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CA COLMAR (3e ch. civ. A), 10 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. A), 10 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 24/01847
Décision : 25/294
Date : 10/06/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 7/05/2024
Décision antérieure : T. proxim. Schiltigheim (Jcp), 19 mars 2024
Numéro de la décision : 294
Décision antérieure :
  • T. proxim. Schiltigheim (Jcp), 19 mars 2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24120

CA COLMAR (3e ch. civ. A), 10 juin 2025 : RG n° 24/01847 ; arrêt n° 25/294 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que […]. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que […]. La Cour de cassation retient le caractère abusif des clauses de déchéance du terme ne prévoyant pas de délai de préavis raisonnable (Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044).

En l'espèce, le contrat de prêt prévoit, sous l'article « Défaillance de l'emprunteur - Exigibilité anticipée », les dispositions suivantes : « Avertissement : les impayés risquent d'avoir de graves conséquences pour vous et de vous empêcher d'obtenir un nouveau crédit. En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, Creatis pourra résilier le contrat de crédit après mise en demeure restée infructueuse et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majorés des intérêts échus mais non payés »

Cette clause prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après envoi d'une mise en demeure en cas de défaillance de l'emprunteur sans préciser le nombre d'échéances impayées pouvant justifier la résiliation du contrat et sans mentionner de délai de préavis en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit. Compte tenu des conséquences d'une telle clause pour l'emprunteur qui se voit contraint de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues sans respect d'un délai de préavis d'une durée raisonnable, celle-ci est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.

Il s'ensuit que la déchéance du terme ne peut reposer sur cette clause, peu important l'envoi par la banque d'une mise en demeure à Mme X. par lettre recommandée du 3 juin 2022 l'invitant à régulariser la situation dans un délai de trente jours, dès lors que les conditions effectives de mise en œuvre de la clause sont sans effet sur la validité de celle-ci qui doit être appréciée in abstracto (Civ. 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823). n d'autres termes, il importe peu que le prêteur ait octroyé un délai de 30 jours avant de prononcer la déchéance du terme, dès lors que le délai ainsi fixé ne dépendait que de lui et demeurait par conséquent discrétionnaire, caractérisant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectives du professionnel et du consommateur au détriment de ce dernier.

La société Creatis ne peut donc pas valablement opposer à Mme X. et M. Y. la déchéance du terme fondée sur la mise en œuvre de cette clause, le jugement déféré étant infirmé sur ce point. »

2/ « En ce qui concerne Mme X., qui n'est pas concernée par la procédure de surendettement et qui considère la déchéance du terme non valablement acquise à son encontre, elle ne justifie pas du règlement des mensualités impayées. Le défaut de paiement de Mme X. et M. Y., antérieurement au 8 octobre 2020, est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de prêt. Il convient, par suite, de prononcer la résiliation du contrat de prêt pour défaut de paiement des emprunteurs. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 10 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 24/01847. Arrêt n° 25/294. N° Portalis DBVW-V-B7I-IJUF. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 mars 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de SCHILTIGHEIM.

 

APPELANTE ET INCIDEMMENT INTIMÉE :

Madame X.

[Adresse 1], Représentée par Maître Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat au barreau de COLMAR

 

INTIMÉS ET INCIDEMMENT APPELANTS :

Monsieur Y.

[Adresse 2], Représenté par Maître Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR

SA CREATIS

représentée par son représentant légal [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mai 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, Mme DESHAYES, conseillère, M. LAETHIER, vice-président placé, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme FABREGUETTES, présidente et M. BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre préalable acceptée le 23 novembre 2016, la Sa Creatis a consenti à Mme X. et M. Y. un prêt personnel de 57 800 euros remboursable en 144 mensualités de 534,01 euros hors assurance avec un taux d'intérêt de 4,98 % l'an.

Le 23 septembre 2020, M. Y. a saisi la commission de surendettement des particuliers du Bas-Rhin qui, par décision du 16 décembre 2020 prenant effet le 31 mars 2021, a adopté un plan conventionnel prévoyant, en ce qui concerne la créance de la société Créatis, un moratoire d'un mois puis une reprise des paiements à hauteur de 22,30 euros pendant sept mois, puis 76 mensualités de 227,96 euros avec un taux d'intérêt ramené à 0 et effacement du solde dû à l'issue du plan.

