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CA MONTPELLIER (ch. com.), 1er avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (ch. com.), 1er avril 2025
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), ch. com.
Demande : 23/03388
Date : 1/04/12025
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 30/06/2023
Décision antérieure : TJ Perpignan, 5 juin 2023 : RG n° 21J139 et n° 22J24
Décision antérieure :
  • TJ Perpignan, 5 juin 2023 : RG n° 21J139 et n° 22J24
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24132

CA MONTPELLIER (ch. com.), 1er avril 2025 : RG n° 23/03388 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Cet article stipule ainsi que la mise en place des sangles ou patins est effectuée sous l'entière responsabilité des usagers lesquels sont, pour les opérations de levage, le propriétaire du navire ou la personne le représentant.

Il est constant en l'espèce que le levage du Black zen et sa mise au sec ont endommagé la coque du navire.

Or cette opération de grutage et calage du bateau a été réalisée par un professionnel, qui est tenu en cette qualité à une obligation de résultat et de sécurité concernant la pose et stabilité du bateau reposant sur ses bers.

La société Marine Charter yachting étant professionnelle du nautisme de loisirs, et non professionnelle de la manutention, contrairement à la société SPL Sillages, cette dernière ne rapporte pas la preuve de ce que le contrat de prestation de services concernerait un professionnel de la même qualité qu'elle.

La société SPL Sillages ne peut donc lui opposer une clause d'exclusion de responsabilité figurant au règlement du port non négociable, concernant la pose de patins mal exécutée, énonçant une exclusion générale et plaçant le cocontractant dans l'impossibilité de contester les circonstances de la manutention par le concessionnaire.

L'appelante est dès lors fondée à solliciter l'inopposabilité de cette clause abusive au sens de l'article L. 241-1 du code de la consommation

[…] En revanche si la société Marine charter yachting aurait dû fournir comme usager « les données » prévues par le règlement du port pour la marche des opérations de manutention du navire et si elle qui avait dépêché sur les lieux un salarié, M. X., qui n'a fait aucune observation concernant le positionnement des tins de calage sur l'aire de stationnement, il appartenait tout autant à SPL Sillages, tenue d'un devoir de compétence professionnelle, de solliciter les plans d'attinage du navire pour gruter et caler le navire dans les règles de l'art selon les préconisations du constructeur.

Il s'ensuit la réformation du jugement déféré qui a rejeté toutes les demandes de Marine charter yachting et un partage de responsabilité par moitié entre sociétés concessionnaire et commanditaire, ayant toutes deux concouru à égalité à la réalisation du dommage subi par Marine charter yachting. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 1er AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03388. N° Portalis DBVK-V-B7H-P4CS. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 JUIN 2023, TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN : RG n° 21J139 et n° 22J24.

 

APPELANTE :

SARL MARINE CHARTER YACHTING

prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Maître Valérie BOSC-BERTOU de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

 

INTIMÉE :

SA SPL SILLAGES

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

 

Ordonnance de clôture du 14 février 2025

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, M. Thibault GRAFFIN, conseiller, M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRÊT : - Contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Marine Charter Yachting ayant pour activité la location et location- bail d'articles de sport et de loisirs et la SA SPL Sillages, qui a reçu délégation, est en charge de la gestion du port de [Localité 2].

Le 2 juin 2020, la société SPL Sillages a effectué des opérations de levage, de calage et de stationnement du navire « Black zen » appartenant à la société Marine Charter Yachting au cours duquel la coque du navire a été endommagée.

Une première expertise contradictoire a été diligentée par les assureurs des parties le 25 juin 2020 et le 22 juillet 2020.

Par lettres des 7 janvier et 20 août 2021, la société Marine Charter Yachting a d'abord vainement mis en demeure la société SPL Sillages, puis elle l'a assignée par exploit du 7 mai 2021 aux fins d'obtenir la réparation du préjudice issu du retard dans la mise à l'eau depuis la fin de la réparation jusqu'à la fin du mois d'août 2020.

Par exploit du 13 janvier 2022, la société Marine Charter Yachting a assigné à nouveau la société SPL Sillages en responsabilité contractuelle pour la voir condamner concernant le sinistre issu du mauvais calage du bateau.

