24327 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Expert-comptable
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 24327 (22 octobre et 27 octobre 2025)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
PRÉSENTATION PAR CONTRAT – EXPERT-COMPTABLE
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)
Clause de saisine facultative de l’Ordre à l’initiative de l’expert-comptable. La clause de la lettre de mission, qui stipule qu’« en cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou du différend sur les honoraires, l'expert-comptable s'efforce de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice », met à la charge de l'expert-comptable l'obligation de saisir le président du conseil régional de l'ordre et n'impose pas aux clients de le faire. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598.
Clause de saisine facultative de l’Ordre à l’initiative des deux parties. Pour une clause rédigée différemment et stipulant que « les litiges qui pourraient éventuellement survenir entre le membre de l'Ordre et son client, pourront être portés avant toute action judiciaire, devant le Président du Conseil régional de l'Ordre compétent aux fins de conciliation. » Selon la Cour de Paris, le recours à la conciliation en cas de litige prévu par cette clause ne constitue pas un préalable obligatoire à l'instruction d'une demande de dommages et intérêts, alors que l'introduction d'une telle demande dans le délai de trois mois est une obligation ; la faculté ouverte aux parties en litige de recourir à une conciliation préalable ne dispense, ni n'empêche le client, auteur de la demande de dommages et intérêts, d'introduire sa demande dans le délai de trois mois suivant la prise de connaissance du sinistre. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (mission d’expertise comptable pour une société de gestion de portefeuille ; N.B. l’affaire a donné lieu à des sanctions pénales et la décision retient la responsabilité du commissaire aux comptes), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd.
N.B. L’articulation entre la clause de conciliation et le délai de forclusion semble, contrairement à ce qu’indique cet arrêt, particulièrement difficile, pour ne pas dire totalement absurde. Le raisonnement suivi présuppose donc que le client ou l’expert saisissent l’Ordre en vue de se concilier et d’éviter une action en justice, mais qu’en parallèle, le client assigne l’expert dans les trois mois de sa connaissance du sinistre, étant noté que l’art. 2238 C. civ. prévoit une suspension de la prescription en cas de demande de médiation ou de conciliation mais que celle-ci n’est pas applicable aux délais de forclusion.
Clause de saisine obligatoire de l’Ordre. Ne crée aucun déséquilibre significatif la clause de la lettre de mission qui prévoit que les litiges éventuels « seront portés, avant toute action judiciaire, devant le Président du Conseil Régional de l’Ordre des experts comptables » dont il dépend « aux fins de conciliation », dès lors qu’elle a simplement pour objet d’instaurer une phase de conciliation préalable à toute action en justice, ce qui est d’ailleurs conforme à l’évolution récente de la procédure civile. TJ Limoges (1re ch. civ.), 24 juin 2025 : RG n° 23/01119 ; Cerclab n° 24238 (mission comptable conclue le 23 novembre 2017 par une entreprise forestière). § Si le Code déontologie professionnelle de l’expertise comptable prévoit en ses art. 159 et 160, une procédure de conciliation facultative, le principe de la liberté contractuelle n’interdit pas à l’expert-comptable et à son client de convenir d’une clause prévoyant une procédure de conciliation obligatoire dès lors que, comme en l’espèce, celle-ci n’a pas pour effet de restreindre les devoirs de l’expert-comptable tels prévus dans le code de déontologie. En ce sens, la clause litigieuse ne porte pas atteinte aux dispositions d’ordre public du code de déontologie. TJ Limoges (1re ch. civ.), 24 juin 2025 : précité (clause obligatoire impliquant une fin de non-recevoir si elle n’est pas respectée). § L’apparition du litige postérieurement à la résiliation du contrat ne peut avoir pour effet de faire obstacle à la mise en œuvre de cette clause dès lors que le litige concerne la mise en jeu de la responsabilité de l’expert-comptable du fait d’un manquement allégué à la mission qui lui a été confiée. Même jugement.