Se prévalant du non-paiement de plusieurs échéances, la Sa Creatis a notifié à Mme X. et M. Y. la déchéance du terme du contrat, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 4 juillet 2022.

Par actes de commissaire de justice des 21 et 22 juillet 2022, la société Creatis a assigné Mme X. et M. Y. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim, sollicitant en dernier lieu de voir :

- constater la déchéance du terme, et en tant que de besoin, prononcer la résiliation du contrat,

- condamner solidairement Mme X. et M. Y. au paiement des sommes suivantes :

* 36 559,34 euros avec intérêts conventionnels au taux de 4,98 % à compter du 15 septembre 2023,

* 3.000,04 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la décision,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme X. et M. Y. aux dépens de l'instance,

- déclarer les défendeurs irrecevables en leurs demandes et en tout état de cause mal fondées,

- les débouter de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions.

M. Y. a conclu à l'irrecevabilité et au rejet des prétentions de la Sa Creatis et à sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du caractère abusif de la demande, outre la somme de 1 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Y. a fait valoir que la déchéance du terme était intervenue à l'initiative de la société Creatis alors qu'un plan conventionnel de surendettement était en cours d'exécution et que ce plan était respecté par le débiteur.

Mme X. a conclu à l'irrecevabilité des prétentions de la société Creatis pour cause de forclusion, subsidiairement au rejet des demandes en raison de l'irrégularité et de l'inopposabilité de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme, très subsidiairement à la condamnation de la société Creatis au paiement d'une somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter en raison du manquement au devoir de mise en garde, outre la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. a fait valoir qu'elle n'était pas concernée par la procédure de surendettement et que la société Creatis était forclose. Elle a soutenu que la déchéance du terme avait été prononcée par une société Synergie, entité distincte de la société Creatis, et que le courrier de mise en demeure ne permettait pas d'identifier les mensualités impayées. La défenderesse a également fait valoir qu'elle n'avait pas été suffisamment mise en garde par la banque quant au risque encouru.

Par jugement contradictoire du 19 mars 2024, le juge des contentieux de la protection a :

- déclaré recevable l'action de la Sa Creatis,

- constaté que la Sa Creatis s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2022,

- condamné solidairement M. Y. et Mme X., en quittances et deniers, à payer à la Sa Creatis la somme de 17 481,06 euros et Mme X. seule pour le surplus, soit jusqu'à la somme de 36 559,34 euros outre la somme de 3.000,04 euros au titre de l'indemnité conventionnelle pour solde du crédit n° 28977000291952, avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- rappelé qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans ladite procédure,

- dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. Y. et Mme X. in solidum à régler les dépens de l'instance,

- rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que la date du premier incident de paiement non régularisé devait être fixée au 31 août 2020, de sorte que la prescription biennale n'était pas acquise.

Il a considéré que la déchéance du terme avait été valablement prononcée par la société Synergie, mandataire de la société Creatis.

Le premier juge a indiqué que même en présence d'un plan de surendettement négocié, le créancier peut obtenir un titre exécutoire pour ce qui concerne la créance convenue par les parties dans le plan conventionnel, soit la somme de 17 481,06 euros s'agissant de M. Y.

Enfin, il a retenu que la demande de dommages et intérêt au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde était recevable dans la mesure où le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date du premier incident de paiement et non la date de conclusion du contrat. Il a néanmoins considéré que cette demande était mal fondée au vu de la fiche de dialogue produite par la banque faisant mention de revenus mensuels de 4 175,94 euros pour le couple [D], ce qui permettait d'honorer le remboursement d'une mensualité de 635,16 euros.

Mme X. a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 7 mai 2024.