Par jugement contradictoire du 5 juin 2023, le tribunal de commerce de Perpignan a :

- ordonné la jonction des instances n° 21J139 et n° 22J24 ;

- débouté la société Marine Charter Yachting de toutes ses demandes ;

- et l'a condamnée à payer la somme de 1 500 euros à la société SPL Sillages au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 juin 2023, la société Marine Charter Yachting a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt avant-dire droit en date du 14 janvier 2025, la cour d'appel de ce siège, a ordonné la réouverture des débats pour communication par la société SPL Sillages des pièces visées à son bordereau.

[*]

Par dernière conclusions du 22 octobre 2024, la SARL Marine Charter Yachting demande à la cour, au visa des articles 1101, 1113, 1193 et suivants, 1217, 1231-1, 1231-2 et suivants, 1710, 1789 et suivants du code civil et L. 214-1 du code de la consommation :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- de débouter la société SPL Sillages de l'intégralité de ses demandes ;

À titre préliminaire,

- de juger abusif l'article 37.20 du règlement de police du port de [Localité 2] ;

- d'en prononcer la nullité ;

Subsidiairement,

- de prononcer l'inopposabilité du règlement de police du port de [Localité 2], et en particulier l'article 37.20, aux contrats la liant à la société SPL Sillages ;

À titre principal,

- de condamner la société SPL Sillages à lui verser, avec intérêts aux taux légal avec majoration à compter du 10 août 2020 les sommes suivantes :

-101 353 euros en réparation du préjudice financier et commercial subi en conséquence des dégradations du bateau « black zen » ;

-74 041 euros au titre de la perte de ses contrats à partir du 6 août 2020 en raison de la défaillance de la grue ;

-10.000 euros et 20.000 euros au titre de son préjudice commercial ;

avec capitalisation annuelle des intérêts ;

À titre subsidiaire,

- de juger que la société SPL Sillages a concouru à hauteur de 80 % des préjudices qu'elle a subis concernant sa défaillance dans les opérations de calage ;

- de prononcer un partage de responsabilité à 80 % à la charge de la société SPL Sillages ;

- la condamner à tous les montants supra en appliquant le partage de responsabilité à lui verser, avec anatocisme ;

Et en tout état de cause,

- et de la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 4.000 euros sur le même fondement en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Par dernières conclusions recevables du 23 septembre 2024, la SA SPL Sillages demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants, 1218 et 1231-1 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société Marine Charter Yachting de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

La société Marine charter yachting fait valoir en substance les moyens suivants :

- elle avait recours habituellement aux services de SPL Sillages pour tous les travaux nécessaires à l'entretien normal et régulier de ses bateaux, notamment pour ceux nécessitant des opérations de grûtage et de levage ;

- en prévision de la saison 2020, la société Marine Charter yachting a signé le devis de prestation de services le 5 mai 2020 prévoyant une mise à terre le 2 juin 2020 et une mise à l'eau le 10 juin 2020 de son bateau "Black zen" ;

- dans un échange dématérialisé entre les parties, le programme des opérations de manutention suivant était prévu : une mise en terre à la terre le 2 juin 2020 10h00 et une mise à l'eau le 10 juin 2005 à 9h30 ;

- après avoir été mis par SPL Sillages sur cales, il a été constaté une déformation de la coque du navire "Black zen" ;

- le navire a été réparé dans le cadre d'une expertise contradictoire qui a révélé la nature des dommages et leur origine (un défaut de calage) et le mode de réparation,

- l'appelante a dû avancer le coût de ces réparations pour ne pas perdre la saison estivale ;

- le navire qui aurait dû et pu être remis à l'eau dès le 6 août 2020 après réparation (cf. mail du 5 août 2020 de l'intimée), ne l'a été que le 31 août 2020, suite à une panne du chariot élévateur 200 t de SPL Sillages ;

- même si l'appelante ne s'était pas opposée à la jonction en première instance, il s'agissait en réalité pour Marine Charter yachting d'engager deux actions en responsabilité contre la société SPL Sillages pour des faits générateurs totalement distincts ;

- le stationnement ne lui a pas été facturé SPL sillages, de manière exceptionnelle et il a fait l'objet d'une remise totale, cette gratuité montrant que SPL Sillages était parfaitement consciente de sa responsabilité ;

- ce prestataire ne peut lui opposer pour la dégradation de la coque le règlement du port qui contient une clause manifestement abusive, alors que l'article 37. 17 de ce règlement précise en toute hypothèse que « la responsabilité du positionnement des patins (') incombe au concessionnaire si le commanditaire n'a pas indiqué de positionnement particulier. » ;

- SPL Sillages avait déjà procédé seul à ce type d'opération de grûtage et de calage du navire en cause ; elle a d'initiative choisi l'emplacement ce qui justifie d'ailleurs que seul un salarié de SPL Sillages, chargé de travaux sur le bateau, ait pu présent dans la mesure où la société SPL Sillages n'avait pas exigé davantage et qu'elle faisait personnellement son affaire du calage.

La société SPL Sillages répond essentiellement que :

- sur le moyen tiré par Marine charter yachting de ce que SPL Sillages est une professionnelle de la manutention, à l'inverse de Marine Charter, qui vend des croisières, la société Marine charter yachting n'est pas un "non- professionnel" au sens du code de la consommation, de sorte que les dispositions de ce code ne lui sont pas applicables ;

- l'article 37. 20 du règlement du port stipule expressément que « La mise en place des sangles ou patins est effectuée sous l'entière responsabilité des usagers. Pour toutes opérations de levage, le propriétaire du navire ou la personne le représentant » ;

'cette clause du contrat signé par la société Marine charter yachting n'est pas abusive et elle dégage la responsabilité de SPL Sillages dans les opérations de manutention ;

- un salarié de la société Marine charter yachting était présent lors de ces opérations qui ne lui a fourni aucun plan d'attinage ni émis aucune réserve sur le positionnement des patins ;

- si les bonnes directives avaient été données par la SARL Marine charter yachting à SPL Sillages, toute l'opération se serait déroulée conformément aux dates indiquées dans le devis du 5 mai 2020 ;

- s'agissant des préjudices de perte de croisières allégués, la société SPL Sillages ne pouvait prévoir ce dommage, ayant ignoré l'existence de ces contrats passés par Marine charter yachting auprès de tiers ;

- et cette société a pris un risque en faisant signer des contrats de croisière pour une période où les experts avaient prévu d'immobiliser le navire, en pariant sur le fait que les réparations seraient alors terminées ainsi que sur une remise à extrêmement rapide du navire, toutes choses que l'intimée ignorait.

SUR CE,

Sur la dégradation du navire :

En application de l'article 37.11 alinéa 1 du règlement de police du port de [Localité 2] de concessionnaire accomplit « Les opérations de déplacement des patins, bers ou tout autre pièce de calage sur lesquels repose le navire dans l'aire de stationnement à terre, sous les données de l'usager. »

L'article 37.17 alinéa 1 dudit règlement ajoute :

« La responsabilité du positionnement des patins ou sangles du chariot incombe.

- Soit au commanditaire de la manutention au cas où il requiert un positionnement précis des patins ; dans ce cas la responsabilité du concessionnaire est totalement dégagée en cas de dommage aux œuvres vives ;

- soit au concessionnaire si le commanditaire n'a pas indiqué de positionnement particulier ; le concessionnaire reste cependant dégagé de toute responsabilité en cas d'équipements électriques ou aux sorties de vannes, ainsi que d'un éventuel vice caché (navire en bois) » ;

En vertu de l'article 37. 19 « Le calage du navire sur bers est réalisé par un agent du port avec le matériel prévu à cet effet et ne peut être modifié. »

Et de 37. 20 : « La mise en place des sangles ou patins est effectuée sous l'entière responsabilité des usagers. Pour toutes opérations de levage, le propriétaire du navire ou la personne le représentant ».

Cet article stipule ainsi que la mise en place des sangles ou patins est effectuée sous l'entière responsabilité des usagers lesquels sont, pour les opérations de levage, le propriétaire du navire ou la personne le représentant.

Il est constant en l'espèce que le levage du Black zen et sa mise au sec ont endommagé la coque du navire.

Or cette opération de grutage et calage du bateau a été réalisée par un professionnel, qui est tenu en cette qualité à une obligation de résultat et de sécurité concernant la pose et stabilité du bateau reposant sur ses bers.

La société Marine Charter yachting étant professionnelle du nautisme de loisirs, et non professionnelle de la manutention, contrairement à la société SPL Sillages, cette dernière ne rapporte pas la preuve de ce que le contrat de prestation de services concernerait un professionnel de la même qualité qu'elle.

