TGI MARSEILLE (10e ch.), 4 février 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 2752
TGI MARSEILLE (10e ch.), 4 février 2003 : RG n° 5214/01 ; jugement n° 61
(sur appel CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 20 janvier 2004 : RG n° 03/04898 ; arrêt n° 2004/45)
Extrait : « Attendu que le fait que la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE soit tenue d'installer un certain nombre d'antennes sous peine de perdre une partie des fréquences qui lui avaient été attribuées ne la dispense pas d'observer la plus grande loyauté lors de la conclusion des contrats ayant pour objet l'installation desdites antennes ;
Attendu que l'absence d'obligation légale d'information dans ce domaine ne dispense pas la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE du respect des règles de droit en cette matière ;
Attendu que la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE, qui ne saurait prétendre ne pas avoir été au fait des discussions scientifiques relatives a la répercussion de ses installations sur la santé humaine, était tenue d'en informer clairement et explicitement M. X., compte tenu de la gravité du risque en question, que la dissimulation de cette information, qui ne peut qu'avoir été intentionnelle dans la mesure où la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE était un professionnel parfaitement informé, est constitutif d'une réticence dolosive ;
Attendu qu'il est incontestable que, s'il avait été informé de ce risque sanitaire, M. X. n'aurait pas accepté de signer le contrat d'installation de l'antenne litigieuse, qu'en l'état du caractère déterminant de la réticence dolosive en cause, il convient de prononcer la nullité de la convention du 6 janvier 2000 et d'ordonner le retrait des installations de téléphonie mobile posées sur l'immeuble de M. X., sous astreinte de 150,00 Euros par jour de retard ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE
DIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 4 FÉVRIER 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 5214/01. Jugement n° 61.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame M. LAPEYRERE, Vice Président, Madame D. TERNY, Juge, Madame C. MANNONI, Juge
Madame A. TCHEUREKDJIAN, Greffier
DÉBATS : Audience publique du 3 décembre 2002, à l'issue de laquelle une date de délibéré a été indiquée : 4 février 2003 [minute page 2]
PRONONCÉ : A L'AUDIENCE DU 4 FÉVRIER 2003 PAR Madame C. MANNONI, Juge, ayant participé aux débats et au délibéré, en application des articles 452 et 456 du Nouveau Code de Procédure Civile assistée de Madame A. TCHEUREKDJIAN, Greffier
JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
DEMANDEUR :
Monsieur X.
demeurant et domicilié [adresse], Ayant Maître Sylvie DEL MORO pour Avocat postulant, Ayant la SCP Jean-Claude SEBAG, Avocat au Barreau d'AIX EN PROVENCE, pour Avocat plaidant
DÉFENDEUR :
SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE
demeurant et domicilié [adresse], Ayant Maître Jean-Noël NATALELLI pour Avocat postulant, Ayant Maître Eric SPAETH, Avocat au Barreau de PARIS, pour Avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte en date du 14 mai 2001, invoquant la nullité du contrat conclu le 6 janvier 2000 pour dol, M. X. assignait la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE aux fins qu'elle soit condamnée à enlever ses installations sous astreinte de 381,12 Euros par jour de retard.
M. X. demandait en outre :
- la somme de 15.244,90 Euros à titre de dommages et intérêts
- la somme de 1.186,74 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. X. sollicitait enfin que le jugement à intervenir soit assorti de l'exécution provisoire.
La SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE concluait au débouté, faisant valoir qu'elle n'avait commis aucune réticence dolosive.
