlement européen CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 détermine la compétence des tribunaux en matière civile et commerciale et prévoit que les décisions rendues dans un Etat membre de l'Union Européenne sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure sauf en cas de contestation. Une déclaration relative à la force exécutoire d'une décision est délivré après un simple contrôle formel des documents fournis.

Aucun autre contrôle d'exequatur que cette procédure simplifiée n'a à être mise en oeuvre dans le cas, comme en l'espèce, d'un jugement rendu par une juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne.

Dans son arrêt du 19 juin 2024, n° U 21-14.499, la Cour de cassation déduit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, de l'article 33 du règlement CE du N° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 et de la jurisprudence de l'article 1351 du code civil selon lequel il incombe au demandeur de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, cette règle étant également applicable au défendeur, que les juges de l'Etat requis, après avoir reconnu le jugement rendu dans un autre Etat membre, peuvent faire application, en tant que règle de procédure, de la règle de concentration des moyens en vigueur dans leur ordre juridique.

Dans le même arrêt, la Cour de cassation a toutefois jugé que :

« S'il résulte de la règle prétorienne de concentration des moyens que le défendeur à une action en paiement doit présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande, de sorte qu'il est irrecevable à former ultérieurement une demande en annulation du contrat au titre duquel il a été condamné, il n'y a pas lieu d'étendre son champ lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère, son application étant de nature à porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge en ce qu'elle n'est pas, dans ce contexte, suffisamment prévisible et accessible ».

La Cour suprême a, par cet arrêt, cassé l'arrêt de la cour d'appel pour fausse application de la règle de concentration des moyens, étant précisé que la cour d'appel avait déclaré irrecevable l'action des emprunteurs en annulation du contrat de prêt Equity Release alors qu'il résultait des motifs adoptés par les premiers juges qu'aucun moyen de fond précis n'avait été soulevé par les emprunteurs devant la juridiction luxembourgeoise.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, les époux X. ayant soumis au juge Luxembourgeois des moyens d'irrecevabilité et au fond tendant à la nullité des contrats de prêt et de gage pour contrariété à l'ordre public, sinon dol, sinon erreur sur la substance, sinon cause illicite, le tribunal y ayant expressément répondu en les rejetant, de même qu'il a expressément statué sur la demande de nullité fondée sur le caractère abusif de la clause de l'article 9.3 du contrat de prêt.

Par ailleurs, il est exact que l'action du consommateur tendant à voir réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible (Civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996), contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, et il est exact que le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif, à la condition qu'il ne ressorte pas de la décision revêtue de la chose jugée qu'il a été procédé à cet examen (Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14-540).

Statuant sur la question de sa compétence, le tribunal Luxembourgeois n'a pas dénié aux époux la qualité de consommateurs, ce qui exclurait la nécessité de contrôler le caractère non abusif des clauses insérées dans le contrat, puisqu'au contraire, il a retenu que :

« L'article 5 de la Convention de Rome définit le contrat conclu par un consommateur de la même manière que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, c'est-à-dire comme un contrat 'ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à la personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ».

L'application de l'article 5 de la Convention de Rome n'est dès lors pas limitée aux seuls crédits à la consommation, mais est étendue aux contrats relatifs aux prestations de services et aux contrats destinés aux financements de ces services conclus par des consommateurs. Il convient d'ajouter qu'en matière de services financiers, la notion de consommateur peut s'appliquer indifféremment à un emprunteur, à un épargnant ou à un investisseur. De même, le montant des transactions effectuées importe peu.

Le contrat de prêt et les services financiers fournis par Landsbanki aux époux X. entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 5 paragraphe 1 de la Convention de Rome. »

L'examen des clauses abusives du contrat Equity Release par le juge de l'exécution et la cour d'appel doit donc bien avoir lieu concernant le contrat Equity Release souscrit par les époux X., nonobstant le caractère définitif du jugement Luxembourgeois.

Toutefois, la conséquence de cet examen portera seulement dans la présente instance sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance invoquée par le créancier poursuivant, au sens des dispositions de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ce qui peut donc être fait sans attendre le résultat de l'instance civile au fond.

C'est à tort que les époux X. prétendent que la cour d'appel de Poitiers a déjà statué sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement Luxembourgeois en la rejetant alors que le jugement pour lequel notre cour, dans son arrêt en date du 23 juillet 2018, a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée est un jugement ayant statué sur l'admission de la créance des époux au passif de la liquidation judiciaire de Landsbanki rendu le 27 octobre 2010.

Enfin, sur la compétence d'un « tribunal commercial » et l'absence d'application du droit de la consommation qui donne compétence à la juridiction du domicile du consommateur, il apparaît que les époux X. avaient soulevé cette exception d'incompétence devant le tribunal d'arrondissement du Luxembourg et que, bien que leur exception d'incompétence ait été rejetée comme étant irrecevable par le jugement du 3 juillet 2019, ils n'ont pas relevé appel de cette décision et n'ont exercé aucun recours lorsque le caractère exécutoire de cette décision leur a été notifiée.

Il ressort de l'ensemble de ces développements que les demandes des époux X. faites devant le tribunal de La Rochelle vont se voir opposer plusieurs fins de non-recevoir et notamment celles tirée de l'autorité de la chose jugée par le jugement du Tribunal d'arrondissement de La Rochelle et de l'application de la règle de la concentration des moyens et que le contrôle des éventuelles clauses abusives est fait dans le cadre de la présente instance, de sorte qu'il n'apparaît pas relever d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle sur la demande d'annulation du contrat Equity Release pour statuer sur les contestations des époux X. dans le cadre de la procédure de saisie immobilière initiée par Maître F. ès qualités en exécution du jugement de condamnation Luxembourgeois.

 

Sur la nullité de la saisie pour irrégularités des titres exécutoires :

Pour contester les titres exécutoires, les époux X. invoquent le fait que le principe de la créance n'est pas déterminé par le seul acte notarié mais par d'autres obligations sous seing privé et que la juridiction Luxembourgeoise n'était pas compétente en raison de leur qualité de consommateur.

Maître F. ès qualités répond que la juridiction Luxembourgeoise a vérifié sa compétence, que les dispositions communautaires ont été respectées et que si les époux X. n'étaient pas d'accord, il leur appartenait de faire appel de la décision Luxembourgeoise et de faire une procédure en refus d'exécution prévue à l'article 47 du règlement, qui était de toutes façon vouée à l'échec.

Le liquidateur soutient que l'acte notarié revêtu de la formule exécutoire est bien un titre exécutoire au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et que la créance résultant de cet acte est déterminable et est la même que celle résultant du jugement de condamnation.

Réponse de la cour d'appel :

L'article L 311-2 du code des procédures civiles d'exécution permet à tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de procéder à une saisie immobilière.

L'article L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.

En l'espèce, le créancier a initié une procédure de saisie immobilière en se prévalant de deux titres exécutoires, l'acte d'affectation hypothécaire du 15 décembre 2006 et le jugement du tribunal d'arrondissement du Luxembourg du 3 juillet 2019, dont la cour d'appel constate qu'ils constatent une créance liquide et exigible.

Comme déjà développé ci-dessus, la compétence du tribunal luxembourgeois ne peut plus être remise en cause dans le cadre de la présente instance alors que les époux X. avaient soulevé cette exception d'incompétence devant le tribunal d'arrondissement du Luxembourg qui l'a rejetée comme étant irrecevable par le jugement du 3 juillet 2019 dont ils n'ont pas relevé appel, pas plus qu'ils n'ont exercé de recours lorsque le caractère exécutoire de cette décision leur a été notifiée, le contrôle de la régularité du jugement Luxembourgeois ayant été fait.

L'acte notarié du 15 décembre 2006 d'affectation hypothécaire est également un titre exécutoire au sens des dispositions de l'article L 311-2 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires, celui-ci comportant en annexe le contrat de prêt régularisé entre les parties le 27 novembre 2003 et en reprenant les termes.

Ces deux titres exécutoires contiennent tous les éléments permettant l'évaluation de la créance de la banque Landsbanki envers les époux X. en principal, intérêts (le taux d'intérêt contractuel étant précisé dans le contrat de prêt annexé à l'acte d'affectation hypothécaire et dans le corps de l'acte notarié lui-même).

 

Sur les clauses abusives :

Les époux X. soutiennent que la qualité de consommateur des emprunteurs de l'Equity impose à la cour d'examiner si les clauses insérées dans le contrat ne revêtent pas un caractère abusif, ce qui n'a pas été fait par le juge luxembourgeois.

Maître F. ès qualités soutient encore que le juge de l'exécution n'a pas compétence pour remettre en cause un titre exécutoire et que les demandes des époux X. sont irrecevables en raison de la prescription, de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris et de la suspension individuelle des poursuites.

Réponse de la cour d'appel :

Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ainsi que déjà développé plus haut, l'action du consommateur tendant à voir réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible (Civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996) et le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif, à la condition qu'il ne ressorte pas de la décision revêtue de la chose jugée qu'il a été procédé à cet examen (Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14-540).

Statuant sur la question de sa compétence, le tribunal Luxembourgeois n'a pas dénié aux époux la qualité de consommateurs, ce qui exclurait la nécessité de contrôler le caractère non abusif des clauses insérées dans le contrat, puisqu'au contraire, il a retenu que :

« L'article 5 de la Convention de Rome définit le contrat conclu par un consommateur de la même manière que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, c'est-à-dire comme un contrat 'ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à la personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ».

L'application de l'article 5 de la Convention de Rome n'est dès lors pas limitée aux seuls crédits à la consommation, mais est étendue aux contrats relatifs aux prestations de services et aux contrats destinés aux financements de ces services conclus par des consommateurs. Il convient d'ajouter qu'en matière de services financiers, la notion de consommateur peut s'appliquer indifféremment à un emprunteur, à un épargnant ou à un investisseur. De même, le montant des transactions effectuées importe peu.

Le contrat de prêt et les services financiers fournis par Landsbanki aux époux X. entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 5 paragraphe 1 de la Convention de Rome. »

L'examen des clauses abusives du contrat Equity Release par le juge de l'exécution et la cour d'appel doit donc bien avoir lieu concernant le contrat Equity Release souscrit par les époux X. nonobstant le caractère définitif du jugement Luxembourgeois.

L'examen de l'article 9.3 du contrat de prêt relatif aux conditions dans lesquelles le prêteur est en droit de réclamer notamment le remboursement immédiat du prêt a été fait par le jugement Luxembourgeois ayant acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte que les époux X. sont irrecevables à venir la contester encore devant le juge de l'exécution à l'audience d'orientation.

Les époux X. soulèvent aussi le caractère abusif des articles 3, 11 et 21 du contrat.

 

Sur l'article 3 :

L'article 3 sur la facilité multidevises serait abusive en ce qu'elle n'informe pas le client sur le risque de change selon les exigences de la CJUE.

Par décision du 20 septembre 2017 (n° C-186/16), la CJUE a retenu que lorsqu'un établissement financier octroie un prêt libellé en devise étrangère, il doit fournir à l'emprunteur des informations suffisantes pour lui permettre de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance de cause.

Toutefois, les époux X. n'avaient pas en l'espèce à disposer d'une information claire et compréhensible sur la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dès lors que leur contrat a été octroyé en euros qui est la monnaie ayant cours en France et si l'article 3 de leur contrat devait être réputé non écrite comme ne comportant pas une information suffisante pour les consommateurs que sont les époux X., cela serait donc sans incidence sur la créance de Landsbanki.

 

Sur l'article 11 :

L'article 11 sur le risque et la responsabilité en matière d'investissement serait une clause abusive en ce qu'elle comporte plusieurs risques de change dès lors que les investissements peuvent être souscrits en devises étrangères et que le prêt comporte une faculté 'multidevises', l'article 3 permettant de modifier la désignation du prêt en une autre devise acceptée par le prêteur, aucun outil n'étant mis en place, ni proposé pour juguler le risque de change.

