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JUR. PROXIM. LORIENT, 27 août 2009

Nature : Décision
Titre : JUR. PROXIM. LORIENT, 27 août 2009
Pays : France
Juridiction : Lorient (JProx)
Demande : 91-08-000276
Décision : 2009/238
Date : 27/08/2009
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 11/12/2008
Numéro de la décision : 238
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2734

JUR. PROXIM. LORIENT, 27 août 2009 : RG n° 91-08-000276 ; jugement n° 2009/238

 

Extrait : « Selon l'article 2.e) de la directive, le critère générique de l' « altération substantielle du comportement économique du consommateur » s'entend d'une diminution sensible de « l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause ». Au préalable, il importe de retenir que le prix du lot n'est pas ventilé entre le matériel et le logiciel. Au moment de la transaction, la société ASUS observe à ce sujet le silence et ne recueille pas le consentement du consommateur ; elle omet de porter à la connaissance de ce dernier le montant et les modalités du remboursement de même qu'elle prive par ailleurs abusivement le consommateur du droit de choisir les logiciels de son choix. En outre, il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la vente liée mise en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, de conserver le système d'exploitation Windows de Microsoft.

Dans le cas présent, il est suffisamment établi que l'ensemble de ces éléments ont diminué sensiblement l'aptitude de M. X. à prendre une décision en connaissance de cause. En l'espèce, l'opération conclue entre M. X., la société NWT et la société ASUS contrevient tant aux dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation que de la directive 2005/29/CE. »

 

JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE LORIENT

JUGEMENT DU 27 AOÛT 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 91-08-000276. Jugement n° 2009/238. N° archives 2009/228.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

[adresse], comparant en personne

 

DÉFENDEURS :

SARL ASUS FRANCE IMMEUBLE HORIZON

[adresse], représentée par Maître KUO-ROBERT Li-Chiu, avocat au barreau de PARIS

SARL NO WORK TECH (NWT)

[adresse], représentée par M. DEMIRKOPRU - Gérant

 

COMPOSITION DE LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ :

Juge de Proximité : G. LE MEUR

Greffier : F. PICHOT

DÉBATS : Audience du 25 juin 2009

JUGEMENT : Mis à disposition le 27 août 2009

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS :

Le 27 mai 2008, M. X. achetait auprès de la société « no work techs » à LORIENT un ordinateur portable de marque ASUS, moyennant le prix global de 1.100 euros, pré-équipé d'un système d'exploitation Windows Vista Home Premium OEM, sans que ceci ait été préalablement portée à sa connaissance. L'acquisition se faisait sur présentation d'un catalogue de la société ASUS et non sur celle du matériel dont il n'a pas pu expérimenter les fonctionnalités.

Ni sur le catalogue, sur lequel il effectuait son choix, ni sur la facture qui lui était remise, le prix comportait une distinction entre le matériel et les logiciels d'exploitation et d'utilisation préinstallés.

De retour à son domicile, lors du premier démarrage de l'appareil, s'affichait à l'écran le contrat de licence de logiciel MICROSOFT, stipulant que ses termes constituent un contrat entre lui et le fabricant de dispositifs qui distribuent le logiciel avec le dispositif, en l'occurrence la société ASUS, ainsi qu'une série de clauses précédée des indications suivantes imprimées en caractères gras :

« En utilisant le logiciel, vous acceptez ces ternies. Si vous ne les acceptez pas, n'utilisez pas le logiciel. Contactez le fabricant ou l'installateur afin de connais leurs modalités de retour des marchandises pour vous faire rembourser ».

Se conformant à ces indications, M. X. sollicitait de la Société ASUS FRANCE, par un courrier du 31 mal 2008, le remboursement de l'ensemble des logiciels pré-installés dont il n'avait pas l'usage.

La Société ASUS lui faisait connaître, par une lettre du 24 juin, les formalités auxquelles il devait se soumettre, et à l'achèvement desquelles il lui serait rembourser la somme de 40 euros.

Estimant celles-ci abusives, en tous cas trop contraignantes, M. X. refusait de s'y soumettre et notifiait à la Société ASUS le 10 juillet 2008 une mise en demeure d'avoir à lui formuler une proposition de remboursement décente - soit une somme comprise entre 180 et 220 euros - sans autre formalité que le retour de l'autocollant de licence dit « COA » apposé sous l'appareil.

La Société ASUS faisait notifier son refus par un courrier de son avocat du 22 juillet 2008.

Selon une déclaration reçue au greffe de ce Tribunal le 11 décembre 2008, M. X. saisissait la Juridiction de Proximité sollicitant de :

- dire que le contrat de licence utilisateur final des logiciels s'applique aux seules licences logiciels et non au matériel et que la Société ASUS ne saurait subordonner le remboursement des licences à un quelconque retour du matériel,

- dire que ce contrat aurait dû lui être présenté avant son achat de même que le prix de remboursement des licences,

- condamner la Société ASUS à lui payer les sommes de 105 € en remboursement de la licence Microsoft Windows Vista Home Premium, 80 € pour la licence Office One, et 20 pour la licence Nero 7 OEM,

- condamner la Société ASUS à lui payer la somme de 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

[minute page 3] A l'audience du 26 mars 2009, il faisait valoir qu'il n'avait pas eu connaissance des dispositions imposées par la Société ASUS pour le remboursement des licences au moment de son achat, mais seulement lors de la mise en marche de l'appareil à son domicile et que la procédure imposée par la Société ASUS est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Il soutenait que la Société ASUS ne peut conditionner le remboursement des licences au retour du matériel dans son établissement ce qu'elle n'exige d'ailleurs plus dans le cadre de la nouvelle procédure mise en place récemment. Il soulignait que la Société ASUS avait été condamnée à plusieurs reprises à ce titre et que son procédé n'a pas été entériné par la Cour de Cassation.

Il soutenait également que le remboursement proposé était dérisoire proportionnellement à la valeur de l'ensemble et demandait de débouter la Société ASUS de toutes ses prétentions.

La Société ASUS s'est opposée à toutes ces prétentions qu'elle a demandé de rejeter, sollicitant de lui donner acte de son offre d'appliquer à M. X. la procédure de remboursement Windows Vista OEM (Home Premium) mise en place à compter du 30 septembre 2008, et de juger qu'il se doit de la respecter.

Elle sollicitait la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 2.000 € pour ses frais irrépétibles.

Elle décrivait et justifiait le bien fondée de la procédure de remboursement dont elle déclarait qu'elle a été, selon ses termes, consacrée par un arrêt de la 1re Chambre Civile de la cour de cassation rendu le 5 juin 2008 qui fait jurisprudence.

Elle soutenait que le remboursement d'un montant de 40 € en contrepartie de la licence Windows Home Premium OEM correspondait à sa juste valeur et qu'aucun remboursement n'est proposé pour les autres en raison de leur nature publicitaire.

Aux motifs que M. X. n'a eu connaissance des informations dénommées « contrat de licence d'utilisateur final » que postérieurement à son acquisition et que par ailleurs celle-ci a été faite auprès de la société NWT, la réouverture des débats a été ordonnée par un jugement rendu le 23 avril 2009, de même que l'appel à la cause de la société NWT et les parties ont été invitées à s'expliquer sur l'opposabilité à monsieur X. des dispositions du contrat de licence.

Par un acte d'huissier de Justice signifié le 20 mai 2009, M. X. a fait assigner devant la présente juridiction la société NWT, lui donnant connaissance de la décision rendue, pour être entendu et faire toutes observations sur la saisine du tribunal.

A l'audience de renvoi du 25 juin 2009, M. X. demande à la Juridiction de :

- Dire que le contrat de licence utilisateur final (CLUF) de ces logiciels s'applique aux seules licences logicielles et non au matériel, et que la société ASUS ne saurait subordonner le remboursement des licences à un quelconque retour du matériel,

- Dire que ce contrat aurait du lui être présenté avant son achat, ainsi que le prix des licences logicielles,

- Condamner la société ASUS à lui payer la somme de 105 « à titre de remboursement de la licence de Microsoft Windows Vista Home Premium OEM, et 100 € à titre de remboursement des autres licences logicielles : Office One (80 €) et Neto 7 OEM (20 €).

- [minute page 4] Condamner la société ASUS à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société ASUS aux entiers dépens,

- Subsidiairement,

- Conclure au rejet de toute prétention de la société ASUS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile comme contraire à l'équité, notamment en raison de la disproportion entre sa situation et les moyens d'une multinationale.

A cette audience, reprenant l'ensemble des moyens précédemment développés par elle, la société ASUS s'est opposée à toutes ces prétentions et elle a demandé à la Juridiction de :

- Rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur X. comme étant infondées,

- Lui donner acte de ce qu'elle propose d'appliquer à Monsieur X. la procédure de remboursement Windows Vista OEM (Home Premium) mise en place à compter du 30 septembre 2008,

- Dire et juger que [M. X.] doit respecter cette procédure de remboursement Windows Vista OEM (Home Premium) de la société ASUS,

- Condamner M. X. à payer à la société ASUS France SARL la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner M. X. en tous les dépens.

La société NO WORK TECH a exposé les circonstances de fait selon lesquels M. X. a fait l'acquisition de son ordinateur portable, à savoir sur la présentation d'un catalogue édité par la société ASUS présentant ses différents modèles ainsi que leur caractéristiques techniques. Elle précise qu'elle ne dispose pas de matériel de présentation et qu'elle n'a tenu que le rôle d'un intermédiaire transparent entre la société ASUS et M. X.

Pour un plus ample informé des moyens et prétentions des parties, la Juridiction se réfère expressément à l'exposé motivé de la déclaration de saisine de Monsieur X. du 9 décembre 2008, aux trois pages de notes manuscrites remises par lui à l'audience du 25 juin 2009 et développées par lui lors de celle-ci, ainsi qu'aux conclusions déposées et soutenues à cette même audience pour la société ASUS.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les instances opposant M. X. aux sociétés ASUS FRANCE et NO WORK TECH, enrôlées sous les numéros 91-08-276 et 91-09-187 sont jointes, en raison de leur connexité.

Vu les dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile ;

Vu les dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation ;

Vu les dispositions de la directive 2005/29/CE, paragraphes 52 et 65 ;

[minute page 5] La directive 2005/29/CE prohibe les pratiques commerciales déloyales, qu'elle définit par réunion de deux conditions cumulatives :

- une contrariété aux exigences de la diligence professionnelle,

- une altération, effective ou potentielle, substantielle du comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse.

 

SUR LA CONTRARIÉTÉ AUX EXIGENCES DE LA DILIGENCE PROFESSIONNELLE :

Il est établi que Monsieur X. a acquis l'ordinateur portable auprès de la société NWT en portant son choix, sur la présentation par celle-ci d'un catalogue édité par la société ASUS (pièce n° 21) recensant les différents modèles offerts avec leurs caractéristiques techniques. Il est également établi et admis par la société ASUS elle-même que le catalogue ne précise pas que le matériel se trouve pré-équipé d'un système d'exploitation et enfin, aucune distinction n'est faite entre le prix du matériel et celui du logiciel d'exploitation.

L'existence d'une procédure de remboursement ainsi que le contenu du contrat de licence Windows ne sont pas davantage explicités. Tous ces éléments étaient également ignorés de la société NWT, vendeur immédiat de ce matériel à Monsieur X.

Il est communément admis que le matériel et le logiciel sont des produits distincts. La fourniture d'un logiciel constitue une prestation de service dont le paiement ne donne qu'un droit d'usage ; son régime juridique est totalement différent de celui qui s'applique au matériel acquis en pleine propriété au terme d'un contrat de vente.

La société ASUS a pré-équipé l'ordinateur portable acheté par Monsieur X. d'un système d'exploitation Windows, de Microsoft dont elle a déterminé le coût ainsi que les modalités suivant lesquelles, à posteriori, et après accomplissement de formalités très contraignantes, elle lui a offert de renoncer. Au surplus, le consommateur se trouve contraint d'avoir un autre interlocuteur que son vendeur Immédiat. Une telle pratique est contraire à l'Intérêt du consommateur.

Depuis le début des années 1990, il est possible d'exploiter les ordinateurs au moyen de logiciels gratuits, le plus célèbre dénommé « Linux » étant présent sur plus d'un ordinateur sur dix, des constructeurs informatiques l'ayant même installé sur certaines de leurs machines. Il en existe actuellement pour n'importe quelle fonction, ceux-ci étant disponibles en téléchargement gratuit sur Internet. Ainsi « Open Office », suite bureautique qui réunit notamment un traitement de texte et un tableur est adapté par un nombre croissant d'administrations qui y trouvent un moyen de réduire les coûts puisqu'il n'y a pas de licence à payer.

Techniquement, l'intérêt du consommateur se trouverait dans la mise en place d'un système d'optionalité des logiciels et de la mise en œuvre d'une procédure simple permettant l'effacement au démarrage des logiciels préinstallés

L'on se trouve donc bien en présence d'un lot, constitué par le matériel et le logiciel « imposé » dont l'achat par M. X. n'a pas été effectué en connaissance de cause en raison d'un manquement de la société ASUS à la diligence professionnelle.

[minute page 6]

SUR L'ALTÉRATION DU COMPORTEMENT :

Selon l'article 2.e) de la directive, le critère générique de l' « altération substantielle du comportement économique du consommateur » s'entend d'une diminution sensible de « l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause ».

Au préalable, il importe de retenir que le prix du lot n'est pas ventilé entre le matériel et le logiciel. Au moment de la transaction, la société ASUS observe à ce sujet le silence et ne recueille pas le consentement du consommateur ; elle omet de porter à la connaissance de ce dernier le montant et les modalités du remboursement de même qu'elle prive par ailleurs abusivement le consommateur du droit de choisir les logiciels de son choix.

En outre, il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la vente liée mise en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, de conserver le système d'exploitation Windows de Microsoft.

Dans le cas présent, il est suffisamment établi que l'ensemble de ces éléments ont diminué sensiblement l'aptitude de M. X. à prendre une décision en connaissance de cause.

En l'espèce, l'opération conclue entre M. X., la société NWT et la société ASUS contrevient tant aux dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation que de la directive 2005/29/CE.

 

SUR LA SANCTION DU PROCÉDÉ DE LA SOCIÉTÉ ASUS :

Le procédé mis en œuvre par la société ASUS au préjudice de M. X. en ce qu'il contrevient aux dispositions précitées, constitue une pratique commerciale déloyale fautive qui entre dans les prévisions des dispositions de l'article 1382 du Code civil.

Même en sa qualité de tiers au contrat de vente entre les sociétés ASUS et NWT, puisque M. X. n'est que le sous-acquéreur de l'ordinateur AS US, il n'en demeure pas moins fondé à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de cette société (Cassation Assemblée Plénière, 6 octobre 2006, n° 05-13.255).

Au vu des éléments produits, notamment les prix pratiqués sur le marché pour les bols licences litigieuses, la juridiction dispose des éléments suffisants pour évaluer et fixer le préjudice subi par M. X. à la somme de 205 €.

Il découle de ceci, que l'ensemble des moyens opposants développés par la société ASUS s'avère inopérant.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de M. X. les frais qu'il s'est trouvé contraint d'engager pour faire valoir ses droits, notamment le temps qu'Il a consacré pour préparer ses dossiers ainsi que pour assister aux audiences.

Au vu des éléments dont il justifie, il lui est alloué la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

[minute page 7] La partie perdante supporte les dépens et ne peut de ce fait obtenir l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les numéros 91-08-276 et 91-09-187,

PRONONCE la mise hors de cause de la société no WORK TECH,

CONDAMNE la société ASUS FRANCE à payer à M. X. la somme de 205 € à titre de dommages et Intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour du présent Jugement,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes tant irrecevables que mal fondées,

CONDAMNE la société ASUS FRANCE à payer à M. X. la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La présente décision a été signée par G. LE MEUR, Président d'audience et F. PICHOT, Greffier.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,