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CA METZ (6e ch.), 24 avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA METZ (6e ch.), 24 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), 6e ch.
Demande : 23/00986
Décision : 25/00057
Date : 24/04/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/05/2023
Décision antérieure : TJ Metz (comp. com.), 7 février 2023 : RG n° 19/00509
Numéro de la décision : 57
Décision antérieure :
  • TJ Metz (comp. com.), 7 février 2023 : RG n° 19/00509
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24130

CA METZ (6e ch.), 24 avril 2025 : RG n° 23/00986 ; arrêt n° 25/00057

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte des anciens articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation dans leur version applicable au litige que la mention dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

Par application de l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation susvisée, qui est d'application générale à tous les prêts, cette déchéance du droit aux intérêts n'est prononcée que si l'emprunteur justifie que l'usage de la méthode de calcul d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur la base de 360 jours génère un taux effectif global, et non un taux conventionnel, erroné d'au moins une décimale. En effet, dans le cadre d'un prêt immobilier remboursé mensuellement, les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentent un douzième de l'intérêt conventionnel, de sorte que le calcul effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours revient à calculer des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année de 365 jours. Le calcul des intérêts contractuels mensuels, qu'il soit effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est donc égal au calcul de ces intérêts sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 et d'une année de 365 jours, le rapport faisant 12 dans tous les cas. Soit (30/360) = (30,41666/365) = 1/12. Ce rapport ne diffère que dans le cas où le nombre de jours sur la base duquel sont calculés les intérêts est inférieur à 30.

Ce mode de calcul n'a donc d'incidence que sur les échéances brisées, inférieures à 30 jours.

Le contrat de prêt conclu entre les parties mentionne un TEG annuel de 2,97% soit un taux de 0,248% par période mensuelle. Par l'avenant du 30 mars 2017, le taux d'intérêt a été renégocié et porté à 1,67% l'an, le TAEL étant mentionné au taux de 1,78% l'an. L'offre ne précise pas si le TEG a été calculé sur une année de 360 jours ou sur une année civile. Il en est de même de l'avenant.

A supposer même que les intérêts aient été calculés sur la base de 360 jours, tant dans l'offre initiale que dans l'avenant, M. X. n'invoque dans ses conclusions l'existence d'aucune échéance brisée. Il ne caractérise pas non plus quelle serait l'incidence précise d'une telle erreur sur le prêt qu'il a souscrit, ni quelle différence de taux emporterait cette erreur. M. [M], dans son rapport d'expertise amiable du 22 août 2019 produit par M. X. à l'appui de ses prétentions, ne précise pas non plus dans ses conclusions quelles sont les conséquences du calcul sur la base de 360 jours qu'il retient.

Dans tous les cas, M. X. ne justifie pas que le mode de calcul appliqué par la SA BPALC a eu une incidence sur des échéances inférieures à 30 jours, cette incidence générant un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre, étant en outre rappelé que les calculs effectués par M. [M] ne sont corroborés par aucun autre document alors qu'il s'agit d'une expertise amiable qui ne peut se suffire à elle-même par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

Les moyens invoqués au titre de l'usage de l'année lombarde seront donc rejetés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 24 AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 23/00986. Arrêt n° 25/00057. N° Portalis DBVS-V-B7H-F6R3. Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 7 février 2023, enregistrée sous le n° 19/00509.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[Adresse 3], [Localité 4], Représenté par Maître Déborah BEMER, avocat postulant au barreau de METZ, et Maître Jérémie BOULAIRE, avocat plaidant du barreau de DOUAI

 

INTIMÉE :

SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

représentée par son représentant légal [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

 

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 décembre 2024 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 avril 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

 

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT, Conseillère, Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire ; Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par offre du 9 septembre 2014 acceptée le 22 septembre 2014, M. X. a souscrit auprès la SA Banque Populaire d'Alsace Lorraine Champagne (ci-après « la SA BPALC ») un prêt immobilier pour un montant de 146.800 euros en principal, remboursable en 240 échéances mensuelles d'un montant de 795,90 euros hors assurance, et portant intérêts au taux de 2,75 % l'an destiné à acquérir un bien immobilier situé [Adresse 1], destiné à devenir sa résidence principale.

Le 30 mars 2017, ce prêt a fait l'objet d'un avenant par lequel le montant du taux d'intérêt a été porté à 1,67 % l'an pour un taux effectif global de 1,78 % l'an.

Par acte d'huissier du 2 janvier 2019, M. X. a fait assigner la SA BPALC devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz.

Selon ses dernières conclusions récapitulatives du 11 mars 2022, M. X. a demandé au tribunal de:

- constater que les intérêts périodiques du prêt ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile

- constater que les intérêts périodiques de l'avenant du 30 mars 2017 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile

- constater que les frais d'assurance du prêt n'ont pas été intégrés au TEG

- constater que les frais d'assurance de l'avenant du 30 mars 2017 n'ont pas été intégrés au TEG

- dire et juger que le TEG du prêt du 9 septembre 2014 est erroné

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial

- enjoindre à la SA BPALC d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de cette substitution, depuis la date de souscription du prêt et des avenants

- condamner la SA BPALC à lui restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre le taux légal et le taux conventionnel, à compter de l'assignation

- dire que les sommes correspondant à cet écart devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement établis au taux légal année par année ou semestre par semestre

Subsidiairement,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêt

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant du 30 mars 2017

- condamner la SA BPALC à lui verser 10.000 euros de dommages-intérêts au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté

- condamner la SA BPALC à lui verser 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner l'exécution provisoire.

Par ses dernières conclusions récapitulatives du 1er février 2021, la SA BPALC a demandé au tribunal de :

- dire la demande irrecevable, subsidiairement mal fondée

- débouter M. X. de toutes ses demandes

- le condamner reconventionnellement au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers frais et dépens.

[*]

Par jugement du 7 février 2023, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz a :

- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes

- condamné M. X. aux dépens de l'instance

- condamné M. X. à payer à la SA BPALC la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 1er mai 2023, M. X. a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation, de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de chacune de ses demandes, condamné aux dépens et condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par ses dernières conclusions récapitulatives du 2 février 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. X. demande à la cour de:

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes

* l'a condamné aux dépens de l'instance

* l'a condamné à payer à la SA BPALC la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau, et au besoin y ajoutant,

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt Prêt Privilège N°05687204 qu'il a souscrit auprès de la SA BPALC

- condamner la SA BPALC à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle

- condamner la SA BPALC à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeter toutes demandes contraires de la SA BPALC

- condamner la SA BPALC aux entiers dépens de l'instance.

M. X. soutient que la SA BPALC a violé son obligation de loyauté dans la conclusion et l'exécution du contrat au visa des articles 1134 alinéa 3 et 1135 anciens du code civil, devenus les articles 1104 et 1194.

L'appelant, au visa de l'ancien article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013, soutient que la banque a fait de la souscription d'une assurance emprunteur une condition d'octroi du prêt de sorte que le coût total du crédit et le TEG sont erronés puisqu'ils omettent le coût de l'assurance obligatoire souscrite. M. X. fait le même constat s'agissant de l'avenant du 30 mars 2017.

En outre, il fait valoir que la banque a institué un calcul des intérêts périodiques basé sur la pratique prohibée du diviseur 360 jours alors que les intérêts devaient être calculés sur la base d'une année civile.

S'agissant de l'évolution jurisprudentielle subordonnant désormais toute sanction de cette pratique à la démonstration d'une erreur de TEG franchissant le seuil d'un dixième, M. X. soutient, d'une part, que le seuil s'avère impossible à atteindre dans les faits ce qui conduit à une absence de sanction d'une pratique prohibée, et, d'autre part, que la violence de sa rétroactivité méprise la sécurité juridique et le droit au procès équitable garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il déclare, en outre, que les sanctions applicables doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives au visa de l'article 23 de la directive communautaire 2008/48 du 23 avril 2008 et de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2015 et que tel n'est pas le cas en exigeant la preuve d'une erreur supérieure à la décimale.

L'appelant invoque le caractère parfaitement probant du rapport d'expertise amiable. Il soutient que, dès lors qu'il est versé à des débats judiciaires et soumis à la contradiction des parties, il constitue un élément de preuve dont le juge est tenu de s'emparer et qu'il doit examiner. Il développe, qu'en l'espèce, les constatations renfermées dans le rapport d'expertise versé aux débats sont parfaitement claires à tous les égards et que les juges du fond ne pourront que retenir leur force probante en les confrontant aux éléments ressortant des documents contractuels.

Enfin, M. X. soutient que l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 ayant inséré l'article L. 341-48-1 du code de la consommation n'est pas applicable aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur. A supposer qu'elle ait vocation à s'appliquer, M. X. précise que l'appréciation portée par le juge pour décider de l'étendue de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas limitée à l'appréciation de la gravité du préjudice. Au regard de la gravité des manquements commis par la banque, M. X. sollicite la déchéance totale du droit aux intérêts. D'autre part, si la déchéance partielle devait être privilégiée, il demande à ce qu'elle soit très largement retenue pour assurer sa fonction dissuasive.

Enfin l'appelant souligne que la banque a commis une faute grave en méconnaissant son obligation de loyauté contractuelle. Il allègue avoir subi un préjudice moral du fait de la prise de conscience d'avoir été trompé, notamment sur les modalités de calcul des intérêts mais également sur le coût du crédit. Il ajoute que la réparation ne saurait être symbolique pour assurer le caractère dissuasif de la sanction.

[*]

Par ses dernières conclusions récapitulatives du 24 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA BPALC demande à la cour de:

- rejeter l'appel de M. X.

- confirmer le jugement du 7 février 2023 en toutes ses dispositions

Très subsidiairement et si la cour venait à retenir une irrégularité dans le calcul des intérêts contractuels, quel que soit le fondement invoqué:

- prononcer une déchéance seulement partielle du droit aux intérêts contractuels, et limiter la déchéance en réduisant de 0,1% le montant du taux d'intérêt applicable, pour le porter à 3,75 % l'an jusqu'à l'avenant signé le 15 avril 2017, puis à 1,57 % l'an à compter de la signature de l'avenant

- Encore plus subsidiairement et en cas de prononcé d'une déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, juger qu'elle conserve le droit de prétendre aux intérêts au taux légal

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel avec ses variations annuelles puis semestrielles

- réduire à bien plus justes proportions et à une somme qui n'excédera pas 1.000 euros le montant des dommages et intérêts complémentaires réclamés par la cour

En tout état de cause,

- déclarer M. X. irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes et les rejeter

- la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes et les accueillir

- condamner M. X. aux entiers frais et dépens d'appel

- condamner M. X. à lui payer une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels, la SA BPALC soutient que, s'agissant d'intérêts remboursables mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même que les intérêts soient calculés par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R313-1 du code de la consommation, en appliquant le rapport 30,41666/365, ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et à l'année dite lombarde de 360 jours, en appliquant le rapport 30/360.

En outre, la banque soutient que la recommandation de la commission des clauses abusives n°2005/02 n'est pas applicable aux crédits immobiliers remboursables mensuellement. Elle ajoute que le tableau d'amortissement joint à l'offre de prêt indique aux emprunteurs le montant des échéances mensuelles calculées sur la base d'un mois normalisé, soit correspondant au montant des échéances calculées sur la base d'une année civile, de sorte que M. X. n'a pas été induit en erreur.

Sur la charge de la preuve, la banque vise l'article 1353 du code civil. Elle développe, qu'en l'espèce, M. X. ne démontre pas l'existence d'une erreur de calcul des intérêts conventionnels ou d'un calcul fait sur la base d'une année de 360 jours. De la même manière, il ne démontre pas, ni même n'allègue, l'existence d'un préjudice subi en raison d'une telle erreur. La banque ajoute qu'au visa de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut fonder sa décision sur le rapport d'expertise privé non contradictoire produit aux débats par M. X. puisqu'il n'est corroboré par aucun autre élément de preuve.

Sur le calcul du TEG, la banque soutient que les cotisations d'assurance n'avaient pas à être prises en considération puisque l'assurance proposée était facultative. Elle ajoute que M. X. ne rapporte pas la preuve de ses allégations et que le rapport d'expertise produit n'est manifestement pas objectif, que ce soit en droit ou mathématiquement parlant. Enfin, la banque soutient que les critiques afférentes aux avenants sont inopérantes étant rappelé qu'ils n'emportaient pas novation, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'intégrer les cotisations d'assurance.

Sur la sanction, la banque vise l'article L. 341-1 du code de la consommation, ayant substitué l'ancien article L. 312-33 du même code. Elle soutient que la seule sanction applicable en cas d'erreur dans le calcul du TEG est la déchéance du droit aux intérêts contractuels dans les proportions fixées par le juge, laquelle doit tenir compte de la gravité de la faute et du préjudice subi par l'emprunteur. Elle développe, qu'en l'espèce, aucun préjudice n'est démontré et la renégociation du taux d'intérêt du prêt a été favorable à M. X. de sorte que le prononcé de la déchéance n'est pas justifié.

