CA AMIENS (5e ch. soc. B), 21 mai 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2621
CA AMIENS (5e ch. soc. B), 21 mai 2008 : RG n° 07/01135
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'une clause du contrat de travail prévoit la possibilité de mettre à disposition du salarié, par nécessité de service, un téléphone portable, précisant que le coût des communications au-delà de 50 minutes par mois serait à la charge du salarié ; que ce dernier jugeant cette clause abusive réclame le remboursement des communications téléphoniques prélevées sur son salaire de mai 2002 à octobre 2003 ;
Attendu que les frais engagés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse du contrat de travail ne prévoit aucune dérogation à ce principe et permet en outre à l'employeur de laisser à la charge du salarié les communications d'ordre professionnel qui dépasseraient la limite mensuelle de 50 minutes de communication ; qu'il ne résulte pas des pièces produites par l'employeur que les déductions opérées unilatéralement concernent des communications personnelles du salarié ; que dès lors la décision déférée doit être infirmée de ce chef et l'employeur condamné à payer au salarié la somme qu'il réclame en remboursement des retenues sur salaire à ce titre, soit 111,51 euros ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
CINQUIÈME CHAMBRE SOCIALE CABINET B
ARRÊT DU 21 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01135. JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'ABBEVILLE en date du 16 novembre 2005.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SARL CARS L'OISEAU BLEU
[adresse], Représentée, concluant et plaidant par Maître Thierry VANDERMEEREN, avocat au barreau de LILLE.
ET :
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse], Représenté, concluant et plaidant par Maître Pascal BIBARD, avocat au barreau d'AMIENS.
DÉBATS : [minute Jurica page 2] À l'audience publique du 5 février 2008 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme LECLERC-GARRET, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 7 mai 2008, pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme LECLERC-GARRET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de : Mme DARCHY, Président de chambre, Mme SEICHEL, Conseiller, qui en a délibéré conformément à la loi. À l'audience publique du 7 mai 2008, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 21 mai 2008 pour prononcer l'arrêt.
PRONONCÉ : À l'audience publique du 21 mai 2008, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et Mme LEROY, Greffier, présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Vu le jugement en date du 16 novembre 2005 par lequel le conseil de prud'hommes d'ABBEVILLE, statuant dans le litige opposant Monsieur X. à la société SARL LES CARS L'OISEAU BLEU a condamné cette dernière au paiement de diverses sommes à titre de rappel de frais de gestion, rappel de prime d'ancienneté, rappel de salaire sur coupure à 50 %, dommages-intérêts pour requalification en contrat à durée indéterminée, dommages-intérêts pour préjudice subi pour retard de paiement, rappel de prime de bonne conduite, rappel de congés payés, rappel de repos compensateur outre 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté le demandeur de ses autres demandes ;
Vu l'appel interjeté le 23 novembre 2005 par la société LES CARS L'OISEAU BLEU de cette décision ;
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de céans du 7 mars 2007 qui a ordonné la radiation de l'affaire inscrite au répertoire général sous le numéro 06/02705 ;
Vu la lettre recommandée du 23 février 2007 par laquelle Monsieur X. a sollicité la reprise d'instance et la réinscription de l'affaire au rôle ;
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 5 février 2008 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
[minute Jurica page 3] Vu les conclusions enregistrées au greffe le 7 mars 2007, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles l'appelante sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté le demandeur de sa demande de résolution judiciaire du contrat de travail, de ses demandes de rappel de salaires de décembre 2003 à février 2004 inclus, de rappel des acomptes non perçus pour la période de janvier 2004 à avril 2004, de rappel des communications téléphoniques mais son infirmation en ce qu'il a été statué comme indiqué ci-dessus, et demande en outre une indemnité de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, aux motifs essentiellement :
- que l'employeur n'a pas violé les dispositions relatives au motif du contrat à durée déterminée et au délai de carence entre deux contrats,
- que les frais de gestion retenus ont été générés par des avis à tiers détenteurs,
- que la prime d'ancienneté, la prime de bonne conduite, les rappels de salaires sur coupure ne sont pas justifiés, pas plus que les dommages-intérêts pour préjudice subi pour retard de versement de salaires et déduction indue de sommes, l'employeur n'étant pas responsable du préjudice le cas échéant,
