CA GRENOBLE (ch. com.), 22 mai 2025
- TJ Bourgoin-Jallieu (Jcp), 23 juin 2023 : RG n° 22/00902
CERCLAB - DOCUMENT N° 24124
CA GRENOBLE (ch. com.), 22 mai 2025 : RG n° 23/03334
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il en résulte que le premier juge a sollicité les observations des parties sur les conséquences d'une absence de mise en demeure mais non pas sur le caractère abusif de la clause du contrat stipulant une exigibilité par anticipation sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas d'inobservation par l'emprunteur de l'une des clauses énumérées ci-dessus ainsi qu'en cas de non-paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur. Il a pourtant soulevé d'office ce caractère abusif et l'a retenu. Au regard de la violation du principe du contradictoire, le jugement est annulé.
Toutefois, en raison de l'effet dévolutif, la cour d'appel est saisie de l'entier litige et se trouve tenue de statuer sur le fond du droit. »
2/ « En l'espèce, l'offre de crédit comporte deux clauses, la première au titre du rappel des dispositions légales et réglementaires stipulant qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, Astria pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus et non payés, la seconde au titre des conditions générales du prêt prévoyant en son article 7 que les sommes dues à Astria deviendront immédiatement et de plein droit exigibles par anticipation, sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas de l'une des clauses énumérées ci-dessus ainsi que dans un des cas suivants: 1. Non paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur.
Cette clause n'ayant pas fait l'objet de négociation et prévoyant l'exigibilité immédiate du capital restant dû, outre les échéances échues demeurées impayées, en cas de défaut de paiement d'une seule échéance à sa date, sans mise en demeure préalable informant le débiteur de la situation d'impayés et sans prévoir un délai raisonnable permettant à l'emprunteur de régulariser l'échéance impayée et ainsi de faire obstacle à la déchéance du terme crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligation des parties au détriment du consommateur en ce qu'elle fait peser sur le consommateur, au seul choix du professionnel, une aggravation soudaine des conditions de remboursement alors même qu'une seule échéance impayée ne peut constituer une inexécution suffisamment grave pour justifier une résiliation du contrat sans possibilité de régularisation, le contrat étant d'une durée d'exécution de deux ans, et alors même que le droit national ne prévoit pas de moyens efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
En conséquence, ladite clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Elle est réputée non écrite. »
3/ « La déchéance du terme ne peut être acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure précisant le délai dont dispose le débiteur pour régulariser sa situation, demeurée sans effet.
La société Action Logement Services produit un courrier du 16 mars 2021 dont elle ne justifie pas au demeurant de l'envoi mettant en demeure M. X. de régler la somme de 17.611,01 euros. Toutefois, comme le relève M. X., cette somme correspond au décompte de la créance arrêté à la déchéance du terme du 9 mars 2021 et comprend donc la totalité du capital restant dû et l'indemnité légale. Ce courrier ne peut donc constituer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme. Il en est de même du courrier reçu par M. X. le 5 juillet 2022 dans lequel la société Iqera met l'emprunteur en demeure de payer la somme de 16.700,34 euros incluant le capital restant dû.
En conséquence, faute pour la société Action Logement Services de justifier d'une mise en demeure adressé à M. X. de régler une ou plusieurs échéances impayées assortie d'un préavis d'une durée raisonnable, la déchéance du terme ne peut être acquise au créancier. La société Action Logement Services sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 16.496,56 euros au titre du prêt. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 22 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/03334. N° Portalis DBVM-V-B7H-L62V. Appel d'une décision (RG n° 22/00902) rendue par le Juge des contentieux de la protection de Bourgoin-Jallieu, en date du 23 juin 2023, suivant déclaration d'appel du 19 septembre 2023.