La société SPL Sillages ne peut donc lui opposer une clause d'exclusion de responsabilité figurant au règlement du port non négociable, concernant la pose de patins mal exécutée, énonçant une exclusion générale et plaçant le cocontractant dans l'impossibilité de contester les circonstances de la manutention par le concessionnaire.

L'appelante est dès lors fondée à solliciter l'inopposabilité de cette clause abusive au sens de l'article L. 241-1 du code de la consommation.

Dans le « procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages » rédigé par l'expert [P], pour [D] et associés intervenant pour le compte des assureurs de Marine charter yachting, et par l'expert [Y] intervenant pour le compte des assureurs de la société SPL Sillages, à la suite de l'examen du navire le 25 juin 2020, réalisé au contradictoire des parties, ces deux experts considèrent tous les deux, dans ce procès-verbal, et ensuite dans leurs rapports respectifs du 14 octobre 2020 et du 30 novembre 2020, que la responsabilité du propriétaire du navire est engagée lors des opérations de grutage et de calage selon le règlement du port, émettant ainsi sur ce point un avis juridique excédant leur mission.

Le tribunal de commerce ne pouvait retenir en conséquence de ce point de vue erroné que M. X., le représentant de la SARL Marine charter yachting, société propriétaire du navire était bien présent lors des opérations de manutention et de calage ; qu'il n'a formulé aucune observation, ce qui dégageait entièrement la responsabilité contractuelle du manutentionnaire, la SA SPL Sillages, pour engager uniquement celle du commanditaire, la SARL Marine charter yachting.

En revanche si la société Marine charter yachting aurait dû fournir comme usager « les données » prévues par le règlement du port pour la marche des opérations de manutention du navire et si elle qui avait dépêché sur les lieux un salarié, M. X., qui n'a fait aucune observation concernant le positionnement des tins de calage sur l'aire de stationnement, il appartenait tout autant à SPL Sillages, tenue d'un devoir de compétence professionnelle, de solliciter les plans d'attinage du navire pour gruter et caler le navire dans les règles de l'art selon les préconisations du constructeur.

Il s'ensuit la réformation du jugement déféré qui a rejeté toutes les demandes de Marine charter yachting et un partage de responsabilité par moitié entre sociétés concessionnaire et commanditaire, ayant toutes deux concouru à égalité à la réalisation du dommage subi par Marine charter yachting.

 

Sur le retard de livraison et les dommages-intérêts :

Contrairement à ce que l'intimée soutient, il résulte des échanges entre les parties qu'après réparation du navire pour la dégradation supra, celui-ci devait être mis à l'eau le 6 août 2020.

Le mail de la société SPL Sillages du 5 août 2020 établit en effet non seulement que celle-ci s'était engagée aux travaux de réparation de la coque endommagée, certes aux frais avancés de la propriétaire, pour le 6 août 2020, mais que cette date, qui n'était pas seulement indicative, a dû être reportée en raison d'une panne du chariot élévateur 200 T DE SPL Sillages (le courriel de celle-ci remerciant d'ailleurs par avance Marine charter yachting de son indulgence face à cet « impératif »).

La livraison du navire n'est finalement intervenue que le 1er septembre 2020.

La panne d'une grue lui appartenant ne caractérisant aucune cause extérieure exonératoire, contrairement à ce que SPL Sillages soutient, le retard de livraison par rapport à la date convenue est imputable à un manquement de SPL Sillages à ses obligations contractuelles.

À raison de la dégradation de la coque, l'appelante a ainsi subi l'immobilisation indue du bateau à compter du 10 juin 2020, puis à raison de la panne de la grue à compter du 6 août jusqu'au 29 août 2020.

La société SPL Sillages invoque elle-même l'article 2 du contrat qui stipule expressément qu'« En cas d'indisponibilité du service commandé, le prestataire propose au client, qui doit donner son accord, la fourniture d'un service équivalent susceptible de remplacer le service commandé.

En cas de désaccord du client, l'indisponibilité du service commandé entraîne l'annulation de la commande », ce dont il résulte que SPL Sillages devait proposer une solution de remplacement, et non par lettre du 10 août 2020, demander à son cocontractant de « prendre acte de l'autorisation qu'elle avait donnée de mandater à ses frais entreprise de choix pour procéder à la mise à l'eau du Black zen», et prétendre pouvoir transférer sur Marine charter yachting la recherche d'un autre prestataire en période estivale.