- que les rappels de congés payés et de repos compensateurs ne sont pas fondés comme ayant été soldés au moment du licenciement ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 5 février 2008, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Monsieur X. réfutant les moyens et argumentation de la partie appelante sollicite la confirmation du jugement entrepris pour les chefs de demande auxquels il a été fait droit et l'infirmation pour ceux dont il a été débouté, réclame en conséquence la condamnation de l'appelant à lui payer les sommes mentionnées au dispositif de ses conclusions à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour licenciement irrégulier, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de rappel de salaires pour acomptes non perçus de janvier à avril 2004, de rappel de salaires de novembre 2003 à février 2004, de rappel des communications téléphoniques retenues par l'employeur, outre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance :
- que la requalification des contrats à durée déterminée est fondée au regard des articles L. 122-1 et L. 122-3-13 du code du travail,
- que les rappels de salaires réclamés sont justifiés puisque l'employeur ne pouvait effectuer de compensation avec les sommes qu'il estimait indues au titre des indemnités journalières versées initialement pour maladie professionnelle,
- que les primes d'ancienneté, les rappels de frais de gestion, les rappels de salaires pour acomptes non perçus, les primes de bonne conduite, les rappels sur congés payés et repos compensateurs sont bien dus au salarié,
- que les coupures à 50 % ne pouvaient être remplacées par des repos compensateurs à récupérer par le salarié,
- que la clause du contrat de travail visant les communications téléphoniques restant à la charge du salarié est abusive,
- que le préjudice subi en raison du retard dans le versement des salaires est bien imputable à l'employeur qui doit le réparer,
- [minute Jurica page 4] qu'enfin la demande de résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est parfaitement fondée, ce qui rend le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et la procédure irrégulière, avec toutes les conséquences financières de la rupture à la charge de l'employeur ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que Monsieur X. a été embauché par la société LES CARS L'OISEAU BLEU en qualité de conducteur à compter du 2 mai 2001 au terme de deux contrats à durée déterminée et d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 30 juillet 2001, modifié en contrat à temps plein par avenant du 20 décembre 2001, puis par avenant du 13 mai 2003 confiant au salarié des fonctions de conducteur receveur ;
Attendu que le 22 mars 2002 le salarié était victime d'un accident de travail et placé en arrêt de travail pour un mois ; qu'il a été ensuite reconnu travailleur handicapé à plus de 50 % et moins de 80 % par décision du 22 mai 2003 ; qu'à compter du mois de mai 2003 il était en arrêt maladie pour une opération du canal carpien de la main gauche ;
Attendu que contestant les salaires versés par son employeur pendant l'arrêt maladie, Monsieur X. saisissait le conseil de prud'hommes en référé en janvier 2004 puis au fond le 28 juin 2004 ; que par jugement du 16 novembre 2005, dont appel, le conseil de prud'hommes s'est déterminé comme indiqué ci-dessus ;
Attendu enfin que le 11 août 2006 Monsieur X. a été licencié pour inaptitude ;
- Sur l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée :
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le premier contrat à durée déterminée, du 2 mai 2001 au 30 juin 2001 en qualité de conducteur de car coefficient G7 - 131 V, a été conclu sans indication dans le contrat du motif de recours au contrat à durée déterminée, en violation des dispositions de l'article L. 122-1-1 du code du travail ; que le second contrat à durée déterminée signé le 11 juillet 2001 en qualité de chauffeur coefficient G7 C131V pour 17 jours,pour surcroît temporaire d'activité - transport d'enfants pour le centre aéré de la ville de Roubaix, a été conclu sans respecter le délai de carence prévu à l'article L. 122-3-13 du code du travail ; que le moyen tenant au respect du délai de carence eu égard à la nature différente des postes est inopérant, du fait du défaut d'indication du motif de recours au premier contrat à durée déterminée et partant du poste concerné ;
Attendu dès lors qu'en application de l'article L. 122-3-13 du code du travail les contrats à durée déterminée sont réputés conclus à durée indéterminée ; que la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a exactement apprécié l'indemnité de requalification due au salarié ;
- Sur les autres demandes salariales :
Attendu que Monsieur X. sollicite le rappel des coupures à 50 % dont le remboursement a été opéré, à tort selon lui, par l'employeur pour la période d'avril à juin 2003 (199,98 euros), en mars 2004 (100,03 euros), en mai 2004 (120,47 euros) ; que ce dernier aurait remplacé les coupures acquises par des repos compensateurs, de surcroît pendant l'arrêt maladie du salarié ;