APPELANTE :
SAS ACTION LOGEMENT SERVICE
SAS immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX dont le siège social est situé [Adresse 2] en la personne de ses représentant légaux sis à cette adresse. [Adresse 2], [Localité 5], représentée par Maître Simon PANTEL de la SELARL ALEXO AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Maître Marie-Caroline BILLON RENAUD avocate au barreau de LYON,
INTIMÉ :
M. X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], [Adresse 4], [Localité 3], représenté par Maître Laurent JACQUEMOND-COLLET, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU,
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère
DÉBATS : A l'audience publique du 14 mars 2025, Mme FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
Suivant offre préalable acceptée le 26 juin 2016, M. [M] [W] et Mme X., agissant en qualité de co-emprunteurs solidaires, ont accepté une offre de crédit consentie par l'association Astria d'un montant de 20.000 euros, assortie d'un taux d'intérêt débiteur de 1% sur une durée de 240 mois dans le cadre d'une opération de financement destinée à l'acquisition d'une parcelle de terrain et à l'édification d'un immeuble à usage d'habitation. Le déblocage des fonds est intervenu le 4 octobre 2016 et la première échéance le 31 octobre 2016.
Des échéances au titre de ce crédit étant demeurées impayées, la société Action Logement Services, venant aux droits de l'association Astria, et intervenant par l'intermédiaire de la société Iqera Services a mis en demeure M. X. par courrier du 16 mars 2021 de payer la somme de 17.611, 01 euros dans les meilleurs délais. Par courrier du 6 avril 2021, la société Iqera Services a informé M. X. de son accord sur un plan de règlement de la dette au moyen de six échéances de 100 euros du 10 avril 2021 au 10 septembre 2021. Par courrier du 30 juin 2022 distribué le 5 juillet 2022, la société Iqera Services a adressé à M. X. une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 16.700,34 euros.
Par courrier du 11 juin 2021, la société Iqera Services a aussi mis en demeure Mme X. de lui régler la somme de 17.446,97 euros. Par courrier du 30 juin 2022, la société Iqera Services a adressé à Mme X. une mise en demeure en qualité de caution.
Par acte du 29 juillet 2022, la société Action Logement Services a assigné M. X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 16.496,56 euros au titre du prêt.
Par jugement du 23 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu a :
- dit que la clause n°7 des conditions générales du prêt en ce qu'elle prévoit que les sommes dues à Astria deviendront immédiatement et de plein droit exigibles par anticipation sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas de « 1. Non paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur » est abusive et doit être réputée non écrite,
- débouté la société Action Logement Services de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Action Logement Services aux entiers dépens.
Par déclaration du 19 septembre 2023, la société Action Logement Services a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'elle a reprises dans son acte d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 février 2025.
Prétentions et moyens de la société Action Logement Services
Dans ses conclusions remises le 18 octobre 2023, elle demande à la cour de :
A titre liminaire :
- juger que le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu a violé le principe du contradictoire en n'ayant pas invité les parties à présenter leurs observations sur le caractère abusif ou non de la clause n° 7 des conditions générales de l'offre de prêt consenti à M. X.,
En conséquence,
- annuler le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu le 23 juin 2023,
En toute hypothèse :
- juger qu'aucune obligation ne pèse sur la société Action Logement Services consistant à devoir adresser au débiteur défaillant, suite au premier incident de paiement, une mise en demeure préalable lui indiquant non seulement qu'il est en situation d'impayés mais encore, lui offrant un délai pour régulariser la situation et ce afin de faire échec à la résiliation automatique du contrat,
- juger que le juge de première instance ne pouvait donc imposer la production, par la société Action Logement Services, d'une telle mise en demeure et ensuite déduire de l'absence de communication de ladite mise en demeure que la clause n°7 des conditions générales de l'offre de prêt serait abusive,
- juger que par courriers en date des 16 mars 2021, 6 avril 2021, 28 septembre 2021, 2 novembre 2021, 8 novembre 2021, 14 décembre 2021 et 16 mars 2022 la société Iqera, chargée du recouvrement de la créance pour le compte de la société Action Logement Services, a régulièrement rappelé à M. X. qu'il se trouvait en situation d'impayés en le mettant en demeure de payer sa dette,
En conséquence,
- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu le 23 juin 2023,
Et statuant à nouveau,
- condamner M. X. à payer à la société Action Logement Services la somme de 16 496,56 euros au titre du prêt, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juin 2022,
- condamner M. X. à payer à la société Action Logement Services la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens, distraits, pour ceux d'appel, au profit de maître Simon Pantel, avocat sur son affirmation de droits, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur la demande en nullité du jugement pour violation du principe du contradictoire, il fait valoir que :
- dans sa décision de réouverture des débats, le juge n'a pas visé expressément la clause litigieuse (clause 7) et n'a jamais soulevé le prétendu caractère abusif de ces dispositions lors des débats,
- il ne pouvait donc retenir le caractère abusif de la clause sans avoir inviter les parties à présenter leurs observations,
- le tribunal a noté que la procédure relève du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure écrite, il ne peut donc être considéré que les moyens et prétentions sont présumés avoir été débattus à l'audience comme en matière de procédure orale.
Sur l'absence de caractère abusif de la clause n°7, elle relève que :
- l'article L.312-39 du code de la consommation dispose qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés,
- dans un avis du 24 février 2005, la commission des clauses abusives a conclu en l'absence de caractère abusif d'une clause stipulant la résiliation du contrat et l'exigibilité immédiate et de plein droit des sommes dues en cas de non respect de l'un quelconque des engagements de l'emprunteur résultant du contrat, notamment du défaut de règlement à son échéance d'une mensualité,
- le juge de première instance ne pouvait donc imposer la production d'une mise en demeure et déduire de l'absence de communication de ladite mise en demeure que la clause 7 des conditions générales de l'offre de prêt serait abusive,
- elle a pleinement rempli l'obligation d'information mise à sa charge par l'article L.132-36 du code de la consommation, elle a en effet rappelé régulièrement à M. X. qu'il se trouvait en situation d'impayés en le mettant en demeure de payer sa dette, M. X. a dès le premier manquement été informé des risques encourus.
Elle admet en revanche qu'elle n'est pas en mesure de justifier de la consultation du FICP et qu'elle encourt de ce fait la déchéance du droit aux intérêts sur le prêt litigieux.
Prétentions et moyens de M. X.
Dans ses conclusions remises le 18 mars 2024, il demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu le 23 juin 2023,
- débouter la société Action Logement Services de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Action Logement Services au paiement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile outre aux entiers dépens qui seront distraits au profit de maître Laurent Jacquemond-Collet.
Sur la demande d'annulation, il fait valoir que :
- dans un jugement avant dire droit du 7 février 2023, le juge a ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties puissent faire valoir leurs observations sur les éléments soulevés d'office par la juridiction notamment quant au respect des dispositions des articles 1134 du code civil et L.313-51 du code la consommation, produisent le justificatif de l'envoi au débiteur d'une mise en demeure de régulariser les échéances impayées préalablement au prononcé de la déchéance du terme et présentent leurs observations sur les conséquences éventuelles à tirer du défaut de production des pièces susvisées,
- la société Action Logement Services était donc informée de la nature de la discussion juridique soulevée par le juge portant bien sur la validité et le caractère abusif de la clause n°7 du contrat,
- elle avait la possibilité de s'expliquer sur la validité de cette clause mais ne l'a pas fait.
Sur le caractère abusif de la clause n° 7 du contrat, il fait remarquer que :
- en application des articles 1103, 1217, 1224 et 1225 du code civil, la déchéance du terme ne peut intervenir sans l'envoi d'une mise en demeure préalable restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle,
- le contrat prévoyait une exigibilité par anticipation sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas d'inobservation par l'emprunteur de l'une des clauses énumérées ci-dessus ainsi qu'en cas de non-paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur,
- cette clause non négociée prévoyant une déchéance de plein droit sans mise en demeure préalable crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat manifesté par une aggravation pour le consommateur des conditions de remboursement,
- contrairement à ce que prétend la société Action Logement Services, il n'existe aucune mise en demeure préalable à la déchéance du terme.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
I - Sur la demande d'annulation du jugement du 23 juin 2023 :
Par décision avant dire droit, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu a ordonné la réouverture des débats après avoir relevé que le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme mais celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure préalable restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour régulariser sa situation et donc y faire obstacle, a invité les parties à produire toute pièce justifiant de l'envoi au débiteur d'une mise en demeure de régulariser les échéances impayées préalablement au prononcé de la déchéance du terme et a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles à tirer du défaut de production des pièces sus-visées.
Il en résulte que le premier juge a sollicité les observations des parties sur les conséquences d'une absence de mise en demeure mais non pas sur le caractère abusif de la clause du contrat stipulant une exigibilité par anticipation sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas d'inobservation par l'emprunteur de l'une des clauses énumérées ci-dessus ainsi qu'en cas de non-paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur.
Il a pourtant soulevé d'office ce caractère abusif et l'a retenu.
Au regard de la violation du principe du contradictoire, le jugement est annulé.
Toutefois, en raison de l'effet dévolutif, la cour d'appel est saisie de l'entier litige et se trouve tenue de statuer sur le fond du droit.
II - Sur le caractère abusif de la clause :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.
La Cour de cassation a considéré que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées, sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement (Cass., 1re civ., 29 mai 2024, pourvoi n° 23-12.904).
La société Action Logement Services ne peut donc soutenir que ni la loi, ni la jurisprudence ne considère nécessaire la délivrance d'une mise en demeure préalable offrant un délai raisonnable pour régulariser la situation.
En l'espèce, l'offre de crédit comporte deux clauses, la première au titre du rappel des dispositions légales et réglementaires stipulant qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, Astria pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus et non payés, la seconde au titre des conditions générales du prêt prévoyant en son article 7 que les sommes dues à Astria deviendront immédiatement et de plein droit exigibles par anticipation, sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas de l'une des clauses énumérées ci-dessus ainsi que dans un des cas suivants: 1. Non paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur.
Cette clause n'ayant pas fait l'objet de négociation et prévoyant l'exigibilité immédiate du capital restant dû, outre les échéances échues demeurées impayées, en cas de défaut de paiement d'une seule échéance à sa date, sans mise en demeure préalable informant le débiteur de la situation d'impayés et sans prévoir un délai raisonnable permettant à l'emprunteur de régulariser l'échéance impayée et ainsi de faire obstacle à la déchéance du terme crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligation des parties au détriment du consommateur en ce qu'elle fait peser sur le consommateur, au seul choix du professionnel, une aggravation soudaine des conditions de remboursement alors même qu'une seule échéance impayée ne peut constituer une inexécution suffisamment grave pour justifier une résiliation du contrat sans possibilité de régularisation, le contrat étant d'une durée d'exécution de deux ans, et alors même que le droit national ne prévoit pas de moyens efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
En conséquence, ladite clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Elle est réputée non écrite.
III - Sur la déchéance du terme :
La déchéance du terme ne peut être acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure précisant le délai dont dispose le débiteur pour régulariser sa situation, demeurée sans effet.
La société Action Logement Services produit un courrier du 16 mars 2021 dont elle ne justifie pas au demeurant de l'envoi mettant en demeure M. X. de régler la somme de 17.611,01 euros. Toutefois, comme le relève M. X., cette somme correspond au décompte de la créance arrêté à la déchéance du terme du 9 mars 2021 et comprend donc la totalité du capital restant dû et l'indemnité légale.
Ce courrier ne peut donc constituer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.
Il en est de même du courrier reçu par M. X. le 5 juillet 2022 dans lequel la société Iqera met l'emprunteur en demeure de payer la somme de 16.700,34 euros incluant le capital restant dû.
En conséquence, faute pour la société Action Logement Services de justifier d'une mise en demeure adressé à M. X. de régler une ou plusieurs échéances impayées assortie d'un préavis d'une durée raisonnable, la déchéance du terme ne peut être acquise au créancier.
La société Action Logement Services sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 16.496,56 euros au titre du prêt.
IV - Sur les mesures accessoires :
La société Action Logement Services qui succombe en appel sera condamnée aux entiers dépens de l'instance et à payer la somme de 2.400 euros à M. X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Annule le jugement rendu le 23 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu.
Dit que la clause n°7 des conditions générales du prêt en ce qu'elle prévoit que les sommes dues à Astria deviendront immédiatement et de plein droit exigibles par anticipation, sans qu'une mise en demeure préalable soit nécessaire en cas de : 1. Non-paiement à bonne date des sommes dues par l'emprunteur est abusive et doit être réputée non écrite.
Déboute la société Action Logement Services de sa demande de condamnation de M. X. à lui payer la somme de 16.496,56 euros au titre du prêt, outre intérêts.
Condamne la société Action Logement Services aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de maître Laurent Jacquemond-Collet.
Condamne la société Action Logement Services à payer à M. X. la somme de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société Action Logement Services de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Solène ROUX, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente