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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 5 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 5 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 24/11406
Date : 5/06/2025
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 18/09/2024
Décision antérieure : TJ Marseille (Jme), 13 juin 2024 : RG n° 22/08311
Décision antérieure :
  • TJ Marseille (Jme), 13 juin 2024 : RG n° 22/08311
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24114

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 5 juin 2025 : RG n° 24/11406 

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments de l’appelant) : « Le Crédit lyonnais soutient par ailleurs que les emprunteurs font une lecture erronée de l'article 5 des conditions générales du contrat en ce que celui-ci ne prévoit qu'une simple faculté à son bénéfice, faculté dont il n'a pas entendu se prévaloir puisqu'il a adressé le 10 janvier 2022 à Mme Y. et M. X. une mise en demeure de s'acquitter des échéances impayées, par lettre recommandée avec avis de réception, leur précisant qu'à défaut d'y procéder sous quinzaine, la déchéance du terme serait prononcée. Et en tout état de cause, il n'aurait de fait pas pu s'en prévaloir puisqu'une telle clause est qualifiée d'abusive par la jurisprudence. En conséquence, le capital restant dû n'est devenu exigible que le 25 janvier 2022 et son action en paiement n'est pas prescrite. »

Extrait (motifs) : « Il résulte des articles L. 218-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (Civ. 1re, 20 octobre 2021, pourvoi n°20-13.661).

L'article 5, intitulé « exigibilité anticipée », des stipulations particulières du prêt conclu entre les parties, dont celles-ci reconnaissent la valeur contractuelle, prévoit que « sans préjudice des dispositions légales relatives à la déchéance du terme, toutes les sommes dues au titre d'un prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, deviendraient exigibles par anticipation de plein droit, dans l'un des cas énumérés ci-après, sans que notre établissement ait à faire prononcer en justice la déchéance du terme, ni à procéder à une mise en demeure, à savoir : - inexécution d'une obligation contractée au titre du prêt, notamment en cas de non-paiement d'une échéance, étant précisé que les régularisations postérieures ne feraient pas obstacle à cette exigibilité ou de non-respect d'une promesse de garantie (…) ».

L'emploi du conditionnel dans cette stipulation établit qu'il ne s'agit que d'une faculté ouverte à l'établissement financier rédacteur. Si les parties étaient convenues d'une automaticité dans la survenance de cette déchéance du terme du seul fait du non-paiement d'une échéance, comme le soutiennent les intimés, l'article aurait été rédigé avec l'usage d'un temps futur marquant la certitude et non du conditionnel exprimant l'aléa, et il serait ainsi écrit « deviendront » et non pas « deviendraient ».

Cette clause est ainsi parfaitement claire en ce qu'elle ouvre la faculté au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du seul fait de cet incident de paiement, faculté dont il a précisément décidé de ne pas faire usage en l'espèce puisqu'il a mis en demeure les emprunteurs par courrier recommandé du 10 janvier 2022 de s'acquitter des échéances restées impayées dans un délai de quinzaine, à défaut de quoi serait prononcée la déchéance du terme.

La déchéance du terme n'est ainsi intervenue, sur cette notification, qu'à l'expiration du délai imparti à défaut de régularisation, le 25 janvier 2022, comme le fait justement valoir l'appelante.

Il en résulte que la prescription biennale a couru sur chaque mensualité impayée à compter de sa date d'échéance, et sur le capital restant dû et l'indemnité contractuelle devenue exigibles par effet de la déchéance du terme à compter du 25 janvier 2022.

L'assignation en paiement devant le tribunal judiciaire de Marseille ayant été délivrée par la SA Le Crédit Lyonnais à Mme Y. et M. X. le 25 août 2022, seules les échéances antérieures au 25 août 2020 peuvent être atteintes par la prescription. L'ordonnance déférée est infirmée. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 5 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/11406 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWE7. Ordonnance du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 13 juin 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le R.G. n° 22/08311.

 

APPELANTE :

SA LE CRÉDIT LYONNAIS – LCL

poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [Adresse 2], et le siège central [Adresse 3], représentée par Maître Nicolas SIROUNIAN de la SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Khedidja LAHOUSSINE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Maître Nicolas SIROUNIAN

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 6], demeurant [Adresse 5], représenté par Maître Mathieu JACQUIER de la SCP SCP JACQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Maître Anne-Sophie LAMY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Mathieu JACQUIER

Madame Y.

né le [Date naissance 4] à [Localité 6], demeurant [Adresse 5], représenté par Maître Mathieu JACQUIER de la SCP SCP JACQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Maître Anne-Sophie LAMY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Maître Mathieu JACQUIER

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 mars 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUGIER, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre, Mme Magali VINCENT, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025, Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 mai 2011, la SA Le Crédit lyonnais a consenti à Mme Y. et M. X. un prêt immobilier d'un montant de 317.945 euros, remboursable sur 25 ans.