[*]

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 15 avril 2025, Mme X. demande à la cour de :

- déclarer Mme X. recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise sur ses chefs critiqués dans l'acte d'appel,

Statuant à nouveau,

Au principal,

- déclarer la société Creatis irrecevable faute d'intérêt et de qualité pour agir,

S'il échet,

- juger la société Creatis forclose, et partant, irrecevable à agir,

Subsidiairement,

- juger non écrite comme abusive la clause portant déchéance du terme du contrat de crédit opposée à Mme X.,

- débouter la société Creatis de ses demandes, fins et prétentions,

En tant que de besoin,

- déclarer la mise en demeure préalable à la déchéance du terme irrégulière et inopposable à Mme X.,

- débouter la société Creatis de ses demandes, fins et prétentions,

Très subsidiairement, s'il échet,

- juger recevable et bien fondée Mme X. à se prévaloir d'un manquement de la société Creatis à son devoir de mise en garde,

- débouter la société Creatis de son appel incident,

- juger la société Creatis contractuellement responsable à l'égard de Madame X., faute de justifier l'avoir suffisamment mis en garde,

- condamner la société Creatis à payer à Mme X. une somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi, correspondant à la perte de chance de ne pas contracter,

- ordonner la compensation des créances réciproques,

En tout état de cause,

- condamner la société Creatis à payer à Mme X. une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens.

L'appelante soutient que la société Creatis est irrecevable à agir dans la mesure où la déchéance du terme émane de la société Synergie, entité juridique distincte de la société Creatis, alors que la procédure de déchéance du terme est personnelle et attachée à la seule personne du prêteur.

Mme X. fait valoir que les premiers impayés non régularisés peuvent être identifiés à partir du mois d'octobre 2018 et que la société Creatis était forclose lorsqu'elle a entendu prononcer la déchéance du terme au mois de juillet 2022. Elle ajoute qu'elle n'est pas concernée par la procédure de surendettement de M. Y.

L'appelante affirme que la clause de déchéance du terme est abusive et doit être réputée non écrite aux motifs qu'elle émane d'une société qui n'est pas la société Creatis et qu'elle est mise en œuvre par la banque de façon discrétionnaire sans qu'aucun préavis ne soit fixé à la suite de la mise en demeure.

Elle soutient qu'elle est recevable à agir en responsabilité à l'encontre de la société Creatis pour défaut de mise en garde suffisante puisque le délai de prescription quinquennal court à compter du premier incident de paiement. Sur le fond, Mme X. fait valoir que la fiche patrimoniale interne informatisée produite par la banque n'est pas datée, ni signée et qu'elle n'a pas été suffisamment alertée sur les risques liés à son engagement qui concernait un regroupement de crédits souscrits personnellement par son ex-compagnon, M. Y..

[*]

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 17 avril 2025, M. Y. demande à la cour de :

Sur appel principal,

- statuer ce que de droit,

Sur appel incident de M. Y.,

- déclarer l'appel incident recevable,

- le déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement du 19 mars 2024 en ce qu'il a :

* déclaré recevable l'action de la Sa Creatis,

* constaté que la Sa Creatis s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2022,

* condamné M. Y. et Mme X. solidairement, en quittances et deniers, à payer à la Sa Creatis la somme de 17 481,06 euros et Mme X. seule pour le surplus, soit jusqu'à la somme de 36 559,34 euros, outre la somme de 3.000,04 euros au titre de l'indemnité conventionnelle pour solde du crédit numéro 28977000291952 avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

* débouté M. Y. du surplus de leurs prétentions,

* condamné M. Y. et Mme X. in solidum à régler les dépens de l'instance.

Statuant à nouveau dans cette limite,

- déclarer que la société Creatis ne pouvait prononcer la déchéance du terme à l'égard de M. Y.,

- constater que M. Y. bénéficie d'un plan de surendettement et dire que M. Y. pourra rembourser sa dette conformément au plan de surendettement tant en ce qui concerne le montant que les modalités de remboursement,

- débouter la société Creatis de l'intégralité de ses fins et conclusions à l'égard de M. Y.,

- condamner la société Creatis aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance,

- Sur appel incident de la société Creatis,

- rejeter l'appel incident,

- débouter la société Creatis de l'intégralité de ses fins et conclusions à l'égard de M. Y.,

En tout état de cause,

- déclarer que M. Y. est autorisé à procéder au remboursement de sa dette selon les termes et conditions fixées par la procédure de surendettement,

- condamner Mme X. aux entiers frais et dépens de l'appel principal,

- condamner la société Creatis aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel incident,

- condamner la société Creatis à payer à M. Y. une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé fait valoir que la société Creatis a prononcé la déchéance du terme à l'égard de M. Y. le 4 juillet 2022 alors que la recevabilité de la demande de surendettement avait été prononcée le 8 octobre 2020 et qu'un plan de rééchelonnement de la dette fixée par la commission de surendettement était en cours d'exécution depuis plus de 18 mois et que ce plan était respecté. Il se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2023 dont il ressort que si les conditions d'acquisition du jeu de la clause résolutoire ne sont pas réunies avant la décision de recevabilité de la commission de surendettement, il ne peut y avoir valablement prononcé de la déchéance du terme, précisant qu'en l'espèce la première échéance impayée non régularisée n'est pas celle du 31 août 2020, comme l'indique la banque, mais est postérieure au 8 octobre 2020. M. Y. indique que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire ne sont réunies qu'après une mise en demeure infructueuse adressée au débiteur et qu'en l'espèce, la société Creatis ne justifie pas lui avoir adressé avant le prononcé de la déchéance du terme qui date du 4 juillet 2022. Il ajoute que la clause prévoyant la déchéance du terme doit être considéré comme abusive au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. Y. fait valoir qu'il doit pouvoir poursuivre le remboursement de la dette telle que fixée par la commission de surendettement et que la société Creatis, qui entend obtenir sa condamnation pour la totalité de la créance, est mal fondée en son appel incident.

[*]

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 27 mars 2025, la société Creatis demande à la cour de :

Sur l'appel principal de Mme X.,

- le déclarer mal fondé,

En conséquence,

- déclarer la demande de Mme X. tendant à voir déclarer la clause de déchéance du terme mal fondée,

Si par impossible la cour estimait cette demande bien fondée,

- prononcer la résiliation du contrat de prêt conclu entre les parties,

En tout état de cause,

- débouter Mme X. de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

- déclarer la demande de dommages et intérêts formée par Mme X. irrecevable et en tout état de cause mal fondée,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme X. au paiement de la somme de 36 559,34 euros, outre la somme de 3.000,04 euros, ainsi qu'aux dépens,

Sur appel incident,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la demande Mme [D] en responsabilité recevable,

Statuant à nouveau,

- dire que la demande en responsabilité de la banque de Mme X. est irrecevable pour cause de prescription,

En tout état de cause,

- la débouter de cette demande,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle n'a pas assorti la condamnation de Mme X. des intérêts au taux conventionnel s'agissant de la demande de condamnation au titre du solde du prêt,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

- condamner Mme X. solidairement avec M. Y. au paiement d'une somme de 38 271,20 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 4,98 % et au taux légal sur le surplus, soit sur la somme de 3.000,04 euros,

S'agissant de M. Y.,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a limité la condamnation de M. Y. à la somme de 17 481,06 euros,

Statuant à nouveau,

- condamner M. Y. solidairement avec Mme X. à payer à la société Creatis la somme de 38.271,20 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 4,98 %, outre la somme de 3.004,04 euros,

En tout état de cause,

- constater la déchéance du terme, en tant que de besoin prononcer la résiliation du contrat de prêt conclu entre les parties,

- dire et juger que cette condamnation sera solidaire,

- débouter Mme X. et M. Y. de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions contraires,

- débouter M. Y. de son appel incident,

- les condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir qu'elle a régulièrement donné mandat à la société Synergie « de réaliser toutes opérations et d'exercer toutes actions entrant dans le cadre de la gestion contentieuse des dossiers de Creatis », de sorte que la mise en demeure est régulière et que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée.

La société Creatis expose qu'elle n'est pas forclose dès lors que le premier incident de paiement non régularisé date du 31 août 2020 et que l'assignation a été délivrée les 21 et 22 juillet 2022. Elle précise que Mme X. a réglé des mensualités d'un montant de 512 euros (l'assurance étant résilié du fait du plan de surendettement) du mois de mars à octobre 2021 et de 305,05 euros par la suite, M. Y. ayant pour sa part respecté le plan de surendettement.

