CASS. CIV. 1re, 19 novembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2845
CASS. CIV. 1re, 19 novembre 2009 : pourvoi n° 08-21645
Publication : Legifrance
Extrait : « Vu l’article 1147 et 1148 du code civil ; […] ; Qu’en statuant ainsi, quand, tenu d’une obligation de résultat quant aux services offerts, le fournisseur d’accès ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité à l’égard de son client en raison d’une défaillance technique, hormis le cas de force majeure, c’est-à-dire d’un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible au moment de son exécution, ce que la défaillance technique relevée, même émanant d’un tiers, ne permettait pas de caractériser à défaut d’imprévisibilité, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 08-21645.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société FREE
M. Bargue (président), président ; Maître Balat, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1147 et 1148 du code civil ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le 22 octobre 2004, M. X. a souscrit auprès de la société Free un abonnement dit « Free haut débit-dégroupage », au prix de 29,99 euros TTC mensuels, comportant une connexion au moyen d’une « freebox » ; qu’aux termes de l’article 3 des conditions générales du contrat, la société Free indiquait que ce forfait permettait à l’usager d’accéder à internet, via la technologie ADSL, incluant, pour le détenteur de la freebox, le service téléphonique ainsi que, principalement, la possibilité d’accéder à un service audiovisuel « lorsque l’usager se situe en zone dégroupée, et sous réserve de l’éligibilité de sa ligne téléphonique et des caractéristiques techniques » ; qu’ayant constaté, après réception et installation du matériel, qu’il ne pouvait avoir accès au service de télévision, M. X. a assigné la société Free devant le juge de proximité en remboursement des sommes versées et en paiement de dommages-intérêts ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour rejeter la demande, le jugement énonce qu’il est constant que, tant par les conditions générales du contrat que dès la souscription par mail, M. X. a été avisé que la télévision et le débit étaient fonction des caractéristiques de sa ligne téléphonique et des équipements présents dans le nœud de raccordement de l’abonné (NRA), qu’en novembre 2004, puis par courrier du 23 février 2005 et dans les courriers subséquents, il a été tenu informé que bien que détenteur d’une « free box » située dans une zone dégroupée, sa ligne téléphonique et le NRA dont il dépendait ne permettaient pas techniquement de recevoir la télévision, que la société Free n’a aucun pouvoir sur les équipements du NRA et des raccordements nécessaires à l’accès aux services de la réception de la télévision appartenant à la société France Telecom, que cette cause étrangère à sa technicité ne peut donc lui être imputée, qu’ayant exécuté son obligation d’information de professionnel sur les caractéristiques techniques des services offerts à un non professionnel en le prévenant de l’absence du service télévisuel dont elle justifie l’absence par une cause exonératoire de responsabilité, et ayant fourni à M. X. un accès aux offres génériques prévues au contrat, à savoir accès à internet et téléphonie illimitée, aucun manquement ne saurait lui être reproché ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, quand, tenu d’une obligation de résultat quant aux services offerts, le fournisseur d’accès ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité à l’égard de son client en raison d’une défaillance technique, hormis le cas de force majeure, c’est-à-dire d’un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible au moment de son exécution, ce que la défaillance technique relevée, même émanant d’un tiers, ne permettait pas de caractériser à défaut d’imprévisibilité, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er juillet 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité d’Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Montargis ;
Condamne la société Free aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Free, la condamne à payer à M. X. la somme de 2.500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille neuf.
COMPOSITION DE LA COUR (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. Bargue (président), président ; Maître Balat, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s).
