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CASS. CIV. 1re, 17 septembre 2025

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 17 septembre 2025
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 24-10498
Décision : 25-563
Date : 17/09/2025
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C100563
Nature de la décision : Sursis à statuer
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 19 septembre 2023 : RG n° 22/00041
Numéro de la décision : 563
Décision antérieure :
  • CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 19 septembre 2023 : RG n° 22/00041
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24556

CASS. CIV. 1re, 17 septembre 2025 : pourvoi n° 24-10498 ; arrêt n° 563 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 7. Dans une affaire concernant la déclaration constatant le caractère exécutoire d'une décision luxembourgeoise relative à des prêts souscrits par d'autres emprunteurs français auprès de la même banque, la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les trois questions préjudicielles suivantes (Cass., 1re civ., 17 septembre 2025, pourvoi n° 23-15.481) :

« 1°) L'article 24 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens que le fait pour une partie domiciliée dans un État membre de déclarer sa créance à une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre emporte prorogation de la compétence du juge de la procédure d'insolvabilité à l'égard d'une demande reconventionnelle dirigée contre cette partie, alors qu'elle revendique la qualité de consommateur ?

2°) L'article 24 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens qu'une exception de litispendance, par laquelle une partie qui se prévaut de la qualité de consommateur revendique expressément la compétence du tribunal de son domicile en application de l'article 15 du règlement Bruxelles I, équivaut à une contestation de la compétence de la juridiction saisie au sens de ce texte ?

3°) L'article 35, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu'une partie se prévaut, devant la juridiction d'un État membre, de sa qualité de consommateur pour revendiquer la compétence des juridictions de son domicile, la circonstance que cette juridiction n'a pas constaté les faits permettant d'apprécier si les conditions d'application de l'article 15 du même règlement étaient réunies, a pour effet de priver les juridictions de l'État membre requis du droit de rechercher, au regard de l'ensemble des circonstances pertinentes, si les règles de compétence protectrices du consommateur étaient applicables et ont été respectées ? »

11. La décision de la Cour de justice de l'Union européenne étant de nature à influer sur la réponse à apporter au pourvoi, il y a lieu de surseoir à statuer en son attente. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : H 24-10.498. Arrêt n° 563 FS-D.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X. divorcée Y. – Monsieur Y.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Landsbanki Luxembourg - Procureur général près la cour d'appel de Versailles

Mme CHAMPALAUNE, présidente

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°/ Mme X., divorcée Y., domiciliée [Adresse 1], 2°/ M. Y., domicilié [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° H 24-10.498 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Landsbanki Luxembourg, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. T., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, [Adresse 3], défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Corneloup, conseillère, les observations de la SARL Corlay, avocat de Mme X. divorcée Y. et de M. Y., de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Landsbanki Luxembourg, représentée par M. T., pris en qualité de liquidateur judiciaire, et l'avis de M. Straudo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Corneloup, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseillère référendaire, M. Straudo, premier avocat général, et Mme Vignes, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 septembre 2023), le 25 juillet 2005, les époux Y. (les emprunteurs), domiciliés en France, ont conclu avec la société Landsbanki Luxembourg (la banque) un contrat de prêt remboursable sur 20 ans pour un montant représentant la valeur de leur bien immobilier sis à [Localité 6] ainsi qu'un contrat de gage portant sur un portefeuille de titres acquis avec une partie des fonds prêtés, l'autre partie étant immédiatement mise à leur disposition. Le bien immobilier a été affecté en garantie hypothécaire. Les emprunteurs ont souscrit ce contrat afin de lever une hypothèque qui grevait l'un de leurs biens immobiliers à [Localité 5] et d'effectuer des travaux dans leur résidence principale.

2. Le 12 décembre 2008, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a prononcé la dissolution et la liquidation de la banque.

3. Le 22 mars 2010, les emprunteurs ont déclaré une créance au passif de la banque.

4. Par un jugement du 17 novembre 2010, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a jugé que la créance des emprunteurs n'était pas fondée et, après avoir écarté leur exception de litispendance, les a condamnés, sur la demande reconventionnelle de la liquidatrice, au paiement du solde des contrats avec les intérêts conventionnels. Le 6 mai 2015, la cour d'appel de Luxembourg a confirmé le jugement, et le 21 avril 2016, la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rejeté le pourvoi des emprunteurs.

5. Le 20 octobre 2021, le directeur des services de greffe du tribunal judiciaire de Pontoise a déclaré exécutoire en France le jugement du 17 novembre 2010 rendu par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

 

Examen du moyen :

Enoncé du moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande visant à voir annuler sinon infirmer la décision du 20 octobre 2021, rejeter leur recours à l'encontre de la déclaration du directeur du greffe du tribunal judiciaire de Pontoise constatant la force exécutoire du jugement du 17 novembre 2010 rendu par la 15e chambre du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, et confirmer la déclaration du directeur du greffe du tribunal judiciaire de Pontoise constatant la force exécutoire du jugement du 17 novembre 2010 rendu par la 15e chambre du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, alors :

« 1°/ que méconnaît l'ordre public procédural le juge, saisi d'une déclaration de créance dans le cadre d'une procédure de faillite, qui, de cette compétence spéciale, déduit qu'il a compétence pour statuer sur l'action reconventionnelle du liquidateur contre le créancier déclarant, sur le fondement de l'article 16-3 du règlement de Bruxelles I, non applicable en matière de faillite ; qu'en rejetant le moyen tiré de la contrariété à l'ordre public procédural de l'ignorance par le juge luxembourgeois du champ d'application du règlement n° 44/2001, en considérant que ce sont les époux Y. qui avaient saisi la juridiction luxembourgeoise « en déclaration de créance » si bien que cette juridiction pouvait statuer reconventionnellement sur la demande formée à leur encontre par la banque sur le fondement de l'article 16-3 du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel a violé les articles 1er, 16-3, 34 et 45 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ que la juridiction saisie d'un recours contre une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision d'un État membre, selon l'article 43 du règlement de Bruxelles I n° 44/2001, peut refuser ou révoquer pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 dudit règlement ; qu'il ne peut ainsi être donné force exécutoire à une décision méconnaissant les dispositions impératives du règlement relatives à la compétence des tribunaux en matière de contrats conclus par les consommateurs ; que l'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur, toute clause contraire étant considérée comme non écrite ; qu'en rejetant le recours aux motifs inopérants que « jamais les époux Y. n'ont soulevé l'incompétence de ces juridictions au profit des juridictions françaises », quand il appartenait au juge de soulever d'office cette incompétence, la cour d'appel a méconnu l'office du juge et violé les articles 16, 17, 35 et 43 du règlement de Bruxelles I n° 44/2001 ;

3°/ que, en toute hypothèse, en application du principe d'effectivité de la protection des consommateurs, le juge de l'exécution a le devoir d'écarter d'office les clauses abusives substantielles, à tout stade de la procédure, sans qu'on puisse opposer l'autorité de chose jugée de la décision statuant au fond ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut être donné force exécutoire à une décision d'un État membre qui, alors qu'il était saisi de la nullité du contrat et de son caractère déséquilibré au regard du caractère potestatif de certaines clauses, n'a pas écarté d'office les clauses abusives qui l'affectaient ; qu'en l'espèce il est constant que devant le juge luxembourgeois, les époux Y. ont invoqué la nullité des contrats de prêt et de gage pour dol, le caractère potestatif de certaines clauses, et le caractère abusif de la clause n° 9-3 du contrat de prêt ; que devant le juge de l'État requis, il était fait valoir qu'étaient abusives les clauses du contrat de prêt n° 10 sur l'augmentation de la marge, à l'entière discrétion du prêteur considérant, n° 12 sur l'attribution des risques au seul emprunteur et à défaut d'information claire et compréhensible, n° 15 « Changement de circonstances » qui ne met d'obligations qu'à la charge de l'Emprunteur et décharge le Prêteur de toute contrainte, n° 19 « Manquements » qui ne prévoit et ne sanctionne que les manquements de l'Emprunteur mais non ceux du Prêteur, n° 22 « Juridiction compétente », contraire à l'ordre public ; et qu'étaient abusives les clauses n° 7 et 8 du contrat de gage « Loi applicable » et « Juridiction et immunité » ; qu'en écartant ces moyens comme inopérants aux motifs que le juge de l'État requis ne pouvait réviser au fond la décision étrangère et que cette question aurait été définitivement tranchée par ce juge, la cour d'appel a méconnu l'office du juge et violé les articles 34, 43 et 45 du règlement de Bruxelles I n° 44/2001 ensemble l'article 3 de la Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 et les articles L. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

7. Dans une affaire concernant la déclaration constatant le caractère exécutoire d'une décision luxembourgeoise relative à des prêts souscrits par d'autres emprunteurs français auprès de la même banque, la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les trois questions préjudicielles suivantes (Cass., 1re civ., 17 septembre 2025, pourvoi n° 23-15.481) :

« 1°) L'article 24 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens que le fait pour une partie domiciliée dans un État membre de déclarer sa créance à une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre emporte prorogation de la compétence du juge de la procédure d'insolvabilité à l'égard d'une demande reconventionnelle dirigée contre cette partie, alors qu'elle revendique la qualité de consommateur ?

2°) L'article 24 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens qu'une exception de litispendance, par laquelle une partie qui se prévaut de la qualité de consommateur revendique expressément la compétence du tribunal de son domicile en application de l'article 15 du règlement Bruxelles I, équivaut à une contestation de la compétence de la juridiction saisie au sens de ce texte ?

3°) L'article 35, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu'une partie se prévaut, devant la juridiction d'un État membre, de sa qualité de consommateur pour revendiquer la compétence des juridictions de son domicile, la circonstance que cette juridiction n'a pas constaté les faits permettant d'apprécier si les conditions d'application de l'article 15 du même règlement étaient réunies, a pour effet de priver les juridictions de l'État membre requis du droit de rechercher, au regard de l'ensemble des circonstances pertinentes, si les règles de compétence protectrices du consommateur étaient applicables et ont été respectées ? »

11. La décision de la Cour de justice de l'Union européenne étant de nature à influer sur la réponse à apporter au pourvoi, il y a lieu de surseoir à statuer en son attente.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, la Cour : SURSOIT à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Renvoie à l'audience du 17 décembre 2025 ;

Réserve les dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le dix-sept septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.