La société SPL Sillages ne fait pas ainsi la démonstration lui incombant de ce qu'elle aurait proposé elle-même une solution de remplacement sérieuse à Marine charter yachting, et que cette alternative aurait été abusivement refusée par celle-ci.

L'appelante est donc fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant du fait qu'elle n'a pas pu honorer les contrats dûment signés durant la période où elle a subi l'immobilisation indue du navire à compter du 10 juin 2020 à raison de la dégradation de la coque, étant rappelé qu'elle en est à moitié responsable, puis à raison de la panne de la grue imputable au concessionnaire à compter du 6 août jusqu'à la fin du mois d'août 2020.

L'intimée ne plaide dès lors pas utilement que la société Marine charter yachting aurait pris un risque en faisant signer des contrats de croisière pour une période où les experts avaient prévu d'immobiliser le navire, en pariant sur le fait que les réparations seraient alors terminées, alors que sans la survenance de sa propre faute contractuelle, aucune dégradation ne serait à déplorer.

De même la privation du chiffre d'affaires pour le loueur d'un navire issue de la dégradation puis du non-respect des délais n'est pas un dommage imprévisible au sens de l'article 1231-3 du code civil.

La réalité et le montant des contrats de croisières ratifiées par l'appelante n'étant pas critiqué par SA SPL Sillages, notamment l'existence de quelques charges qui seraient à déduire, il sera fait droit aux demandes indemnitaires suivantes :

- à hauteur de moitié s'agissant du prix s'élevant à 47.080 € qu’aurait dû recevoir Marine charter yachting de la part du client Lepaint pour la croisière qu'il avait réservée du 25 juillet au 5 août 2020, contrat signé le 27 mai 2020 (acompte de 10.000 € reçu le 29 mai 2020 et qui a dû être restitué par virement), soit 23 540 € en lien de causalité avec les dégradations subies par le bateau Black zen ;

- 35 159,80 ‘client [S] [O] signé le 12 juillet 2020 pour une croisière du 26 août au 3 septembre 2020 (acompte versé le 12 juillet 2020) en lien de causalité avec la panne de grue ;

- 54 820 ‘client [A] pour une croisière réservée pour la période du 8 juillet au 21 juillet 2020 contrat signé le 20 mai 2020, préjudice lui aussi en lien de causalité avec l'avarie de la grue,

soit le montant total de 113 519,80 € en réparation du préjudice financier subi.

Il y a lieu d'observer à cet égard que la somme de 47 370, 60 € correspondant au contrat de réservation du client [W] [F] signé le 14 juin 2020 ne peut être retenue, dans la mesure où la pièce 28 versée aux débats par Marine charter yachting ne comporte que les pages 4 à 6 de ce contrat de location, sans le nom du bateau et la période de croisière concernés.

Il en va de même du préjudice financier issu du salaire versé au capitaine Z., le lien entre ce dernier et le bateau Black zen en particulier ne ressortant d'aucune production.

La perte de réputation commerciale, auprès notamment des clients supra, subie par Marine charter yachting sera entièrement réparée par l'octroi de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

En définitive le jugement déféré sera entièrement réformé et la société SPL Sillages sera condamnée à payer à la société Marine charter yachting la somme totale de 123 079,80 € à titre de dommages-intérêts.

Les condamnations indemnitaires ne portant intérêt au taux légal qu'à compter de la décision qui en fixe le principe et le montant, soit à compter du présent arrêt, la demande de Marine charter yachting tendant à les voir courir avec majoration à compter du 10 août 2020 ne peut qu'être écartée.

La société SPL Sillages succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 5.000 € à l'appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en première instance et en appel, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant

Déclare inopposable à la SARL Marine charter yachting l'article 37-20 du règlement du Port du [Localité 2] ;

Condamne la SA SPL Sillages à payer à la SARL Marine charter yachting la somme de 123.079,80 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société SPL Sillages aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 code de procédure civile, rejette la demande de SPL Sillages et la condamne à payer à Marine charter yachting la somme de 5.000 €.

La greffière                                       La présidente