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CAA PARIS (9e ch.), 30 octobre 2025

Nature : Décision
Titre : CAA PARIS (9e ch.), 30 octobre 2025
Pays : France
Juridiction : Paris (CAA)
Demande : 24PA03925
Date : 30/10/2025
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : ArianeWeb
Date de la demande : 6/09/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24495

CAA PARIS (9e ch.), 30 octobre 2025 : req. n° 24PA03925

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 5. D’une part, eu égard à sa nature et à ses attributions, l’autorité infligeant des amendes administratives sanctionnant les manquements constatés au code de la consommation, qui ne prend pas une décision collégiale à l’issue d’une procédure de type juridictionnel et qui demeure soumise au contrôle hiérarchique, ne peut pas être regardée comme un tribunal, au sens des stipulations précitées de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part et en tout état de cause, les amendes, qui sont décidées à l’issue d’une procédure contradictoire, peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le juge administratif, ainsi que, le cas échéant, d’un référé permettant d’en obtenir provisoirement la suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la SARL FEH ne saurait utilement se prévaloir des stipulations précitées. »

2/ « 6. En deuxième lieu, aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. 7. De telles exigences impliquent qu’une personne à l’encontre de laquelle est engagée une procédure susceptible d’aboutir au prononcé d’une sanction administrative ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans avoir été préalablement informée du droit qu’elle a de se taire. A ce titre, elle doit être avisée, avant d’être entendue pour la première fois, qu’elle dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure. En revanche, le droit de se taire ne s’applique pas lors des contrôles ou enquêtes diligentés antérieurement à la notification des griefs. Ne saurait ainsi constituer une méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 le fait que, dans le cadre d’un tel contrôle ou d’une telle enquête, les contrôleurs ou les enquêteurs auraient recueilli des éléments portant sur des faits susceptibles d’être ultérieurement reprochés aux personnes concernées dans le cadre d’une procédure de sanction ouverte à leur encontre par cette autorité. Enfin, dans le cas où la personne sanctionnée n’a pas été informée du droit qu’elle a de se taire alors que cette information était requise, cette irrégularité n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations et aux autres éléments fondant la sanction, il résulte de l’instruction que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que la personne intéressée n’avait pas été informée de ce droit.

8. Par ailleurs, aux termes de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. / (…) ». Aux termes de l’article 48 de cette charte : « 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. / 2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».

9. D’une part, le droit de se taire ne s’appliquant pas lors des contrôles ou enquêtes diligentés antérieurement à la notification des griefs, ainsi qu’il a été dit au point 7, la SARL FEH ne saurait utilement soutenir que son représentant n’a pas été informé de ce droit lors du contrôle diligenté le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les services de la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône, dont les agents pouvaient alors recueillir, aux termes et en application de l’article L. 512-10 du code de la consommation, « tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles ». La société requérante ne saurait utilement, à cet égard, se prévaloir de ce que l’administration n’a pas justifié des motifs l’ayant conduite à réaliser le contrôle mentionné, le 30 septembre 2021, ni n’a indiqué, d’emblée, l’objet de son enquête. Elle ne saurait non plus utilement, à cet égard, se prévaloir de l’article 61-1 du code de procédure pénale, qui figure dans un chapitre relatif aux crimes et délits flagrants et aux termes duquel : « Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée : / 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ; / (…) / 4° Du droit (…) de se taire ; / (…) / La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal. / (…) ». Il résulte en effet de l’instruction, et notamment du procès-verbal d’audition et de prise de copie de documents annexé au procès-verbal de constatation de manquements établi le 21 février 2022, que, lors du contrôle diligenté le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les services de la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône, le dirigeant de la SARL FEH n’a pas été auditionné sur des faits permettant de soupçonner qu’elle avait commis ou tenté de commettre une infraction pénalement sanctionnée, mais sur la gestion des demandes d’annulation de commandes, les financements proposés aux clients et les informations communiquées au sujet des aides de l’Etat, les agents du service de contrôle ayant par ailleurs pris copie de bons de commande et d’un ticket de paiement par carte bancaire.

10. D’autre part, la SARL FEH soutient qu’elle n’a pas été informée du droit de se taire par le courrier du 24 mai 2022, par lequel le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a signalé son intention de lui infliger les sanctions en litige et l’a invitée à présenter ses observations. Il résulte toutefois de l’instruction que ces sanctions ne se fondent pas de manière déterminante sur les observations présentées pour la société requérante, et en particulier sur les observations formulées par le courrier du 1er août 2022, qui n’ont été mentionnées dans la décision attaquée que pour être écartées et non pour lui être opposées, mais sur les constats objectifs réalisés, par les agents ayant procédé au contrôle, à la lecture des bons de commande et conditions générales de vente qui leur avaient été remis le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les représentants de la SARL FEH, à leur demande et conformément aux obligations de présentation de documentation prévues par le code de la consommation, ainsi que lors de la visite du site internet de cette société le 16 février 2022. Il ne résulte pas davantage de l’instruction que les sanctions en litige auraient été fondées de manière déterminante sur l’exploitation d’éléments obtenus de la société requérante dans des conditions telles qu’elle aurait été conduite à contribuer à sa propre inculpation.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 et, en tout état de cause, de celles découlant des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro de requête : 24PA03925. Numéro de rôle : 25438

 

APPELANTE :

SARL Futur Eco Habitat

 

INTIMÉ :

Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

 

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Futur Eco Habitat a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision en date du 19 septembre 2022 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a infligé des amendes administratives d’un montant total de 6.000 euros, assorties de mesures de publication de cette décision.

Par une ordonnance du 23 novembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis le dossier de la requête de la SARL Futur Eco Habitat au tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 2224428 en date du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Futur Eco Habitat.

 

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2024, la SARL Futur Eco Habitat, représentée par Maître Eyrignoux, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2224428 du tribunal administratif de Paris en date du 10 juillet 2024 ;

2°) d’annuler la décision en date du 19 septembre 2022 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a infligé des amendes administratives d’un montant total de 6.000 euros, assorties de mesures de publication de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d’erreurs de droit et d’erreurs d’appréciation ;

- le droit de se taire, qui découle de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et qui est également garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’a pas été notifié à son dirigeant dans le cadre de la procédure contradictoire ayant précédé l’adoption de la sanction en litige, et en particulier dans le courrier du 24 mai 2022 l’ayant invitée à présenter ses observations sur la sanction envisagée ;

- en méconnaissance de l’article 61-1 du code de procédure pénale, elle n’a pas été informée de son droit de ne pas s’auto-incriminer, ainsi qu’il résulte du procès-verbal d’audition du 30 septembre 2021 ;

- la décision du 19 septembre 2022 est insuffisamment motivée en fait et en droit, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l’article L. 522-5 du code de la consommation ;

- ses observations n’ont pas été prises en considération par la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône, qui n’y répond pas dans la décision attaquée, en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

- le numéro de téléphone non surtaxé destiné aux appels relatifs à l’exécution du contrat ou au traitement d’une réclamation apparaît clairement sur le bon de commande, dont les mentions permettent de l’identifier facilement ;

- elle n’était pas tenue d’informer les consommateurs de leur droit de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique dès lors qu’elle ne procède à aucun démarchage téléphonique et ne commercialise pas les informations qu’elle recueille, sur papier seulement, auprès de ses clients, pour les tenir informés de la réalisation de leurs demandes, les principes de finalité et de proportionnalité institués par le règlement général sur la protection des données personnelles étant ainsi respectés ;

- elle est bien affiliée à un médiateur de la consommation agréé, qui a attesté le 4 octobre 2021 qu’elle satisfaisait aux obligations prévues aux articles L. 611 à L. 616 et R. 612 à R. 616 du code de la consommation ; l’erreur ayant consisté à mentionner une association non agréée dans les conditions générales de vente a été corrigée dès qu’elle en a eu connaissance, ce qui établit sa bonne foi ;

- la sanction infligée est disproportionnée compte tenu de sa bonne foi et de sa situation financière.

