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CA CHAMBÉRY (2e ch.), 13 mars 2025

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (2e ch.), 13 mars 2025
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), 2e ch.
Demande : 24/00693
Décision : 25/101
Date : 13/03/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 21/05/2024
Décision antérieure : TJ Thonon-les-Bains (Jme), 30 avril 2024 : RG n° 23/00002
Numéro de la décision : 101
Décision antérieure :
  • TJ Thonon-les-Bains (Jme), 30 avril 2024 : RG n° 23/00002
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24118

CA CHAMBÉRY (2e ch.), 13 mars 2025 : RG n° 24/00693 ; arrêt n° 2C25/101 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le Crédit agricole des Savoie soutient que Mme X. savait dès la souscription des contrats que le remboursement devait s'effectuer en devises, de sorte que l'action est prescrite.

Toutefois, le dol allégué par Mme X. résulte de ce qu'elle prétend que le prêteur lui aurait fait croire que le remboursement des prêts pourrait être effectué, au choix de l'emprunteur, en francs suisses ou en euros et qu'elle n'aurait pris conscience que le remboursement devait être effectué en francs suisses, le cas échéant par achat de devises avec risque de change supporté par l'emprunteur, que le 3 mars 2022, en produisant à cet effet un échange de mails avec la banque.

La seule lecture des contrats, tels que produits aux débats par la banque à la demande de la cour, contient des clauses relatives au remboursement en devises dont le caractère explicite, ou non, relève de l'appréciation du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité. Aucun document d'information précontractuel n'est produit par la banque qui permettrait d'exclure l'incompréhension alléguée par Mme X. des termes des contrats dès la date de leur souscription.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, et pas plus en appel, le Crédit agricole des Savoie ne démontre qu'une information sur le remboursement des prêts en devises exclusivement aurait été donnée expressément à Mme X. à une date antérieure au 3 mars 2022, de sorte que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol. »

2/ « Dans le dispositif de ses conclusions le Crédit agricole des Savoie sollicite la réformation de la décision en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à ce que des clauses contractuelles soient déclarées non-écrites en raison de leur caractère abusif et de l'action tendant à la restitution des sommes versées en exécution d'une clause abusive. Toutefois, la déclaration d'appel du Crédit agricole des Savoie ne fait pas mention de ce chef de la décision et, en outre, force est de constater qu'aucun moyen de réformation n'est invoqué à l'appui, alors qu'il semble même que cette fin de non-recevoir n'aurait pas été soulevée par la banque devant le juge de la mise en état. L'ordonnance ne peut donc qu'être confirmée de ce chef. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY  

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 MARS 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00693. Arrêt n° 2C25/101. N° Portalis DBVY-V-B7I-HPMN. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 30 avril 2024, RG n° 23/00002.

 

Appelante :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE

dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal, Représentée par la SARL AVOLAC, avocat au barreau D'ANNECY

 

Intimée :

Mme X.

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4] – [pays], Représentée par la SELARL JACK CANNARD, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS et Maître Christian FORQUIN, avocat plaidant au barreau de CHAMBERY

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 17 décembre 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,

Et lors du délibéré, par : - Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente - Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, - Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre acceptée le 30 juillet 2006, et réitérée par acte authentique du 24 août 2006, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (le Crédit agricole des Savoie) a consenti à Mme X. deux prêts immobiliers :

- un prêt en devises n° 256XXX01 de la contre-valeur en CHF de 89.000 euros (soit 139.827,90 CHF), au taux d'intérêt initial de 2,535 % révisable, d'une durée de 348 mois, remboursable in fine (amortissement différé en fin de prêt),

- un prêt en devises n° 256YYY02 de la contre-valeur en CHF de la somme de 90.000 euros (soit 141 399 CHF), au taux d'intérêt initial de 2,535 % révisable, d'une durée de 300 mois ajustable, remboursable en 100 échéances trimestrielles avec amortissement progressif.

Par acte délivré le 16 décembre 2022, Mme X. a fait assigner le Crédit agricole des Savoie devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains aux fins de nullité des contrats de prêt pour dol et remboursement de toutes les sommes déjà payées au-delà de 90.000 euros pour le contrat n° 256YYY02, prononcer la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et remboursement des sommes indûment perçues. Subsidiairement elle a invoqué le caractère abusif de certaines clauses des contrats et sollicité le remboursement des sommes indûment perçues.

Le Crédit agricole des Savoie a saisi le juge de la mise en état d'un incident pour voir déclarer irrecevables les prétentions formées par Mme X.

Par ordonnance contradictoire rendue le 30 avril 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- déclaré en tant que de besoin irrecevable la demande en nullité des contrats de prêts en raison de leur caractère illicite formée par Mme X.,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol,

- rejeté en tant que de besoin la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action tendant à ce que des clauses contractuelles soient déclarées non écrites en raison de leur caractère abusif et de l'action tendant à la restitution des sommes versées en exécution d'une clause abusive,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- dit que les dépens de la procédure d'incident seront intégrés aux dépens de l'instance principale.

Par déclaration du 21 mai 2024, le Crédit agricole des Savoie a interjeté appel de cette décision mais seulement en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol.

[*]

Par conclusions notifiées le 19 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le Crédit agricole des Savoie demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les dispositions des articles 789 et 122 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 1304 du code civil.

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande en nullité des contrats de prêt en raison de leur caractère illicite formée par Mme X.,

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

* rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol,

* rejeté en tant que de besoin la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action tendant à ce que des clauses contractuelles soient déclarées non écrites en raison de leur caractère abusif et de l'action tendant à la restitution des sommes versées en exécution d'une clause abusive,

* rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que les demandes formalisées par Mme X. à l'encontre du Crédit agricole des Savoie sur le fondement du dol s'avèrent prescrites,

- en conséquence, déclarer irrecevables l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme X. à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

vcondamner la même aux entiers dépens,

- rejeter toutes autres demandes.

[*]

Par conclusions notifiées le 10 octobre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme X. demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article L. 212-1 du code de la consommation,

Vu les articles 6, 1304 devenu 1144, 1343, 1895 et 2224 du code civil,

Vu la directive UE) 2019/2161 modifiant la directive 93/13 CEE et les directives 98/6CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE en matière de protection des consommateurs,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

* rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol,

* rejeté en tant que de besoin la fin de non-recevoir soulevée par le Crédit agricole des Savoie tirée de la prescription de l'action tendant à ce que des clauses contractuelles soient déclarées non écrites en raison de leur caractère abusif et de l'action tendant à la restitution des sommes versées en exécution d'une clause abusive,

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de nullité des contrats de prêts en raison de leur caractère illicite,

Y ajoutant,

- condamne le Crédit agricole des Savoie à régler la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de l'incident, de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Me Forquin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

L'affaire a été clôturée à la date du 21 octobre 2024 et renvoyée à l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 13 mars 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'action en nullité fondée sur le dol :

En application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

En l'espèce, et aux termes de son assignation devant le tribunal, Mme X. entend obtenir l'annulation des contrats de prêt sur le fondement du dol en invoquant le fait qu'elle n'aurait pas été dûment informée de ce que les prêts étaient remboursables en francs suisses exclusivement.

Le Crédit agricole des Savoie soutient que Mme X. savait dès la souscription des contrats que le remboursement devait s'effectuer en devises, de sorte que l'action est prescrite.

Toutefois, le dol allégué par Mme X. résulte de ce qu'elle prétend que le prêteur lui aurait fait croire que le remboursement des prêts pourrait être effectué, au choix de l'emprunteur, en francs suisses ou en euros et qu'elle n'aurait pris conscience que le remboursement devait être effectué en francs suisses, le cas échéant par achat de devises avec risque de change supporté par l'emprunteur, que le 3 mars 2022, en produisant à cet effet un échange de mails avec la banque.

La seule lecture des contrats, tels que produits aux débats par la banque à la demande de la cour, contient des clauses relatives au remboursement en devises dont le caractère explicite, ou non, relève de l'appréciation du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité. Aucun document d'information précontractuel n'est produit par la banque qui permettrait d'exclure l'incompréhension alléguée par Mme X. des termes des contrats dès la date de leur souscription.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, et pas plus en appel, le Crédit agricole des Savoie ne démontre qu'une information sur le remboursement des prêts en devises exclusivement aurait été donnée expressément à Mme X. à une date antérieure au 3 mars 2022, de sorte que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de prêt pour dol.

 

2. Sur l'action en nullité fondée sur l'illicéité du contrat :

Le Crédit agricole des Savoie sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré prescrite la demande en nullité des contrats de prêt en raison de leur caractère illicite, tandis que Mme X. ne développe aucun moyen de réformation de la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action sur ce fondement.

En effet, ses conclusions d'appel, dans le dispositif desquelles elle sollicite la réformation, ne contiennent aucun développement relatif à l'action en nullité fondée sur le nominalisme monétaire, seuls y figurent des moyens relatifs à l'action fondée sur le dol et les clauses abusives, demandes qui n'ont pas été déclarées prescrites.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce chef de l'ordonnance déférée.

 

3. Sur les clauses abusives :

Dans le dispositif de ses conclusions le Crédit agricole des Savoie sollicite la réformation de la décision en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à ce que des clauses contractuelles soient déclarées non-écrites en raison de leur caractère abusif et de l'action tendant à la restitution des sommes versées en exécution d'une clause abusive.

Toutefois, la déclaration d'appel du Crédit agricole des Savoie ne fait pas mention de ce chef de la décision et, en outre, force est de constater qu'aucun moyen de réformation n'est invoqué à l'appui, alors qu'il semble même que cette fin de non-recevoir n'aurait pas été soulevée par la banque devant le juge de la mise en état.

L'ordonnance ne peut donc qu'être confirmée de ce chef.

 

4. Sur les demandes accessoires :

Le Crédit agricole des Savoie, qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de [Localité 5].

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme X. la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions critiquées l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 30 avril 2024,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie aux entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Forquin, avocat,

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel.

Ainsi prononcé publiquement le 13 mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière                                     La Présidente