Cependant, comme pour l'article 3 du contrat, le caractère abusif pour ce motif ne peut avoir aucune conséquence sur la créance de Landsbanki au titre du contrat Equity Release signé par les époux X. dès lors qu'il a été souscrit en euros et non en devise étrangère et qu'aucun changement de devise n'a été proposé aux emprunteurs en cours de contrat.

Selon les époux X., l'article 11 relatif aux « risque et responsabilité en matière d'investissement » serait une clause abusive en ce que la Landsbanki Luxembourg n'a pas l'agrément PSI prévu par l'article 6 de la directive 2004/39/CE relative à la prestation de service auxiliaire d'octroi d'un crédit ou d'un prêt pour permettre une transaction sur instruments financiers, ce défaut d'agrément privant l'investisseur des garanties y afférentes, la procédure d'investissement s'imposant à peine de nullité des contrats d'investissement conclus en méconnaissance des dispositions de l'article L 532-1 du code monétaire et financier et l'adage « fraus omnia corrumpit » commandant de dénier toute valeur et toute contrainte aux titres sur lesquels le poursuivant se fonde de mauvaise foi. Ils soutiennent aussi que la clause a pour objet de soustraire le professionnel à ses obligations et qu'elle se qualifie alors de clause abusive au sens de l'annexe 1.o) et q) de la directive 93/13 et de l'article L 211-3, 4) et 16) du code de la consommation luxembourgeois. Ils concluent que cette clause étant déterminante, le contrat ne peut subsister.

La Banque rétorque que les clients ont eu une information suffisante sur les risques encourus, notamment de change, et les informations nécessaires à la bonne compréhension du fonctionnement du prêt et du mécanisme de change.

L'article 11 est ainsi rédigé :

« L'emprunteur reconnaît avoir été informé et avoir expressément compris que les placements avec répartition des bénéfices et/ou les opérations de change sont des investissements à fort caractère spéculatif qui supposent une prise de risque considérable de la part de l'emprunteur par laquelle l'emprunteur peut subir des pertes. Les pertes peuvent éventuellement dépasser les biens nantis par l'emprunteur aux fins de ces investissements. Si les pertes de l'emprunteur dépassent le montant des biens nantis par lui, le prêteur reste entièrement fondé à recouvrer l'intégralité de la somme restante due par l'emprunteur.

Les décisions d'investissement concernant les fonds mis à disposition en vertu du présent contrat de prêt ne doivent être prises que par l'emprunteur, lequel accepte de supporter l'entière responsabilité des résultats de ces investissements. L'emprunteur reconnaît au surplus que le prêteur n'est responsable ni des accords commerciaux passés dans le cadre des dits investissements ni des pertes subies par l'emprunteur du fait de ces investissements.

L'emprunteur reconnaît avoir été informé et avoir pleinement compris que, du fait d'une possible fluctuation des devises et d'une capitalisation éventuelle des intérêt dus le cas échéant en vertu du présent contrat, le solde du prêt peut s'avérer supérieur au montant de la facilité. L'emprunteur pourra donc avoir à engager sa responsabilité envers le prêteur en cas de dépassement de la facilité. »

Il sera rappelé ici qu'il ne s'agit ni de statuer sur la nullité du contrat ni sur les obligations de la banque susceptible d'engager sa responsabilité envers l'emprunteur au titre de son devoir d'information et de mise en garde de son client ni encore sur la question de savoir si la banque disposerait des agréments nécessaires à son activité mais d'examiner si la clause de l'article 11 est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Les dispositions contractuelles ci-dessus reproduites ne donnent pas plus de droits au prêteur professionnel et/ou d'obligations au consommateur mais sont de nature à informer ce dernier des risques qu'il prend en faisant l'investissement dont s'agit du fait de l'évolution de données extérieures et indépendantes de la volonté des cocontractants (évolution de la devise du contrat, accords commerciaux et décisions prises par l'emprunteur concernant les fonds qu'il a investis).