B. CLAUSE IMPOSANT UN DÉLAI DE FORCLUSION DE TROIS MOIS
Qualification de la clause. La cour d'appel a retenu à bon droit que le délai contractuel de trois mois imparti au client pour introduire une demande de dommages-intérêts était un délai de forclusion, ce dont il résulte que les dispositions de l'article 2254 du code civil n'étaient pas applicables. Cass. com., 30 mars 2016 : pourvoi n° 14-24874 ; Dnd, rejetant le pourvoi contre CA Lyon, 12 juin 2014.
Une clause qui a pour objet de fixer un terme à une action, stipule un délai de forclusion et non de prescription (Cass. com. 26 janvier 2016, n° 14-23285) ; une stipulation contenue dans les conditions générales d'une lettre de mission d'un expert-comptable imposant que « toute demande de dommages et intérêts » soit introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance, doit s'analyser en un délai de forclusion contractuellement défini entre les parties et doit recevoir application (Cass. com. 30 mars 2016, n°14-24874). CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd. § Même sens : CA Poitiers (1re ch. civ.), 28 septembre 2021 : RG n° 19/02206 ; arrêt n° 472 ; Cerclab n° 9153, sur appel de TGI La Rochelle, 18 juin 2019 : Dnd - CA Metz (5e ch. civ.), 29 juillet 2024 : RG n° 23/00069 ; arrêt n° 24/00249 ; Cerclab n° 22972 (clause instituant un délai de forclusion, sanctionné par une fin de non-recevoir), infirmant TJ Metz (Jme), 12 juillet 2022 : RG n° 20/00646 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (mission d’expertise comptable pour une société de gestion de portefeuille ; N.B. l’affaire a donné lieu à des sanctions pénales et la décision retient la responsabilité du commissaire aux comptes), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd - CA Nîmes (4e ch. com.), 17 octobre 2025 : RG n° 23/02510 ; arrêt n° 251 ; Cerclab n° 24475. § Sur cette question V. Nicolas Cayrol, RTD civ. p. 448.
Il est erroné de prétendre que cette clause pour porter un délai de réclamation vise à limiter la responsabilité de la société en sa qualité d'expert-comptable, en empêchant une saisine au-delà du délai, ce qui ne permet pas à l'appelante de faire les démarches nécessaires ; la réponse ministérielle dont l'appelante entend se prévaloir (réponse ministérielle n° 19788, JOAN Q 28 janvier 1980) ne vise pas le présent cas d'une clause limitant dans le temps la possibilité de former une réclamation, et ne porte que sur les cas de faute lourde, ce dont il n'est pas question en l'espèce ; ce moyen est inopérant et la clause n'a pas à être écartée. CA Lyon (3e ch. A), 26 octobre 2023, : RG n° 21/07794 ; Dnd, sur appel de T. com. Lyon, 8 septembre 2021 : RG n° 2019J671. § Si la clause restreint le droit d'agir, elle n'est aucunement limitative de responsabilité de sorte qu'elle n'a pas d'effet sur le droit à réparation. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318, sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd.
Opposabilité de la clause. Est inopposable au client une prétendue clause de forclusion qui figurerait dans les conditions générales de janvier 2019 visées par la lettre de mission, dès lors que celles qui sont produites ne sont signées par aucune des parties, que l’affirmation de la société d’expertise comptable selon laquelle la version de janvier 2019 serait identique à celle de novembre 2018 n’est ni prouvée, ni exacte, et qu’en conséquence, celle-ci ne démontre pas que la clause a été portée à la connaissance de sa cliente, ni a fortiori que cette dernière l’aurait acceptée. TJ Nanterre (1re ch. - Jme), 29 août 2025 : RG n° 22/06970 ; Cerclab n° 24401.
Interprétation de la clause. Certaines décisions aboutissent à l’exclusion de la fin de non-recevoir, par la seule interprétation de la clause. § V. par exemple : les termes clairs de la clause selon laquelle toute demande de dommages-intérêts devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre, ne prévoient, ni que cette demande devra prendre la forme d’une assignation en justice, ni qu’elle sera sanctionnée par la déchéance du client de son droit d’agir en responsabilité ; sauf à être dénaturée, elle ne saurait donc être interprétée, dans le silence du contrat, comme étant une clause instituant un délai de forclusion de trois mois ne pouvant être interrompue que par la délivrance d’une assignation en justice à l’expert-comptable ; elle doit être en effet comprise selon le sens que toute personne raisonnable donnerait aux stipulations claires qu’elle contient, le seul emploi du verbe « introduire » ne pouvant être interprété par des clients non professionnels du droit comme l’introduction d’une demande en justice ; la lecture intégrale de cette clause de responsabilité, mais également de la clause suivante sur le règlement des différends prévoyant que les litiges pourraient être portés, avant toute action judiciaire, devant le président du conseil Régional compétent aux fins de conciliation, permet au contraire de conclure que le délai de trois mois est le délai dans lequel le client devait adresser à l’expert-comptable sa demande d’indemnisation, éventuellement pour permettre à ce dernier de le déclarer à son assureur aux fins de prise en charge. TJ Nice (4e ch. civ.), 28 avril 2025 : RG n° 21/00502 ; Cerclab n° 23918 (condition respectée pour l’envoi par LRAR d’une demande d’indemnisation dans le délai de trois mois convenu).
Clarté de la clause. V. sous l’angle de la clarté de rédaction de la clause : CA Rennes (3e ch. com.), 24 octobre 2023 : RG n° 21/04305 ; arrêt n° 447 ; Cerclab n° 10517 (mission d’expert-comptable ; clauses déterminées à l'avance et non négociées ; rejet de l’argument selon laquelle clause serait inopposable car ambiguë et peu claire, le client ne sachant pas quelle action doit être introduite dans un délai de trois mois, à savoir celle contre le membre du conseil de l'Ordre, celle contre l'expert-comptable ou celle contre la société, alors que la clause rappelle seulement le caractère règlementé de l'activité exercée, qui conduit à la responsabilité personnelle du membre de l'Ordre des experts comptables faisant partie de la société d’audit, y compris s'il devait être son préposé, qu’elle vise ensuite la faute commise par l'un quelconque des préposés ou intervenants pour le compte de la société et qu’elle se termine par « toute action », terme clair qui envisage toute action quelle qu'elle soit), sur appel de T. com. Quimper, 25 juin 2021 : Dnd.
Obligation d’information sur la clause. La société d’expertise comptable n’est pas tenue à une obligation particulière d'information sur les conséquences qui peuvent résulter du non-respect du délai de trois mois exigé par la lettre de mission, cette obligation d'information étant suffisamment remplie par la remise des conditions générales. CA Metz (5e ch. civ.), 29 juillet 2024 : RG n° 23/00069 ; arrêt n° 24/00249 ; Cerclab n° 22972 (arrêt visant pour considérer l’information suffisante la partie de la clause suivante : « Elle (la demande) devra être introduite... »), infirmant TJ Metz (Jme), 12 juillet 2022 : RG n° 20/00646 ; Dnd.
N.B. La solution semble discutable dès lors qu’il est difficile de voir en quoi une information sur un délai de trois mois permet au client de comprendre aussi la nature qui s’y attache, une forclusion, la sanction procédurale qui en découle, une fin de non-recevoir, et surtout l’impossibilité de régulariser en cours de procédure.
Atteinte au droit d’accès au juge (Conv. EDH). Pour la Cour de cassation : ayant constaté que l'article 5 des conditions générales stipulait que toute demande de dommages-intérêts devrait être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aurait eu connaissance du sinistre et relevé que le délai de forclusion avait pour point de départ la date du 26 mai 2010, date de la réunion des associés de la société, du commissaire aux comptes de la société X. et d'un représentant de la société In Extenso, au cours de laquelle la gestion avait été critiquée pour son opacité et avaient été évoquées les difficultés économiques et financières de la société, la cour d'appel en a exactement déduit que le droit au procès équitable visé par l'art. 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme n'avait pas été méconnu, l'intéressé ayant, après avoir eu connaissance du sinistre, disposé d'un délai raisonnable pour saisir les juges. Cass. com., 30 mars 2016 : pourvoi n° 14-24874 ; Dnd, rejetant le pourvoi contre CA Lyon, 12 juin 2014.
Pour les juges du fond : la CEDH vérifie l'existence d'un recours effectif au juge ; cette effectivité induit que l'intéressé a eu connaissance de la possibilité de saisir le juge et qu'il a disposé de la capacité et du temps lui permettant en pratique d'exercer ce droit ; il convient donc de vérifier que, une fois informé, par exemple d'une décision, l'intéressé, en capacité de le faire, a disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses droits : un délai de trois mois imparti pour agir en justice n'est pas en soi d'une brièveté telle qu'il restreigne l'accès au juge. CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement ; N.B. art. 1171 inapplicable à une faute commise en 2013), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd. § V. aussi : CA Poitiers (1re ch. civ.), 28 septembre 2021 : RG n° 19/02206 ; arrêt n° 472 ; Cerclab n° 9153 (il doit être au surplus retenu que le délai de 3 mois imparti au client pour introduire une demande de dommages et intérêts est suffisant et ne méconnaît pas le droit au procès équitable visé à l'art. 6.1 Conv. ZDH, l'association ayant, après avoir eu connaissance du sinistre, disposé d'un délai raisonnable pour saisir les juges), sur appel de TGI La Rochelle, 18 juin 2019 : Dnd - CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel ; délai de trois mois ne portant pas atteinte au droit d’agir en justice dès lors qu'il s'agit d'un délai suffisant pour saisir le juge, sans visa explicite du texte), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd - CA Metz (5e ch. civ.), 29 juillet 2024 : RG n° 23/00069 ; arrêt n° 24/00249 ; Cerclab n° 22972 (déséquilibre non examiné, le contrat étant antérieur à l’art. 1171), infirmant TJ Metz (Jme), 12 juillet 2022 : RG n° 20/00646 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (il est de jurisprudence constante qu'un délai de trois mois imparti pour agir en justice n'est pas d'une brièveté telle qu'il restreigne l'accès au juge), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd - CA Nîmes (4e ch. com.), 17 octobre 2025 : RG n° 23/02510 ; arrêt n° 251 ; Cerclab n° 24475.
Exclusion de l’art. 2254 C. civ. L’art. 2254 C. civ., qui exclut les prescriptions de moins d’un an, n’est pas applicable aux délais de forclusion. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (arrêt visant l’art. 2220 C. civ.), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd - CA Nîmes (4e ch. com.), 17 octobre 2025 : RG n° 23/02510 ; arrêt n° 251 ; Cerclab n° 24475.
Exclusion de l’art. 1170 C. civ. La clause, qui impose un délai raisonnable et n’est pas de nature à priver le client de l’accès au juge, n’aboutit pas indirectement à priver de sa substance l'obligation essentielle de l'expert-comptable. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318, sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd.
Point de départ : délai de forclusion à compter l’événement préjudiciable. Crée un déséquilibre significatif la clause qui ne peut être considérée comme instituant un délai raisonnable pour saisir le juge en imposant au client d’agir, à peine de forclusion, dans les trois mois « des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » ; en effet, si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client, ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice ; les précédents judiciaires invoqués, notamment l’arrêt de la Cour de Riom du 18 septembre 2019, ne sont pas pertinents puisqu’en l’espèce les clauses litigieuses fixaient le point de départ à la date à laquelle le client avait eu connaissance du sinistre. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598 (clause réputée non écrite ; action recevable comme intentée dans le délai de prescription de trois ans, mais rejetée au fond), infirmant sur ce point T. com. Montluçon, 18 mars 2022 : RG n° 2021/000134 ; Dnd (action forclose). § Les termes de cette clause ne peuvent pas non plus être considérés comme clairs puisqu’ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ. Même arrêt (texte de la clause : « La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. »). § Dans le même sens : T. com. La Roche-sur-Yon (3e ch.), 28 janvier 2025 : RG n° 2024001447 ; Cerclab n° 24164 (en fixant un délai de forclusion de trois mois débutant à compter « des événements ayant causé un préjudice à l’entreprise », l’expert-comptable impose un déséquilibre significatif à son client qui n’est pas un professionnel du chiffre ; ce délai, très court, débute en effet dès la réalisation de la mauvaise écriture comptable et non pas à compter de la révélation de celle-ci, et ce, alors même que pour la déceler, il est nécessaire d’avoir recours à un professionnel du chiffre et à son analyse ; la clause restreint donc le droit au recours effectif de façon disproportionnée et permet à l’expert-comptable d’échapper à sa responsabilité, sans motif légitime ; soupçons en février et octobre 2022, confirmés par une analyse d’un nouvel expert-comptable en décembre 2023).
