CA NANCY (2e ch. civ.), 22 juillet 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2597
CA NANCY (2e ch. civ.), 22 juillet 2010 : RG n° 08/01220 ; arrêt n° 2049
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que l'indemnité de résiliation correspondant à 8 % du capital dû conformément aux dispositions de l’article L. 311-30 et D. 311-11 du code de la consommation, n'apparaît pas manifestement excessive au regard du préjudice subi par l'organisme de crédit et ne peut donner lieu à réduction ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 JUILLET 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/01220. Arrêt n° 2049/10. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance d'EPINAL, R.G. n° 11-07-000058, en date du 13 mars 2008,
APPELANTS :
Monsieur X.,
demeurant [adresse], représenté par la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués à la Cour
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse], représentée par la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués à la Cour
INTIMÉ :
CRÉDIT MUTUEL ENSEIGNANT 88 (CME 88),
pris en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sis [adresse], représenté par Maître Thierry GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour, assisté de Maître Olivier COUSIN, avocat au barreau d'EPINAL, substitué à l'audience par Maître Julien MARTIN (EPINAL)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de Chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 24 juin 2010, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. A cette date, le délibéré a été prorogé au 22 juillet 2010.
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 juillet 2010, par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la Deuxième Chambre civile, et par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte du 6 février 2007, le Crédit Mutuel Enseignant 88 a assigné devant le tribunal d'instance d'Epinal Monsieur X. et Madame X. née Y. aux fins de les entendre condamner solidairement à lui payer, outre une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 12.176,42 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,4 % et des cotisations d'assurance vie au taux de 0,50 % restant due au titre du prêt qui leur a été consenti, suivant offre acceptée n° 06900 142XX, portant sur la somme de 15.000 euros remboursable, capital et intérêts au taux de 5,4 % hors assurance, en 120 mensualités de 177,27 euros incluant les primes d'assurance.
La demanderesse a précisé, en réponse aux arguments développés par les défendeurs, que le premier incident de paiement non régularisé date du 30 juin 2006 de sorte qu'elle n'est pas forclose en son action ; que les règlements dont il est fait état ont été affectés au remboursement du crédit, 4 échéances restant impayées au 12 janvier 2007 date d'exigibilité du prêt et qu'enfin, les débiteurs ne justifient pas de circonstances leur permettant de bénéficier de délais de paiement.
Monsieur et Madame X. ont soulevé à titre principal, par application de l’article L. 311-37 du code de la consommation, la forclusion de la demande formée plus de deux ans après que le découvert maximal autorisé de leur compte bancaire ait été dépassé.
Ils ont prétendu par ailleurs que la demanderesse n'a pas tenu compte des 8 règlements de 250 euros effectués de septembre 2006 à avril 2007 dans la perspective d'un règlement amiable ni des échéances des mois d'octobre, novembre et décembre 2006 qui ont été honorées, et sollicité, enfin, des délais de paiement par application de l’article 1244-1 du code civil.
Par jugement en date du 13 mars 2008, déclaré exécutoire par provision, le tribunal a :
- déclaré recevable la demande du Crédit Mutuel Enseignant 88, en relevant qu'il résulte des pièces du dossier que la première échéance impayée non entièrement régularisée est postérieure au 29 juin 2006 de sorte que l'action engagée le 6 février 2007 s'inscrit dans le délai biennal de forclusion, le fait que le découvert autorisé sur le compte bancaire sur lequel étaient prélevées les échéances du prêt ait été dépassé étant sans incidence,
- condamné solidairement Monsieur et Madame X. à payer au Crédit Mutuel Enseignant 88 la somme de 9.949,39 euros (correspondant aux échéances échues impayées au capital restant dû au jour de la déchéance du terme après déduction d'une somme de 2.000 euros versée) majorée des intérêts au taux de 5,4 % à compter du 3 mai 2006 ainsi que la somme de 927,58 euros au titre de la clause pénale majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté Monsieur et Madame X. de leur demande de délais de paiement,
- débouté les parties de leur demande respectivement au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur et Madame X. aux dépens.
Suivant déclaration reçue le 7 mai 2008, Monsieur et Madame X. ont régulièrement relevé appel de ce jugement dont ils ont sollicité l'infirmation, concluant comme suit :
- dire et juger que le Crédit Mutuel Enseignant 88 est forclos en son action,
- [minute page 3] à titre subsidiaire, réduire le montant du capital restant dû, compte tenu des versements effectués soit 9.949,39 euros outre intérêts au taux de 5,4 %,
- réduire l'indemnité sollicitée à de plus justes proportions,
- à titre infiniment subsidiaire, leur accorder les plus larges délais de paiement,
- condamner le Crédit Mutuel Enseignant aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelant que suivant la jurisprudence constante, le prélèvement d'une échéance d'emprunt effectué sur un compte débiteur constitue le point de départ du délai biennal de forclusion si le découvert maximal autorisé est dépassé, le dépassement du découvert autorisé non restauré étant assimilé à la première échéance impayée, manifestant la défaillance de l'emprunteur, les appelants ont fait valoir qu'en l'espèce, alors que l'autorisation de découvert avait été fixée au montant maximum de 1.255 euros, les relevés de février et mars 2004 font apparaître des soldes débiteurs de 1.485 euros et 1.917 euros, excédant largement le découvert autorisé ; que les échéances d'emprunt prélevées à cette date, qui n'ont pas fait l'objet d'une régularisation dans le délai de trente jours, constituent le point de départ du délai biennal de forclusion.
Ils ont prétendu par ailleurs que de septembre 2006 à avril 2007, ils ont versé spontanément à l'organisme de crédit des mensualités de 250 euros afin de combler leur retard ; qu'or une partie de ces versements n'a pas été pris en compte dans le calcul du capital restant dû, seuls 193,3 euros ayant été affectés au remboursement du prêt ; qu'enfin, l'indemnité contractuelle de résiliation de 8 % est manifestement excessive.