Alors que plusieurs échéances de ce prêt restaient impayées, les emprunteurs ont bénéficié d'une procédure de surendettement et un plan de règlement a été arrêté le 31 juillet 2017.

Les emprunteurs restant défaillants dans l'exécution de ce plan, la SA Le Crédit lyonnais les a mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2022, de s'acquitter des sommes restant dues à hauteur de 43.284,75 euros, à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée et rendrait exigible le capital restant dû, soit 302.713,59 euros, outre intérêts contractuels.

Les facilités de règlement accordées à leur demande aux emprunteurs le 29 mars 2022 par le Crédit lyonnais n'étant encore pas respectées, ils étaient assignés en paiement devant le tribunal judiciaire de Marseille par exploit du 25 août 2022.

Saisi sur incident par Mme Y. et M. X., le juge de la mise en état de ce tribunal a, par ordonnance du 13 juin 2024,

- déclaré l'action en recouvrement de la SA Le Crédit lyonnais à l'encontre de Mme Y. et M. X. irrecevable comme prescrite,

- condamné la SA Le Crédit lyonnais à payer à Mme Y. et M. X. ensemble la somme de 1.500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Le Crédit lyonnais à payer les dépens.

Par déclaration du 18 septembre 2024, la SA Le Crédit lyonnais a relevé appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

Mme Y. et M. X., intimés, ont conclu et l'arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mars 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars 2025 et a été mise en délibéré au 5 juin 2025.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 novembre 2024, la SA Le Crédit lyonnais, appelant, demande à la cour

- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'incident rendue le 13 juin 2024,

et statuant à nouveau,

- débouter M. X. et Mme Y. de leur fin de non-recevoir,

- déclarer recevables ses demandes,

- condamner in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 décembre 2024, Mme Y. et M. X., intimés, demandent à la cour de

à titre principal,

- confirmer l'ordonnance d'incident rendue le 13 juin 2024 en tous points,

- déclarer la demande du Crédit lyonnais au titre du prêt consenti à Mme Y. et M. X. prescrite,

- en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

- retenir que l'aveu judiciaire contenu dans les conclusions notifiées le 22 novembre 2023 par le Crédit lyonnais est irrévocable,

- en conséquence de la renonciation du Crédit lyonnais au paiement des échéances antérieures au 25 août 2020, soit la somme de 22.880,56 euros, en l'état de leur prescription, et le débouter de toutes demandes à ce titre,

à titre infiniment subsidiaire,

- déclarer les échéances impayées antérieures au 25 août 2020, soit la somme de 22.880,56 euros, prescrites et débouter le Crédit lyonnais de toute demande à ce titre,

dans tous les cas,

- débouter le Crédit lyonnais de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- le condamner à payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la fin de non-recevoir tenant à la prescription :

L'appelant fait valoir que son action ayant été introduite par l'assignation délivrée le 25 août 2022 aux emprunteurs, elle est en tout état de cause recevable pour les échéances devenues exigibles depuis le 25 août 2020.

Il ajoute que, par plusieurs courriers datés des 25 janvier 2022, 10 février 2022 et 22 février 2022, les emprunteurs ont manifesté leur volonté de régler sans aucune réserve l'intégralité de leur dette à son égard, interrompant ainsi le cours de la prescription mais également renonçant à la prescription déjà acquise des échéances antérieures au 25 janvier 2020, renonciation corroborée par les six paiements spontanément effectués entre le 29 avril et le 1er septembre 2022.

Le Crédit lyonnais soutient par ailleurs que les emprunteurs font une lecture erronée de l'article 5 des conditions générales du contrat en ce que celui-ci ne prévoit qu'une simple faculté à son bénéfice, faculté dont il n'a pas entendu se prévaloir puisqu'il a adressé le 10 janvier 2022 à Mme Y. et M. X. une mise en demeure de s'acquitter des échéances impayées, par lettre recommandée avec avis de réception, leur précisant qu'à défaut d'y procéder sous quinzaine, la déchéance du terme serait prononcée. Et en tout état de cause, il n'aurait de fait pas pu s'en prévaloir puisqu'une telle clause est qualifiée d'abusive par la jurisprudence. En conséquence, le capital restant dû n'est devenu exigible que le 25 janvier 2022 et son action en paiement n'est pas prescrite.