La banque soutient qu'une mise en demeure préalable a été adressée le 3 juin 2022 et que la déchéance du terme a été prononcée le 4 juillet 2022 en l'absence de régularisation. Elle indique qu'aucun texte ne prévoit l'obligation de mentionner dans la mise en demeure les mensualités échues impayées.

L'intimée précise que si la déchéance du terme n'avait pas été valablement prononcée, la résiliation du contrat de prêt se justifierait dès lors que l'assignation vaut mise en demeure et que Mme X. n'a effectué aucun règlement, les seuls règlements effectués émanant de M. Y. dans le cadre du plan de surendettement.

La société Creatis soutient que la demande de Mme X. au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde est irrecevable car formée en novembre 2022 alors que le contrat a été conclu en novembre 2016. Elle fait également valoir que cette demande est mal fondée puisque Mme X., qui avait contracté par le passé de nombreux crédits, n'est pas un emprunteur non averti et qu'elle a signé la fiche de dialogue du 23 novembre 2016 et fourni les justificatifs de ses revenus et charges. La banque ajoute que le couple disposait d'un revenu mensuel de 4 174 euros, qu'il n'y avait aucun risque d'endettement excessif, le contrat ayant d'ailleurs été exécuté pendant 4 ans.

La société Creatis fait valoir que les impayés sont antérieurs à la saisine de la commission de surendettement par M. Y. et que malgré la mise en place d'un plan de surendettement, elle est en droit de solliciter un titre à l'encontre de M. Y. qu'elle ne pourra exécuter qu'en respectant les mesures mises en place par le plan, sauf à voir prononcer sa caducité en cas de non-respect.

Sur appel incident, la banque soutient que c'est à tort que le tribunal a limité le montant de la condamnation à l'égard de M. Y. à la somme de 17.481,06 euros au motif que le plan de surendettement portait sur ce montant, car dans l'hypothèse où ce plan ne serait pas respecté, la société Creatis serait en droit de réclamer l'intégralité du montant dû en vertu du contrat.

[*]

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 22 avril 2025.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 5 mai 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir :

En application de l'article 122 du code de procédure civile : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

En l'espèce, il résulte des pièces produites que la mise en demeure et la déchéance du terme ont été notifiées aux emprunteurs à l'initiative de la société Synergie, les 3 juin et 4 juillet 2022, alors que le crédit a été consenti par la société Creatis.

Cependant, la société Creatis justifie d'un mandat donné le 17 avril 2018 à la société Synergie afin de réaliser toutes opérations et d'exercer toutes actions entrant dans le cadre de la gestion contentieuse des dossiers de la société Creatis et notamment d'assurer le recouvrement des créances compromises par voie amiable ou judiciaire, y compris lorsque celles-ci font l'objet de mesures de traitement d'une situation de surendettement.

Il en résulte que la déchéance du terme a été valablement prononcée par la société Synergie, pour le compte de la société Creatis, en exécution du mandat du 17 avril 2018.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société Creatis sera écartée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion :

En vertu des dispositions de l'article R 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

- ou le premier incident de paiement non régularisé ;

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;

- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 733-7.

L'article L. 721-5 du même code dispose par ailleurs que la demande du débiteur formée en application des dispositions de l'article L. 721-1 interrompt la prescription et les délais pour agir.

En l'espèce, il résulte de l'historique du compte que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 31 août 2020.

L'incident de paiement du 31 octobre 2018, auquel Mme X. fait référence, a été régularisé le 28 novembre 2018, de sorte qu'il ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription.

Il en est de même pour l'incident de paiement du 30 novembre 2018 qui a été régularisé le 7 janvier 2019.

Il s'en déduit que l'action, introduite par assignation des 21 et 22 juillet 2022, n'était pas forclose.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

 

Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :

Il résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

La Cour de cassation retient le caractère abusif des clauses de déchéance du terme ne prévoyant pas de délai de préavis raisonnable (Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044).

En l'espèce, le contrat de prêt prévoit, sous l'article « Défaillance de l'emprunteur - Exigibilité anticipée », les dispositions suivantes : « Avertissement : les impayés risquent d'avoir de graves conséquences pour vous et de vous empêcher d'obtenir un nouveau crédit. En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, Creatis pourra résilier le contrat de crédit après mise en demeure restée infructueuse et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majorés des intérêts échus mais non payés »

Cette clause prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après envoi d'une mise en demeure en cas de défaillance de l'emprunteur sans préciser le nombre d'échéances impayées pouvant justifier la résiliation du contrat et sans mentionner de délai de préavis en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit.

Compte tenu des conséquences d'une telle clause pour l'emprunteur qui se voit contraint de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues sans respect d'un délai de préavis d'une durée raisonnable, celle-ci est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.

Il s'ensuit que la déchéance du terme ne peut reposer sur cette clause, peu important l'envoi par la banque d'une mise en demeure à Mme X. par lettre recommandée du 3 juin 2022 l'invitant à régulariser la situation dans un délai de trente jours, dès lors que les conditions effectives de mise en œuvre de la clause sont sans effet sur la validité de celle-ci qui doit être appréciée in abstracto (Civ. 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823).

En d'autres termes, il importe peu que le prêteur ait octroyé un délai de 30 jours avant de prononcer la déchéance du terme, dès lors que le délai ainsi fixé ne dépendait que de lui et demeurait par conséquent discrétionnaire, caractérisant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectives du professionnel et du consommateur au détriment de ce dernier.

La société Creatis ne peut donc pas valablement opposer à Mme X. et M. Y. la déchéance du terme fondée sur la mise en œuvre de cette clause, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

 

Sur la résiliation judiciaire du contrat :

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1228 dispose que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l'espèce, il est constant que M. Y. a saisi la commission de surendettement du Bas-Rhin qui a déclaré sa demande recevable le 8 octobre 2020, de sorte qu'il était soumis à compter de cette date au principe d'interdiction des paiements édicté à l'article L 722-5 du code de la consommation.

Cependant, l'historique du compte produit par la société Creatis fait ressortir que le paiement de plusieurs mensualités (août et septembre 2020) n'a pas été honoré antérieurement au 8 octobre 2020.

Par ailleurs, la cour rappelle que l'exécution du plan conventionnel n'empêche pas la société Creatis d'exercer une action en paiement à l'encontre de M. Y. pour obtenir un titre exécutoire qui pourra être mis à exécution en cas d'échec du plan (Cour de cassation, chambre civile 2, 28 juin 2006, 05-13.619).

Il en résulte que malgré les mesures de rééchelonnement de la dette et de suspension du cours des intérêts recommandées par la commission de surendettement au profit de M. Y., la société Creatis est en droit d'obtenir un titre à hauteur des sommes dues par l'emprunteur, en principal et en intérêts.

En ce qui concerne Mme X., qui n'est pas concernée par la procédure de surendettement et qui considère la déchéance du terme non valablement acquise à son encontre, elle ne justifie pas du règlement des mensualités impayées.

Le défaut de paiement de Mme X. et M. Y., antérieurement au 8 octobre 2020, est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de prêt.

Il convient, par suite, de prononcer la résiliation du contrat de prêt pour défaut de paiement des emprunteurs.

 

Sur le montant de la dette :

Le décompte de créance de la société Creatis à la date du 10 janvier 2025 (pièce n° 21) d'un montant total de 38 271,20 euros, se décompose comme suit :

- capital restant dû : 35 151,26 euros

- intérêts : 119,90 euros

- indemnité conventionnelle de 8 % : 3.000,04 euros

En l'absence de déchéance du terme valablement prononcée, la société Creatis est mal fondée à solliciter le paiement de l'indemnité conventionnelle de 8 % dont le paiement est prévu dans la clause de déchéance du terme, en cas de résiliation prononcée à l'initiative de la société Creatis.

M. Y. et Mme X. seront solidairement condamnés à payer, en deniers ou quittances, à la société Creatis la somme de 35 271,16 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,98 %.

Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de la condamnation prononcée.

 

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme X. au titre de la perte de chance de ne pas contracter en raison du manquement de la banque à son devoir de mise en garde :

Sur la recevabilité de la demande :

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le délai de prescription de l'action en indemnisation du dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face (Civ. 1ère, 5 janv. 2022, n° 20-17.325).