Les époux X. étaient parfaitement en mesure de comprendre la portée de cette information compte tenu de leur profil, M. X. ayant été responsable de clientèle privée dans une banque puis Directeur Général de la Caisse de garantie FNAIM qui est un établissement de crédit spécialisé dans les garanties financières en immobilier puis directeur d'un cabinet de gestion de patrimoine, conseil en investissements immobiliers et en opérations de capital-risque, et ce, d'autant plus que le contrat était parfaitement clair sur le caractère risqué de l'opération en indiquant qu'il s'agissait d’'investissements à fort caractère spéculatif qui supposent une prise de risque considérable'.

Si la clause prévoit que le préteur se dégage de toute responsabilité concernant les accords commerciaux passés dans le cadre des dits investissements et les pertes subies par l'emprunteur du fait de ces investissements et que l'emprunteur 'pourra donc avoir à engager sa responsabilité envers le prêteur en cas de dépassement de la facilité', une telle clause « n'altère pas la position juridique du consommateur en ce qu'elle ne supprime ni n'entrave l'exercice, par celui-ci, d'actions en justice ou des voies de recours, au sens du point 1, sous q), de l'annexe de la directive 93/13 ».

Il y a donc lieu de dire que la clause de l'article 11 du contrat signé entre les parties n'est pas abusive et n'a donc pas à subir la sanction du caractère non écrit.

 

Sur l'article 21 :

Les époux X. soulèvent aussi le caractère abusif de l'article 21 du contrat qui pose clause attributive de compétence territoriale aux tribunaux du Grand Duché du Luxembourg en ce que cette clause n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle.

Le tribunal d'arrondissement du Luxembourg par son jugement du 3 juillet 2019 a cependant validé cette clause en retenant sa compétence après avoir déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par les époux X. par une décision qui n'a pas fait l'objet d'un appel et a acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'éventuel caractère abusif de la clause attributive de compétence territoriale insérée au contrat n'aura en l'espèce aucune incidence sur le caractère liquide et exigible de la créance de Landsbanki fondée sur le jugement exécutoire du Luxembourg et l'acte d'affectation hypothécaire.

* * *

La cour ne fera donc pas droit aux demandes tendant à juger inexistant sinon nul le contrat de prêt et elle ne pourra tirer de conséquence du caractère abusif et non écrit de certaines des clauses précitées sur le caractère liquide et exigible de la créance de la Landsbanki, les autres clauses du contrat ne présentant pas, à l'examen, de caractère abusif.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Aucun moyen n'étant développé dans les conclusions des époux X. au soutien de leur demande de délais de paiement contenue dans le dispositif de celles-ci, il n'a pas à être répondu à cette demande par la cour.

 

Sur l'abus de saisie :

Au regard du résultat de l'instance, la saisie diligentée à l'initiative du liquidateur de la banque Landsbanki ne saurait être qualifiée d'abusive, de sorte que les époux X. doivent être déboutés de leur demande d'indemnisation d'un préjudice qu'ils subiraient à ce titre.

 

Sur la vente amiable :

La décision du premier juge qui a autorisé la vente du bien à l'amiable du bien immobilier des époux X. sur une mise à prix de 600.000 euros, dont ces derniers demandent la confirmation et sur laquelle Maître F. ès qualités s'en remet, sera confirmée.

 

Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Au regard du résultat de l'instance, les époux X. sont la partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Leur condamnation aux dépens de première instance sera donc confirmée et ils seront également condamnés solidairement aux entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Jérôme Clerc, dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. X. et Mme Y., son épouse, seront aussi condamnés solidairement à verser à la société Landsbanki représentée par Monsieur F., avocat, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Landsbanki Luxembourg sa, une somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur propre demande à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle du 15 janvier 2025 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne solidairement M. X. et Mme Y., son épouse à verser à la société Landsbanki représentée par Monsieur F., avocat, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Landsbanki Luxembourg sa, une somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. X. et Mme Y., son épouse aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Jérôme Clerc, dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes contraires et supplémentaires.

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,