TA NÎMES (4e ch.), 29 avril 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24031
TA NÎMES (4e ch.), 29 avril 2025 : req. n° 2203759
Publication : Judilibre
Extrait (arguments de la requérante) : « - le montant de la rémunération forfaitaire mentionné dans le contrat constitue une clause abusive du contrat au sens de l'article L. 212 du code de la consommation dès lors que dans la grille indiciaire du CNRS de 2010, l'indice majoré attendu pour un contrat à durée déterminée de cadre A aurait dû conduire au regard de son diplôme et de son expérience à une rémunération forfaitaire de 3 468,08 euros ; »
Extrait (motifs) : « 3. Il résulte de l'instruction que Mme X. a été victime d'un accident le 27 mars 2019 reconnu imputable au service alors qu'elle occupait encore ses fonctions d'ingénieure informatique, qui ont cessé le 28 mars 2019. Il résulte des dispositions précitées de l'article 14 du décret 17 janvier 1986 que Mme X. qui était placée en congé d'invalidité imputable au service avait droit à un plein traitement du 11 mars au 10 avril 2019. Le CNRS ne pouvait dès lors demander à Mme X. le remboursement de la somme de 196,47 euros correspondant au plein traitement qu'elle a perçu du 28 au 30 mars 2019. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 doit être annulée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NÎMES
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 29 AVRIL 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro de requête : 2203759. Numéro de rôle : 132833.
REQUÉRANT :
Madame X.
DÉFENDEUR :
Centre national de la recherche scientifique CNRS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2022 et 22 janvier 2024, Mme X. demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 notifiée par le service central de la paie du CNRS en vue du recouvrement d'un trop-perçu de rémunération d'un montant de 196, 47 euros ;
2°) d'enjoindre au CNRS de lui restituer la somme saisie de 196,47 euros ;
3°) de condamner le CNRS à lui verser la somme totale de 4.942,21 euros brut correspondant au reliquat des différentes rémunérations non versées ;
4°) de condamner le CNRS à lui verser une somme de 500 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en application de l'article 809 du code de procédure civil ;
5°) de condamner le CNRS à lui verser une somme à titre de provision à valoir pour dommages et intérêts comprenant l'indemnité compensatrice pour non-respect du délai de prévenance d'un montant de 35 254, 23 euros auquel il conviendra d'ajouter l'indemnité compensatrice de congés payés.
Elle soutient que :
- le montant de la créance est erroné dès lors que le CNRS n'a pas tenu compte de la régularisation qu'elle a effectuée par son courrier du 27 novembre 2019 en ramenant le trop-perçu à la somme de 134,82 euros pour tenir compte de la régularisation sur le supplément familial auquel elle avait droit pour mars 2019 ;
- le montant du supplément familial de traitement (SFT) mensuel dû pour ses quatre enfants à charge demeure entaché d'erreur même après la régularisation de novembre 2019 ; le montant de la SFT brut mensuel qui lui est du aurait dû être au minimum de 334,18 euros en vertu des textes en vigueur en 2019 et au maximum de 510 euros ce qui a pour effet de fausser le montant de l'indu qui a été saisi pour les trois derniers jours de mars 2019 ; le montant attendu pour le mois de mars est de 273,64 euros au lieu de 196,49 euros que le CNRS prétend avoir versé ;
- le montant saisi est également erroné du fait d'une erreur dans le montant de la rémunération forfaitaire qui lui a été versée en mars 2019 auquel il manque 20 euros brut ;
- l'erreur dans le calcul du montant forfaitaire de sa rémunération fausse également le calcul de l'indu qui a été saisi pour les 3 derniers jours de mars ;
- la créance n'est pas exigible dès lors qu'elle a été victime d'un accident de travail survenu le 18 mars 2019 qui a été reconnu par le CNRS et a entraîné son placement en arrêt de travail à compter du 27 mars 2019 ; les prolongations d'arrêt maladie ont été régulièrement communiqués jusqu'à fin mai 2020 ;
- la non prise en compte de son arrêt de travail à partir du 27 mars 2019 déclaré et reconnu par son employeur rend caduque l'indu ; en tout état de cause un délai de prévenance de deux jours pendant lequel le contrat de travail ne peut être ni suspendu ni interrompu devait être appliqué ; la rupture du contrat ne saurait intervenir pendant la période d'essai en cas de placement en arrêt maladie sous peine d'une sanction pour discrimination fondée sur l'état de santé de l'employeur ;
- l'exécution de la saisie administrative à tiers détenteur alors qu'elle l'a contestée par courrier du 18 août 2022 dans le délai imparti constitue un abus de pouvoir sur l'usage de cette procédure ;
- le CNRS a commis des erreurs en lien avec la rémunération forfaitaire, le supplément familial de traitement et sur les heures de travail effectuées ; la régularisation de son supplément familial aurait dû porter sur la durée totale de son contrat pour un montant de 1 203,51 euros brut ; pour la période incomplète du 11 mars au 31 mars 2019 de 21 jours, le nombre d'heures travaillées auraient dû être de 107, 8 heures et non de 101, 11 heures comme mentionné dans le bulletin de paie dès lors qu'elle a été embauchée pour travailler 38,5 heures /semaine ; il manque sur sa rémunération forfaitaire une somme de 20 euros brut pour le mois incomplet de mars et 30 euros brut par mois pour les autres mois de son contrat de travail ;
- le montant de la rémunération forfaitaire mentionné dans le contrat constitue une clause abusive du contrat au sens de l'article L. 212 du code de la consommation dès lors que dans la grille indiciaire du CNRS de 2010, l'indice majoré attendu pour un contrat à durée déterminée de cadre A aurait dû conduire au regard de son diplôme et de son expérience à une rémunération forfaitaire de 3 468,08 euros ;
- les montants restant dus par le CNRS tel que demandés dans le courrier du 16 septembre 2019 s'élèvent à 4 592,21 euros brut au titre du supplément familial et 350 euros pour la rémunération forfaitaire non versée soit un total de 4 942,21 euros brut ;
- en application de la jurisprudence de la cour de cassation du 5 novembre 2014, le non-respect par le CNRS du délai de prévenance de 48 heures fixé par les dispositions du code du travail lui ouvre droit à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, soit 35 254,23 euros à laquelle il faut rajouter l'indemnité compensatrice de congés payés.
[*]
Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2023, le centre national de la recherche scientifique conclut au rejet de la requête de Mme X.
Il fait valoir que :
- il a été fait droit à la demande de la requérante s'agissant du supplément familial de traitement par le versement d'une somme de 74,12 euros brut versée en novembre 2019 ; la requérante a été employée pendant 17 jours mais a reçu une rémunération correspondant à 20 jours de travail de sorte qu'elle était redevable d'un trop-perçu correspondant à trois jours de rémunération ;
- la requérante n'est pas fondée à demander une régularisation du montant de sa rémunération brute mensuelle supérieure à celle mentionnée à l'article 3 du contrat signé le 11 mars 2019 ;
- la requérante ne peut prétendre à une régularisation du supplément familial de traitement sur la durée initiale du contrat alors que le contrat a été rompu après une période d'emploi de 17 jours, le contrat ayant été rompu durant la période d'essai ;
- les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile ne sont pas applicables en l'espèce et la requérante ne peut en tout état de cause prétendre à l'indemnisation d'un préjudice dès lors que le trop-perçu saisi sur sa rémunération correspond à la régularisation de sa rémunération à laquelle elle avait droit au titre de son contrat de travail et de sa durée d'emploi.
[*]
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sarac-Deleigne,
- les conclusions de Mme X.ala, rapporteure publique,
- et les observations de Mme X..
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant ce qui suit :
1. Mme X., recrutée par le centre national de recherche scientifique (CNRS) en qualité d'ingénieure en informatique par un contrat à durée déterminée d'une année du 11 mars 2019 au 10 mars 2020, a été affectée à l'unité UMR Legos à Toulouse. Par une décision du 27 mars 2019, le CNRS a mis fin aux fonctions de l'intéressée à compter du 28 mars 2019, en cours de la période d'essai. Mme X. a effectué une déclaration d'accident de travail le 27 mars 2019 d'une part, pour une tendinite au poignet droit suite à un incident survenu le 18 mars 2019 lors du déplacement d'encombrants, et, d'autre part, pour un syndrome anxieux lié à un conflit professionnel suite à une réunion qui s'est tenue le 26 mars 2019. Par une décision du 30 juillet 2019, la caisse d'assurance maladie de Haute-Garonne a reconnu le caractère professionnel de l'accident uniquement pour la lésion au poignet droit et la tendinite. Mme X. a fait parvenir les arrêts de travail de prolongation jusqu'à fin mai 2020. Par un courrier du 13 juin 2019, l'agent comptable du CNRS a informé la requérante qu'elle X.énéficié d'un trop-perçu de rémunération de trois jours au mois de mars 2019 correspondant à un montant net de 196,47 et lui en a demandé le remboursement. Par courrier du 7 juillet 2022, le service central de la paie du CNRS a mis en demeure la requérante de payer la somme due. Par courrier du 18 août 2022, le service central de la paie du CNRS a notifié à la requérante une saisie administrative à tiers détenteur du montant de 196,47 euros et a procédé à la saisie de la somme auprès du nouvel employeur en septembre 2022. Mme X. demande au tribunal d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 et de condamner le CNRS à lui reverser la somme de 196,47 euros saisie sur sa paie de septembre 2019, une somme de 4 942,21 euros brut au titre des différentes rémunérations non versées ainsi qu'une provision à valoir pour dommages et intérêts comprenant une indemnité compensatrice pour non-respect du délai de préavis d'un montant de 35 254,23 euros et l'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur le bien-fondé de l'avis à tiers détenteur :
2. Aux termes de l'article 14 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « L'agent contractuel en activité bénéficie, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de lX.lessure, soit le décès. Dans cette situation, nonobstant les dispositions de l'article L. 433-2 du livre IV du code de la sécurité sociale, les indemnités journalières sont portées par l'administration au montant du plein traitement : -pendant un mois dès leur entrée en fonctions ; -pendant deux mois après deux ans de services ; -pendant trois mois après trois ans de services. A l'expiration de la période de rémunération à plein traitement, l'intéressé bénéficie des indemnités journalières prévues dans le code susvisé qui sont servies : -soit par l'administration pour les agents recrutés ou employés à temps complet ou sur des contrats d'une durée supérieure à un an ; -soit par la caisse primaire de sécurité sociale dans les autres cas ». En vertu des dispositions de l'article 2 du même décret, les prestations en espèces de sécurité sociale servies aux agents non titulaires placés en congé maladie sont déduites de plein ou demi traitement maintenu à ces agents. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un agent contractuel placé en congé pour invalidité imputable au service perçoit des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie, l'administration peut procéder à la déduction de ces sommes sur celles qu'elle doit verser à l'intéressé au titre de son traitement. Dans l'hypothèse où l'administration n'opère pas cette déduction, elle peut procéder au recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières perçues par son agent.
3. Il résulte de l'instruction que Mme X. a été victime d'un accident le 27 mars 2019 reconnu imputable au service alors qu'elle occupait encore ses fonctions d'ingénieure informatique, qui ont cessé le 28 mars 2019. Il résulte des dispositions précitées de l'article 14 du décret 17 janvier 1986 que Mme X. qui était placée en congé d'invalidité imputable au service avait droit à un plein traitement du 11 mars au 10 avril 2019. Le CNRS ne pouvait dès lors demander à Mme X. le remboursement de la somme de 196,47 euros correspondant au plein traitement qu'elle a perçu du 28 au 30 mars 2019.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenue, le présent jugement implique que le CNRS rembourse à Mme X. la somme saisie de 196,47 euros. Il y a lieu d'enjoindre au CNRS d'y procéder dans un délai d'un mois.
6. En revanche, l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 n'implique pas pour l'exécution du présent jugement, le versement des autres sommes demandées par Mme X. à titre d'indemnité et de provision. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant au versement de ces sommes doivent être rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : La saisie administrative à tiers détenteur du 18 août 2022 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au CNRS de rembourser à Mme X. la somme de 196,47 euros dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme X. et au centre national de la recherche scientifique.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Chamot, présidente,
Mme Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Mazars, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
La rapporteure,
B. SARAC-DELEIGNE
La présidente,
C. CHAMOT
La greffière,
B. MAS-JAY