Sur la demande de dommages et intérêts, la banque soutient, d'une part, que M. X. n'indique pas de fondement juridique, et, d'autre part, que l'existence d'une faute de la banque, d'un dommage et d'un lien de causalité ne sont pas démontrés.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juillet 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité des demandes formées par M. X. :

Si la SA BPALC conclut dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité des prétentions formées par M. X., elle n'invoque aucun moyen à l'appui de cette irrecevabilité.

Dès lors, il convient de déclarer les prétentions formées par M. X. recevables.

 

Sur le fond :

L'article 1907 du code civil rappelle que le taux d'intérêt doit être fixé par écrit.

L'ancien article L. 313-2 du code de la consommation applicable au litige, devenu l'article L. 314-5, précise que le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.

Selon l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 qui harmonise les sanctions en cas de taux erroné ou absent, modifiant l'article L. 341-1 du code de la consommation, et qui généralise la sanction jusqu'alors applicable en cas d'irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, a créé l'article L. 341-48-1 du code de la consommation qui dispose qu'en « cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l'article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur ».

Même dans les cas où cette ordonnance n'est pas applicable, l'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme l'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans les mêmes termes que ceux rappelés ci-dessus, et ce, afin d'uniformiser le régime des sanctions et de permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur même dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance susvisée.

Par ailleurs, si l'annexe à l'article R. 313-1, ancien, du code de la consommation n'a pour objet que de définir la méthode dite « d'équivalence » de calcul du taux effectif global visée par ce texte, et non la méthode dite « proportionnelle » seule applicable aux crédits immobiliers, la précision figurant au paragraphe d) de cette annexe, aux termes duquel le résultat du calcul de ce taux est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale, est d'application générale et impose à l'emprunteur, pour l'ensemble des contrats de prêt et quelle que soit la méthode de calcul du taux effectif global dont ils relèvent, de démontrer que l'erreur alléguée entraîne un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre ou le contrat.

Si M. X. soutient que cette exigence méconnaît le caractère dissuasif de la sanction imposé par la cour de justice de l'union européenne aux motifs qu'une erreur n'entraîne jamais un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre ou le contrat, il procède par voie d'affirmations générales sans démonstration probante. Ces moyens seront donc rejetés.

Par ailleurs, l'appelant ne démontre pas en quoi le fait qu'il ne soit tenu compte d'une erreur dans le calcul du TEG que si celle-ci entraîne une différence supérieure à la décimale, contreviendrait aux dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme et au droit à un procès équitable dans la mesure cette position ne tend qu'à uniformiser le régime des sanctions. Outre ces considération d'ordre général, il ne précise pas en quoi il a lui-même été privé d'un procès équitable. Ces moyens doivent donc être également rejetés.

 

Sur les manquements invoqués au titre du TEG :

* Sur l'usage de l'année lombarde

Il résulte des anciens articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation dans leur version applicable au litige que la mention dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

Par application de l'annexe de l'article R313-1 du code de la consommation susvisée, qui est d'application générale à tous les prêts, cette déchéance du droit aux intérêts n'est prononcée que si l'emprunteur justifie que l'usage de la méthode de calcul d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur la base de 360 jours génère un taux effectif global, et non un taux conventionnel, erroné d'au moins une décimale.

En effet, dans le cadre d'un prêt immobilier remboursé mensuellement, les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentent un douzième de l'intérêt conventionnel, de sorte que le calcul effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours revient à calculer des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année de 365 jours.

Le calcul des intérêts contractuels mensuels, qu'il soit effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est donc égal au calcul de ces intérêts sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 et d'une année de 365 jours, le rapport faisant 12 dans tous les cas. Soit (30/360) = (30,41666/365) = 1/12.

Ce rapport ne diffère que dans le cas où le nombre de jours sur la base duquel sont calculés les intérêts est inférieur à 30.

Ce mode de calcul n'a donc d'incidence que sur les échéances brisées, inférieures à 30 jours.

Le contrat de prêt conclu entre les parties mentionne un TEG annuel de 2,97% soit un taux de 0,248% par période mensuelle. Par l'avenant du 30 mars 2017, le taux d'intérêt a été renégocié et porté à 1,67% l'an, le TAEL étant mentionné au taux de 1,78% l'an. L'offre ne précise pas si le TEG a été calculé sur une année de 360 jours ou sur une année civile. Il en est de même de l'avenant.

A supposer même que les intérêts aient été calculés sur la base de 360 jours, tant dans l'offre initiale que dans l'avenant, M. X. n'invoque dans ses conclusions l'existence d'aucune échéance brisée. Il ne caractérise pas non plus quelle serait l'incidence précise d'une telle erreur sur le prêt qu'il a souscrit, ni quelle différence de taux emporterait cette erreur. M. [M], dans son rapport d'expertise amiable du 22 août 2019 produit par M. X. à l'appui de ses prétentions, ne précise pas non plus dans ses conclusions quelles sont les conséquences du calcul sur la base de 360 jours qu'il retient.

Dans tous les cas, M. X. ne justifie pas que le mode de calcul appliqué par la SA BPALC a eu une incidence sur des échéances inférieures à 30 jours, cette incidence générant un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre, étant en outre rappelé que les calculs effectués par M. [M] ne sont corroborés par aucun autre document alors qu'il s'agit d'une expertise amiable qui ne peut se suffire à elle même par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

Les moyens invoqués au titre de l'usage de l'année lombarde seront donc rejetés.

 

* Sur l'omission du coût de l'assurance

L'article L. 313-1 ou l'article L. 314-1 (à compter du 1er octobre 2016) du code de la consommation rappelle que pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

Par application des dispositions de l'ancien article 1315 du code civil, il appartient à l'appelant de justifier que le TEG n'a pas été déterminé conformément aux dispositions de l'ancien article L. 313-1 du code de la consommation et que l'erreur alléguée entraîne un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre ou le contrat.

Or, ainsi qu'il l'a été relevé précédemment, au regard des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci, et même si les parties ont pu en débattre contradictoirement lors de l'instance.

En l'espèce, le mode de calcul complexe utilisé par M. [M] dans son rapport d'expertise amiable du 22 août 2019 pour calculer le TEG qui aurait dû, selon lui, être appliqué, n'est corroboré par aucun autre document alors que la SA BPALC le conteste, remettant notamment en cause l'équation mathématique utilisée. Les conclusions de ce rapport ne peuvent donc valoir comme preuves.

En outre, les frais résultant de la souscription d'une assurance ne sont inclus dans le calcul du TEG que si l'assurance est imposée par le prêt, c'est-à-dire si elle conditionne l'octroi du prêt.

Il ressort du contrat que l'adhésion à l'assurance groupe est facultative, d'ailleurs par une clause spécifique la SA BPALC attire l'attention de l'emprunteur sur le défaut de souscription d'une telle assurance en cas de sinistre. De plus, aucune clause ne subordonne l'octroi du prêt à la souscription d'une assurance. Il faut donc considérer que la souscription à une assurance n'était pas une condition essentielle et obligatoire d'octroi du prêt.

Dans ces conditions, le coût de l'assurance n'a pas à être intégré dans l'assiette du TEG indiqué dans l'offre puis dans l'avenant, étant précise que cet avenant n'emporte pas novation. Par ailleurs, M. X. ne démontre pas que l'inexactitude du taux du TEG excéderait la décimale.

Les moyens invoqués à ce titre seront donc rejetés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de ses demandes tendant à voir prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts du prêt acceptée le 22 septembre 2014.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

Par application des dispositions de l'ancien article 1147 du code civil applicable en l'espèce, il appartient à M. X. qui entend engager la responsabilité contractuelle de la SA BPALC de rapporter la preuve d'une faute commise par l'intimée, d'un préjudice et du lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué.

Or, si M. X. invoque un défaut de loyauté sur le fondement de l'ancien article 1134 du code civil, il résulte cependant des motifs susvisés qu'il ne rapporte pas la preuve que la SA BPALC a commis une faute en n'intégrant pas le coût de l'assurance dans le TEG.

Par ailleurs, s'agissant de l'utilisation du mode de calcul des intérêts sur 360 jours, il ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice, qu'il soit matériel ou moral.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Dans la mesure où M. X. succombe, il convient de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant succombant également devant la cour, il sera condamné aux dépens.

Par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner M. X. à payer à la SA BPALC la somme de 1.000 euros et de le débouter de sa demande formée au même titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare les prétentions formées par M. X. recevables ;

Confirme le jugement du 7 février 2023 du tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. X. aux dépens ;

Condamne M. X. à payer à la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le déboute de sa demande formée au même titre.

La greffière,                          La Présidente de chambre,