Reconventionnellement, la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE demandait la somme de 1.524,49 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1°) Sur la procédure :
Attendu que les conclusions en réponse de la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE ont été signifiées le 24 septembre 2001, qu'un avis de clôture a été délivré le 10 janvier 2002 pour le 28 février 2002, que la clôture a été reportée en raison d'un empêchement du Juge de la Mise en État ;
Attendu que M. X., en l'état de ces éléments, a cru devoir attendre le 30 mai 2002, nouvelle date prévue pour la clôture pour conclure et communiquer de nouvelles pièces, que, du reste, ces éléments sont parvenus au Juge de la Mise en État, postérieurement à l'audience et à la décision de clôture ;
[minute page 4] Attendu qu'en application de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, le juge doit faire observer le principe du contradictoire, qu'en conséquence, les parties doivent être en mesure de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des preuves produites, que concluant dans les conditions sus rappelées, M. X. a mis la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE dans l'impossibilité de répondre régulièrement a son argumentation, que ces conclusions et ces pièces particulièrement tardives seront déclarées irrecevables, en ce qu'elles sont contraires au principe du contradictoire ;
Attendu qu'au surplus, M. X. a encore communiqué de nouveaux documents les 14 août et 12 novembre 2002, soit postérieurement a la clôture ;
Attendu qu'en l'absence de tout motif grave, au sens de l'article 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, comme contraire au principe du contradictoire, de révoquer l'ordonnance de clôture, d'accueillir les nouveaux documents, communiqués par M. X. les 14 août et 12 novembre 2002, lesquels seront donc déclarés irrecevables ;
2°) Sur le dol :
Attendu qu'il est constant que le danger causé par le rayonnement des antennes de téléphonie mobile n'est pas scientifiquement démontré, que, toutefois, le fait que l'antenne en cause serait conforme aux normes réglementaires et ne présenterait aucun danger réel est sans influence sur la solution du litige, dans la mesure où il est clairement reproché a la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE son silence relativement à un risque sanitaire potentiel ;
Attendu qu'il est également constant que ce risque sanitaire, dont il ne saurait être contesté qu'il était connu des spécialistes avant même la signature du contrat litigieux, soit le 6 janvier 2000, n'était, à cette date, pas écarté, qu'il ne l'est, du reste, toujours pas ;
Attendu qu'aucun document explicatif sur ce point n'est annexé au contrat conclu le 6 janvier 2000, que les plans des abords de la maison de M. X., ainsi qu'un courrier relatif à la téléphonie et à la santé ont tardivement été envoyés à celui-ci le 27 septembre 2000, soit près de 10 mois après la signature du contrat ;
Attendu que le fait que la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE soit tenue d'installer un certain nombre d'antennes sous peine de perdre une partie des fréquences qui lui avaient été attribuées ne la dispense pas d'observer la plus grande loyauté lors de la conclusion des contrats ayant pour objet l'installation desdites antennes ;
Attendu que l'absence d'obligation légale d'information dans ce domaine ne dispense pas la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE du respect des règles de droit en cette matière ;
[minute page 5] Attendu que la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE, qui ne saurait prétendre ne pas avoir été au fait des discussions scientifiques relatives a la répercussion de ses installations sur la santé humaine, était tenue d'en informer clairement et explicitement M. X., compte tenu de la gravité du risque en question, que la dissimulation de cette information, qui ne peut qu'avoir été intentionnelle dans la mesure où la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE était un professionnel parfaitement informé, est constitutif d'une réticence dolosive ;
Attendu qu'il est incontestable que, s'il avait été informé de ce risque sanitaire, M. X. n'aurait pas accepté de signer le contrat d'installation de l'antenne litigieuse, qu'en l'état du caractère déterminant de la réticence dolosive en cause, il convient de prononcer la nullité de la convention du 6 janvier 2000 et d'ordonner le retrait des installations de téléphonie mobile posées sur l'immeuble de M. X., sous astreinte de 150,00 Euros par jour de retard ;
3°) Sur le préjudice de M. X. :
Attendu que M. X. fait état de préjudices certains sans en préciser la teneur, qu'en tout état de cause, le dol est de nature a lui avoir occasionné un préjudice moral qui sera valablement réparé par l'allocation de la somme de 2.000,00 Euros ;
4°) Sur les autres chefs de demandes :
Attendu qu'en raison de la nature et de l'ancienneté des faits, il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qu'il convient d'allouer à M. X. la somme équitable de 1.000,00 Euros ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE les frais irrépétibles par elle exposés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL
STATUANT en matière civile ordinaire, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE irrecevables les conclusions signifiées et les pièces communiquées par M. X. les 30 mai, 14 août et 12 novembre 2002,
PRONONCE la nullité du contrat conclu le 6 janvier 2000, entre M. X. et la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE,
ENJOINT à la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE de procéder à l'enlèvement des installations de téléphonie mobile posées sur l'immeuble de M. X., sous astreinte de 150,00 Euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,
CONDAMNE la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE à verser, avec intérêts au taux légal, à compter du jour du présent jugement, a M. X., la somme de 2.000,00 Euros, a titre de dommages et intérêts,
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement,
CONDAMNÉ la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DÉ RADIOTÉLÉPHONE à verser à M. X. la somme de 1.000,00 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
REJETTE la demande de la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
[minute page 7] REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE aux dépens, dont distraction au profit de Maître S. DEL MORO, Avocat sur son affirmation de droit,
AINSI FAIT ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE DE LA DIXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE LÉ 4 FÉVRIER 2003.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT