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CA ANGERS (ch. com.), 19 octobre 2010

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. com.), 19 octobre 2010
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. com.
Demande : 09/01148
Date : 19/10/2010
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2630

CA ANGERS (ch. com.), 19 octobre 2010 : RG n° 09/01148

Publication : Jurica

 

Extrait : « La jurisprudence est constante pour décider que ce texte, qui ne vise que le démarchage accompli auprès d'une personne physique exclut en conséquence de la protection érigée par les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation les personnes morales. Le fait que l'article L. 121-22 du même code ait, a contrario, notamment fait profiter de la protection légale les locations ou locations-ventes de biens ou prestations de services lorsqu'elles n'ont pas un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation artisanale ne doit pas être interprétée comme une condition supplémentaire à celle qui résulte de l'article L. 121-21 excluant les personnes morales, sauf à vider cet article de son sens. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/01148. Jugement du 23 mars 2009 Tribunal de Commerce du MANS R.G. n° 08/000989.

 

APPELANTE :

LA SA RISC GROUP

représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE, avoués à la Cour - n° du dossier 00009082, assistée de Maître MARQUET, avocat au barreau d'ANGERS substituant Maître ELKAIM, avocat au barreau de LYON.

 

INTIMÉE :

LA SARL PERRICHER-BIZIÈRE

représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour - n° du dossier 32114, assistée de Maître Alain DUPUY, avocat au barreau du MANS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 septembre 2010 à 13 H 45 en audience publique, Monsieur VALLEE, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de : Monsieur DELMAS-GOYON, Premier Président, Monsieur VALLEE, Président de chambre, Madame SCHUTZ, Conseiller, qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 19 octobre 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ; signé par Monsieur DELMAS-GOYON, Premier Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Perricher-Bizière, qui a une activité commerciale de charpente-couverture a passé contrat avec la société Risc Group un contrat d'abonnement de télésauvegarde sécurisée et de location de matériel informatique aux termes duquel la société s'engageait à verser un loyer mensuel de 180 euros HT pendant une durée irrévocable de 48 mois après règlement d'un forfait d'installation de 1.000 euros HT et 1.196 TTC.

En conformité avec les dispositions de l'article 14 des conditions générales de location, la société Risc Group a cédé le matériel loué à la société Parfip le 30 novembre 2007.

Par lettre du 6 décembre 2007, la société Perricher-Bizière a demandé à la société Risc-Group la résiliation du contrat eu égard au tarif excessif pratiqué et le remboursement du premier versement ainsi qu'à la restitution de trois chèques émis le 30 novembre.

Par courrier du 14 décembre 2007, la société Risc Group a refusé cette demande de résiliation anticipée rappelant que le contrat qui liait la société Perricher à Parfip et Risc Group était un contrat de location longue durée signé pour une durée ferme et irrévocable de 48 mois.

Par lettre du même jour, la société Perricher a fait auprès de sa banque opposition aux quatre chèques qu'elle avait remis en paiement de la facture d'installation et au prélèvement mis en place.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2008, la société Risc Group a adressé à la société Perricher une mise en demeure afin d'obtenir le règlement du solde dû concernant les frais d'installation.

Par acte du 11 février 2008, la société Perricher-Bizière a assigné la société Risc Group devant le tribunal de commerce du Mans aux fins de voir constater la nullité du contrat d'abonnement du 30 novembre 2007 et remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature du contrat litigieux.

Par jugement en date du 23 mars 2009, le tribunal de commerce du Mans a constaté la nullité du contrat du 30 novembre 2007 et remis les deux parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature du contrat.

 

LA COUR

Vu l'appel formé contre ce jugement par la société Risc Group ;

Vu l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état, en date du 10 février 2010, ayant déclaré recevable l'appel de la société Risc Group ;

Vu les dernières conclusions du 4 juin 2010 aux termes desquelles la société Risc Group demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de confirmer l'ordonnance rendue par le magistrat chargé de la mise en état, réformer le jugement dans toutes ses dispositions, rejeter la demande de nullité du contrat, condamner la société Perricher-Bizière à verser à la société Risc Group le solde d'un montant de 896 euros correspondant aux frais d'installation et ce, assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2008, prononcer la résiliation aux torts exclusifs de la société Perricher-Bizière, condamner la société Perricher-Bizière à payer à la société Risc Group la somme de 1.425,60 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

Vu les dernières conclusions du 18 mars 2010 aux termes desquelles la société Perricher-Bizière demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de déclarer la société Risc Group irrecevable en son appel et subsidiairement l'y déclarer mal fondé et confirmer le jugement entrepris au besoin par substitution de motifs en ce qu'il a débouté la société Risc Group de toutes prétentions sauf à réduire celles-ci à l'euro symbolique ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Discussion :

- Sur la recevabilité de l'appel :

La société Perricher rappelle que la qualification inexacte du jugement est sans conséquence et que la société Risc Group fait valoir elle-même l'indépendance des contrats de location et de prestation qui seule la concerne pour un loyer représentant 15 % du montant figurant aux conditions particulières de sorte qu'elle ne réclame qu'un montant de 1.425,60 euros au titre de l'inexécution, montant nettement inférieur au taux de 4.000 euros en deçà duquel la juridiction consulaire statue en dernier ressort ; que selon la propre démonstration de la société Risc Group la convention liant les parties portait sur la somme de 1.296 euros ; que la demande tendant à la résolution ou la nullité du contrat est déterminée par la valeur du contrat.

La société Risc Group rétorque que lorsque le tribunal de commerce est saisi d'une demande en annulation ou en résolution d'un contrat, alors même que le prix de la chose vendue ou de la prestation fournie serait inférieur au taux du ressort, il statue exclusivement en premier ressort.

L’article R. 721-6 du code de commerce dispose que le tribunal de commerce connaît en dernier ressort des demandes jusqu'à la valeur de 4.000 euros. Il s'en déduit qu'un jugement qui statue sur de tels chefs de demande n'est pas susceptible d'appel.

L’article 40 du code de procédure civile dispose que le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf dispositions contraires, susceptible d'appel. La jurisprudence est constante pour estimer que les demandes en nullité ou en résiliation d'un contrat sont par nature indéterminées.

Or, en l'espèce, force est de constater que le tribunal de commerce a été saisi à titre principal d'une demande de nullité du contrat d'abonnement du 30 novembre 2007 et à titre reconventionnel d'une demande de résiliation de ce contrat.

Dès lors, il importe peu qu'en défense à l'action principale en nullité la société Risc Group ait fait valoir que, suite à une cession du matériel à une autre société, la convention liant les parties, réduite à la seule prestation de maintenance, ne portait plus que sur une somme inférieure à 4.000 euros dont elle réclamait paiement, puisque c'est la qualification juridique de la demande principale en nullité qui confère à celle-ci le caractère indéterminé exigé par l’article 40 du code de procédure civile précité. Il s'ensuit que l'appel doit être déclaré recevable.

 

- Sur la nullité du contrat :

La société Risc Group fait valoir que la société Perricher-Bizière ne peut invoquer les dispositions relatives au démarchage qui sont inapplicables aux personnes morales (article L. 121-21 du code de la consommation) et aux prestations de services et locations ventes de biens en rapport avec les activités professionnelles (article L. 121-22 du code de la consommation) ; que le tribunal de commerce a considéré à tort que le caractère de rapport direct avec l'activité n'était pas établi en raison d'une absence de spécificité informatique de l'activité de charpentier-couvreur alors que celle-ci a une compétence indéniable en la matière ; que la société Perricher-Bizière a bien signé le contrat, approuvé les conditions générales et particulières, signé un procès verbal d'installation et de livraison le 30 novembre 2007 et remis des chèques.

La société Perricher réplique que les règles du démarchage s'appliquent dans la mesure où il ne s'agit pas d'une prestation en rapport avec son activité professionnelle et qu'il a été jugé de l'absence de lien entre le contrat financé et l'activité professionnelle d'une personne morale ; que les deux originaux des contrats détenus par les parties ne sont pas identiques, elle même ne possédant qu'un exemplaire non signé de son cocontractant.

Selon les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation, est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.

La jurisprudence est constante pour décider que ce texte, qui ne vise que le démarchage accompli auprès d'une personne physique exclut en conséquence de la protection érigée par les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation les personnes morales. Le fait que l'article L. 121-22 du même code ait, a contrario, notamment fait profiter de la protection légale les locations ou locations-ventes de biens ou prestations de services lorsqu'elles n'ont pas un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation artisanale ne doit pas être interprétée comme une condition supplémentaire à celle qui résulte de l'article L. 121-21 excluant les personnes morales, sauf à vider cet article de son sens.

Il résulte des propres pièces produites par l'intimée qu'elle est constituée en la forme d'une SARL et qu'elle est dotée à ce titre de la personnalité morale. Il s'ensuit, que les conditions de vente du démarcheur ne lui ayant pas étendu contractuellement le dispositif légal, infirmant la décision des premiers juges, la cour ne peut que rejeter la demande de nullité de la convention du chef de la violation des dispositions du code de la consommation en matière de démarchage.

La société Risk Group produit la photocopie du contrat litigieux sur laquelle figure, à la place réservée au locataire, la signature du dirigeant de la SARL Perricher ainsi que le cachet de cette société. Figure également sur ce document, à la place réservée au prestataire, la signature de Madame X., déléguée Marketting de la société Risc Security ainsi que le cachet de la société Risc Group.

De son côté, la société Perricher produit une photocopie du même contrat sur laquelle ne figure que la signature de son dirigeant et le tampon de cette société à l'exclusion de la signataire de Madame X. et des tampons des sociétés Risc Security et Risc Group.

Si l’article 1325 du code civil dispose que les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, il n'en demeure pas moins qu'il suffit que l'exemplaire détenu par une partie porte la signature de l'autre sans qu'il soit nécessaire que chaque original soit signé par toutes les parties pour qu'un tel document ait force probante. En outre, l'exécution même partielle de la convention permet d'écarter la nullité de l'acte. Or, il est versé aux débats le procès verbal d'installation du matériel du 30 novembre 2007 signé par le prestataire et le gérant de la SARL Perricher avec le tampon de cette société. Enfin, il est tout aussi constant que la société intimée a, le même jour, établi plusieurs chèques d'un montant de 1.000 euros et signé une autorisation de prélèvements sur son compte. L'ensemble de ces éléments imposent de considérer valable son engagement et de rejeter ce moyen.

 

- Sur la demande reconventionnelle :

À l'appui de sa demande reconventionnelle, la société Risc Group fait valoir qu'à la suite de la cession par elle du matériel loué à la société Parfip qui n'a pas été appelée à la cause et qui seule peut demander l'exécution du contrat de location, l'intimée est toutefois restée redevable d'une prestation de maintenance en vertu de l'article 14 du contrat d'abonnement de télésauvegarde sécurisée indépendant de tout contrat de prestation ou de location conclu ou à conclure avec l'abonné. Elle s'appuie sur l'article 11 des conditions générales de la convention pour solliciter une indemnité de résiliation qu'elle cantonne à la seule prestation de maintenance, c'est à dire à 15 % des loyers restant dus avec une majoration de 10 % ;

La société Perricher réplique qu'aucune prestation de cet ordre n'a été exécutée ; que l'indemnité sollicitée s'analyse en une clause pénale qu'il convient de réduire au maximum et qu'il n'y a eu aucun frais d'installation.

En raison de l'inexécution par la société Perricher-Bizière de ses obligations contractuelles, le contrat doit être résilié à ses torts exclusifs. La société intimée n'oppose aucun moyen sur le bien fondé de la demande relative au solde d'un montant de 896 euros correspondant aux frais d'installation du matériel. Il est constant que cette installation a été effectuée. Il convient en conséquence de faire droit à cette demande et de condamner la société Perricher-Bizière au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2008.

L'article 11 des conditions générales du contrat d'abonnement de télésauvegarde sécurisée prévoit, au profit du prestataire de services en cas de résiliation du contrat pour défaut de paiement d'une des mensualités par l'abonné, que celle-ci entraînera de plein droit et sans mise en demeure complémentaire le paiement par l'abonné, sans préjudice de toute mensualité ou somme impayée en vertu du contrat, d'une indemnité de résiliation égale au solde TTC des mensualités restant à échoir à la date de résiliation majorée de 10 %.

Cette clause s'analyse comme une clause pénale. En effet, il s'agit d'une indemnité pour inexécution qui, tant par l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la résiliation du contrat que par la majoration de 10 % de ceux-ci, est stipulée à la fois pour contraindre le débiteur à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le bailleur.

Cette sanction forfaitaire apparaît, eu égard au préjudice subi par la société appelante qui n'a réalisé aucune prestation de service au titre d'une télésurveillance jamais mise en place, manifestement excessive. Elle doit être ramenée à de plus justes proportions et fixée à la somme de 200 euros.

 

- Sur les frais :

L'équité impose de condamner la société Perricher-Bizière à payer à la société Risc Group une somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La société Perricher-Bizière qui succombe doit les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'appel formé par la société Risc Group,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du contrat aux torts de la société Perricher-Bizière,

Condamne la société Perricher-Bizière à payer à la société Risc-Group la somme de 896 euros au titre des frais d'installation, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2008,

Condamne la société Perricher-Bizière à payer à la société Risc-Group la somme de 200 euros au titre de l'indemnité de résiliation,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Perricher-Bizière à payer à la société Risc-Group la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Perricher-Bizière au dépens de première instance et aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PREMIER PRÉSIDENT

D. BOIVINEAU        P. DELMAS-GOYON