[*]

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2025, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Futur Eco Habitat ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

- la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;

- le code de la consommation ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

[*]

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Dumas, substituant Me Eyrignoux, avocat de la SARL Futur Eco Habitat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Futur Eco Habitat (FEH) a pour activité la vente, notamment lors de foires et de salons, d’équipements destinés à améliorer la capacité énergétique des bâtiments. Le 30 septembre 2021, à la foire internationale de Marseille, où elle disposait d’un étal de vente, elle a fait l’objet d’un contrôle des services de la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône. Ce contrôle a été suivi d’opérations de constat sur son site internet le 16 février 2022. Le 21 février 2022, les agents responsables de ces contrôles ont dressé un procès-verbal de constatation de manquements, faisant état, d’une part, de l’utilisation par la SARL FEH de deux numéros surtaxés pour les appels des consommateurs relatifs à l’exécution des contrats conclus et le traitement des réclamations, en méconnaissance de l’article L. 121-16 du code de la consommation, d’autre part, de l’absence d’indication par cette société des noms et coordonnées du médiateur de la consommation dont elle relève, dans les conditions générales de vente et les bons de commande et sur son site internet, en méconnaissance des articles L. 616-1 et R. 616-1 de ce code, et, enfin, du défaut d’indication aux consommateurs de leur droit de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique, en méconnaissance de l’article L. 223-2 du même code. Par une décision du 19 septembre 2022, le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône a infligé à la SARL FEH, à raison de ces quatre manquements, quatre amendes d’un montant unitaire de 1.500 euros, soit un montant total de 6.000 euros, assorties de la publication d’un communiqué. La SARL FEH relève régulièrement appel du jugement en date du 10 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces sanctions.

 

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance, dont la SARL FEH se prévaut, que le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juillet 2024 est entaché d’erreurs de droit et d’erreurs d’appréciation est, à la supposer établie, dépourvue de toute incidence sur la régularité de ce jugement.

 

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il appartient au juge du fond, saisi d’une contestation portant sur une sanction que l’administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l’administration et, le cas échéant, de faire application d’une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l’infraction a été commise et celle à laquelle il statue. Par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux.

 

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

4. En premier lieu, aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) ».

5. D’une part, eu égard à sa nature et à ses attributions, l’autorité infligeant des amendes administratives sanctionnant les manquements constatés au code de la consommation, qui ne prend pas une décision collégiale à l’issue d’une procédure de type juridictionnel et qui demeure soumise au contrôle hiérarchique, ne peut pas être regardée comme un tribunal, au sens des stipulations précitées de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part et en tout état de cause, les amendes, qui sont décidées à l’issue d’une procédure contradictoire, peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le juge administratif, ainsi que, le cas échéant, d’un référé permettant d’en obtenir provisoirement la suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la SARL FEH ne saurait utilement se prévaloir des stipulations précitées.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

7. De telles exigences impliquent qu’une personne à l’encontre de laquelle est engagée une procédure susceptible d’aboutir au prononcé d’une sanction administrative ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans avoir été préalablement informée du droit qu’elle a de se taire. A ce titre, elle doit être avisée, avant d’être entendue pour la première fois, qu’elle dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure. En revanche, le droit de se taire ne s’applique pas lors des contrôles ou enquêtes diligentés antérieurement à la notification des griefs. Ne saurait ainsi constituer une méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 le fait que, dans le cadre d’un tel contrôle ou d’une telle enquête, les contrôleurs ou les enquêteurs auraient recueilli des éléments portant sur des faits susceptibles d’être ultérieurement reprochés aux personnes concernées dans le cadre d’une procédure de sanction ouverte à leur encontre par cette autorité. Enfin, dans le cas où la personne sanctionnée n’a pas été informée du droit qu’elle a de se taire alors que cette information était requise, cette irrégularité n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations et aux autres éléments fondant la sanction, il résulte de l’instruction que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que la personne intéressée n’avait pas été informée de ce droit.

8. Par ailleurs, aux termes de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. / (…) ». Aux termes de l’article 48 de cette charte : « 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. / 2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».

9. D’une part, le droit de se taire ne s’appliquant pas lors des contrôles ou enquêtes diligentés antérieurement à la notification des griefs, ainsi qu’il a été dit au point 7, la SARL FEH ne saurait utilement soutenir que son représentant n’a pas été informé de ce droit lors du contrôle diligenté le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les services de la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône, dont les agents pouvaient alors recueillir, aux termes et en application de l’article L. 512-10 du code de la consommation, « tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles ». La société requérante ne saurait utilement, à cet égard, se prévaloir de ce que l’administration n’a pas justifié des motifs l’ayant conduite à réaliser le contrôle mentionné, le 30 septembre 2021, ni n’a indiqué, d’emblée, l’objet de son enquête. Elle ne saurait non plus utilement, à cet égard, se prévaloir de l’article 61-1 du code de procédure pénale, qui figure dans un chapitre relatif aux crimes et délits flagrants et aux termes duquel : « Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée : / 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ; / (…) / 4° Du droit (…) de se taire ; / (…) / La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal. / (…) ». Il résulte en effet de l’instruction, et notamment du procès-verbal d’audition et de prise de copie de documents annexé au procès-verbal de constatation de manquements établi le 21 février 2022, que, lors du contrôle diligenté le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les services de la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône, le dirigeant de la SARL FEH n’a pas été auditionné sur des faits permettant de soupçonner qu’elle avait commis ou tenté de commettre une infraction pénalement sanctionnée, mais sur la gestion des demandes d’annulation de commandes, les financements proposés aux clients et les informations communiquées au sujet des aides de l’Etat, les agents du service de contrôle ayant par ailleurs pris copie de bons de commande et d’un ticket de paiement par carte bancaire.

10. D’autre part, la SARL FEH soutient qu’elle n’a pas été informée du droit de se taire par le courrier du 24 mai 2022, par lequel le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a signalé son intention de lui infliger les sanctions en litige et l’a invitée à présenter ses observations. Il résulte toutefois de l’instruction que ces sanctions ne se fondent pas de manière déterminante sur les observations présentées pour la société requérante, et en particulier sur les observations formulées par le courrier du 1er août 2022, qui n’ont été mentionnées dans la décision attaquée que pour être écartées et non pour lui être opposées, mais sur les constats objectifs réalisés, par les agents ayant procédé au contrôle, à la lecture des bons de commande et conditions générales de vente qui leur avaient été remis le 30 septembre 2021 à la foire internationale de Marseille par les représentants de la SARL FEH, à leur demande et conformément aux obligations de présentation de documentation prévues par le code de la consommation, ainsi que lors de la visite du site internet de cette société le 16 février 2022. Il ne résulte pas davantage de l’instruction que les sanctions en litige auraient été fondées de manière déterminante sur l’exploitation d’éléments obtenus de la société requérante dans des conditions telles qu’elle aurait été conduite à contribuer à sa propre inculpation.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 et, en tout état de cause, de celles découlant des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

12. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 522-5 du code de la consommation : « Avant toute décision, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter (…) ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / (…) ».

13. Il résulte de l’instruction que, par une lettre du 24 mai 2022, reçue le 6 juillet 2022, le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône a informé la SARL FEH de son intention de lui infliger des sanctions à raison des manquements constatés et l’a invitée à présenter ses observations, ce qu’elle a fait par lettre du 1er août 2022. Par la décision du 19 septembre 2022, cette autorité, qui n’était pas tenue de répondre à l’ensemble des arguments présentés dans cette lettre, laquelle au demeurant se bornait à relever qu’aucun des manquements mentionnés n’avait été évoqué lors du contrôle, et à renvoyer aux observations présentées à cette occasion, a infligé les sanctions en litige après avoir tenu compte des observations formulées par la SARL FEH, et en tenant compte, en particulier, pour fixer le montant des amendes, de la baisse significative de son chiffre d’affaires, dont elle se prévalait. Dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône n’a pas tenu compte des observations qu’elle avait formulées et l’a ainsi privée de la garantie du contradictoire et des droits de la défense.

14. En dernier lieu, en vertu de l’article L. 522-5 du code de la consommation, une fois passé le délai imparti à la personne mise en cause pour présenter ses observations sur la sanction envisagée, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut, par décision motivée, prononcer l’amende envisagée.

15. Il résulte de l’instruction que la décision du directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône en date du 19 septembre 2022 mentionne les circonstances de droit sur lesquelles elle se fonde. Par ailleurs, elle est motivée par référence à la lettre de notification des griefs du 24 mai 2022, que la SARL FEH avait reçue le 6 juillet 2022 et à laquelle étaient joints le procès-verbal de constatation de manquements du 21 février 2022 et ses annexes, dont le procès-verbal d’audition du 30 septembre 2021, ces documents présentant de façon suffisamment motivée l’ensemble des faits retenus par l’autorité administrative pour infliger les sanctions en litige. La SARL FEH n’est dès lors pas fondée à soutenir que la décision du 19 septembre 2022 est insuffisamment motivée.

 

En ce qui concerne le bien-fondé des sanctions infligées :

16. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 121-16 du code de la consommation : « Le numéro de téléphone destiné à recueillir l’appel d’un consommateur en vue d’obtenir la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d’une réclamation ne peut pas être surtaxé. / Ce numéro est indiqué dans le contrat et la correspondance ».

17. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’article 21 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 susvisée, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, dont les dispositions de l’article L. 121-16 du code de la consommation assurent la transposition, notamment de l’ordonnance C-594/20 du 15 avril 2021, que dans l’hypothèse où, d’une part, un contrat a été conclu entre le professionnel et le consommateur, et, d’autre part, l’appel du consommateur concerne ce contrat, ce consommateur ne doit pas payer plus que le tarif de base pour clarifier des questions relatives à l’exécution du contrat ou pour faire valoir des droits garantis par cette directive et qu’un professionnel ne peut mettre à la disposition de sa clientèle, outre un numéro de téléphone dont le tarif n’excède pas le tarif de base, un numéro de téléphone soumis à un tarif supérieur à ce dernier tarif et que les consommateurs ayant conclu un contrat avec ce professionnel risquent d’utiliser.

18. D’autre part, aux termes de l’article L. 132-21 du code de la consommation : « Tout manquement aux obligations relatives au numéro de téléphone d’assistance au consommateur mentionnées à l’article L. 121-16 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder (…) 15.000 euros pour une personne morale. / (…) ».

19. Il résulte de l’instruction, et notamment du procès-verbal de constatation de manquements du 21 février 2022, que les bons de commande de la SARL FEH, ses conditions générales de vente et son site internet mentionnaient deux numéros de téléphone surtaxés, qui étaient systématiquement communiqués à ses clients comme étant ses numéros de téléphone et qui figuraient de manière prééminente sur les documents qui leur étaient remis. En particulier, l’article 13 des conditions générales de vente mentionnait l’un de ces deux numéros surtaxés, en indiquant qu’il n’était pas surtaxé et qu’il permettait de « contacter le service clients » « pour toutes informations ». Si la SARL FEH fait valoir que le conseiller commercial pouvait indiquer sur le bon de commande de façon manuscrite, sous son nom, son numéro de téléphone, lequel n’était pas surtaxé, il ne résulte de l’instruction ni que cet ajout était systématiquement réalisé sur les bons de commande, ni, en tout état de cause, que les clients de la SARL FEH étaient informés que ce numéro non surtaxé permettait de la contacter pour tout appel concernant leurs contrats. Il en va de même des numéros non surtaxés communiqués par un conseiller lors de l’accueil du client, ou par le technicien au cours de sa visite à domicile. Dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les faits retenus pour lui infliger des amendes sur le fondement de l’article L. 132-21 du code de la consommation sont matériellement inexacts.

20. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 616-1 du code de la consommation : « Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. / (…) ». Aux termes de l’article R. 616-1 de ce code : « En application de l’article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l’absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs ». Aux termes de l’article L. 641-1 du même code : « Tout manquement aux obligations d’information mentionnées aux articles L. 616-1 et L. 616-2 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder (…)15.000 euros pour une personne morale dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V ».

21. Il est constant qu’en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 616-1 et R. 616-1 du code de la consommation, la SARL FEH ne communiquait pas à ses clients les coordonnées du médiateur agréé dont elle relevait, qui ne figuraient de manière visible et lisible ni sur son site internet, ni sur ses conditions générales de vente, ni sur ses bons de commande. La circonstance qu’elle soit affiliée à un médiateur agréé, qui en a attesté le 4 octobre 2021, est à cet égard dépourvue de toute incidence. La SARL FEH n’est dès lors pas fondée à soutenir que le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône ne pouvait pas légalement lui infliger une amende sur le fondement de l’article L. 641-1 du code de la consommation.

22. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 223-2 du code de la consommation : « Lorsqu’un professionnel est amené à recueillir auprès d’un consommateur des données téléphoniques, il l’informe de son droit à s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. / Lorsque ce recueil d’information se fait à l’occasion de la conclusion d’un contrat, le contrat mentionne, de manière claire et compréhensible, l’existence de ce droit pour le consommateur ». Aux termes de l’article L. 242-16 de ce code : « Tout manquement aux dispositions des articles L. 223-1 à L. 223-5 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder (…) 375.000 € pour une personne morale. / (…) ».

23. Il est constant que la SARL FEH recueillait auprès de ses clients leurs données téléphoniques, sans pour autant les informer de leur droit de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. Elle ne saurait utilement faire valoir qu’elle recueillait ces données sur papier pour tenir ses clients informés de la réalisation de leurs demandes et qu’elle ne procédait à aucun démarchage téléphonique et ne commercialisait pas ces données, dès lors que les dispositions précitées de l’article L. 223-2 du code de la consommation conditionnent l’obligation d’information du consommateur au seul recueil de ses données téléphoniques. Par suite, la SARL FEH n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas méconnu ces dispositions.

24. En quatrième lieu, la SARL FEH ne saurait utilement, pour contester les amendes qui lui ont été infligées sur le fondement des articles L. 132-21, L. 641-1 et L. 242-16 du code de la consommation, ni se prévaloir de sa bonne foi, ni faire valoir qu’elle s’est conformée à ses obligations postérieurement à la décision du 19 septembre 2022 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a infligé ces amendes.

25. En dernier lieu, il résulte de l’instruction que, par la décision en date du 19 septembre 2022, le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône a infligé à la SARL FEH quatre amendes d’un montant unitaire de 1 500 euros, sur le fondement des articles L. 132-21, L. 641-1 et L. 242-16 du code de la consommation, alors que les dispositions de ces articles fixent respectivement à 15.000 euros, 15.000 euros et 375.000 euros les montants maximums des amendes susceptibles d’être infligées à une personne morale. Le montant total des amendes infligées s’élève ainsi à 6.000 euros, soit moins de 1,5 % du montant total des amendes encourues. Si la société requérante se prévaut de sa situation financière, qui aurait été particulièrement difficile en 2021, sans pour autant faire état, en tout état de cause, d’une quelconque persistance de cette situation au titre de la période postérieure, il résulte de l’instruction que les amendes en litige représentent environ 0,41 % du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au titre de cet exercice. Par ailleurs, la SARL FEH a été créée et est gérée par le dirigeant d’un groupe informel de dix-sept sociétés. Elle est l’une des trois filiales de la société Groupe Multi Cop, gérée et contrôlée par cette même personne, ces sociétés étant toutes spécialisées dans le commerce d’équipements destinés à améliorer la capacité énergétique des bâtiments. La société requérante ne peut ainsi pas sérieusement soutenir qu’elle ignorait les obligations résultant pour elle des dispositions précitées des articles L. 121-16, L. 616-1, R. 616-1 et L. 223-2 du code de la consommation. Dans ces circonstances, la SARL FEH n’est pas fondée à soutenir que les amendes en litige sont disproportionnées.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL FEH n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur départemental de la protection des populations en date du 19 septembre 2022. Ses conclusions à fin d’annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu’elle a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Futur Eco Habitat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Futur Eco Habitat et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

Délibéré après l’audience du 17 octobre 2025, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Lemaire, président assesseur, - Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 30 octobre 2025.

Le rapporteur,                  Le président,                  La greffière,

O. LEMAIRE             S. CARRERE                      C. DABERT