En l'espèce, la première échéance impayée non régularisée du prêt date du mois d'août 2020 et la demande de dommages et intérêts de Mme X. a été formulée pour la première fois par conclusions du mois de novembre 2022, ce dont il résulte que la demande n'était pas prescrite.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

 

Sur le bien-fondé de la demande :

Conformément à l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En application de ces dispositions, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat et de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts.

Seuls les emprunteurs ou cautions non avertis peuvent l'invoquer et celui qui l'invoque doit justifier d'un risque de surendettement.

Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'inadaptation de son engagement par rapport à ses facultés de remboursement lesquelles doivent être appréciées au jour de l'octroi du prêt en tenant compte de la situation à cette date et des perspectives prévisibles.

Le caractère adapté du prêt s'apprécie au regard des capacités de remboursement globales des coemprunteurs qu'ils soient mariés ou pas.

En l'espèce, il n'est pas établi que Mme X. disposait d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements, de sorte qu'elle doit être considérée comme étant une emprunteuse non avertie.

Contrairement à ce que soutient la banque, le fait que le contrat porte sur un rachat de crédits et que Mme X. ait contracté des crédits par le passé ne lui confère pas de facto la qualité d'emprunteuse avertie.

Concernant le risque d'endettement, il résulte de la fiche de dialogue paraphée et signée par Mme X. et M. Y. le 23 novembre 2016 que Mme X. disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée et percevait un salaire mensuel de 1 977,54 euros tandis que M. Y. était agent public avec un salaire mensuel de 2 198,40 euros, soit la somme totale de 4 175,94 euros pour le couple.

Leurs charges étaient constituées par les mensualités d'un prêt immobilier d'un montant de 657,90 euros, outre les impôts sur le revenu d'un montant mensuel de 111,33 euros.

Ces renseignements financiers sont corroborés par les bulletins de salaire et les avis d'imposition des emprunteurs ainsi que par le tableau d'amortissement du prêt immobilier souscrit par M. Y.

Il ressort de ces éléments, qu'au jour de la conclusion du crédit litigieux, le couple disposait d'un revenu disponible global de 3.406 euros pour faire face aux charges courantes et au remboursement de la mensualité du prêt litigieux d'un montant de 635,16 euros.

Ainsi, la preuve du caractère excessif du prêt incriminé par rapport aux capacités financières du couple, impliquant un devoir de mise en garde de la société Creatis à l'égard de Mme X. n'est pas rapportée, de sorte que cette dernière est déboutée de sa demande indemnitaire.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

L'appelante ayant été partiellement accueillie en ses demandes, il y a lieu de dire qu'il sera fait masse des dépens d'appel et que la moitié sera mise à la charge des emprunteurs et l'autre moitié à celle de la société Creatis.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- constaté que la Sa Creatis s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2022,

- condamné solidairement M. Y. et Mme X., en quittances et deniers, à payer à la Sa Creatis la somme de 17 481,06 euros et Mme X. seule pour le surplus, soit jusqu'à la somme de 36 559,34 euros outre la somme de 3.000,04 euros au titre de l'indemnité conventionnelle pour solde du crédit n° 28977000291952, avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

Statuant à nouveau des chefs de demandes infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE abusive la clause de déchéance du terme du contrat de prêt du 23 novembre 2016 et la répute non écrite,

CONSTATE que la déchéance du terme du contrat de prêt du 23 novembre 2016 n'a pas été valablement acquise à la société Creatis,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de prêt du 23 novembre 2016,

CONDAMNE solidairement M. Y. et Mme X. à payer, en deniers ou quittances, à la société Creatis la somme de 35 271,16 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,98 %,

DÉBOUTE la société Creatis de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle de 8 %,

RAPPELLE que la recevabilité de la demande de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires et que le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d'exécution que dans le cas où il est mis fin au plan conventionnel de surendettement soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l'effet d'une clause de caducité prévue par ces mesures,

FAIT masse des dépens d'appel et CONDAMNE in solidum M. Y. et Mme X. à en payer la moitié et la société Creatis à en payer l'autre moitié,

DÉBOUTE Mme X. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. Y. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Creatis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier                                                   La Présidente