La Société Coopérative Crédit Mutuel Enseignant 88 - CME 88 - a conclu au rejet de l'appel principal et formé un appel incident aux fins de voir condamner solidairement Monsieur et Madame X. à lui verser la somme de 11.291,68 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,4 % à compter du 12 janvier 2007 ainsi que la somme de 884,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de la même date outre 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et 800 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'intimée a répliqué que postérieurement à l'échéance de mars 2004, les époux X. ont régularisé leur situation, le compte présentant un solde inférieur au montant du découvert autorisé et que la première échéance impayée non régularisée remonte au mois de septembre 2006.
Elle a ajouté que les virements opérés à hauteur de 1.000 euros par les emprunteurs sur le compte courant postérieurement à janvier 2007 ne peuvent être imputés sur le remboursement du prêt alors qu'ils ont effectué un retrait de 1.000 euros le 7 juillet 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures déposées le 19 février 2010 par Monsieur et Madame X. et le 4 novembre 2009 par le Crédit Mutuel Enseignant 88, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
[minute page 4]
Sur le moyen tiré de la forclusion :
Attendu que suivant offre préalable acceptée en date du 15 mai 2003, la Crédit Mutuel Enseignant 88 a consenti à Monsieur et Madame X. un prêt portant sur la somme de 15.000 euros remboursable, capital et intérêts au taux conventionnel de 5,40 %, par voie de prélèvements mensuels de 177,27 euros à compter du 31 mai 2003 sur le compte dont ils sont titulaires ;
Que la banque leur a consenti sur ledit compte une autorisation de découvert à hauteur de la somme de 1.255 euros, renouvelée le 22 novembre 2004 aux mêmes conditions ;
Attendu qu'il résulte de la jurisprudence constante qu'en présence d'une autorisation de découvert, un prélèvement d'échéance effectué sur un compte débiteur ne vaut paiement que s'il n'y a pas eu dépassement du découvert maximum autorisé par une convention distincte, expresse ou tacite, de sorte que lorsque le prélèvement de l'échéance excède le découvert autorisé, l'échéance ne peut être tenue pour payée et, manifestant la défaillance de l'emprunteur, constitue le point de départ biennal de forclusion prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation, sauf restauration ultérieure du découvert, le point de départ du délai étant alors reporté à la première échéance impayée après régularisation ;
Attendu que l'historique des mouvements du compte bancaire fait apparaître un dépassement du découvert autorisé à compter du mois de janvier 2004, le compte accusant ainsi un solde débiteur de 2.097 euros au jour du prélèvement de l'échéance du 20 janvier 2004, un solde débiteur de 1.482 euros au 20 février 2004, un solde débiteur de 1.435 euros au 20 mars 2004, et ce jusqu'à l'échéance d'octobre 2004, date à laquelle le découvert a été rétabli dans les limites permises ; que jusqu'en mars 2005, le débit du compte n'a pas excédé le maximum autorisé ; qu'à compter du prélèvement de l'échéance de mars 2005, le découvert autorisé a été constamment dépassé sans qu'aucune régularisation n'intervienne ;
Attendu que l'assignation ayant été délivrée le 6 février 2007, soit dans le délai de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé survenu après régularisation, soit du prélèvement de l'échéance de mars 2005, il n'y a pas lieu à forclusion ;
Sur le montant de la créance :
Attendu qu'il résulte du courrier de mise en demeure adressé aux emprunteurs le 3 mai 2006, après déchéance du terme, que la créance du Crédit Mutuel Enseignant s'établit à la somme de 11.949,39 euros soit :
- capital restant dû : 11.594,71 euros,
- échéances impayées : 354,68 euros ;
Attendu que la banque ne conteste pas que Monsieur et Madame X. ont effectué à compter du mois de septembre 2006 et jusqu'au 7 mai 2007, divers versements de 250 euros ainsi qu'un versement de 200 euros, pour un total de 2.000 euros, en vue d'apurer le solde dû au titre du prêt litigieux ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge a déduit ladite somme de 2.000 euros, le retrait de 1.000 euros opéré par les époux X. de leur compte bancaire le 7 juillet 2007 ne pouvant entrer en ligne de compte pour le calcul de la créance au titre du prêt ;
[minute page 5] Attendu que l'indemnité de résiliation correspondant à 8 % du capital dû conformément aux dispositions de l’article L. 311-30 et D. 311-11 du code de la consommation, n'apparaît pas manifestement excessive au regard du préjudice subi par l'organisme de crédit et ne peut donner lieu à réduction ;
Attendu enfin, la durée de la procédure ayant permis aux débiteurs de bénéficier de fait de larges délais de paiement, qu'il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande sur le fondement de l’article 1244 du code civil ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par la banque tendant au paiement de dommages et intérêts, le fait pour les appelants principaux de s'être mépris sur l'étendue de leur droit et d'avoir exercé les voies de recours prévues par la loi n'étant en rien constitutif d'abus de procédure ;
Que l'équité ne commande pas par ailleurs qu'il soit fait application au profit du Crédit Mutuel Enseignant 88 des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui succombe en son appel incident ;
Que Monsieur et Madame X. qui succombent en leur appel principal seront déboutés de leur demande sur ce même fondement et condamnés aux entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit Monsieur X. et Madame X. née Y. en leur appel principal et le Crédit Mutuel Enseignant 88 en son appel incident contre le jugement rendu le 13 mars 2008 par le tribunal d'instance d'Epinal,
Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions ;
Déboute le Crédit Mutuel Enseignant 88 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur et Madame X. aux entiers dépens et autorise Maître Grétéré, avoué, à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages