CA NÎMES (ch. soc.), 13 janvier 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2676
CA NÎMES (ch. soc.), 13 janvier 2009 : RG n° 07/02022
Publication : Jurica
Extrait : « Cependant, dans cet avenant, l'employeur a ajouté la clause suivante : « il est important de noter que Madame Z. sera susceptible de pouvoir modifier la répartition de l'horaire de travail de Monsieur X. dans les conditions suivantes : - modification des horaires de travail suite à la mise en place d'une nouvelle organisation, - modification des horaires de travail mensuel (changement de planning), - modification de l'ensemble des horaires de travail durant la période de basse activité, - modification de l'ensemble des horaires de travail durant la période de haute activité (avec possibilité d'effectuer chaque semaine les heures complémentaires conventionnelles), - surcroît d'activité ponctuel ou permanent (hors période de basse et haute activité), - remplacement d'un ou d'une collègue de travail absent (e) pour quelque motif que ce soit, - obligation du renforcement de l'équipe, - nouvelles exigences de la clientèle. »
Considérant qu'il s'agissait là d'une clause abusive, Monsieur X. a refusé de signer l'avenant. Le 14 mars 2006, il était alors licencié notamment pour avoir refusé de signer l'avenant au contrat de travail.
La répartition de l'horaire de travail d'un salarié à temps partiel, selon des critères multiples décidés par l'employeur en fonction des aléas de la gestion de son entreprise, ne pouvait pas être décidée sans l'accord du salarié. L'horaire ne pouvait pas être modifié sans l'assentiment du salarié. En effet, les diverses conditions permettant la modification des horaires de travail telles qu'elles sont indiquées dans l'avenant au contrat de travail auraient placé le salarié à temps partiel à la disposition permanente de l'employeur. Le salarié ne pouvait donc trouver du travail pour l'autre partie de son temps partiel, ce qui constitue une atteinte à la liberté du travail. Madame Z. ne pouvait donc pas imposer à son salarié, engagé dans le cadre d'un contrat à temps partiel, la modification de son horaire de travail dans les conditions qu'elle exigeait. Dès lors, le licenciement décidé par cet employeur sur ce motif n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 JANVIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02022. CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AUBENAS 24 avril 2007 Section: Commerce.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], représenté par Maître Vanessa DOUX, avocat au barreau d'AUBENAS
INTIMÉE :
Madame Y. épouse Z.
[adresse], représentée par Maître Charles IMBERT, avocat au barreau de PRIVAS, substitué par Maître COSTANTINI, avocat au barreau de PRIVAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Régis TOURNIER, Président, Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, [minute Jurica page 2] Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller,
GREFFIER : Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 2 décembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 janvier 2009
ARRÊT : Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 13 janvier 2009, date indiquée à l'issue des débats,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur X. a été embauché le 22 mars 2004 en qualité de cuisinier par Madame Z., qui exploite l'hôtel des touristes à [ville V.] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel.
Il a été licencié, le 14 mars 2006, pour faute grave au motif notamment qu'il opposait un refus réitéré de voir modifier ses horaires de travail afin que ceux-ci soient en adéquation avec les obligations de présence durant le service.
Contestant la légitimité de son licenciement, il a saisi le Conseil de prud'hommes d'Aubenas qui, par jugement rendu en formation de départage le 24 avril 2007, l'a débouté de ses demandes, retenant l'existence d'un motif réel et sérieux de licenciement.
Monsieur X. a régulièrement relevé appel de cette décision.
Il fait valoir que :
- son licenciement résulte en réalité du fait que l'employeur avait fait l'objet d'un contrôle de la part des services de l'inspection du travail qui lui avait enjoint de modifier le contrat de travail qui ne précisait pas les horaires afin qu'il soit conforme aux exigences légales,
- son refus d'accepter les nouvelles modalités horaires ne peut être analysé comme fautif dans la mesure où l'avenant au contrat de travail proposé par l'employeur ne peut être interprété comme portant sur l'existence d'heures complémentaires nécessaires en raison de l'accroissement saisonnier du travail et qu'il s'agit en réalité d'un avenant tendant à corriger l'illégalité du contrat de travail qui ne stipulait pas la répartition des heures de travail du salarié à temps partiel sur la semaine,
- il était donc fondé à refuser de signer ce nouveau contrat de travail qui, en outre, contenait une clause abusive permettant la modification de la répartition de ses horaires selon le bon vouloir de l'employeur,
- les autres griefs allégués, qui ne sont que la conséquence du refus, ne sont aucunement établis.
Il demande la condamnation de Madame Z. à lui payer les sommes suivantes :
- 5.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.126,80 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- [minute Jurica page 3] 112,68 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Z. a formé un appel incident et demande à la Cour de retenir l'existence d'une faute grave du salarié pour avoir refusé toute modification de son contrat de travail, avoir abandonné son poste à 14 heures avant la fin du service sans avoir nettoyé et rangé la cuisine dont il était responsable.
Elle sollicite la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- les horaires de travail de Monsieur X. étaient précis et n'ont quasiment jamais été modifiés et que notamment en sa qualité de cuisinier la fin de son service était programmée du lundi au vendredi à 14 heures,
- devant l'accroissement de sa clientèle, elle a désiré modifier l'horaire du salarié ce que ce dernier a systématiquement refusé d'une manière abusive,
- les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont démontrés par les pièces produites aux débats et notamment les attestations.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
- Sur le licenciement :
Monsieur X. a été engagé par Madame Z., qui exploite un hôtel restaurant, en qualité de cuisinier.
Le contrat de travail conclu le 22 mars 2004 ne prévoit pas de répartition des horaires sur la semaine se contentant de préciser que la durée du travail est fixée à 25 heures par semaine.
Il résulte de l'examen des relevés d'heures individuels hebdomadaires du salarié pour la période des mois de septembre, octobre et novembre 2005 que celui-ci prenait régulièrement son travail le matin à 9 heures pour le terminer à 14 heures et que parfois il était amené à travailler certains soirs de 18 heures à 21 heures.
Il n'est pas contesté que l'employeur, arguant d'un accroissement de la clientèle, a souhaité modifier les horaires de travail de son salarié et, à ce titre, a établi, le 24 novembre 2005 un avenant au contrat de travail à temps partiel maintenant la durée du travail à 25 heures et répartissant ainsi qu'il suit les horaires à la semaine :
- les lundis mardis mercredis et jeudis de 9 heures à 14 heures 15 et le vendredi de 17 heures à 21 heures.
Cependant, dans cet avenant, l'employeur a ajouté la clause suivante :
« il est important de noter que Madame Z. sera susceptible de pouvoir modifier la répartition de l'horaire de travail de Monsieur X. dans les conditions suivantes :
- modification des horaires de travail suite à la mise en place d'une nouvelle organisation,
- [minute Jurica page 4] modification des horaires de travail mensuel (changement de planning),
- modification de l'ensemble des horaires de travail durant la période de basse activité,
- modification de l'ensemble des horaires de travail durant la période de haute activité (avec possibilité d'effectuer chaque semaine les heures complémentaires conventionnelles),
- surcroît d'activité ponctuel ou permanent (hors période de basse et haute activité),
- remplacement d'un ou d'une collègue de travail absent (e) pour quelque motif que ce soit,
- obligation du renforcement de l'équipe,
- nouvelles exigences de la clientèle. »
Considérant qu'il s'agissait là d'une clause abusive, Monsieur X. a refusé de signer l'avenant.
Le 14 mars 2006, il était alors licencié notamment pour avoir refusé de signer l'avenant au contrat de travail.
La répartition de l'horaire de travail d'un salarié à temps partiel, selon des critères multiples décidés par l'employeur en fonction des aléas de la gestion de son entreprise, ne pouvait pas être décidée sans l'accord du salarié.
L'horaire ne pouvait pas être modifié sans l'assentiment du salarié.
En effet, les diverses conditions permettant la modification des horaires de travail telles qu'elles sont indiquées dans l'avenant au contrat de travail auraient placé le salarié à temps partiel à la disposition permanente de l'employeur.
Le salarié ne pouvait donc trouver du travail pour l'autre partie de son temps partiel, ce qui constitue une atteinte à la liberté du travail.
Madame Z. ne pouvait donc pas imposer à son salarié, engagé dans le cadre d'un contrat à temps partiel, la modification de son horaire de travail dans les conditions qu'elle exigeait.
Dès lors, le licenciement décidé par cet employeur sur ce motif n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.
L'ensemble des divers autres motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, qualifiés de fautes graves par ce dernier, ne sont que la conséquence du refus opposé par le salarié de signer l'avenant à son contrat de travail.
Ils ne permettent pas non plus de légitimer un licenciement.
Il convient dans ces conditions de réformer le jugement déféré.
- Sur les conséquences :
Monsieur X., embauché le 22 mars 2004, et licencié le 14 mars 2006, avait presque deux ans d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail.
En l'état des préjudices qu'il a subis il convient de lui allouer la somme de 5.000 euros en application [minute Jurica page 5] de l'article L. 122-14-5 du Code de travail.
Le salarié licencié a droit à une indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire soit la somme de 1.126,80 euros à laquelle il convient d'ajouter les congés payés afférents, soit 112,68 euros.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
Il lui est alloué la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Monsieur X. ne repose pas sur un motif réel et sérieux,
Condamne Madame Z. exerçant sous l'enseigne commerciale « Hôtel Restaurant Les Touristes » à payer à Monsieur X. les sommes suivantes :
- 5.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.126,80 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 112,68 euros au titre des congés payés sur l'indemnité de préavis,
- 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président et Madame SIOURILAS, Greffier, présente lors du prononcé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,