Attendu que s'il résulte du dossier que des coupures à 50 % ont bien été déduites du salaire, comme payées à tort par l'employeur, ce dernier produit les dispositions de la convention collective applicable, laquelle prévoit que dans le cas particulier où le salarié bénéficie d'une rémunération effective fixée sur la base d'un horaire théorique déterminé, cette rémunération effective comprend tous les éléments de rémunération, y compris les sommes versées au titre de l'indemnisation des [minute Jurica page 5] coupures ;
Attendu que Monsieur X. bénéficiant aux termes de l'avenant du 13 mai 2003 d'une rémunération mensuelle fixe sur la base de 151H57, dès lors la société LES CARS L'OISEAU BLEU était fondée à récupérer les coupures à 50 % sur les périodes susmentionnées ; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef et Monsieur X. débouté de sa demande à ce titre ;
Attendu que le salarié sollicite ensuite un rappel de prime d'ancienneté de novembre 2003 à juin 2004 ; qu'il résulte des pièces du dossier que Monsieur X. a été privé à compter de novembre 2003 de la prime d'ancienneté à laquelle il pouvait prétendre à compter de deux années de présence dans l'entreprise ; que si cette prime apparaît bien sur les bulletins de salaires de juillet 2003 à octobre 2003 inclus elle est ensuite supprimée sans explication ; que le salarié étant en droit de prétendre au paiement de la prime de novembre 2003 à juin 2004, l'employeur sera condamné, au vu des bulletins de salaires produits pour la période considérée, au paiement d'une somme de 196,08 euros brut et le jugement déféré infirmé quant au quantum alloué ;
Attendu que Monsieur X. réclame également un rappel de prime de bonne conduite de février 2002 à août 2002, laquelle prime ne pouvait faire l'objet d'un retrait unilatéral de l'employeur ;
Attendu qu'au vu des bulletins de salaires versés aux débats, la décision des premiers juges, dont la motivation exacte et pertinente ne peut qu'être adoptée par la Cour sera confirmée de ce chef ;
Attendu encore que Monsieur X. demande un rappel des frais de gestion de 0,76 euros prélevés sur son salaire pendant quatorze mois ; que la société LES CARS L'OISEAU BLEU soutient que le prélèvement de frais de gestion est justifié par les frais d'avis à tiers détenteur, imputables au salarié et non à l'employeur, que toutefois l'employeur ne l'établit par aucune pièce ; qu'en conséquence la décision entreprise doit être confirmée ;
Attendu qu'une clause du contrat de travail prévoit la possibilité de mettre à disposition du salarié, par nécessité de service, un téléphone portable, précisant que le coût des communications au-delà de 50 minutes par mois serait à la charge du salarié ; que ce dernier jugeant cette clause abusive réclame le remboursement des communications téléphoniques prélevées sur son salaire de mai 2002 à octobre 2003 ;
Attendu que les frais engagés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse du contrat de travail ne prévoit aucune dérogation à ce principe et permet en outre à l'employeur de laisser à la charge du salarié les communications d'ordre professionnel qui dépasseraient la limite mensuelle de 50 minutes de communication ; qu'il ne résulte pas des pièces produites par l'employeur que les déductions opérées unilatéralement concernent des communications personnelles du salarié ; que dès lors la décision déférée doit être infirmée de ce chef et l'employeur condamné à payer au salarié la somme qu'il réclame en remboursement des retenues sur salaire à ce titre, soit 111,51 euros ;
Attendu enfin que Monsieur X. demande le paiement des acomptes non perçus pour la période de janvier 2004 à avril 2004 soutenant ne jamais avoir reçu sur son compte bancaire les acomptes en question ; qu'il résulte cependant des pièces versées par l'employeur, non utilement contredites par le salarié, que les ordres de virement sur le compte de Monsieur X., correspondant aux sommes contestées, ont bien été donnés à la banque par l'employeur ; qu'ainsi la [minute Jurica page 6] décision entreprise doit être confirmée par adoption des motifs exacts des premiers juges sur ce point ;
- Sur les rappels de salaires de novembre 2003 à février 2004, la demande de dommages-intérêts pour préjudice à ce titre, la demande de résolution judiciaire du contrat de travail :
Attendu que Monsieur X. a été indemnisé, suite à son arrêt maladie du 13 mai 2005, au titre de la maladie professionnelle, son employeur ayant subrogation pour percevoir les indemnités journalières et verser en contrepartie les indemnités journalières avec un complément AG2R ;
Attendu que la société LES CARS L'OISEAU BLEU informée par la CPAM le 13 novembre 2003 du refus de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels a entendu récupérer la différence entre les indemnités journalières déjà versées au salarié à ce titre et les indemnités journalières sans majoration qu'aurait dû percevoir son salarié au titre du régime de maladie de droit commun; qu'à cet effet l'employeur a estimé de son propre chef le trop perçu par le salarié à la somme de 1.531,39 euros ; que réglant néanmoins à Monsieur X. les indemnités journalières servies par la sécurité sociale, la société LES CARS L'OISEAU BLEU a procédé à des retenues sur le complément AG2R pour récupérer par compensation à titre de « régularisation en moins en remboursement sur IJ trop perçues » les sommes de 1.084,28 euros en décembre 2003, de 351,49 euros en janvier 2004, de 95,62 euros en février 2004 ;
Attendu que le salarié conteste la validité de la compensation opérée ; que l'employeur la justifie, s'agissant de sommes indûment perçues s'apparentant plus à des acomptes qu'à des avances, ce qui permettrait la compensation prévue par l'article L. 144-2 du code du travail ;
Attendu cependant que la compensation des dettes réciproques est définie par les articles 1289 et suivant du code civil, peu important qu'il s'agisse d'avances ou d'acomptes dont les articles L. 144-2 et L. 145-2 du code du travail ne fixent que la limite ; que la compensation suppose au préalable des dettes certaines, liquides et exigibles, les conditions de celle ci n'étant pas réunies tant que l'une des créances est litigieuse ;
Attendu qu'il ressort du dossier que dès début janvier Monsieur X. contestait ses fiches de paie et réclamait à son employeur le montant des salaires garantis de novembre et décembre 2003 ; que dès le 12 janvier 2004 il saisissait en référé le conseil de prud'hommes pour l'obtenir; que la formation de référé se déclarait incompétente par décision du 26 janvier 2004 motif pris d'une contestation sérieuse; que cependant l'employeur continuait à procéder à la compensation contestée sur les salaires de janvier et février 2004 ;
Attendu qu'en l'état des démarches effectuées par le salarié, la créance de l'employeur ne présentait pas un caractère certain et liquide autorisant le jeu de la compensation, peu important que le salarié ait été pénalisé ou non sur le montant total des sommes qu'il devait percevoir à l'époque ; que ce dernier est dès lors fondé à réclamer le paiement des sommes indûment retenues par son employeur sur la période de décembre 2003 à février 2004, soit 1.531,39 euros, correspondant à la régularisation estimée par l'employeur sur la période de juin à novembre 2003 inclus ; que s'agissant du salaire de novembre 2003, le montant qu'aurait dû percevoir le salarié a été pris en compte au titre du calcul de régularisation opéré ; que le remboursement ordonné par la Cour ne permet pas de faire droit à la demande en paiement de la somme de 1.225,49 euros incluse dans celui ci ;
Attendu encore que Monsieur X. réclame des dommages-intérêts pour le préjudice subi résultant du retard dans le versement des salaires et de la déduction indue de sommes ; que le remboursement des sommes retenues à tort par l'employeur étant ordonné par la Cour et les condamnations emportant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances de nature salariale, le préjudice allégué par le salarié est ainsi réparé, aucun préjudice distinct de celui résultant du retard dans le [minute Jurica page 7] paiement des salaires garantis n'étant établi par les pièces versées au dossier ; qu'il convient de réformer la décision entreprise de ce chef ;
Attendu enfin que Monsieur X. sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que le Conseil de Prud'hommes s'est prononcé le 16 novembre 2005 sur la demande du salarié, lequel a été licencié le 10 août 2006 ;
Attendu qu'il ressort du dossier que le salarié n'a rien perçu en novembre 2003, les indemnités journalières de novembre lui ayant été versées par l'employeur avec celles de décembre 2003, que les retenues opérées en décembre 2003, janvier et février 2004 sur le complément AG2R qui découle d'un engagement contractuel de l'employeur pendant les périodes de maladie du salarié, ont excédé la fraction saisissable du salaire, telle qu'appréciée par les premiers juges dans leur décision ;
Attendu qu'en procédant à une compensation sur quatre mois, dans des conditions juridiquement contestables, malgré les protestations du salarié dès le deuxième mois, lequel s'est trouvé brusquement dans une situation précaire, l'employeur a agi avec une précipitation blâmable constituant un manquement grave aux obligations découlant du contrat de travail s'agissant du versement des salaires et des indemnités complémentaires AG2R ; que la décision déférée sera infirmée de ce chef et la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur ;
Attendu que la résiliation judiciaire prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la date de la rupture du contrat de travail ne peut être fixée à la date de la décision la prononçant, comme le sollicite le salarié, que si ce dernier est toujours au service de son employeur ; qu'en l'espèce le salarié ayant été licencié après avoir interjeté appel de la décision rejetant sa demande de résiliation judiciaire, la date de la rupture du contrat de travail est intervenue le 11 août 2006, date d'envoi de la lettre de licenciement de Monsieur X. ;
- Sur les conséquences indemnitaires et salariales de la rupture :
Attendu que justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Monsieur X. peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail ; qu'en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge au moment du licenciement, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à trouver un nouvel emploi, la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 8.000 euros ;
Attendu que Monsieur X. réclame des dommages intérêts pour l'irrégularité de la procédure de licenciement ; que cependant en demandant une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail le salarié congédié invoque le maximum de droits auxquels il peut prétendre en application de cet article ; que Monsieur X. sera débouté de sa demande à ce titre étant tenu compte du montant de l'indemnité allouée au titre de l'article susvisé ;
Attendu qu'il convient de faire application de l'article L. 122-14-4 deuxième alinéa et d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes Assedic des indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement, dans la limite de trois mois de prestations ;
Attendu que le licenciement du salarié étant intervenu le 11 août 2006, il ressort des pièces du dossier, notamment du reçu pour solde de tout compte et du dernier bulletin de salaire, que les demandes [minute Jurica page 8] d'indemnité conventionnelle de licenciement, de solde de congés payés et de solde de repos compensateurs sont désormais sans objet pour avoir été réglées au moment de la rupture du contrat de travail ; qu'en conséquence la décision des premiers juges doit être infirmée concernant les congés payés et les repos compensateurs soldés alors que le contrat de travail du salarié n'était pas rompu mais suspendu ;
Attendu que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois et les congés payés y afférents réclamés par le salarié, il convient de rappeler que le salarié était en arrêt maladie au moment de son licenciement, que si ce fait ne prive pas le salarié de l'indemnité compensatrice à laquelle il peut prétendre sur le fondement de l'article L. 122-8 du code du travail, il convient toutefois d'en déduire les indemnités journalières d'assurance maladie perçues pendant la période de préavis et de calculer en conséquence les congés payés afférents au préavis ;
Attendu que Monsieur X. sollicite la communication des documents de fin de contrat rectifiés ; qu'il convient compte tenu de la présente décision de faire droit à cette demande ; que toutefois au vu des éléments de la cause il convient d'ordonner la remise des documents sollicités sans faire droit à la demande d'astreinte ;
Attendu que succombant pour l'essentiel en ses prétentions la société LES CARS L'OISEAU BLEU sera condamnée à verser à Monsieur X. une indemnité complémentaire de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'elle sera déboutée de sa demande d'indemnité à ce titre et supportera l'intégralité des dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels principal et incident réguliers en la forme
Au fond,
Confirme le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur le tout et y ajoutant,
- Requalifie les contrats à durée déterminée des 2 mai 2001 et 11 juillet 2001 en contrats à durée indéterminée,
- Condamne la société LES CARS L'OISEAU BLEU à payer à Monsieur X. les sommes suivantes :
* 1.225,49 euros au titre de l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
* 10,64 euros au titre du rappel des frais de gestion ;
* 535,49 euros net de rappel de prime de bonne conduite,
* 196,08 euros brut à titre de rappel de prime d'ancienneté,
* [minute Jurica page 9] 111,51 euros au titre du remboursement des retenues sur salaire pour frais téléphoniques,
* 1.531,39 euros au titre des retenues opérées indûment de décembre 2003 à février 2004,
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X. aux torts de la société LES CARS L'OISEAU BLEU à effet au 11 août 2006, date du licenciement du salarié,
- En conséquence condamne la société LES CARS L'OISEAU BLEU à payer à Monsieur X. les sommes :
* de 8.000 euros en application de l'article L. 122-14-4 du code du travail,
* de 2.450,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, dont à déduire les indemnités journalières versées au salarié pendant les deux mois de préavis,
* de 245,09 euros au titre des congés payés afférents au préavis, dont à déduire 10 % des indemnités journalières d'assurance maladie perçues pendant la durée du préavis ;
- Ordonne le remboursement par la société LES CARS L'OISEAU BLEU aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur X. du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités ;
- Précise que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances de nature salariale, à compter de la présente décision pour toute autre somme,
Déboute Monsieur X. de ses demandes :
- de rappel de coupures à 50 %,
- de dommages intérêts pour retard dans le versement des salaires et déduction de sommes indues,
- de dommages intérêts pour irrégularité de procédure,
- de rappel de congés payés et de rappel de repos compensateurs,
- d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- Ordonne la remise par la société LES CARS L'OISEAU BLEU à Monsieur X. d'une attestation ASSEDIC et de bulletins de paie rectifiés compte tenu des sommes allouées par la cour ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société LES CARS L'OISEAU BLEU à payer à Monsieur X. la somme complémentaire de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil (soit 1.500 euros pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel),
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT