CASS. CIV. 2e, 3 juillet 2025
- CA Amiens (2e prot. soc.), 14 décembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 24562
CASS. CIV. 2e, 3 juillet 2025 : pourvoi n° 21-11905 ; arrêt n° 688
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 9. La Cour de cassation juge depuis 2009 (Civ. 2e, 9 juillet 2009, pourvoi n° 06-46220, publié) qu'une cour d'appel qui, tenue de vérifier la régularité de sa saisine, constate que l'appel d'un jugement a été formé devant une cour dans le ressort de laquelle n'est pas située la juridiction dont émane la décision attaquée, en déduit exactement que l'appel n'est pas recevable.
10. Toutefois, en ce qui concerne la compétence exclusive attribuée en matière commerciale à certaines juridictions, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation, qui jugeait depuis 2013 (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-21089, publié au Bulletin) que, la cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif était sanctionnée par une fin de non-recevoir, laquelle devait être relevée d'office (Com., 31 mars 2015, pourvoi n° 14-10016, Bull. 2015, IV, n° 59) a, dans un arrêt du 18 octobre 2023 (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15378, publié au Bulletin), jugé que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2, du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 de ce code, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir. 11. Depuis un arrêt du 29 janvier 2025 (Com., 29 janvier 2025, pourvoi n° 23-15.842, publié au Bulletin), elle juge que la règle d'ordre public découlant de l'application combinée des mêmes articles, désignant la cour d'appel de Paris seule compétente pour connaître des décisions rendues par lesdites juridictions, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
12. Ces évolutions conduisent la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à reconsidérer sa jurisprudence, lorsque la déclaration d'appel est remise à une cour d'appel qui n'est pas celle matériellement exclusivement compétente.
13. Il convient, en conséquence de juger désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 311-15 et D. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, désignant les seules juridictions mentionnées par ce dernier texte pour connaître de l'application des litiges visés à l'article L. 211-16 du même code, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
14. Une telle interprétation est conforme à la lettre de l'article 33 du code de procédure civile, lequel se réfère à la notion de compétence des juridictions en raison de la matière. 15. Elle est, en outre, de nature à rendre les règles plus simples pour les parties, en mettant fin à une jurisprudence complexe génératrice d'insécurité juridique. 16. Ce revirement de jurisprudence tend à favoriser l'accès au juge d'appel tout en poursuivant l'objectif d'une bonne administration de la justice. […] 16. Ce revirement de jurisprudence tend à favoriser l'accès au juge d'appel tout en poursuivant l'objectif d'une bonne administration de la justice. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 JUILLET 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : Z 21-11.905. Arrêt n° 688 FS-B+R.
DEMANDEUR à la cassation : Société Bk construction
DÉFENDEUR à la cassation : X. et autres
Président : Mme Martinel. Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Richard, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
La société Bk construction, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-11.905 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Y., représentante légale de son enfant mineur A. X., 2°/ à M. C. X., tous deux, domiciliés [Adresse 4], 3°/ à Mme Z., épouse X., domiciliée [Adresse 1], tant en son nom propre qu'en tant que représentante légale de son enfant mineur W. X., 4°/ à M. H. X., domicilié [Adresse 6], 5°/ à Mme I. X., domiciliée [Adresse 7], 6°/ à M. S. X., domicilié [Adresse 8], 7°/ à M. X. X., domicilié [Adresse 2], 8°/ à Mme U. X., épouse W., 9°/ à Mme T. X., épouse V., toutes deux, domiciliées [Adresse 7], 10°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Bk construction, de la SCP Richard, avocat de Mme Z., la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseil doyen, M. Delbano, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Bohnert, Techer, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Sara, greffière de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel :
1. Il est donné acte à la société Bk' Construction (la société) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y., en sa qualité de représentante légale de son enfant mineur, A. X., MM. C. X., H. X., S. X., X. X., Mmes I. X., U. X. épouse W., T. X. épouse V. et la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens,14 décembre 2020), le 18 septembre 2019, la société a relevé appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille du 19 août 2019, notifié le 26 août 2019, devant la cour d'appel de Douai.
3. Par une ordonnance, du 1er octobre 2019, un président de chambre de la cour d'appel de Douai, a déclaré cet appel irrecevable.
4. Par déclaration expédiée le 9 octobre 2019, reçue au greffe le 13 octobre suivant, la société a relevé appel du même jugement devant la cour d'appel d'Amiens.
Sur le moyen relevé d'office :
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 33 du code de procédure civile, l'article L. 311-15, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et l'article D. 311-12-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-912 du 30 août 2019, du code de l'organisation judiciaire :
CHAPEAU (justification juridique de la solution) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
6. Aux termes du premier de ces textes, la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières.
7. Selon le deuxième, des cours d'appel spécialement désignées connaissent des décisions rendues par les juridictions spécialement désignées mentionnées à l'article L. 211-16 du même code, pour connaître de certains litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale.
8. Il résulte du troisième que le siège et le ressort des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, ainsi spécialement désignés, sont fixés conformément au tableau de l'annexe VIII-III du code de l'organisation judiciaire.
9. La Cour de cassation juge depuis 2009 (Civ. 2e, 9 juillet 2009, pourvoi n° 06-46220, publié) qu'une cour d'appel qui, tenue de vérifier la régularité de sa saisine, constate que l'appel d'un jugement a été formé devant une cour dans le ressort de laquelle n'est pas située la juridiction dont émane la décision attaquée, en déduit exactement que l'appel n'est pas recevable.
10. Toutefois, en ce qui concerne la compétence exclusive attribuée en matière commerciale à certaines juridictions, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation, qui jugeait depuis 2013 (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-21089, publié au Bulletin) que, la cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif était sanctionnée par une fin de non-recevoir, laquelle devait être relevée d'office (Com., 31 mars 2015, pourvoi n° 14-10016, Bull. 2015, IV, n° 59) a, dans un arrêt du 18 octobre 2023 (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15378, publié au Bulletin), jugé que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2, du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 de ce code, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
11. Depuis un arrêt du 29 janvier 2025 (Com., 29 janvier 2025, pourvoi n° 23-15.842, publié au Bulletin), elle juge que la règle d'ordre public découlant de l'application combinée des mêmes articles, désignant la cour d'appel de Paris seule compétente pour connaître des décisions rendues par lesdites juridictions, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
12. Ces évolutions conduisent la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à reconsidérer sa jurisprudence, lorsque la déclaration d'appel est remise à une cour d'appel qui n'est pas celle matériellement exclusivement compétente.
13. Il convient, en conséquence de juger désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 311-15 et D. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, désignant les seules juridictions mentionnées par ce dernier texte pour connaître de l'application des litiges visés à l'article L. 211-16 du même code, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
14. Une telle interprétation est conforme à la lettre de l'article 33 du code de procédure civile, lequel se réfère à la notion de compétence des juridictions en raison de la matière.
15. Elle est, en outre, de nature à rendre les règles plus simples pour les parties, en mettant fin à une jurisprudence complexe génératrice d'insécurité juridique.
16. Ce revirement de jurisprudence tend à favoriser l'accès au juge d'appel tout en poursuivant l'objectif d'une bonne administration de la justice.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
17. Pour déclarer irrecevable la déclaration d'appel, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement a été notifié à la société le 26 août 2019, retient que la première déclaration d'appel du 18 septembre 2019 devant la cour d'appel de Douai a interrompu le délai d'appel d'un mois. Elle relève, ensuite, que cet appel a été déclaré irrecevable par ordonnance du 1er octobre 2019 et que cette décision d'irrecevabilité a rendu non avenue l'interruption du délai d'appel, de sorte que la société était forclose en interjetant appel devant la cour d'appel d'Amiens par une nouvelle déclaration le 9 octobre 2019.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
18. Si c'est conformément à la doctrine antérieure au présent revirement que la cour d'appel en a déduit que l'appel était irrecevable, celui-ci conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Portée et conséquences de la cassation :
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. Le délai de déféré contre la décision du président de chambre du 1er octobre 2019 n'étant pas expiré, l'interruption du délai d'appel s'est poursuivie, en l'absence de décision irrévocable à cette date, de sorte que l'appel de la société Bk' Construction le 9 octobre 2019 était recevable.
22. Il y a lieu de dire que la procédure se poursuivra devant la cour d'appel d'Amiens, juridiction exclusivement compétente, en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire et régulièrement saisie.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare recevable l'appel interjeté le 9 octobre 2019 par la société Bk' Construction à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Lille du 19 août 2019 ;
DIT que la procédure se poursuivra devant la cour d'appel d'Amiens.
Condamne Mme Z., agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure W. X. aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trois juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.