Point de départ : délai de forclusion à compter de la découverte du litige. * Décisions admettant l’existence d’un déséquilibre significatif. L'éventuel déséquilibre entre les droits et obligations des parties s'apprécie in concreto au regard des parties et des circonstances en présence ; en l'espèce, s'agissant d'une clause de forclusion en matière d'expertise-comptable, la cour relève que l’association n'a aucune compétence dans ce domaine spécifique et que la mise en cause de la responsabilité de l'expert-comptable, professionnel règlementé, dans l'exercice de sa mission, requérait le recours préalable aux services d'un professionnel du chiffre pour analyser les critiques énoncées par le commissaire aux comptes ; la complexité des vérifications à effectuer, et l'investissement en temps nécessaire à cette fin, résultent sans conteste des indications du second expert-comptable que l’association a missionnée pour cela, laquelle précise en effet avoir passé 940 heures pour lui donner un avis circonstancié établissant les défaillances du premier ; dès lors, est abusive la clause litigieuse consistant, pour un professionnel de l'expertise-comptable, à imposer à un cocontractant profane de réunir les éléments techniques nécessaires dans un délai d'action réduit à trois mois au lieu du délai de droit commun de cinq ans, en ce qu’elle a pour effet de restreindre l'exercice effectif d'un recours par ce cocontractant profane, et de permettre corrélativement à l'expert-comptable d'échapper à l'engagement de sa responsabilité, ce sans qu'il soit fait valoir d'impératif particulier de nature à justifier cette réduction substantielle du délai d'action. CA Besançon (1re ch. civ. com.), 3 octobre 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10422 (arrêt ne s’estimant saisi que de la fin de non-recevoir et renvoyant au tribunal pour statuer au fond), suite de CA Besançon (1re ch. civ. com.), 16 mai 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10189, sur appel de T. com. Lons-le-Saulnier, 3 septembre 2021 : RG n° 2021J00009 ; Dnd.
* Décisions excluant l’existence d’un déséquilibre significatif. V. en sens contraire : la clause instituant un délai de forclusion de trois mois pour agir en responsabilité contre l’expert-comptable, à compter de la date à laquelle la cliente a eu connaissance du sinistre, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd. § V. aussi : CA Rennes (3e ch. com.), 24 octobre 2023 : RG n° 21/04305 ; arrêt n° 447 ; Cerclab n° 10517 (absence de caractère abusif de la clause qui ne remet pas en question la possibilité d'engagement par le client de la responsabilité de la société et de l’expert-comptable, ne faisant qu'instituer un délai pour introduire l'action, lequel est inséré dans des limites raisonnables et permettant un accès réel au juge), sur appel de T. com. Quimper, 25 juin 2021 : Dnd. § Dans le même sens : TJ Lyon (ch. 9), 17 janvier 2025 : RG n° 21/08546 ; Cerclab n° 24240 (« toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de trois ans commençant à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre » ; la durée de ce délai, trois mois à compter de la connaissance du sinistre par le client, est suffisante pour permettre à celui-ci de saisir le juge).
C. CLAUSES RELATIVES À LA PRESCRIPTION
Clause abréviative de prescription. Des contrats de mission d’expertise comptable ne sauraient être qualifiés de contrats d’adhésion dès lors que certaines clauses diffèrent selon les sociétés concernées et leur activité (tarif horaire - répartition des tâches entre le cabinet et le client) et, s’agissant du délai de prescription pour l’action en responsabilité à l’encontre de l’expert-comptable, clause dont le caractère abusif est discuté, le contrat conclu en l’espèce prévoit, contrairement aux autres sociétés du groupe, un délai de deux ans et non d’un an, ce qui démontre que les contrats ont pu être négociés. TJ Évreux (1re ch. Jme), 10 mars 2025 : RG n° 24/01079 ; Cerclab n° 24393.