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Balat, avocat aux Conseils, pour M. X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché au jugement attaqué d’avoir rejeté l’ensemble des demandes de Monsieur X. et de l’avoir condamné à payer à la Société FREE la somme de 150 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’ il convient de retenir l’application des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil ; qu’ainsi, il incombe à tout professionnel une obligation de résultat ; que le fournisseur de téléphonie ne peut se dégager de son obligation de résultat qui consiste à fournir l’accès au service de tous ses abonnés dans toutes les circonstances autres que celles relevant des cas de force majeure sans pouvoir exclure ou réduire sa responsabilité ; qu’en l’espèce, il est constant que, le 22 octobre 2004, Monsieur X. a souscrit un abonnement à l’offre Free haut débit dégroupage comprenant un accès Internet ADSL et la téléphonie gratuite illimitée ; qu’il avait été avisé dès la souscription par mail que la télévision et le débit étaient fonction des caractéristiques de la ligne téléphonique et des équipements présents dans le NRA (nœud de raccordement de l’abonné) ; qu’au surplus, les conditions générales du contrat dites « de vente du forfait Free haut débit » dans leur article 3 – Services fournis par FREE et leur article 7.2 – Conditions techniques – telles que produites aux débats, comportent expressément que : « … le forfait inclut principalement la possibilité d’accéder à un service audiovisuel lorsque l’usager est détenteur d’une Freebox, se situe en zone dégroupée et sous réserve de l’éligibilité de sa ligne téléphonique et des caractéristiques techniques » et que « la qualité et l’exhaustivité des services sont tributaires des caractéristiques techniques qui ne peuvent être mesurées qu’une fois la ligne câblée et l’équipement fonctionnel » ; que Monsieur X. avait été avisé par un mail de FREE de ces modalités dès son inscription de dégroupage en novembre 2004, puis par courrier du 23 février 2005 et dans les courriers subséquents, que : « … bien que détenteur d’une Freebox et situé dans une zone dégroupée, sa ligne et le NRA dont il dépendait ne permettaient pas techniquement de recevoir la télévision » ; que France Télécom est propriétaire des équipements du NRA et des raccordements nécessaires à l’accès aux services de la réception de la télévision sur lesquels FREE n’a aucun pouvoir ; que cette cause étrangère à la technicité de FREE ne peut lui être imputée ; que Monsieur X. soutient que France Télécom l’a assuré que sa ligne était éligible au service télévisuel dès le début de son abonnement sans en apporter la preuve ; que la SAS FREE de son côté soutient que ce n’est que le 10 août 2006 que le réseau de raccordement dont dépend Monsieur X. a été équipé pour distribuer la télévision ; que Monsieur X. fait valoir qu’il bénéficie de la télévision par les services d’un autre opérateur, ce que la SAS FREE ne conteste pas lui ayant expliqué que c’est une technologie différente d’un réseau indépendant utilisé par cet opérateur qui lui permet d’offrir ce service ; que la SAS FREE apporte aux débats les éléments tendant à prouver qu’elle a respecté son obligation de fournir à Monsieur X. un accès aux offres génériques prévues au contrat, à savoir accès Internet ADSL et téléphonie illimitée ; qu’elle a exécuté son obligation d’information de professionnel sur les caractéristiques techniques des services offerts à un non professionnel en le prévenant de l’absence du service télévisuel dont elle justifie l’absence par une cause exonératoire de responsabilité ; que Monsieur X. n’apporte aucun justificatif de sa demande de remboursement de la somme de 957,60 € représentant 24 mois d’abonnement à 39,90 €, alors que l’abonnement mensuel est facturé 29,90 €et qu’il bénéficie d’une façon satisfaisante des services du téléphone illimité et de l’accès Internet ADSL depuis novembre 2004 ; qu’il ne justifie pas plus de sa demande d’indemnisation d’un préjudice matériel subi dans le cadre et pour la résolution du litige, quand il a conservé l’usage de l’abonnement à un autre opérateur TV, alors que FREE lui offrait, sans engagement financier supplémentaire et à partir du 10 août 2006, le service télévisuel, objet du présent litige ; qu’il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur X. de l’ensemble de ses demandes ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE l’obligation de résultat qui pèse sur le fournisseur d’accès Internet lui interdit d’invoquer une quelconque clause de la convention d’abonnement l’exonérant de responsabilité en cas de défaillance technique si, hors cas de force majeure, cette clause a pour effet de le décharger de son obligation consistant à assurer effectivement l’accès au service promis ; qu’en exonérant la Société FREE de toute responsabilité envers Monsieur X. en raison des clauses du contrat d’abonnement faisant état de réserves sur la possibilité technique d’un acheminement effectif des chaînes de télévision par le fournisseur d’accès (jugement attaqué, p. 3 § 2 à 4), cependant que ces clauses, qui exonéraient la Société FREE de toute obligation d’assurer effectivement le service promis, même au titre de circonstances ne revêtant pas le caractère de la force majeure, étaient nécessairement abusives et ne pouvaient être mises en œuvre, la juridiction de proximité a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil et l’article L.132-1 du Code de la consommation ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’événement invoqué au titre de la cause étrangère doit être imprévisible pour entraîner l’exonération totale du débiteur d’une obligation de résultat ; qu’en considérant que l’insuffisance technique de la ligne téléphonique France Télécom de Monsieur X. constituait une cause étrangère de nature à exonérer la Société FREE de sa responsabilité au titre du défaut d’accès de l’abonné au service télévisuel (jugement attaqué, p. 3 § 5 et 6), cependant que le problème technique invoqué par le fournisseur d’accès n’était nullement imprévisible puisqu’il lui aurait suffit de tester la ligne de téléphone litigieuse avant de faire souscrire le contrat d’abonnement pour que cette difficulté soit constatée et que le service d’accès à la télévision soit exclu du champ contractuel, le juge de proximité, qui n’a en définitive pas caractérisé le fait que la Société FREE s’était trouvée confrontée à une cause étrangère, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1147 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QU’ en déboutant Monsieur X. de ses demandes, au motif que celui-ci « n’apporte aucun justificatif de sa demande de remboursement de la somme de 957,60 euros représentant 24 mois d’abonnement à 39,90 euros, alors que l’abonnement mensuel est facturé 29,90 euros et qu’il bénéficie d’une façon satisfaisante des services du téléphone illimité et de l’accès Internet ADSL depuis novembre 2004 » (jugement attaqué, p. 3 in fine), cependant que, dès lors qu’elle constatait elle-même le montant exact du coût de l’abonnement, et qu’elle relevait par ailleurs que les services de téléphone et de l’Internet avaient été assurés, elle était en mesure et il lui incombait d’évaluer le préjudice subi par Monsieur X. au titre de l’absence d’accès, pendant deux ans, au service de télévision, la juridiction de proximité a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché au jugement attaqué d’avoir condamné Monsieur X. à payer à la Société FREE la somme de 150 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’ il est constant que Monsieur X. ne pouvait se méprendre sur l’étendue et les limites de ses droits d’accès, suite aux échanges avec la SAS FREE dès novembre 2004 ; qu’il a par ailleurs souscrit dès le 12 janvier 2005 un abonnement TV numérique auprès de l’autre opérateur, à savoir NOOS, auquel il est toujours abonné ; que c’est de mauvaise foi qu’il a cependant persisté dans son action en demande de dommages et intérêts jusqu’au 14 mai 2007, alors qu’il avait été dûment informé de l’impossibilité technique de la réalisation de sa demande et ce, jusqu’au 10 août 2006, date à laquelle le service télévisuel lui a été offert ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU’ en condamnant Monsieur X. à payer à la Société FREE une somme de 150 € au titre d’une procédure abusive, aux motifs que l’intéressé avait été informé par le fournisseur d’accès dès le mois de novembre 2004 des limites de son droit d’accès, qu’il avait souscrit un abonnement TV auprès d’un tiers et qu’il avait été informé de l’impossibilité technique de la réalisation de sa demande (jugement attaqué, p. 4 § 2 à 4), cependant que ces circonstances, toutes postérieures à la souscription par Monsieur X. de son contrat d’abonnement en date du 22 octobre 2004, ne pouvaient être de nature à rendre abusive la demande de celui-ci contestant la mauvaise exécution par la Société FREE de ses obligations, la juridiction de proximité, qui n’a en définitive pas caractérisé l’abus qu’elle a cru devoir sanctionner, a violé l’article 1382 du Code civil.