Les intimés soutiennent que, par application de l'article 5 des conditions générales du prêt, la déchéance du terme est intervenue dès la première échéance impayée, soit le 28 février 2018, et toutes les sommes dues au titre de ce prêt sont alors devenues exigibles. Il ne peut donc en être réclamé paiement plus de deux ans après. Cette clause ne constitue pas une faculté mais un principe d'automaticité de l'exigibilité anticipée, et le Crédit lyonnais ne peut se prévaloir à son bénéfice de ce qu'il s'agirait d'une clause abusive, concept qui ne relève que d'un ordre public de protection en faveur du consommateur.

Ils font en outre valoir que leurs courriers et les paiements faits dans un contexte de poursuites ne constituent pas une manifestation non équivoque de renonciation à se prévaloir de la prescription.

A titre subsidiaire, s'il était retenu que la déchéance du terme n'est pas intervenue le 22 février 2018, les échéances antérieures au 25 août 2020 demeurent prescrites, et dans ses conclusions notifiées le 22 novembre 2023, le Crédit lyonnais l'avait lui-même admis puisqu'il renonçait à en demander paiement. Cet aveu est irrévocable et en vertu du principe de l'estoppel, l'appelant ne peut se contredire et revenir sur cette position.

A titre infiniment subsidiaire, les intimés considèrent que seule l'assignation peut être retenue comme interruptive de prescription.

Sur ce,

Les parties s'accordent, à raison, à retenir l'application à l'espèce de la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du code de la consommation, s'agissant d'une créance au titre d'un prêt contracté par des particuliers pour l'acquisition de leur résidence principale.

Il résulte des articles L. 218-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (Civ. 1re, 20 octobre 2021, pourvoi n°20-13.661).

L'article 5, intitulé « exigibilité anticipée », des stipulations particulières du prêt conclu entre les parties, dont celles-ci reconnaissent la valeur contractuelle, prévoit que « sans préjudice des dispositions légales relatives à la déchéance du terme, toutes les sommes dues au titre d'un prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, deviendraient exigibles par anticipation de plein droit, dans l'un des cas énumérés ci-après, sans que notre établissement ait à faire prononcer en justice la déchéance du terme, ni à procéder à une mise en demeure, à savoir : - inexécution d'une obligation contractée au titre du prêt, notamment en cas de non-paiement d'une échéance, étant précisé que les régularisations postérieures ne feraient pas obstacle à cette exigibilité ou de non-respect d'une promesse de garantie (…) ».

L'emploi du conditionnel dans cette stipulation établit qu'il ne s'agit que d'une faculté ouverte à l'établissement financier rédacteur. Si les parties étaient convenues d'une automaticité dans la survenance de cette déchéance du terme du seul fait du non-paiement d'une échéance, comme le soutiennent les intimés, l'article aurait été rédigé avec l'usage d'un temps futur marquant la certitude et non du conditionnel exprimant l'aléa, et il serait ainsi écrit « deviendront » et non pas « deviendraient ».

Cette clause est ainsi parfaitement claire en ce qu'elle ouvre la faculté au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du seul fait de cet incident de paiement, faculté dont il a précisément décidé de ne pas faire usage en l'espèce puisqu'il a mis en demeure les emprunteurs par courrier recommandé du 10 janvier 2022 de s'acquitter des échéances restées impayées dans un délai de quinzaine, à défaut de quoi serait prononcée la déchéance du terme.

La déchéance du terme n'est ainsi intervenue, sur cette notification, qu'à l'expiration du délai imparti à défaut de régularisation, le 25 janvier 2022, comme le fait justement valoir l'appelante.

Il en résulte que la prescription biennale a couru sur chaque mensualité impayée à compter de sa date d'échéance, et sur le capital restant dû et l'indemnité contractuelle devenue exigibles par effet de la déchéance du terme à compter du 25 janvier 2022.

L'assignation en paiement devant le tribunal judiciaire de Marseille ayant été délivrée par la SA Le Crédit Lyonnais à Mme Y. et M. X. le 25 août 2022, seules les échéances antérieures au 25 août 2020 peuvent être atteintes par la prescription. L'ordonnance déférée est infirmée.

Le Crédit Lyonnais se prévaut par ailleurs de ce que cette prescription aurait été interrompue ou de ce que les intimés y auraient renoncé.

Ces derniers contestent la recevabilité de ces moyens en se prévoyant du principe de l'estoppel au regard des conclusions déposées par le créancier le 22 novembre 2023.

* La Cour de cassation a défini ce principe comme le « comportement procédural constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire (son adversaire) en erreur sur ses intentions » (Cass., 1re civ., 3 février 2010, pourvoi n°08-21.288) et le fonde sur la nécessaire loyauté des débats.

En l'espèce, la SA Le Crédit lyonnais a, par exploit du 25 août 2022, assigné Mme Y. et M. X. devant le tribunal judiciaire de Marseille en paiement d'une somme de 302 804,42 euros, comptes arrêtés au 29 mars 2022, outre les intérêts au taux contractuel de 0,90% sur la somme de 281 682 euros à compter du 29 mars 2022 jusqu'à parfait paiement. C'est ainsi d'une demande en règlement de toutes les sommes lui restant dues au titre du prêt consenti le 4 mai 2011 qu'était saisi le tribunal par cette banque à l'encontre de Mme Y. et M. X., sans distinction selon les échéances concernées.

Aux termes du dispositif de ses écritures mentionnées comme transmises par voie électronique le 22 novembre 2023 -ce qu'il ne conteste pas, telles que produites en pièce 1 par les intimés, le Crédit lyonnais demande au juge de la mise en état, saisi par Mme Y. et M. X. d'un incident tendant à voir dire la demande en paiement formée à leur encontre entièrement prescrite, de

- déclarer recevables ses demandes en ce qu'elles concernent le paiement des échéances du prêt consenti postérieures au 25 août 2020, en ce compris le capital restant dû à la suite de la déchéance du terme prononcée le 25 janvier 2022,

- et de débouter Mme Y. et M. X. de leur fin de non-recevoir en ce qu'elle concerne les demandes en paiement des échéances de prêt postérieures au 25 aout 2020, en ce compris le capital restant dû à la suite de la déchéance du terme prononcée le 25 janvier 2022.

L'absence de contestation de l'irrecevabilité -alléguée pour le tout, au titre des échéances antérieures, devant le juge de la mise en état n'emporte pas, à elle seule, renonciation définitive à s'en prévaloir, notamment dans le cadre d'une instance d'appel sur la décision faisant entièrement droit à la fin de non-recevoir soulevée.

Le comportement procédural de la SA Le Crédit lyonnais n'est ainsi pas constitutif d'un changement de position de nature à induire en erreur Mme Y. et M. X. sur ses intentions, et ne présente aucune déloyauté, de sorte qu'il ne constitue pas un estoppel.

* Selon l'article 2251 du code civil, « la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ».

Des courriers et courriels adressés par les intimés au Crédit Lyonnais les 25 janvier 2022, 10 et 22 février 2022, aucun ne mentionne l'éventualité d'une prescription pouvant affecter le paiement des sommes dues au titre du prêt. Il ne peut donc être soutenu que Mme Y. et M. X. y auraient renoncé en connaissance de cause à l'invoquer.

De même, les paiements effectués entre le 29 avril et le 1er septembre 2022 pour un montant global de 9 293,56 euros, reconnus par la banque et non contestés par les intimés, n'ont pas été spécifiquement affectés par eux au règlement des échéances qui pourraient être prescrites, de sorte qu'aucune renonciation ne peut davantage en être déduite.

* Aux termes de l'article 2240 du code civil, « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ». Cette interruption suppose toutefois que la reconnaissance présente un caractère non équivoque et se manifeste par un acte positif explicite extériorisant sa volonté de s'acquitter de la dette (Cass., 3è Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n°19-23.262).

Dans le courrier du 25 janvier 2022 et les deux courriels ultérieurs précités, Mme Y. et M. X. ne mentionnent pas le quantum de la dette qu'ils reconnaissent devoir payer à la SA Le Crédit foncier, mais sollicitent seulement des remises et délais. Il ne peut en conséquence être retenu de ces tapuscrits qu'ils constitueraient une reconnaissance de l'entière créance de l'appelante en ce incluses les échéances antérieures au 25 août 2020.

De même, les règlements intervenus entre le 29 avril et le 1er septembre 2022 n'ont pas été affectés explicitement au règlement de ces échéances litigieuses antérieures au 25 août 2020. Ils ne peuvent constituer un aveu de ce qu'elles sont dues et ne sont donc pas de nature à interrompre la prescription ayant couru à leur égard.

A défaut de renonciation et d'interruption, la demande en paiement des mensualités du prêt échues avant le 25 août 2020 est irrecevable comme prescrite.

 

2. Sur les frais du procès :

L'équité commande de condamner Mme Y. et M. X. qui succombent principalement en l'incident, à payer à la SA Le Crédit lyonnais une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sur l'incident restent à leur charge.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour

Infirme l'ordonnance rendue le 13 juin 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande de la SA Le Crédit lyonnais en paiement des échéances antérieures au 25 août 2020 ;

Déclare recevable le surplus de ses demandes ;

Condamne in solidum Mme Y. et M. X. à payer à la SA Le Crédit lyonnais une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme Y. et M. X. aux dépens de première instance et d'appel sur l'incident ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT